dimanche 9 février 2025

CAIRN… Une aventure humaine et musicale. Portrait de l’ensemble et de son créateur Jérôme Combier

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ENSEMBLES, PORTRAIT. Depuis 20 ans, l’ensemble CAIRN défend une autre idée de l’aventure musicale. Entre concerts, créations, formes du spectacle, CAIRN incarne à présent un modèle de laboratoire artistique, alliant l’humain et l’art, le partage et l’imagination… Portrait de l’ensemble Cairn par notre rédacteur et envoyé spécial Marcel Weiss.

« Cairn : Amas de pierres élevé par les explorateurs des régions polaires ou par les alpinistes, afin de marquer leur passage. » Chaque passant se doit d’y ajouter une pierre…

La création de l’ensemble Cairn en 1997 par deux jeunes compositeurs, Jérôme Combier et Michel Petrossian, achevant leurs études au Conservatoire de Paris, est née d’une inquiétude – comment négocier le passage du cocon de l’école à la vie active – et du besoin d’affirmer leur existence en tant qu’artistes en créant une structure qui leur appartienne véritablement. « Nous souhaitions construire un outil pour jouer nos musiques, rassembler des interprètes et écrire de nouvelles partitions pour eux, se rappelle Jérôme Combier.

 

 

 

Les 20 ans de Cairn : Voyage au bout de l’inouï

 

 

 

CAIRN-portrait-annonce-concerts-operas-festival-j-r-me-combier-copyright-cecile-brossardL’aventure a commencé à l’issue d’un concert à la Maison Heinrich-Heine de la Cité universitaire, d’une envie commune des deux compositeurs et de leurs premiers interprètes, sans plan préétabli, sans même penser à un avenir hypothétique. « Jamais, on aurait imaginé durer vingt ans ! » souligne Jérôme Combier, qui continue à mener la barque Cairn saison après saison. Il se remémore les débuts héroïques, où il fallait tout gérer soi-même, l’élaboration des concerts, l’organisation, la publicité, jusqu’à la distribution des tracts (sous la pluie) et au nettoyage de la salle… (illustration : Jérôme Combier © C Brossard)

Aux différents pavillons de la Cité universitaire ont succédé les concerts au Théâtre de l’Ile-Saint-Louis, avant de bénéficier de l’accueil et du soutien de l’Atelier du Plateau, partenaire indéboulonnable de Cairn depuis bientôt dix-huit ans. Premiers contrats, premiers concerts véritablement professionnels, puis premier festival, en 2005 : Why Note à Dijon.

Entretemps, l’aventure artistique et humaine a dû peu à peu se structurer pour plus d’efficacité, notamment par l’embauche d’une administratrice, Emmanuelle Sagnier, et adopter un statut associatif afin de pouvoir bénéficier des indispensables subventions. Après avoir été conventionné par la DRAC d’Ile de France, Cairn l’est depuis huit ans par la région Centre-Val de Loire, à l’invitation de François-Xavier Hauville, directeur de la Scène nationale d’Orléans.
Pour Jérôme Combier, « un soutien indispensable pour pouvoir construire des projets dans un territoire jusque-là dépourvu d’’ensembles de musique contemporaine ; un modèle que j’essaye de promouvoir auprès des autorités de tutelle. » Un positionnement régional renforcé par l’attribution en 2005 du label de «  Ensemble à rayonnement national et international ».

Seul à la barre de Cairn après le départ de Michel Petrossian, Jérôme Combier en assure la direction artistique, et Guillaume Bourgogne la direction musicale depuis 2002 des concerts dirigés. En plus d’un nouvel administrateur, Raphaël Bourdier, l’arrivée récente d’une chargée du développement, Perline Feurtey, renforce le dynamisme de l’ensemble.

Côté musiciens, après le recrutement récent d’une accordéoniste, Fanny Vicens, et d’un trompettiste, André Feydy, l’ensemble se compose de onze solistes et a connu peu de changements internes : certains, comme la guitariste Christelle Séry ou la pianiste Caroline Cren, l’altiste Cécile Brossard, font parties de l’équipe de départ. Tous se sentent fortement impliqués dans une aventure qu’ils tiennent à poursuivre, en parallèle de leur carrière individuelle. Une fidélité exemplaire, se félicite Jérôme Combier : « Ils ont tous le sentiment de faire partie d’une aventure importante, d’être embarqués sur un même bateau, sans cet équipage le bateau n’avancerait pas. »

La programmation revient avant tout à Jérôme Combier, mais les musiciens souvent émettent des idées, voire proposent des projets personnels, ce fut le cas du projet « Les métamorphoses du cercle » conçu par Cécile Brossard avec le circassien Sylvain Julien et le compositeur Karl Naegelen, ou le solo du percussionniste Sylvain Lemêtre : « Sonore Boréale ».

