dimanche 27 avril 2025

Compte-rendu critique, opéra. Montpellier, le 15 juillet 2017. BELLINI : I Puritani. Deshayes, Albelo, Barbera, Nicola Ulivieri. Jader Bignamini.

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Compte-rendu critique, opéra. Montpellier. Opéra Berlioz / Le Corum, le 15 juillet 2017. Vincenzo Bellini : I Puritani. Karine Deshayes, Celso Albelo, René Barbera, Nicola Ulivieri. Jader Bignamini, direction musicale. Fidèle à son habitude et toujours friand de raretés, le Festival de Montpellier Occitanie a décidé, une fois n’est pas coutume, de jeter son dévolu sur un ouvrage célèbre, rien moins que le testament lyrique de Bellini, I Puritani. Mais surprise, c’est dans la rare version remaniée pour le San Carlo de Naples que nous redécouvrons ce joyau du répertoire italien. En effet, le cygne de Catane avait pour l’occasion remis son ouvrage sur le métier, réécrivant la partie d’Elvira pour Maria Malibran et modifiant la tessiture du rôle de Riccardo qui, de baryton, devenait ténor. Las, le théâtre napolitain annula sa commande et la Malibran n’incarna jamais le rôle réécrit à son intention, puisqu’elle mourut en septembre 1836, un an jour pour jour après le compositeur. Il fallut attendre 1985 pour retrouver trace de cette version, lors d’un concert à Londres qui se prolongea l’année suivante à Bari pour une recréation scénique. Le San Carlo remonta l’ouvrage trois ans plus tard, et puis plus rien.

 

 

 

Un autre visage des Puritains

 

 Merci donc au Festival de nous permettre de redécouvrir cette mouture rare mais passionnante. Parmi les modifications les plus notables par rapport à l’original, on peut noter la transposition à la quarte (!) supérieure de l’air de Riccardo, culminant ainsi au contre-ut ; ainsi que la transposition à la tierce inférieure de la scène de la Folie d’Elvira, celle au ton inférieur du duo réunissant Elvira et Riccardo ; la suppression du duo « Suoni la tromba » entre Riccardo et Giorgio ; et surtout, pour clore l’ouvrage, le « Credeasi misera » initialement dévolu au ténor, qui passe, transposé d’une quarte diminuée vers le bas, dans la voix d’Elvira, devenant ainsi « Qual mai funerea », et s’achevant dans la liesse virtuose d’un boléro.

Pour redonner vie à ces Puritains, il fallait réunir un trio de haute volée : c’est chose faite, bien que la concentration des solistes sur leur partition nous prive parfois de vie et d’élan.
Aux côtés du Bruno de Dmitry Ivanchey, le Gualtiero profond et noble de la basse Kihwan Sim attire l’attention en seulement quelques phrases. Le velours sombre de Chiara Amarù dessine un portrait attachant d’Enrichetta, tandis que Nicola Ulivieri fait profiter Giorgio de la beauté de son timbre et de son sens du legato.
Eblouissant dès les premières notes, le Riccardo solaire de René Barbera remporte tous les suffrages : splendeur de l’instrument, élégance du style, ligne de chant admirablement déployée, éclat de l’aigu jusqu’à un contre-ut vainqueur, on tombe sous le charme du ténor américain qui confirme tous les placés en lui, promettant beaucoup pour l’avenir.
A peine remis du Duc de Mantoue à Orange, Celso Albelo semble durant la première partie faire les frais de l’écriture verdienne qui ne nous paraît pas naturellement adaptée à sa vocalité et qui rend difficiles ses retrouvailles avec Bellini. Alors que le rôle d’Arturo tombe habituellement sans un pli dans sa voix, on sent le ténor espagnol gêné aux entournures, obligé par exemple de donner en force un ut dièse qui ne devrait rien lui coûter, comme si son instrument n’avait pas encore retrouvé son centre de gravité. Dans la seconde partie, heureusement, le chanteur retrouve une véritable aisance et ose notamment de superbes nuances, en vrai musicien.
Karine Deshayes, cantatesParadoxale Karine Deshayes : alors qu’elle étrenne ses premiers Puritani avec la version Malibran, c’est dans les passages dont la tonalité originale a été conservée que sa voix s’épanouit le mieux. On en veut pour preuve la Polonaise « Son vergin vezzosa » qui demeure en ré majeur et dans laquelle la chanteuse française fait merveille, allant jusqu’à la couronner par un contre-ré spectaculaire d’aisance. Pour nous, la mezzo est bien devenue un splendide soprano lyrique, bien que la métamorphose ne soit pas encore totalement achevée. Si le médium demeure toujours d’une rondeur excessive à notre sens, l’aigu semble avoir vraiment trouvé sa place, fin et concentré, tandis que les piani confirment leur transparence flottante et leur liquidité miraculeuse, jusqu’à un ut dièse virginal et lumineux. Le grave paraît en revanche appartenir à une autre vocalité, comme le souvenir d’une autre voix. En outre, les passages transposés semblent écrits dans un centre de gravité plus grave que celui de la chanteuse, trop grave en réalité. Ce qui prive la Folie de tout vertige, tant la voix y sonne corsetée et ne se libère pleinement que dans les rares notes conservant encore une certaine hauteur. On espère maintenant que la grande artiste qu’est Karine Deshayes osera, suite au succès de son Armida rossinienne comme de son Alceste, mener jusqu’au bout l’évolution que sa voix semble suivre, un parcours atypique mais passionnant et qui promet encore bien des surprises et des merveilles. On en prend le pari.
A la tête de deux somptueux chœurs, celui de Montpellier auquel s’est adjoint celui de la Radio Lettonne, ainsi que de l’Orchestre National Montpellier Occitanie en grande forme, le jeune chef italien Jader Bignamini mène tout le monde à bon port, mais lui manquent encore la souplesse si particulière du phrasé bellinien, qu’il dirige de façon trop rigide, ainsi que l’équilibre des forces, les instruments dominant parfois à l’excès les voix. Des habitudes qui s’installeront avec la pratique régulière de ce répertoire.
Enthousiasmé, c’est avec une ovation debout que le public salue cette redécouverte, une curiosité qu’on aimerait pouvoir approfondir plus souvent.

 

 

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Montpellier. Opéra Berlioz / Le Corum, 15 juillet 2017. Vincenzo Bellini : I Puritani. Livret du Comte Carlo Pepoli. Avec Elvira : Karine Deshayes ; Lord Arturo Talbot : Celso Albelo ; Sir Riccardo Forth : René Barbera ; Sir Giorgio Walton : Nicola Ulivieri ; Enrichetta di Francia : Chiara Amarù ; Lord Gualtiero Walton : Kihwan Sim ; Sir Bruno Robertson : Dmitry Ivanchey. Chœurs de l’Opéra National Montpellier Occitanie et de la Radio Lettone. Orchestre National Montpellier Occitanie. Direction musicale : Jader Bignamini

 

 

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