CD, critique. BONONCINI : Polifemo (Ensemble 1700, Dorothee Oberlinger, 2 cd DHM 2019). Enregistré live à Postdam (Sans Souci) en juin 2019, la recréation tient d’une révélation tant l’écriture y paraît aussi peu convenue qu’expressive, économe, sachant exprimer avec une force poétique le désarroi sentimental et le désir souverain des individus (superbe air d’Acis : « Partir vorrei », déchirante plainte sublimée par le soprano clair de Bruno de Sá, assurément l’un des temps forts d’une partition sertie de nombreux diamants vocaux). Lui répondent l’incandescence et la vitalité émotionnelle des airs de Galatée et de Silla auxquelles les voix de Roberta Invernizzi et Roberta Mameli insufflent une vérité criante, en féminité, dignité, flexibilité articulée. L’opéra a été créé en 1702 à la Cour de Lützenburg, joué par des musiciens professionnels et les commanditaires patriciens eux mêmes musiciens dilettenti. L’action de Bononcini est dominée par ses trois diamants aigus : Acis, Galatée, Silla – trois faces irradiantes de l’amour inconditionnel auquel se heurte la rusticité plus épaisse et ronflante de Polifemo (fugace air « Vanarella, pazarella »). Saluons le défrichement et la curiosité de l’excellent Ensemble 1700, habile révélateur, idéalement fusionné aux langueurs sensuelles des chanteuses.