Créée en 1846, la Symphonie n°2 opus 61 de Schumann témoigne de la lutte intérieure d’un homme conscient de ses dérèglements intérieurs et pourtant déterminé dans l’affirmation de sa volonté coûte que coûte ; a contrario comme un défi personnel, l’écriture porte vers une volonté de régénération constructive comme la réalisation d’une activité restructurante. De fait, la nervosité déterminée inscrite dans cette volonté conquérante du premier Allegro place toute la Symphonie dans la lumière tel un acte hautement viscéral et volontaire. Le chef Heinz Holliger soigne la lisibilité globale et aussi le relief mordant des instruments parfaitement caractérisés. La direction ne manque pas de nerf : beau galbe entraînant du I; chambrisme plus élégiaque du II (Scherzo d’esprit et de légèreté mendelssohnienne). L’Adagio quant à lui, le mouvement certainement le plus bouleversant composé par le Schumann symphoniste, énoncé très simplement trop peut être, manque parfois de profondeur – on a peine à saisir les enjeux viscéraux d’une partition pourtant très autobiographique…. mais la clarté et la sobriété sont louables particulièrement dans le chant très lisible des instruments concertants.
Un Schumann clair et un peu sage…
Même lisibilité idéale dans le finale instrumentalement équilibré et clair mais là aussi manquant singulièrement de …fièvre et d’affirmation. Pour Schumann, il s’agit pourtant du combat décisif des forces de la raison et de l’esprit contre la menace d’un anéantissement psychique (lequel malheureusement se réalisera inéluctablement).
La Symphonie n°3 « Rhénane » ne change pas notre appréciation: la direction très claire et sereine, manifestement très claire et équilibrée, manque de vertige comme de passion: elle est comme lissée, mise à distance, ses séquences emboîtées parfois sans relation de causalité entre elle, et donc assez décevante car déficiente quant à leur continuum organique. Les paysages du bord rhénan ici évoqués bénéficient d’un souci de précision qui atténue la tension globale. Trop timoré, Heinz Holliger semble se retenir sans chercher à aller jusqu’au bout de son geste. Ou alors cette atténuation très classique, très mendelssohinienne du massif schumanien demeure sa seule conception esthétique. Les classiques apprécieront ; les amateurs d’un Schumann plus échevelé et passionnel regretteront ce manque d’engagement expressif. Question de sensibilité.
Pour nous schumanniens qui avons encore en tête l’éblouissante intégrale signée récemment par Yannick Nézet Séguin, autrement plus fouillée et vertigineuse, la direction de Holliger si elle ne manque pas de précision et de caractérisation instrumentale, ne possède pas la passion et l’élan ravageur qui porte toute la volonté d’un Schumann éperdu, enivré, exalté jusqu’à l’extase (aveuglement) optimiste.
Nos réserves n’entament en rien le haut intérêt de cette lecture musicalement respectueuse et rigoureuse.
Robert Schumann : Complete Symphonic Works, vol.II : Symphonies N°2, N°3 « Rhénane ». WDR Sinfonieorchester Köln. Heinz Holliger, direction. 1 cd Audite 97.678. Enregistrement réalisé à la Philharmonie de Cologne en janvier et mars 2012.