CD critique. BRUCKNER : 9è symphonie Manfred Honeck (Pittsburgh Symph Orch, 2018). Voilà un programme éloquent et clair qui dévoile la direction « centrale », très équilibrée du chef autrichien né dans le Vorarlberg en Autriche en sept 1958, Manfred Honeck. Le voici dirigeant le Symphonique de Pittsburgh. La 9è est la dernière partition symphonique de Bruckner, laissée hélas inachevée. Bruckner particulièrement découragé après la mauvaise réception de la 8è, délaisse la plume pour ne la reprendre qu’en avril 1891. La partition de l’Adagio restera orpheline du Finale qui devait lui succéder, la 9è reste l’Inachevée. Et dans l’Adagio, Bruckner exprime cette quête au repos, à la grâce qu’en croyant sincère, il espérait atteindre.
Au gouffre dantesque, terrifiant du Scherzo, le plus beau jamais « écrit par l’auteur, répond la prière et l’adieu de l’Adagio… Atteint de Pleurésie, Bruckner devait s’éteindre en octobre 1896.
Justement, il n’est que d’écouter attentivement le dernier (3è) épisode / le dernier mouvement (Adagio : Sehr langsam, feierlich, de presque 30 mn) pour mesurer le sérieux et la haute façon du chef, directeur musical du Pittsburgh Symph Orch, MANFRED HONECK que ses origines viennoises, rattachent à la tradition des chefs élégants et hédonistes. Il est soucieux surtout à la façon d’un Karajan, d’une sonorité ronde et fondue, (lisse et linéaire diront les plus critiques), mais solarisée comme les plus grands brucknériens (Jochum, Boehm, Wand, Masur,…).
WAGNER sublimé… Le début aux cordes seules dessinent dans l’éther, la citation sublimée du Parsifal de Wagner (le modèle absolu de Bruckner). Expression d’un absolu spirituel et d’une profonde sérénité, l’Adagio approfondit la foi inextinguible du compositeur de Linz en un ample tableau qui décolle et se maintient suspendu au dessus de l’existence terrestre, préludant bien des développements chez Mahler : mû par une ardente ferveur, Honeck construit à partir de cette sidération wagnérienne plusieurs accents d’une totalité assumée, épanouie qui enfle les cuivres, nobles et majestueux ici, d’une résonance presque secrète, voire énigmatique. Manfred Honeck ne cherche pas la déclamation superfétatoire mais plutôt l’aspiration vers l’autre monde. Il dégraisse l’orchestration ailleurs épaisse voire lourde de Bruckner.
Dans cette vision intérieure, très intimiste, le ruban des cordes exprime l’absolu certitude et l’espérance de temps futurs enfin résolus, sans entraves ni tension. Une sorte d’extase spirituelle que seule l’orchestre colossal ici peut exprimer, entre l’hommage à Wagner, en sa gravité renouvelée et R Strauss (Symphonie Alpestre). Une prière qui touche par sa sincérité : Honeck lui apporte la couleur et l’éloquence requises. Très convaincant.
CD critique. BRUCKNER : 9è symphonie « inachevée » (Pittsburgh Symph Orch, Manfred Honeck – 2018 – 1 cd Fresh / RR)