CD. François-Xavier Poizat, piano : Liszt, Stravinsky … Formé à l’école russe de Alexeï Golovine à Genève et Evgeni Koroliov à Hambourg, le pianiste franco-suisse François-Xavier Poizat, remarqué par Martha Argerich pour son immense talent virtuose et brillant, est né en 1989 à Grenoble. Il a marqué récemment le jury et le public au Concours Tchaikovski de Moscou 2011, remportant le Prix Spécial du Jury. Associer Stravinski et Tchaikovski à Liszt et Bizet est une sélection hardie (Liszt et Stravinsky) voire audacieuse (rare Aragonaise de Bizet).
Piano flamboyant et intérieur

D’emblée l’assurance et l’assise de la technique saisissent l’écoute, cependant que la digitalité véloce n’entrave jamais une claire vision dramatique et clairement architecturée des oeuvres. La trame narrative qu’il s’agisse de Tchaïkovski (Casse noisette) et surtout du superbe Petrouchka de Stravinsky imposent ici un réel sens du récit, quand bien même l’essor polyphonique pourrait noyer la ligne narrative principale, le pianiste n’oublie jamais de tracer son chemin, sûr de la route empruntée, allant jusqu’au bout de ses choix de rubato. Le jeu n’est jamais forcé ou purement démonstratif : tout cela est investi avec intériorité et finesse, et son style franc, direct, clair, souligne chez Petrouchka, le souffle du conte trempé de fabuleux espoir et de naïveté engageante. Le Stravinsky est de loin sa meilleure interprétation.
Avec Liszt, et Mephisto-Walzer n°1 de 1859-61, nous plongeons dans le romantisme ténébreux, souvent vertigineux où il faut apporter un sens aigu de la narration certes, surtout une profondeur naturelle, des teintes claires obscures, une gravité confinant au mysticisme… une tendresse hallucinée avec cette exacerbation mesurée du sentiment démoniaque que le jeune pianiste possède indiscutablement. A la sûreté de l’architecture répond une sensibilité ardente, neuve, quasi rafraîchissante (finesse peut-être issue de ses origines chinoises par sa mère). Ses piani sont magnifiquement vécus, ciselés, d’une onirisme à couper le souffle. L’intelligence de l’intonation, la compréhension intime de la partition séduisent et captivent en un jeu d’une inventivité remarquable. L’éveil décuplé, la liberté qu’il s’autorise, des respirations justes, un sens de la relecture investie et humble à la fois, nourrissent un vrai tempérament qui éclaire les oeuvres avec autorité, vivacité, personnalité. Le Bizet souligne la facilité avec laquelle le pianiste aime détourner l’objet musical : l’Aragonaise ivre et telle une mécanique qui s’emballe et semble au bord de l’implosion : la facétie avec laquelle François-Xavier s’empare du motif, dans la transcription de Volodos, laisse toute sa place au sentiment d’une souveraine liberté. Quel feu et quel style. Le jeune interprète promet d’autres stupéfiantes réalisations par cette audace si musicienne. Ses concerts (- surtout en Suisse et en Allemagne-) ne croisent pas encore la France (voilà qui explique pourquoi le livret du présent cd ne soit pas en français) mais à son premier récital annoncé dans l’Hexagone, ne ratez pas l’occasion d’aller l’entendre. Très belle sensibilité pour souhaitons-le lui, une carrière semée de succès comme d’accomplissements.
François-Xavier Poizat, piano : Liszt, Stravinsky, Bizet. 1 cd Ars Produktion, avril 2013. Enregistrement SACD.
Le site officiel de François-Xavier Poizat