CD, critique. PROKOFIEV : Sonates pour violon et piano, sonate pour violon seul, deux transcriptions par Heifetz ; Elsa Grether et David Lively (1 cd Fuga Libera). Rares sont les grands violonistes qui nâont enregistrĂ© les deux sonates de Prokofiev, parfois Ă de multiples reprises. Câest dire si ces Ćuvres, particuliĂšrement exigeantes, se sont classĂ©es parmi les incontournables du rĂ©pertoire. On savait Elsa Grether douĂ©e, perfectionniste, curieuse et authentique. AprĂšs plusieurs CD, aux programmes originaux et ambitieux, qui lui ont valu de multiples rĂ©compenses et un concert de louanges, elle nous offre maintenant ces sonates, avec David Lively, lâextraordinaire pianiste franco-amĂ©ricain. Aux Cinq mĂ©lodies, opus 35bis, gĂ©nĂ©ralement associĂ©es, les musiciens ont prĂ©fĂ©rĂ© la rare sonate pour violon seul et deux transcriptions rĂ©alisĂ©es par Heifetz.
Lâenregistrement sâouvre par la deuxiĂšme sonate, transcrite de la flĂ»te au violon. A-t-elle jamais mieux respirĂ© ? Les tempi sont justes, entendons par lĂ quâils ne sont pas dictĂ©s par une approche nerveuse, motorique. Le moderato est trĂšs Ă©lĂ©giaque, raffinĂ©, avec fantaisie et fraĂźcheur, le scherzo spirituel, lâandante retenu Ă souhait, quant Ă lâallegro con brio, il sâimpose avecâŠbrio et, toujours, ce naturel dĂ©pourvu dâostentation. Lâamour de lâinstrument, le raffinement comme la puissance, les couleurs, avec toujours le soin de lâartisan qui polit sa piĂšce, Elsa Grether rivalise avec les plus grands, magistralement accompagnĂ©e â le terme est faible â par David Lively, dont on admire la capacitĂ© Ă parler dâune mĂȘme voix que celle de sa partenaire.
La rĂ©signation mĂ©lancolique, accablĂ©e, de lâandante assai de la premiĂšre sonate, lâĂ©quilibre idĂ©al dans le dialogue en renouvellent la lecture. Lâallegro brusco nous vaut un violon nerveux, aĂ©rien, puis lyrique et Ă©loquent comme un piano superbe. Lâandante est lâoccasion pour Elsa Grether de dĂ©ployer son chant, serein, rĂȘveur avec un toucher Ă©loquent du clavier. Lâallegrissimo final rayonne de joie, de souplesse de vivacitĂ© pour retrouver la plĂ©nitude de lâandante.
De longue date, la violoniste inscrit la sonate pour violon seul Ă ses rĂ©citals. Elle la dĂ©fend ici avec maestria et sensibilitĂ©, attestant son intelligence vive de lâouvrage. Par-delĂ sa difficultĂ© technique, on comprend mal pourquoi cette Ćuvre remarquable demeure si rare au concert. Les deux transcriptions de Jascha Heifetz, familiĂšres Ă lâauditeur, sont ici dâune belle facture, servies par nos complices, soucieux de rendre Ă ces piĂšces tout leur caractĂšre, sans lâesbrouffe que les bis leur ajoutent trop souvent.
Un enregistrement que lâon ne saurait trop recommander : On sort heureux de ce moment de musique, rayonnant, lumineux, Ă lâĂ©motion juste, au jeu dĂ©cantĂ© de ses scories, toujours dynamique, Ă©nergique mais sans fĂ©brilitĂ©, accentuĂ© sans arrachements.
Outre une prĂ©sentation bienvenue des artistes, le livret bilingue comporte une notice pertinente de Francis Albou, prĂ©sident de lâAssociation Serge Prokofiev.
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COMPTE-RENDU, CD. PROKOFIEV : Sonates pour violon et piano, sonate pour violon seul, deux transcriptions par Heifetz ; Elsa Grether et David Lively – 1 CD Fuga libera FUG 749, de 69 : 41, enregistrĂ© Ă Bruxelles, Studio Flagey, en juillet 2018.