mardi 16 avril 2024

CRITIQUE, opéra. LYON, Opéra, le 13 février 2020. ADAMS : I Was Looking the Ceiling and then I Saw the Sky. Studio de l’Opéra de Lyon / Vincent Renaud.  

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Jean-François Lattarico
Jean-François Lattarico
Professeur de littérature et civilisation italiennes à l’Université Lyon 3 Jean Moulin. Spécialiste de littérature, de rhétorique et de l’opéra des 17 e et 18 e siècles. Il a publié de Busenello l’édition de ses livrets, Delle ore ociose/Les fruits de l’oisiveté (Paris, Garnier, 2016), et plus récemment un ouvrage sur les animaux à l’opéra (Le chant des bêtes. Essai sur l’animalité à l’opéra, Paris, Garnier, 2019), ainsi qu’une épopée héroïco-comique, La Pangolinéide ou les métamorphoses de Covid (Paris, Van Dieren Editeur, 2020. Il prépare actuellement un ouvrage sur l’opéra vénitien.

john-adamsCOMPTE-RENDU, critique opéra. LYON, Opéra, le 13 fév 2020. ADAMS, I Was Looking the Ceiling and then I Saw the Sky. Studio de l’Opéra de Lyon, Vincent Renaud. Après plusieurs productions remarquées à Paris, à la MJC de Bobigny et au Châtelet, le musical de John Adams est présenté à Lyon, au théâtre de la Croix-Rousse, dans une mise en scène efficace du Roumain Eugen Jebeleanu. Une jeune équipe de chanteurs, issue du Studio Opera de Lyon défend avec panache cette comédie musicale engagée.

 

 

 

Dire avec légèreté le désastre

Ce n’est ni vraiment un opéra, ni une variante moderne du singspiel, de l’opéra-comique, ou du mask, car durant les deux heures du spectacle, on assiste à une série de songs (vingt-trois au total), très rarement entrecoupés de dialogues. Le musical de John Adams, sur un livret de June Jordan, créé à Berkeley en 1995 dans une mise en scène de Peter Sellars, tranche avec les œuvres plus ambitieuses du compositeur américain (comme Nixon in China ou The Death of Klinghoffer) : Adams puise dans toutes les formes de la musique populaire d’aujourd’hui, rendant hommage à la musique latino, au blues, à la soul, à la ballade lyrique, au funk, au jazz ou encore au rock. Si l’inspiration peut sembler parfois en deçà de ce qui est attendu d’un compositeur issu de l’école minimaliste américaine, on reconnait toutefois aisément sa pâte, en particulier dans le beau trio des femmes « Bad Boys » ou encore le blues « Sweet Majority population on the World ». Le premier song, qui donne son titre à l’œuvre, ouvre et conclut le musical. Le livret a pour point de départ le tremblement de terre qui frappa la Californie en 1994 et qui intervient dans la seconde partie de l’œuvre (des gravats tombent subitement des cintres du plateau) et met surtout en scène une galerie de personnages, représentatifs de la société américaine contemporaine et parfois des discriminations dont ils font l’objet (un pasteur afro-américain, un jeune gay asiatique amoureux d’un flic homophobe, un voyou libéré par le tremblement de terre, une émigrée salvadorienne). Sur scène, un dispositif présente trois cases surélevées, représentant une salle de bain, une chambre et un salon, balayées par des lumières flashy en phase avec le style musical de l’œuvre, tandis que les musiciens (une clarinette, un saxophone, des percussions, une batterie, un clavier, une guitare électrique, une contrebasse et une basse électrique) prennent place sous le dispositif. À droite et à gauche de la scène, un pupitre et quelques chaises surmontées du drapeau américain, et, en regard, le même dispositif surmonté d’une grande croix lumineuse, symbole des deux pouvoirs, politique et religieux, des États-Unis.
On ne peut que louer la mise en scène très fluide de Eugen Jebeleanu et la remarquable direction d’acteurs, le tout évoquant certains tableaux de Hopper, et plus généralement des scènes très réussies de cinéma. La distribution, évidemment sonorisée, est très homogène. Dans le rôle de Dewain, autour duquel gravite une bonne partie de l’histoire, Alban Zachary Legos est impeccable, de même que la Consuelo de Clémence Poussin, mezzo charnue et scéniquement irréprochable. Le baryton Aaron O’Hare campe un Mike très convaincant, découvrant son homosexualité face à un Biao Li impressionnant de justesse et d’abattage vocal. Dans le rôle du pasteur afro-américain, Christian Joel joue les séducteurs avec un engagement roboratif, tandis que la soprano Axelle Fanyo, incarnant une employée d’un centre de planning familial, conjugue la puissance vocale et la fougue de comédienne conforme à son personnage. Une mention spéciale pour la journaliste Tiffany, superbement défendue par Louise Kuyvenhoven, alliant avec bonheur aisance vocale et présence scénique sans faille.
Vincent Renaud dirige avec brio les huit musiciens de l’ensemble instrumental du Studio Opéra de Lyon, à maintes reprises sollicités dans des parties particulièrement virtuoses. Au final, un spectacle extrêmement réussi qui a obtenu à juste titre les faveurs du public lyonnais. Illustration :  © Christine Allicino

 

 

 

 

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Compte-rendu. Lyon, Théâtre de la Croix-Rousse, Adams, I Was Looking at the Ceiling and then I Saw the Sky, 13 février 2020. Alban Zachary Legos (Dewain), Clémence Poussin (Consuelo), Christian Joel (David), Axelle Fanyo (Leila), Aaron O’Hare (Mike), Biao Li (Rick), Louise Kuyvenhoven (Tiffany), Velica Panduru (Décors et costumes), Marina Lze Vey (Lumières), Eugen Jebeleanu (Mise en scène), Ensemble Instrumental du Studio de l’Opéra de Lyon, Vincent Renaud (direction).

 

 

 

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