samedi 20 avril 2024

Compte-rendu, concert. Angers, Centre de congrès, le 5 mars 2017. Paris à l’époque des Lumières : Rameau, Mozart, Gossec. ONPL, Bruno Procopio. Avec Juliette Hurel, I. Moretti (Concerto pour flûte et harpe de Mozart).

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PORTRAIT VIDEO : Bruno Procopio, Maestro TransatlantiqueCompte-rendu, concert. Angers, Centre de congrès, le 5 mars 2017. Paris à l’époque des Lumières : Rameau, Mozart, Gossec. ONPL, Bruno Procopio. Avec Juliette Hurel, I. Moretti (Concerto pour flûte et harpe de Mozart). MAESTRO DEFRICHEUR… Concert après concert, Bruno Procopio ne cesse de repousser toujours les capacités de l’orchestre : sur instruments modernes, mais appliquant les ornements et la pulsation « historiquement informés », le jeune maestro démontre une exceptionnelle sensibilité à l’exploration et au risque : il n’hésite pas à jouer Rameau et Gossec, Baroque et préromantique, sur instruments modernes, mais avec une exigence régénératrice. Pour Bruno Procopio, chaque expérience orchestrale est un formidable laboratoire, où le goût et le style sont au service du dépassement. Devant une salle comble (celle du Centre de Congrès) – la plus grande à Angers et hall familier de l’Orchestre national des Pays de La Loire (ONPL), le jeune chef franco-brésilien, Bruno Procopio, porte, électrise même les instrumentistes chez Rameau, Mozart, enfin Gossec. En un voyage copieux qui mène l’auditeur dans ce Paris, virtuose et élégantissime du XVIIIè, illuminé par l’esprit pointu, nerveux, affûté des Lumières, le jeune maestro mène à bon port chaque pupitre, dans un exercice si peu routinier, car c’est bien la première fois que Rameau s’affirme ainsi dans l’un des concerts de l’ONPL. Servir le Baroque Dijonais dans deux séquences, parmi les plus délicates et puissantes de son catalogue, – ainsi deux Suites extraites des opéras Acanthe et Céphise, puis Castor et Pollux, – n’est pas qu’une seule question d’instruments. Jouer Rameau sur instruments modernes est tout aussi légitime et bénéfique pour l’interprète comme pour le spectateur, qu’aborder Bach… au piano. Il ressort même de l’expérience une compréhension régénératrice qui a démontré ses apports chez Jean-Sébastien. Mais s’agissant des musiciens de l’ONPL (en réalité une partie de la phalange car l’autre moitié joue actuellement Les noces de Figaro à l’Opéra Graslin de Nantes), le défi est stimulant : retrouver les clés du langage, ressusciter la finesse nerveuse propre à la syntaxe baroque, résoudre le flux rythmique et l’enchaînement des accents… autant d’aspects nouveaux pour des instrumentistes plus familiers du XIXè et du XXè. Le choix du programme renouvelle les gestes que l’on pensait maîtriser : le jeu d’archer, la réalisation des ornements, la pulsation juste et l’articulation naturelle ne sont pas de vains mots chez Rameau comme chez Gossec : ils célèbrent l’expression d’une texture sonore qui recherche à devenir chant et respiration.

 
 
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Bruno Procopio et l’ONPL jouent Rameau, Mozart, Gossec…
PARIS SYMPHONIQUE

 

 

procopio-bruno-maestro-transatlantico-582-390-HOMEPAGELa direction du maestro Procopio fine, précise, carrée vise cet objectif dans un programme intense, aux climats aussi divers que caractérisés. D’autant qu’il a dirigé déjà à de nombreuses reprises Rameau et ce Gossec symphonique et héroïque de 1809, – préBeethovénien, sur instruments modernes, à Caracas (avec le mythique Orchestre Simon Bolivar, l’orchestre de Gustavo Dudamel) et aussi à Rio de Janeiro (avec l’OSB, Orchestre Symphonique du Brésil), préservant toujours ce sens inné du rythme, de la plasticité nerveuse, de la précision stylée…

Ce soir à Angers (comme précédemment au Mans et à Laval, les 3 et 4 mars derniers) le chef a répondu à l’invitation de Pascal Rophé, directeur musical de l’ONPL ; tous deux peuvent être fiers de rétablir la place des Français baroques et préromantiques dans la programmation de la Phalange. Revenir aux « fondamentaux », à la source de l’école française, à ce XVIIIè, aussi brillant qu’expérimental, permet ainsi de mieux comprendre ce qui a suivi : l’éclosion des Romantiques et des Modernes. Acanthe fait valoir de superbes couleurs instrumentales avec dans l’énoncé des cordes un allant raffiné qui sait aussi danser. Castor et Pollux affirme ce nerf guerrier d’une souplesse absolue (ductilité de la Chaconne final). Autres sommets spécifiquement raffinés du cycle, les deux Mozart : les « Petits riens » sont à l’inverse de leur titre, un condensé d’invention bouillonnante, – il y faut beaucoup de science comme d’entrain pour réussir ce parcours jalonné d’épisodes et d’atmosphères des plus divers, où s’écoule une saine énergie dramatique, proche de l’Enlèvement au sérail et aussi d’Idomeneo ; quant au Concerto pour flûte et harpe, le chef sait canaliser tous les instrumentistes pour offrir aux deux solistes (dont surtout la flûte ciselée, nuancée de Juliette Hurel), un tapis des plus aériens. Même si Mozart compose une partition de salon (au sens le plus noble du terme), pour des amateurs éclairés (un noble flûtiste et sa fille prodigieusement douée pour la harpe), l’inspiration du compositeur salzbourgeois s’y renouvelle constamment, en particulier dans les deux premiers mouvements : l’élégance et la grâce y fusionnent avec un charme typiquement parisien. Et il faut infiniment de sobriété intérieure et d’écoute collective pour en réussir l’énoncé à la fois chambriste et concertant. Nous voilà bien au coeur de cette sophistication parisienne qui prenant sa source auprès de l’insurpassable Rameau, assure la cohésion du programme.

