COMPTE-RENDU, concert. TOULOUSE. Halle-aux-Grains, le 15 février 2019. Tchaïkovsky. Sibelius. Alexandre Kantorow, piano. Orchestre du Capitole de Toulouse. John Storgårds. Le deuxième concerto pour piano de Tchaïkovski n’a pas le succès qu’il mérite tant cette partition est originale, virtuose, incandescente. Ce soir, elle a particulièrement été bien interprétée par un jeune pianiste surdoué : Alexandre Kantorow, 21 ans, a besoin de se faire un prénom tant le succès de son père est planétaire (NDLR : Jean-Jacques). Le jeune homme a été gâté par les muses et les bonnes fées sur son berceau. Il a de superbes mains, un jeu souverain et une grande qualité musicale jusque dans les moments de pure virtuosité ce qui n’est donné qu’à très peu. Car si la virtuosité de ce concerto surpasse celle du premier concerto, il y a matière à colorer et phraser à l’envie. Et c’est ce qui frappe dans l’aisance du jeune musicien. Tout lui semble facile et tout ce qu’il fait est musique en toute simplicité, sans dureté et dans une souplesse d’une grande élégance. Les nuances sont extraordinairement creusées et l’écoute dans les moments chambristes (le trio dans l’andante) est fabuleuse. Cette manière de dialoguer et poursuivre les lignes musicales du violon et du violoncelle a été un véritable moment de grâce.
Signalons la plénitude sonore et la délicate musicalité de Pierre Gil au violoncelle et Kristi Giezi au violon. Ils ont été de vrais partenaires. L’interaction avec le chef, John Storgårds, l’orchestre a été parfaite et une vraie complicité musicale a fusé à chaque instant dans cette partition pleine de surprises. Le diabolique final a semblé ce soir un jeu d’enfant dans un enthousiasme triomphant. Le public a fait une ovation bien méritée au jeune pianiste, musicien si sensationnel.
Avec modestie et amitié, il a offert deux somptueux bis. Le final de Ma mère l’Oie de Ravel, le jardin féérique, avec un sens des couleurs orchestrales et des nuances, tout à fait inouï. Il a su construire et les lignes souples et les grands crescendo comme s’il dirigeait un orchestre puis dans une courte pièce de Brahms, la Valse op.39 n°15, il y fait preuve d’un sens de la poésie brahmsienne tout à fait remarquable avec un rubato chaloupé, subtil, envoûtant. Il a dit aimer tout particulièrement Brahms et nous avons hâte d’en entendre davantage sous des doigts si subtils. Alexandre Kantorow est un grand musicien qui ne fait qu’un avec son instrument dont il obtient un dialogue musical d’une rare intensité.
En deuxième partie, John Storgårds a dirigé avec un art magnifique la rare symphonie n°5 de Sibelius. Il est grand temps que ce compositeur majeur du XX ème siècle fasse son entrée durable au répertoire de l’Orchestre du Capitole. Une intégrale serait bien venue car entre John Storgårds et l’orchestre cela fonctionne à merveille. Le public également a été réceptif et a particulièrement apprécié cette belle oeuvre de Sibelius. Les sonorités très lumineuses obtenues par John Storgårds et sa capacité a construire un discours musical lisible nous a entrainés dans de vastes espaces et des lumières sensationnelles de la mer du nord. Les vastes horizons, les nuances très variées ont construit un monde très singulier. Ce concert avec de grands musiciens a été marqué par l’originalité des oeuvres et leur rareté. Espérons que la programmation de tels concerts, sortant des choix convenus, se renouvellera, car le public aujourd’hui est prêt pour Sibelius comme il l’avait été pour Chostakovitch il y a une dizaine d’année. Il est temps !
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COMPTE-RENDU, concert. TOULOUSE. Halle-aux-Grains, le 15 février 2019. Piotr Illich Tchaïkovsky (1840-1893) : Concerto pour piano et orchestre n°2 en sol majeur Op.44 ; Jean Sibelius (1865-1957) : Symphonie n°5 en mi bémol majeur Op.82; Alexandre Kantorow, piano; Orchestre National du Capitole de Toulouse. John Storgårds, direction.
Illustration : Alexandre Kantorow © J-Baptiste Millot / Portrait de Jean Sibelius (DR)