mardi 16 avril 2024

Coffret « a tribute to Benjamin Britten »Huit opéras – Arthaus MusikLe contenu du coffret, présentation de chaque opéra

A lire aussi

Sommaire
du coffret « A tribute to Benjamin Britten« ,
paru en décembre 2006 chez Arthaus Musik

1. Peter Grimes, 1945
Après avoir réalisé un Billy Budd tout aussi convaincant, David Atherton, à la tête de l’English National Opera orchestra, Philip Langridge, dans le rôle titre, abordent la violence et la barbarie à l’oeuvre dans Peter Grimes, le premier opéra de Britten, qui lui valut une notoriété immédiate. Le ténor incarne un Grimes déterminé dans son mutisme et son mystère, sorte d’albatros qui décidément n’a rien de commun avec les habitants du village de pêcheurs d’Aldeburgh. La tragédie et la cruauté du monde des hommes, mais aussi, l’appel au dépassement, l’incandescence des préludes marins, dans lesquels se fondent, et la nostalgie de Britten pour ses chères côtes natales, et le désir d’atteindre d’autres rives salvatrices : tout est présent dans cette production d’une parfaite cohérence, scénique, vocale, dramaturgique.

2.The Rape of Lucretia, 1946
Après
le succès de son premier opéra : Peter Grimes, Britten et la troupe
lyrique qu’il a co fondé, renouvellent l’exercice dramatique. Il
souhaite développer un théâtre national, soucieux d’apporter à
l’Angleterre une véritable dramaturgie, digne des trésors de sa langue
et de sa poésie. The Rape of Lucrezia est donc une sorte de premier
aboutissement pour un drame anglais renouvelé : pour la création, créé
le 12 juillet 1946, le plateau comprend Kathleen Ferrier et Peter
Pears. Le film reprend l’excellente mise en scène de Graham Vick et
tourne en studio chaque tableau : ombres noire sur fonds lumineux, à la
façon des théâtres d’ombres asiatiques. La conception est épurée, elle
intensifie les passions humaines, soulignant l’acuité presque
étouffante de ce huit-clos : grossièreté des militaires étrusques,
vertue éprouvée de Lucrezia. La très efficace tenue interprétative
éclaire ce drame de l’obscurité, soumis aux mystères de la nuit. C’est
une machinerie marquée du sceau de la corruption et de la manipulation,
de la haine et de la pernicieuse séduction. Quand Tarquinius envoûte et
viole la jeune femme, c’est la Rome bafouée qui perd sa dignité sous le
joug des infâmes étrusques. Conduite d’acteurs exemplaires, voix
claires, proclamatrices, incantatoires (en particulier, les deux
récitants ou intercesseurs qui expriment et narrent le feu intérieur
qui dévore chaque personnage, à la façon du Testo du Combat de Tancrède
de Monteverdi) : rien ne manque à cette lecture cinématographique,
parfaitement réglée.

3.Billy Budd, 1951
D’après
le Billy Budd de Melville, Britten a construit une nouvelle parabole du
thème qui lui est cher et innerve toute son oeuvre : l’innocence
sacrifiée, les blessures et le traumatisme infligés à une victime
innocente par la société corruptrice et avilissante. Le milieu des
marins, sur l’Indomptable, vaisseau appareillé pour vaincre les
français, est une jungle qui concentre la violences et l’inhumanité des
rapports sociaux. Dans la mise en scène de Tim Albery (1993), l’action
se déroule dans l’esprit du Capitaine Vere, rongé par la culpabilité.
Univers d’hommes, oppressant, à la façon d’une étuve meurtrière, la
production suit l’horreur décriée dans la partition, et le chemin de
croix de Billy, objet des désirs inavouables et bientôt sadique de Vere
et surtout du maître d’armes, John Claggart, figure du mal. L’orchestre
dirigé par David Atherton laisse respirer toutes les couleurs écrites
par Britten dans une partition qui n’a jamais été aussi inspirée,
flamboyante et poétique. Quant aux chanteurs, ils sont indiscutables.

4.Gloriana, 1953
Enregistrement
pris sur le vif au London Coliseum en 1984, la production dirigée par
Marc Elder à la tête des effectifs de l’English national opera emporte
l’adhésion. Les scènes d’évocation élisabéthaines dans le style
Renaissance tarif et pré baroque sont subtilement restituées (danses à
la Cour londonienne) ; surtout le duo Elisabeth I et Essex est
superbement incarné par Sarah Walker et Anthony Rolfe Johnson : la
figure suprême du pouvoir pris dans les filets d’une passion amoureuse,
est saisissante de vérité. Sarah Walker donne au personnage de la
Souveraine, ce visage à la fois humain et solennel. Entre la femme qui
aime, et la Reine qui pointe l’illusion d’un égarement, se précise la
véritable personnalité de la fille d’Henri VIII, une âme vive et
intelligente, prête à sacrifier l’idée d’un bonheur personnel pour la
grandeur de la nation anglaise (scène finale où la Souveraine exprime
la grandeur de la fonction qui est la sienne). Quant à Johnson, il fait
d’Essex, un arriviste non dénué de fière arrogance qui, favori du
Sceptre, s’est crû au-dessus des lois et de la femme qui l’aimait, et
lui-même avorton d’une noblesse particulièrement hautaine. La réussite
de Britten tient au fait qu’il réussit un drame historique palpitant,
au lieu d’une oeuvre froide et sophistiquée, convenue et complaisante.
Pour son couronnement, Elisabeth II pouvait contempler dans sa
magnificence restituée, son ancêtre, fondatrice d’une Angleterre
unifiée et forte.


