dimanche 8 décembre 2024

CD, critique. JS BACH : Passion selon Saint-Matthieu (Gli Angeli, McLeod – 1 cd CLAVES, avril 2019)

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bach js matthaus passion gli angeli stephan macleod cd critique review cd classiquenews 7619931301228_frontcover_grandeCD, critique. JS BACH : Passion selon Saint-Matthieu (Gli Angeli, McLeod – 1 cd CLAVES, avril 2019). Voyons d’abord les enjeux de la partition et ce qu’en souligne les interprètes…  Le nouvel ensemble genevois créé par le baryton Stephen MacLeod, un habitué du monde des cantates et des passions de JS BACH pour les avoir chanté partout dans le monde sous la direction des chefs les plus aguerris dans ce répertoire, aborde l’Everest du Baroque sacré (avec la messe en si). Donnée dès le Vendredi Saint 1727 à Saint-Thomas, avec ses orgues, chœurs, continuos doubles, dans les deux tribunes du vaisseau à Leipzig, la Passion selon saint-Matthieu est bien cette formidable machine fraternelle rayonnant de tendresse et de compassion. Après la Saint-Jean (1724), moins détaillée, plus abstraite, la Saint-Matthieu en deux parties, exprime les étapes de la Passion de Jésus, mais sans emprunter à l’opéra, selon le cadre strict des autorités religieuses de Leipzig. Tandis que l’Evangéliste (ténor) narre directement les faits, les textes additionnels de Picander, sollicité par Bach pour les arias, ariosos, choeurs (soit 12 chorals, repères pour le fervent luthérien) explore les champs de la ferveur chez ceux qui reçoivent le message évangélique : la poésie implique l’auditeur en un acte de participation et de compassion à chacune des situations du drame christique. Jésus humain souffre dans sa chair (Mon Dieu pourquoi m’as tu abandonné?). Pourtant le traitement musical, s’il doit s’écarter des ficelles de l’opéra, souligne les points forts de la narration : foule haineuse contre solitude impuissante et doloriste de Jésus. L’abandon, la souffrance, le désespoir y sont particulièrement aiguisés
La vision est très fouillée, abordant sans complexe la riche symbolique des deux choeurs d’ouverture et de conclusion par exemple: au début, opposition dialectique entre l’Agneau de Dieu, innocent mais sacrifié ; et l’humanité errante, coupable, aveugle, en perdition ; dans le dernier chœur, déploration sur la mort de Jésus porteur du salut, quand est refermé son tombeau (dissonance à peine audible)…
Tout cela se lit dans la conception collective et très humaine de MacLeod ; le chef baryton confirme connaître la partition, ses enjeux, son sens profond. Surtout sa fonction cathartique qui implique les fervents : musiciens et public. Luther ajoute la nécessité de vérité pour toucher l’audience rassemblée dans l’écoute de la Passion : chaque scène christique doit être vécue (à la façon des mystères médiévaux). La fonction de la Passion de Bach est celle d’une immense et irrépressible compassion collective : l’auditeur doit souffrir et vivre chaque sentiment aux côtés / avec Jésus. Son premier serviteur, Bach lui-même, pêcheur, humble et modeste.
Stephen MacLeod emporte ainsi sa fine équipe degli Angeli, il enregistre la partition, dans le prolongement d’une tournée de 5 concerts en Suisse, et privilégiant surtout la continuité du drame (en des prises parfois de plus de 10 mn au studio afin de préserver la tension flexible et continue d’un seul tenant). Le texte est bien mis en avant.

Alors que penser de cette version qui s’inscrit dans pléthore de lectures baroqueuses déjà très impliquée et convaincante ? L’Évangéliste de Werner Güra n’est pas stylistiquement le plus précis mais le récitant narrateur ne manque ni d’engagement ni de mordant. Il invective, prend à témoin, vivife le fil narratif.
Parmi les solistes de ce drame très incarné – le propre de la musique instrumentale de Bach et des textes ajoutés, réalisés par Picander à la demande du compositeur : l’alto Alex Poter, droit, ardent, intense, brillant comme un métal poli exprime les pleurs de Jésus trahi par Pierre (CD2,plage 9). ; la soprano incandescente et si naturelle Dorothee Mields (plage 22) qui rayonne, elle aussi feu ardent, claire articulation, sans maniérisme d’une âme terrassée par l’amour de Jésus, sa détermination à mourir pour sauver. Poter / Mields sont les meilleurs arguments de la version genevoise. Côtés voix basses, Stephan MacLeod entraîne son équipe dans la caractérisation toujours sobre du texte ; mais on aimerait que la basse Benoît Arnould (Jésus) exprime plus d’émotion (plage 57) : l’air ardent, implorant même par la douceur réconfortante de la croix y déploie une voix certes ronde, noble, moelleuse mais bien peu inscrite dans le drame et les tiraillements du texte. Comme désimpliquée, déjà transcendée par la Résurrection finale?).

La lecture soigne le relief des instruments solistes (flûtes, hautbois, …) et favorise la réalisation inédite de certains airs : comme celui pour alto féminin (plage 52) dont le texte dit la souffrance dont le coeur est un calice, pour la dignité des victimes. L’appui expressif des instruments, les accents renouvellent notre connaissance de l’air.

Très fouillée et offrant des équilibres instrumentaux inédits, la lecture s’avère intéressante même ; parfois trop de précision et de détails restitués, dans un geste droit, le drame peine à insuffler les arêtes majeures de l’architecture, le souffle de la passion mystique. Mais le chœur est tendu, expressif, recueilli ou déchainé selon qu’il incarne le chœur des fidèles ou la foule hystérique et haineuse… Ce juste milieu entre une lisibilité continue, une expressivité globalement partagée par tous et un continuo plein, rond, très allant, font la valeur de cette lecture. Gli Angeli ? Un nom bien choisi pour la caresse chorale finale – angélique et sereine, qui referme le formidable livre de la Passion, dans l’espérance et la mort apaisée.

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CD critique. JOHANN SEBASTIAN BACH : MATTHÄUS-PASSION BWV 244. Gli Angeli (2 cd Claves records)

Werner Güra, Evangéliste
Benoit Arnould, Jésus
Dorothee Mields, soprano I (Ancilla I)
Aleksandra Lewandowska, soprano II (Uxor Pilati)
Sarah Van Mol (Ancilla II)
Alex Potter, alto I | Marine Fribourg, alto II (Testis I)
Thomas Hobbs, ténor I | Valerio Contaldo, ténor II (Testis II)
Stephan MacLeod, basse I (Judas, Pontifex II, Pilatus) | Matthew Brook, basse II (Petrus, Pontifex I)

GLI ANGELI / Solistes instrumentaux
Alexis Kossenko, Sarah van Cornewal et Jan Van den Borre, flûtes
Emmanuel Laporte et Katharina Andres, hautboisLeila Schayegh et Eva Saladin, violons
Romina Lischka, viole de gambe

/ Continuo
Tomasz Wesołowski, basson
Ageet Zweistra et Dorine Lepeltier, violoncelles
Michaël Chanu et Cléna Stein, contrebasses
Francis Jacob et Maude Gratton, orgues
Bertrand Cuiller, clavecin

Maîtrise du Conservatoire Populaire de Musique, Danse et Théâtre de Genève, Petits Chanteurs de la Schola de Sion, Maîtrise Musique Ecole du Conservatoire de Lausanne

Stephan MacLeod, direction

https://www.claves.ch/collections/all-albums/products/bach-matthaus-passion

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