Cinéma. Strauss : ELEKTRA, le 30 avril 2016, 18h45. En direct du Metropolitan opera New York, samedi 30 avril 2016,1845h. Rôle incandescent, voix hurlante embrasée proche de la rupture et du cri primal, animée par une fureur vengeresse … que seul son frère Oreste saura apaiser (en prenant sa défense et l’aidant à réaliser son projet), Elektra est l’un des rôles pour soprano les plus ambitieux, du fait de l’écriture du chant, du fait a surtout de la présence scénique du personnage quasiment toujours en scène (comme Suzanna dans les Noces de Figaro de Mozart ou à présent depuis la création mondiale réalisée à Nantes le 19 avirl dernier, Maria Republica dans l’opéra éponyme signé François Paris, d’après Agostin-Gomez Arcos). Il n’y a guère que lorsque sa mère paraît, criminelle irresponsable, Klytemnestre, que sa fille éreintée, possédée, rentre dans le silence (pour mieux rugir ensuite).
Pas d’équivalent à ce profil de jeune femme détruite et impuissante dont la fureur humiliée se déverse dans un chant éruptif et animal jamais écouté, écrit, déployé auparavant… Nina Stemme s’empare du personnage avec une intensité féline, organique, animale, dans la mise en scène – mythique-, de Patrice Chéreau, laquelle fait ses débuts attendus à New York. Aux côtés de la wagnérienne Nina Stemme, l’immense Waltraud Meier reprend le rôle de la mère fauve, hallucinée (Klytemnestre), cepedant que Adrianne Pieczonka et le baryton basse Eric Owen, incarnent les personnages non sans profondeur et d’une humanité bouleversante, Crysotémis et Oreste). Ainsi la terrible légende des Atrides peut se déployer en un théâtre de sang et de terreur sublime sur la scène du Metropolitan. La vision essentiellement théâtrale de Chéreau, son travail sur le profil de chaque silhouette, en restituant la place du théâtre sur la scène lyrique, bascule l’opéra de Strauss vers une arène haletante, à la tension irrésistible. Au centre de cette furieuse imprécation féminine, les retrouvailles de la soeur et du frère : Elektra / Oreste, sont un sommet de vérité, un rencontre bouleversante.
EXTRAIT de la critique du dvd, en 2013 : L’espace scénique et ses décors (monumentaux/intimes) reste étouffant et ne laisse aucune issue à ce drame tragique familial. Chacun des protagonistes, chacun des figurants exprime idéalement cette fragilité inquiète, ce déséquilibre inhérent à tout être humain. Le doute, l’effroi, la panique intérieure font partie des cartes habituelles de Chéreau (une marque qu’il partage avec les réalisations de la chorégraphes Pina Bausch) : l’homme de théâtre aura tout apporté pour la vérité de l’opéra, ciselant le moindre détail du jeu de chaque acteur. Dans la fosse, disposant d’un orchestre qui n’est pas le mieux chantant, Salonen sculpte la matière musicale avec une épure tranchante, un sens souvent jubilatoire de l’acuité expressionniste. Volcan qui éructe ou dragon qui souffle et respire avant l’attaque et le brasier, l’orchestre se met au diapason de cette vision scénographie à jamais historique. On regrette d’autant plus Chéreau à l’opéra qu’aucun jeune scénographe après lui, parmi les nouveaux noms, ne semblent partager un tel sens du théâtre… (Benjamin Ballifh)
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