Dédiée l’an dernier à la mémoire du grand chef russe Evgeny Svetlanov, la 27ème édition du Festival International de Colmar rend hommage cette année au célèbre trompettiste français Maurice André. Pas de trompettes cependant pour le concert d’ouverture, confié aux mains expertes du chef polonais Marek Janowski, placé à la tête de l’Orchestre Symphonique de la Radio de Berlin. La soirée débute par une exécution de l’Ouverture de La Clémence de Titus de Mozart, à laquelle Janowski donne toute l’alacrité rythmique et la vivacité des couleurs requises. Suit la fameuse Symphonie concertante K364 que vient défendre deux princes de l’archet : le violoniste français Antoine Tamestit et l’altiste allemand Frank Peter Zimmermann. D’emblée, une vraie familiarité est très perceptible, tant dans le jeu très sûr de l’orchestre, que dans l’entente manifeste entre les deux musiciens. Les deux artistes proposent une vision assez tonique et contrastée de l’œuvre, loin de toute galanterie, avec un Andante douloureusement expressif. Le violon de Zimmermann est lumineux et impérieux, alors que Tamestit est un altiste passionné, à la sonorité plutôt sombre.
En seconde partie, c’est la rare Suite du Bourgeois Gentilhomme de Richard Strauss, qui est donnée à entendre. Cette œuvre a connu une gestation compliquée : fruit de la collaboration fructueuse de Strauss avec Hofmannsthal elle devait être une musique de scène pour la comédie-ballet de Molière et destinée à précéder son célèbre ouvrage lyrique Ariane à Naxos. Remaniée par Strauss en 1919, elle devient finalement une Suite pour orchestre en neuf parties. Écrite pour un orchestre de chambre, douze vents, percussions, piano et harpe, l’œuvre s’inscrit dans un courant néoclassique, comme le Stravinski de Pulcinella ou certaines pièces de Martinu. Pastiche de la musique française du Grand Siècle, elle cite deux danses de Lully (dont le célèbre Menuet), alterne pièces de musique de chambre, concerto grosso ou musique symphonique, dans un esprit tour à tour gracieux, espiègle, pompeux ou brillant. Marek Janowski dirige ses musiciens de la Radio de Berlin avec grande précision et clarté, toujours attentif à mettre en valeur les nombreux solistes, notamment le premier violon solo de l’orchestre (Entrée et Danse des tailleurs), le pianiste (non mentionné dans le programme) ou les vents.
Le festival bat son plein jusqu’au 14 juillet et il est encore temps d’aller écouter – toujours à 21h à l’Eglise Saint-Matthieu – des artistes de la trempe de Grigory Sokolov (récital Bach/Beethoven/Schubert, le 10), les frères Capuçon accompagnés de Hélène Mercier (dans le Triple concerto de Beethoven, le 11), David Guerrier (dans un Concerto pour cor de Mozart et un Concerto de trompette de Haydn, le 12), ou encore Sergueï Nakariakov (dans une transcription pour bugle des Variations sur le thème rococo de Tchaïkovski, le 13 juillet). Le Gala de clôture du 14 juillet (17h à l’Eglise Saint Matthieu) rendra un vibrant hommage au maître disparu en 2012, en réunissant pas moins de 10 trompettistes (pour un florilège de morceaux célèbres) dont Bernard Soustrot, Guy Touvron, Nicolas André ou encore David Guerrier. Informations sur le site du Festival de Colmar.
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Compte-rendu, concert. Colmar. Eglise Saint-Matthieu, le 3 juillet 2015 ; Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Ouverture de La Clemenza di Tito K 621, Symphonie concertante pour violon, alto et orchestre en mi bémol majeur K 364 ; Richard Strauss (1864-1949) : Le Bourgeois gentilhomme, Suite pour orchestre op. 60 ; Frank Peter Zimmermann (violon) ; Antoine Tamestit (alto) ; Orchestre Symphonique de la Radio de Berlin ; Marek Janowski, direction.