vendredi 29 mars 2024

CD. CPE Bach: Concertos & Symphonies (Goltz, 2013)

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CD. CPE Bach: Concertos & Symphonies. Berliner Barock Solisten, 1 cd DHM (Goltz, 2013). Employé frustré de Frédéric II à Berlin, puis directeur de la musique de Hambourg (à la succession du très admiré Telemann son parrain en 1768), le fils le plus doué de Jean-Sébastien honore la réputation paternelle grâce à ses partitions versatiles,  audacieuses, caractérisées, fougueuses, emblèmes de l’esthétique Surm und drang et Empfindsamkeit, toujours d’une élégance suprême (celle qui inspirera tant Haydn et Mozart). Un corpus que l’on découvre enfin aujourd’hui… heureuse réhabilitation opportune pour les 300 ans du compositeur né en 1714, comme Jommelli et Gluck.

Bach_CPE_carl-philipp-emanuel-bach-concertos-symphonies-wq184-goltz-dhm-cd-berlinbarocksolistenLes oeuvres retenues par Gottfried von der Goltz, ailleurs directeur musical du Freiburger Barockorchester,, réputé (à raisons) pour son engagement et l’énergie de ses lectures trépidantes, met en lumière, sur le mode concertant, l’art du dialogue et de la conversation musicale du fils Bach.
2 Concertos, pour flûte et pour hautbois révèlent un souci constant de la forme à la fois imaginative et équilibrée, aux confins du baroque tardif vers déjà cette distinction concertante qui annonce les grands accomplissements de Haydn et de Mozart dans la formulation proprement classique du Concerto orchestral.
Le Concerto pour flûte, serti de brillance sombre et grave, couleurs préromantiques qui en font tout le prix, date de 1747 ; il n’évoque pas la relation de CPE avec le roi flûtiste dont le goût plutôt conforme et banal ne se serait guère accordé à cette pièce si nuancée et raffinée; même le plus tardif Concerto pour hautbois (1765, deux ans avant la période hambourgeoise) n’évoque en rien le goût de la Cour berlinoise où règnent les plus décoratifs Graun et Quantz. Les deux oeuvres d’une inventivité remarquable et qui interroge en profondeur l’inclination mélancolique du sujet, ont peut-être été jouées dans le cercle des musiciens professionnels de Bach. Il s’agit bien de  » mettre le coeur en mouvement  » plutôt que … de plaire à des oreilles banales.
Ici c’est moins le super soliste au clavier l’un des plus grands de son temps qui s’inscrit au panthéon de la musique pour clavecin (et clavicorde) que l’inventeur d’une forme pure, instrumentale, d’un fini inégalé, et d’un accomplissement singulier, à la fois mélancolique (sa vraie nature), expérimental et audacieux, libre, fantaisiste, viscéralement personnel. Avec CPE Bach se précise une claire conscience d’une écriture à la fois idéaliste mais aussi commerciale, jouant sur la virtuosité et la profondeur, le contraste et la surprise… En témoignent les deux Symphonies ici sélectionnées parmi les 6 Hambourgeoises Wq 182. Commandées par le baron Gottfried von Swieten, les oeuvres seront largement diffusées lors de son retour à Vienne où protecteur de Mozart et de Beethoven, von Swieten les transmet à tous ceux qui reconnaissent et goûte le génie qui les frappent : CPE Bach nourrit donc l’inspiration et la maturation de Haydn, Mozart, Beethoven. C’est dire l’immense place qu’occupe le fils Bach dans l’accomplissement du romantisme viennois.
Carl Philipp Emanuel BachToutes en trois parties, les deux Symphonies étonnent par leur jaillissement spontané, une impression de naturel et d’audace énergique qui parlent manifestement au jeu des interprètes. Sous le feu ciselé du chef (leader au violon : il joue un Testore de 1690), de ses solistes, le tempérament collectif souligne sans lourdeur ni artifice toute l’ébullition foisonnante et flamboyante d’un Bach vrai génie des enchaînements, des surprises, des décharges en tout genre. Pourtant malgré ce festival trépidant, la gravité, la profondeur, la sincérité ne font pas défaut. L’humour aussi (dont se souviendra Haydn). Une combinaison palpable qui fait toute la saveur de cette lecture, très recommandable pour les 300 ans de Carl Philipp Emanuel Bach en 2014.

Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788): Concertos pour flûte et hautbois, 2 Symphonies Hambourgeoises wq 182. Berlinerbarocksolisten. Gottfreid von der Goltz (violon et direction). 1 cd DHM. Enregistrement réalisé en avril 2013 à Berlin.

DOSSIER Carl Philipp Emanuel Bach, spécial tricentenaire 2014

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