COMPTE RENDU, critique opéra. MONTE CARLO, le 8 mars 2020. Bellini : Le Pirate. Sagripanti, Pirozzi… version de concert. Prince du bel canto le plus stylé, Bellini fait son entrée au répertoire de l’Opéra monégasque mais en version concert, sous la direction de Giacomo Sagripanti. On avait encore en tête l’incarnation sublime d’Imogène en sa prière ardente par la soprano Anna Kassyan, lors du Concours Bellini à Paris 2016 : une prise de rôle qui valut à la diva le Premier prix.
Depuis à La Scala, Sonya Yoncheva en 2018 s’est appropriée elle aussi le rôle et l’Opéra de Paris a manqué son rv en déc 2019 malgré un cast prometteur (Tézier, Spyres, Radvanovsky) suite aux grèves et mouvements sociaux d’une France en état éruptif. Ainsi cette version concertante à Monaco à l’Auditorium Rainier III prend des airs de rattrapage heureux.
Dirigé par Giacomo Sagripanti, l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo détaille ce qui fait le propre du bel canto orchestral : sa finesse et des changements de tableaux précisément enchaînés. Un flux expressif et souple campe le décor d’une action amoureuse et passionnelle prête à exploser…
Le trio protagoniste relève les défis de la partition même sans décors. Au contraire, la musique exprime tout des enjeux de l’action et sans contraintes de jeu, les solistes peuvent s’impliquer davantage dans le chant. Ainsi l’Ernesto de Vittorio Prato qui remplace George Petean initialement programmé, ne manque pas de noblesse sombre et autoritaire. Il s’oppose au Gualtiero de Celso Albelo, qui est le rôle-titre : la technique peine, les aigus sont tendus mais le caractère du héros prêt au sacrifice total (et final) est bien là, touchant par sa sincérité sans fard, parfois à la limite de ses véritables possibilités ; réserves compensées par une articulation réjouissante.
Imogène ardente elle aussi mais plus flexible, Anna Pirozzi montre qu’elle maîtrise le bel canto, en virtuosité et intonation. Son sens de l’équilibre et de la mesure, évitant la surenchère, incarne une amoureuse déterminée, aussi angélique que sombre et presque folle à la fin : un protype pour la Lucia di Lammermoor de Donizetti (1835) et la fixation de l’héroïne romantique italienne par excellence. Voilà une première à Monte Carlo qui reste une lecture convaincante qui montre combien Le Pirate est un opéra clé de Bellini, évidemment à réestimer sur les scènes internationales. A l’Opéra de Monaco, revient le mérite de confirmer la haute valeur du drame créé à Milan en 1827.