L’Opéra National de Bordeaux clôt sa saison lyrique 2012-2013 avec la reprise de La Flûte Enchantée de 2010, signée Laura Scozzi. La transposition insolente, interventionniste voire irrévérencieuse est pourtant une réussite incontestable. D’un point de vue purement théâtral, voici une comédie convaincante : d’une fraîcheur, d’un piquant, d’une actualité indéniables.
Flûte pleine d’humour …
Les superbes décors de Natacha Le Guen de Kerneizon n’y sont pour rien. L’action se déroule dans les vallées et montagnes des Alpes autrichiennes, dirait-on. La réalisation est cohénte et bien pensée, et le sens de la comédie est surtout magnifié. Ainsi nous avons droit à trois dames en chaleur, une Reine de la Nuit ivrogne, un Sarastro joueur de golf, une piscine, un hélicoptère… le tout composant une certaine fantaisie mozartienne plutôt décalée, vécue autrement. La mise en scène glaciale se chauffe grâce aux rires et sourires des spectateurs. La divertissante bataille des sexes au ski décontractée et bebette se déroule sur les planches.
Si les yeux et l’intellect sont stimulés par la mise en scène, l’oreille l’est de même par la belle implication des chanteurs. Lors de notre visite (la reprise a deux distributions en alternance), Tamino est interprété par Julien Behr. Le jeune ténor chante son lied du 1er acte avec une certaine qualité nostalgique d’une tendre beauté. Très vite, il rayonne grâce à son enthousiasme et les modulations sensibles de sa voix. Olga Pudova dans le rôle de la Reine de la Nuit fait preuve également d’une étonnante sensibilité. À cela s’ajoutent une coloratura impressionnante, une facilité dans le suraigu irréprochable, un timbre vocal d’une beauté et d’une chaleur particulières.
Melody Moore en Pamina a le chant solide. Sa voix est d’une richesse qui a tendance à aller vers le grave. Dans ce sens, elle paraît avoir plus de caractère que de souplesse, ce qui contraste un peu avec le personnage et la mise en scène, très comique. Le Papageno de Florian Sempey a également une tendance vers le grave. Sa voix est sombre comme elle est puissante, mais réussit à alléger sa prestation avec un excellent jeu d’acteur. Wenwei Zhang fait, quant à lui, un Sarastro avec un registre grave puissant et d’une noble beauté. Il se projette et s’impose sans effort apparent et touche par les nuances chaleureuses de son chant.
Les rôles secondaires se distinguent de la même façon. En particulier les trois dames d’Eve Christophe-Fontana, Caroline Fèvre et Gaëlle Mallada, coquettes et désinvoltes, ainsi que le Monostatos de Cyril Auvity, d’un chant presque trop beau pour son personnage méchant. Mention spéciale pour les 3 garçons interprétés par trois sopranos (Morgane Collomb, Laura Jarrell et Bridget Bevan) au bel investissement.
L’Orchestre National Bordeaux Aquitaine dirigé par Jurjen Hempel est d’une réactivité trépidante. Si les tempis sont parfois arbitraires et l’équilibre pas toujours évident, la prestation est dans les lignes générales, d’une grande beauté, notamment la prestation des vents très élégante. Une Flûte hivernale au printemps bordelais qui fait tant rigoler, et qui inspire autant de sourires que d’applaudissements. À l’affiche jusqu’au 10 juin 2013 à l’Opéra National de Bordeaux.
Bordeaux. Opéra National de Bordeaux, le 9 juin 2013. Mozart : La Flûte Enchantée. Julien Behr, Olga Pudova, Wenwei Zhang… Orchestre National Bordeaux Aquitaine. Jurjen Hempel, direction. Laura Scozzi, mise en scène.