dimanche 8 décembre 2024

CD. Telemann: Orpheus (Mields, Gaigg, 2010, DHM)

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CD. Telemann: Orpheus (Gaigg, 2010, 2 cd DHM)

Subtilité d’un génie européen

Après une ouverture finement ciselée, resplendissant grâce à l’engagement des interprètes en ces teintes haendéliennes, puis un premier air avec basse continue d’Orasia (palpitante et brillante Dorothee Mields), d’un pur climat pastoral à la fois tendre et plaintif, l’approche dès son départ convainc par sa grande finesse et son élocution naturelle. Du reste, le début de l’oeuvre s’ouvre comme une cantate mettant en lumière les talents de la prima donna de la production mais aussi cet éclectisme virtuose d’un compositeur européen capable d’alterner les styles italiens, français et germaniques.

telemann_orpheus_Gaigg_cd_deutsche_harmonia_mundiEnregistré en Autriche en août 2010, la réalisation de L’Orfeo Barockorchester dirigé par Michi Gaigg captive littéralement par sa justesse émotionnelle, la diversité des nuances, l’absence de tout systématisme réducteur, si fréquent chez maints « baroqueux » de l’heure.

Ici le mythe d’Orphée resplendit sous la plume d’un Telemann, enivré et très inspiré par la lyre du poète de Thrace. Entre l’opéra premier de Monteverdi et celui aussi réformateur de Gluck, l’Orpheus de Telemann sait prolonger la leçon de Haendel dans l’opéra seria et l’oratorio, mais aussi s’inscrit par sa sensibilité suave et souple dans l’esthétique fine et subtile de l’Emfpindseimkeit: nommé directeur de la musique de Hambourg en 1722, Telemann livre ainsi de splendides opéras pour l’Opéra Gänsemarkt. En fait partie son Orphée, vraie réussite lyrique.

Somptueuse Orasia de Dorothee Mields

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Le ténor Markus Volpert (Orpheus) est parfois dépassé par l’écriture vocalisante du personnage (manque de souffle, ligne rompue, justesse incertaine) et son italien manque de fermeté comme de stabilité; le chanteur sauve les meubles dans les airs médians qui n’exigent aucun aigu ni tenue de voix (Tra Speranza du II est de ce fait plus réussi mais sans guère de conviction). L’Eurydice d’Ulrike Hofbauer reste juste et très musicale. Le Pluton engagé et percutant de Reinhard Mayr, souple et naturel se distingue aussi… mais la vedette de cette réalisation très attachante par sa finesse d’intonation demeure l’excellente Dorothee Mields qui campe une Orasia attachante, la reine de Thrace, amoureuse impuissante d’Orphée: elle est ardente, trouble, en rien convenue ni lisse comme peuvent l’être les personnages titres (Orphée et Eurydice): à l’écoute de son air développé au début du III qu’elle introduit à son début comme c’est le cas du I: « Furt und Hoffnung  » est époustouflant, à la fois virtuose et acrobatique, haletant et captivant, déclamé sans affèterie, sur le souffle, même justesse expressive dans le court air introspectif chanté en français et qui a la tendre éloquence d’un Lambert ou d’un Lully :  » Hélas quels soupirs « … . On comprend dès lors qu’elle se taille la part du lion avec des airs parmi les plus longs de l’oeuvre avec ceux de Pluton… Aucun doute la diva de la création pour laquelle a composé Telemann, fut en son temps une diva talentueuse et dramatiquement accomplie. Qui fut-elle en réalité ?

Il revient aux instrumentistes de l’Orfeo Barockorchester sous la direction vive et affûtée, colorée et agile de Michi Gaigg, de souligner les milles caractères d’une partition versatile et très diversifiée. C’est une série de tableaux, de miniatures même qui éclairent chacun dans leur séquence, le climat sentimental requis et situation.

Jacobs à son époque avait dévoilé la partition du Germanique, souligner son génie polymorphe, accuser souvent dans l’incisive sécheresse son tempérament caractérisé; Michi Gaigg prolonge l’ardente vitalité de la lecture première mais en demeurant d’une justesse émotionnelle parfois plus fluide et vivante grâce à un relief pleinement assumé c’est à dire parfois âpre et mordant de l’orchestre. Grâce à la sureté de la distribution surtout féminine dont pur joyau vocal, le soprano ardent et clair de Dorothee Mields, véritable révélation du disque. Réalisation très convaincante.

telemann_orpheus_Gaigg_cd_deutsche_harmonia_mundiGeorg PhilippTelemann (1681-1767): Orpheus. Dorothee Mields, Markus Volpert, Ulrike Hofbauer… L’Orfeo Barockorchester. Michi Gaigg, direction. 2 cd Deuteche Harmonia Mundi 886978 05972 7. 2h10mn. Enregistré en août 2010.

Illustration: Dorothee Mields incarne une somptueuse Orasia (DR)

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