5.The turn of the screw, 1954
L’histoire
des fantômes prend une dimension étrange et hypnotique dans la mise en
scène glaçante de Michael Hampe, d’autant que la direction de Steuart
Bedford est vive, détaillée, presque énigmatique, pour cette captation
en provenance du festival de Schwetzingen de 1990. La gouvernante
d’Helen Field a cette fragilité permanente qui la rend exaltée et
courageuse, perdue mais tenace (scène du lac). L’interprétation relève
d’un examen clinique de folie collective, – ou individuelle si l’on se
place du côté de la gouvernante : l’action peut ne s’être déroulée et
n’avoir fleuri que dans sa pauvre imagination… La tenue de
l’orchestre, aux morsures suggestives, qui rend chaque apparition de
Miles, plus fascinante que la précédente, ne fait qu’accentuer la
réussite de la production.

6.Owen Windgrave, 1970
Pacifiste, Britten expose ses thèses contre la guerre, contre
l’impasse de la violence, et dénonce l’inutile grandeur des états qui
osent versé le sang de tant d’innocents. Owen Windgrave incarne un
idéal humaniste, le diamant d’un être loyal, dépourvu de calcul, prêt à
rompre la gloire de sa famille, au renom militaire, si la carrière
qu’on lui a imposé, ne cadre plus avec ses convictions.
L’interprétation de Gérard Finley est sobre et subtile. Tous les
chanteurs offrent d’ailleurs une photogénie plausible pour cet opéra
conçu pour la télévision. La direction de Nagano, à la tête du
Deutsches symphonie orchester Berlin, est vive, mordante, dessinée. Là
aussi, une production totalement convaincante. En bonus : « The hidden
Heart », documentaire captivant sur la vie et l’oeuvre de Benjamin
Britten de 58mn.

7. Death in Venice, 1973
L’ultime
partition de Britten ferme le cercle des oeuvres lyriques du
compositeur : c’est un chant du cygne et aussi l’aboutissement de la
collaboration avec Peter Pears pour lequel le compositeur a conçu un
rôle central, écrasant, fulgurant qui porte toute l’action dramatique.
Robert Tear donne l’ampleur d’un rôle qui recueille le lyrisme
idéaliste et esthétique d’un homme parvenu au terme de son chemin. Dans
une Venise crépusculaire, bientôt rongée par l’épidémie, les dernières
visions d’un condamné qui erre, se perd pour mieux affronter sa propre
mort, trouvent dans la musique de Britten, un superbe aboutissement,
composé d’une succession de tableaux contemplatifs. Lire notre critique
plus développée du dvd « Mort à venise » de Benjamin Britten.


8.
Let’s make an opera, 1949

L’enfance occupe une place centrale dans l’oeuvre de Britten. Pour
la deuxième édition du Festival d’Aldeburgh, en 1949, le compositeur
imagine un « divertissement » en trois parties, deux théâtrales avec
épisodes musicaux, un troisième, lyrique, sur le thème du Petit
Ramoneur. Du début à la fin, sur le mode de l’humour et du plaisir, le
spectacle initie les plus jeunes spectateurs au monde de l’illusion, du
drame, de l’action parodique. Le film de Peter Weigl, qui se joue des
situations piquantes et drôlatiques, donne la mesure de cette ambition
de pure comédie : enchaînement de catastrophes, mines outrées,
situations bouffes, sous-entendus languissants… Tous les personnages
de la comédie filmée se retrouvent ensuite pour la représentation de
l’opéra des enfants. La réalisation de 1996 n’a pas lésiné sur les
moyens humains et techniques pour restituer le projet de Britten :
donner l’illusion et l’enchantement d’un spectacle qui mêle la féerie
d’un conte pour enfants et l’humour déjanté, accordés dans un
dispositif mixte, plutôt efficace, qui revisite le genre de la comédie
musicale. Les musiciens, chanteurs et figurants (city of Birmingham
symphony chorus, symphony youth chorus, The Coull quartet…) prennent
visiblement beaucoup de plaisir devant la caméra de Petr Weigl.
L’oeuvre de Britten ne pouvait trouver meilleurs ambassadeurs.

Approfondir
Lire notre dossier « Identité du héros dans les opéras de Benjamin Britten« 
Lire notre critique du livre « Benjamin Britten, le mythe de l’enfance« , biographie de Mildred Clary parue en novembre 2006 chez Buchet/Chastel

Crédits photographiques
Benjamin Britten (DR)
Britten et Chostakovitch (DR)

Dossier réalisé par Carter Chris Humphrey, Guillaume-Hugues Ferney, David Tonnelier, Delphine Raph et Lucas Irom sous la direction d’Alexandre Pham.

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