COMPTE-RENDU, concert. DIJON, église Notre-Dame, le 10 mars 2019. DVORAK : Stabat Mater. Chœur de l’opéra de Dijon. Anass Ismat. Grande œuvre chorale de Dvorak, au même titre que son Requiem, ce Stabat Mater n’avait pas été donné à Dijon depuis le passage, en 2015, de Philippe Herreweghe et de son Collegium Vocale, dont on conserve un souvenir mitigé, lié au parti pris du chef : le recueillement, une approche toute intériorisée, lisse, d’où étaient amoindries, voire bannies, les indications dynamiques explicites de la partition. Aujourd’hui, malgré le retour à la première version avec piano, le flamboiement nous renvoie davantage à la vision de Rafael Kubelik. Des dix numéros du Stabat Mater, sept furent écrits pour soli, chœur mixte et piano, avant que la disparition brutale d’un, puis de deux autres de ses enfants conduise le compositeur à compléter la partition (numéros 5 à 7) et à l’orchestrer. Dvorak prend ses distances par rapport à la fonction liturgique de la pièce en en modifiant le texte pour mieux traduire sa profonde douleur. Cette version originale, qui ne semble pas avoir été exécutée du vivant du compositeur, dut attendre 2004 pour être publiée.
Rafraîchissant retour aux sources
Outre son intérêt documentaire, cette composition originale présente l’avantage de contenir l’accompagnement à sa fonction première : constituer un écrin propre à valoriser les solistes et le chœur dans l’expression du texte et de l’émotion qu’il recèle. Une grande fresque va se dérouler au travers des sept numéros de la partition, tour à tour accablée, résignée, lyrique, chargée d’espérance, tendre, puis jubilatoire, avec un spectaculaire Amen.
Chaque numéro mériterait un commentaire. Retenons déjà les nombreuses interventions chorales, chœur seul, avec des pupitres parfois divisés, chœur et quatuor de solistes, chœur accompagnant la basse. Homogène, équilibré, ductile, il se prête aux contrastes accentués comme à la confidence. Les couleurs sont remarquables, particulièrement celles de ténors, fréquemment exposés. Le magistral et virtuose Amen final, complexe, est manifestement le point d’aboutissement que voulait le compositeur. La progression du dialogue entre solistes et chœur nous empoigne, jubilatoire. Des solistes retenons une très grande soprano, Anna Piroli, familière du répertoire contemporain comme du baroque. Voix puissante et égale, au souffle long, son duo avec le ténor, Stefano Ferrari ,« Fac ut portem Christi », est un moment de lyrisme contenu. On souhaiterait écouter davantage cette voix sonore et séduisante (il se voit privé de son air « fac me vere » (n°6), ajouté ensuite par le compositeur). La belle basse, Jonas Yagure, nous vaut un fort remarquable dialogue avec le chœur (« Fac, ut ardeat cor meum »). L’andante maestoso de l’alto est pris trop allant par cette dernière, dont les graves manquent de consistance. Pour autant, le quatuor est toujours équilibré, seul ou lors de ses interventions avec le chœur.
La direction d’Anass Ismat, privé ponctuellement de l’usage du bras droit, est un modèle de sobriété, de précision et d’efficacité. Qu’il dirige deux motets de Bruckner en introduction (Locus iste, et Ave Maria) ou ce monumental Stabat Mater, il communique une énergie singulière à ses interprètes et rejoint les plus grands chefs de chœur contemporains dans le fini, la conduite des phrasés et des progressions, illustrés magistralement.
Seul (petit) regret : outre une grossière erreur (l’indication des dix mouvements de Dvorak, au lieu des sept de la version retenue), le programme de salle pêche une fois de plus par son indigence : le texte chanté (modifié par le compositeur) et sa traduction, ignorés de la majeure partie du public, sont passés sous silence.
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COMPTE-RENDU, concert. DIJON, église Notre-Dame, le 10 mars 2019. DVORAK : Stabat Mater. Chœur de l’opéra de Dijon. Anass Ismat.Illustration : © Albert Dacheux Dijon 2019.