 
 

GOSSEC_Gossec-portraitLe clou de la soirée pourrait naturellement être la Symphonie à 17 parties de Monsieur Gossec (1734 – 1829), partition première, et primitive dans l’écriture de la symphonie française (jalon important en France, créée à Paris, au Concert spirituel en 1809) : Gossec étant pour la France, ce qu’est Haydn pour Vienne et l’éclosion du genre orchestral. Sa Symphonie à 17 parties revendique et affirme son orchestration fournie, généreuse, douée de sensibilité instrumentale qui annonce déjà Berlioz et les impressionnistes (flûtes, hautbois, bassons, clarinettes…, sans omettre trompettes et cors). Gossec impressionne Mozart qui obtient grâce à son confrère, la commande de sa fameuse Symphonie n°31 dite « Paris » (1778).

 

COLORIS et ARCHITECTURE. Très au fait de la coloration d’époque, sachant évidemment s’appuyer sur un rang de basses mordant et suractif (contrebasses, violoncelles, altos… que doublent souvent les bassons évidemment), Bruno Procopio préserve toujours l’éloquence d’une écriture conquérante et puissante, d’une énergie presque sauvage et en effet, « primitive », dont il faut restituer le contexte pour en mesurer l’audace : contemporain de Beethoven, Gossec réussit l’alliance du nerveux guerrier et de l’élégance colorée (superbe activité des bois et des vents, sollicitant toute l’harmonie, comme le fait aussi au même moment, un autre beethovénien, que sert admirablement le jeune maestro : Méhul). Le nerf n’écarte pas l’élégance ; voilà la formule clé de cette soirée hautement symphonique. En moins de 30 minutes, toute l’évolution – éruptive, foisonnante, de l’écriture de Gossec (qui fut aussi un très grand compositeur d’opéras : voir son Thésée qui dévoile la connaissance des symphonistes de Mannheim), affirme un caractère électrique qui sait aussi construire; car le chef, outre la résolution des ornements et la compréhension du tactus pour chaque séquence, sait aussi rendre intelligible la formidable capacité de Gossec à architecturer : la fugue magistrale – qui vaut bien Beethoven par sa pensée et son intelligence interne, saisit. Un autre grand défi pour l’orchestre.

ELOGE DE LA SYMPHONIE FRANCAISE. Nous voilà au coeur de la forge matricielle et magique, là où se précise une sonorité, dans l’articulation et la finesse des accents, l’équilibre et le relief des alliances de timbres et de couleurs instrumentales, l’énergie et le sens des phrasés qui assurent le flux organique du tout. Jouer la musique baroque (Rameau), néoclassique / préromantique (Gossec), en association avec la sensibilité spécifique de Mozart, demeure une performance autant technique qu’esthétique : saluons tous les musiciens de l’ONPL d’en avoir accepter l’expérience. Sous le pilotage du chef Bruno Procopio, l’exploit dévoile tous ses bénéfices, autant pour les instrumentistes que pour les auditeurs. C’est une remise à plat de la pratique, un enrichissement culturel inédit, un exercice salutaire de dépassement et d’approfondissement. Tous les orchestres en France devraient passer par cette étape. Et régulièrement.

 
 

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D’autant qu’il reste incompréhensible qu’en France, alors que le public répond présent à l’offre (voir encore ce soir la salle angevine, à guichets fermés), et qu’ailleurs en Autriche et en Allemagne, les directeurs savent construire toujours des programmes symphoniques aux origines du genre, associant les fondateurs : Haydn, Mozart, Beethoven-, aucune initiative artistique dans l’Hexagone, ne s’intéresse notablement à présenter les fondateurs de la Symphonie française, depuis ses origines néoclassiques à l’essor du sentiment romantique : Gossec, Méhul, Onslow… (pour ne citer qu’eux), sans omettre les essais remarquables de Cherubini… A quand de nouveaux programmes qui honorent notre patrimoine national ? La France n’a pas à rougir de ses créateurs. Car il n’y a pas que les germaniques… Et que l’on ne nous dise pas qu’un tel programme n’intéresse personne : le succès public de cette tournée le démontre indiscutablement. Incontournable et passionnant. A ne pas manquer, « Concert PARIS au siècle des Lumières / ONPL / Bruno Procopio », encore en tournée dans les Pays de la Loire, jusqu’au 12 mars 2017. + D’INFOS

 
 
 

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Compte-rendu, concert. Angers, Centre de congrès, le 5 mars 2017. Paris à l’époque des Lumières : Rameau, Mozart, Gossec. ONPL, Bruno Procopio. Avec Juliette Hurel, I. Moretti (Concerto pour flûte et harpe de Mozart).

 
 

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APPROFONDIR

LIRE aussi notre compte rendu et présentaiton vidéo de la Symphonie à 17 parties de Gossec, par Bruno Procopio et l’OSB, Orchestre Symphonique du Brésil (avril 2015)

LIRE aussi notre présentation de la tournée : Bruno Procopio dirige l’ONPL Orchestre National des pays de La Loire, du 3 au 12 mars 2017.

 
 

VOIR notre grand portrait vidéo : BRUNO PROCOPIO, maestro transtlantique (2017)

 
 

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