Cd critique compte rendu. JS BACH : Sonate pour flûte et clavecin, Partita pour clavecin seul BWV 830 (Troffaes / Wolfs, 1 cd Paraty, 2015). Pour l’interprète, exprimer dans le jeu certes la rhétorique de l’éloquente musique, surtout la poésie du coeur et de l’esprit… Ainsi est signifié le défi de toute partition de Jean-Sébastien, qui semble de facto avoir réussi la fusion idéale, du sentiment et de la virtuosité : toucher l’âme, bercer l’esprit. Autant de caractères, éléments d’une esthétique vivante, qui s’écoulent ici, portés par la connivence des deux interprètes en tous points, convaincants. Ligne claire et sans affèterie, posée, portée, canalisée par la gestion du souffle de la flûtiste Stefanie Troffaes. Discours fluide, précis et sobre du claveciniste véritable orfèvre de l’articulation, Julien Wolfs. On connaît bien le claviériste comme membre fondateur de l‘extraordinaire ensemble Les Timbres, en résidence au Festival Musique et Mémoire. L’hypersensibilité expressive des deux instrumentistes affirment la vitalité et la justesse du Jean-Sébastien, à la fois imaginatif, expérimental, suprêmement élégant. De toute évidence, Julien Wolfs défend l’approche partagée avec ses habituels partenaires des Timbres : faire parler la musique. Le Baroque est un vaste laboratoire où la note ambitionne peu à peu l’impact expressif du verbe. Lea fête traversière, même si elle n’exprime pas le sentiment du compositeur, – processus romantique, séduit ici par son éloquence proprement baroque : dans la diversité des accents, l’articulation des nuances… toute une intelligence dynamique qui dans le pacte discursif à deux voix : flûte / clavecin (BWV 1030 et 1032), affirme ce langage palpitant des partitions ici réunies (profondeur contemplative en dialogue de l’Andante du 1030).
Toucher le cœur, plaire à l’esprit
Ailleurs on relève la parfaite connaissance qu’avait Bach, du répertoire expressif classé par Mathewson, servi, compris particulièrement par les interprètes : effusion venant du coeur du si mineur (1030) ; tristesse recueillie du mi mineur (1034), activité brillante du la majeur (1032)… enfin, joie irradiante conquérante irrésistible du mi majeur (1035). Innervant pour chaque pièce, ce jeu ténu, vibrant des contrastes,, un soin spécifique dans la réalisation des répétitions (toujours variées et caractérisées), les interprètes éclairent le génie d’un Bach, maître du langage musical. Sa langue est encore davantage intense et investi dans la séquence où Julien Wolfs joue seul la Partita BWV 830 : la clarté nerveuse du clavecin (copie B Kennedy d’après M. Mietke de 1703) apporte à la succession des 7 épisodes, sa noblesse discursive d’une éloquente tendresse… sa sincérité intérieure (crépitement d’une liquide ardeur de l’exceptionnelle Corrente) : parfois sombre et pudique (Sarabande), sans omettre le prélude (Toccata) qui est questionnement dépassant le prétexte d’une Suite de mouvements diversités et caractérisés : l’interrogation variant les séquences enchaînées, affirme peu à peu une interrogation sur le sens même de la forme musicale : en cela le souci de précision contrapuntique, comme de sobriété expressive rendent compte du génie d’un Bach démiurge pensant la musique comme d’un matériau vivant et organique. Le jeu tout en finesse et en sobriété du claveciniste saisit d’un bout à l’autre par sa gestion de la tension, d’une lumineuse intelligence (fluidité magicienne, entre tendresse et nostalgie de l’Allemande ; acuité intériorisée du Tempo di Gavotte puis Gigue au souffle philosophique universel, sidérant). Superbe programme, emblématique de la maturité de la jeune génération baroqueuse actuelle. Suivez ces deux tempéraments là : ils ne jouent pas ; ils vivent la musique, de l’intérieur. Leur sobriété interprétative fait la différence : tout pour la musique, rien que la musique. CLIC de CLASSIQUENEWS de l’été 2016.
Cd critique compte rendu. JS BACH : Sonate pour flûte et clavecin, Partita pour clavecin seul BWV 830 (Troffaes / Wolfs, 1 cd Paraty 165142, 2015) – Parution : septembre 2016
Approfondir : reportage vidéo de la Résidence des Timbres, année 2, juillet 2015, au Festival Musique et Mémoire (Haute Saône, 70).