Une responsabilité assumée, qui va de paire avec un souci d’exigence présent à tous les niveaux, du travail personnel sur la partition au niveau de qualité du concert final.

« Jouer par conviction les musiques qui ont des résonances esthétiques bien particulières pour nous, axées sur le timbre et sur des formes complexes, élaborées par le biais de l’écriture ». Ce parti-pris esthétique toutefois se refuse à tout dogmatisme, comme le précise Jérôme Combier : « Nous souhaitons jouer les compositeurs de notre génération – mais également ceux des précédentes – qui nous ont impressionnés. Avec l’idée de suivre un sentier dans la montagne, balisé par les cairns, et ce chemin-là est le concert en soi, avec ses pierres, ses jalons historiques, on veut guider l’auditeur en suivant un fil conducteur : le concert comme un cheminement, une composition musicale, à la fois par l’agencement des pièces et par leur compréhension historique. »

Difficile d’imaginer des univers plus contrastés que ceux de Gérard Pesson et Raphaël Cendo, de Francesco Filidei et Pascal Dusapin, de Tristan Murail et Kaija Saariaho, rencontrés au hasard des chemins parcourus en vingt ans par Cairn. Passant parmi d’autres, Jérôme Combier use avec parcimonie du privilège de pouvoir disposer de l’ensemble des énergies de Cairn pour ses projets personnels.

Exemplaire, le cycle des « Vies silencieuses », conçu entre 2004 et 2006, sept pièces explorant à l’infini les combinaisons et les possibilités instrumentales des solistes de Cairn.

Cette histoire passe par une interrogation sur la forme-même du concert, un remise en question de ses conventions sans pour autant souhaiter en casser le protocole. En le confrontant par exemple à d’autres formes d’arts (arts plastiques, photographie, vidéo) et à d’autres types de musiques, jazz (Vincent Lê Quang, Marc Ducret, John Hollenbeck), musique afghane (Khaled Arman), fado (Cristina Branco).
Les croisements avec la littérature, particulièrement chers à Jérôme Combier, innervent d’autres projets : tels son « Campo Santo » inspiré d’un livre de W.G. Sebald, créé en 2016, et « in Company with Shakespeare», présenté au Château de Chambord le 9 juillet prochain, qui mettra en résonance les interprétations shakespeariennes des maitres élisabéthains et de Kaija Saariaho, à l’initiative de la chanteuse Léa Trommenschlager.

Les cinq Soirées singulières d’anniversaire programmées en novembre et décembre 2018 au Théâtre d’Orléans et au Théâtre de Vanves proposaient un parfait concentré de la diversité des pratiques artistiques et des personnalités  engagées depuis 20 ans dans la démarche de création de l’ensemble Cairn et de sa volonté constante d’ouverture : en plus de la littérature avec l’intervention de Sylvain Coher et Joy Sorman, la danse représentée par Alban Richard, des arts plastiques par Raphaël Thierry, sont entrés en scène les musiciens jazz du Tricollectif, le cirque avec Sylvain Julien et la photographie avec Tazio.

20 ans, l’âge d’un bilan ? Côté positif, il y a eu un grand nombre de commandes, passées grâce au dispositif des commandes d’Etat, tant à des maitres reconnus, Gérard Pesson, Tristan Murail, qu’à des compositeurs relativement plus jeunes, Joël Merah, Alexandre Lunsqui, Alex Mincek. Comme autant de cairns, une dizaine d’enregistrements marquent la trace de l’ensemble. Dont celui des « Vies silencieuses », Grand prix de l’Académie Charles-Cros en 2008. Dernier en date, « Blanc mérité » de Gérard Pesson. Prochaine parution, « Portulan » autour de la musique de Tristan Murail. Un investissement conséquent, mais indispensable selon Jérôme Combier : « L’enregistrement répond à la volonté de produire un objet fini, propice à une écoute plus rigoureuse que le concert.  Les musiciens y sont particulièrement sensibles. Cela fait partie de notre mission. »
L’indispensable prolongement des concerts, dont Combier déplore la rareté, la fugacité. Malgré la reconnaissance du milieu musical et l’incontestable succès de son ancrage en terre orléanaise, des concerts comme des initiatives culturelles et pédagogiques qui les accompagnent, l’existence de Cairn reste, vingt ans après, fragile.

Pour son Directeur, « Rien n’est pérenne, on n’existe que parce que l’on se démène, poussés par la volonté de réaliser nos désirs. Nous ne pensions pas durer autant, alors, tout ce qui nous arrive est une chance dont il faut se réjouir. »

Par notre envoyé spécial Marcel Weiss

PLUS D’INFOS sur le site de l’ensemble CAIRN
http://ensemble-cairn.com/ensemble/jerome-combier

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