CD, compte rendu critique. Rossini ! Olga Peretyatko, soprano. 1 cd Sony classical. On voudrait croire à la magie vocale, le charisme de la soprano russe née en 1980 à Saint-Pétersbourg, Olga Peretyatko (épouse à la ville du chef Michele Mariotti, – depuis 2012), et qui connaît depuis ces 3 dernières années, une exposition fulgurante sur la scène lyrique internationale. La couverture de ce nouveau disque la met en scène en nymphe lolita à l’italienne, style vita à la romana, dans un style rétro fifties… L’image marketing joue à fond : on comprend que les producteurs de chez Sony classical « développe » l’artiste en la positionnant comme l’exacte petite soeur d’Anna Netrebko, dont pourtant « la Peretyatko » ne partage ni le timbre blessé ni le médium charnu et délicieusement sensuel. Car tout ici est une question de format : si la soprano séduit par la beauté à la fois ronde et perçante du timbre, ses limites dans les aigus sont vite atteintes et dévoilées, comme côté style et caractère, la couleur de la voix convient mieux aux héroïnes alanguies qu’aux piquantes facétieuses (Il Viaggio a Reims, surtout Rosina du Barbier). Sa Traviata diffusée sur Arte récemment avait de fait affirmé ses talents de tragédienne verdienne… mais dans une palette d’expressions assez réduite et dans une tessiture serrée.
depuis leur coopération à Pesaro en 2006, la diva suit les conseils du chef Zedda…
Olga Peretyatko est-elle une rossinienne d’exception ?
Pour autant, chanter Rossini, indique un déplacement complet du curseur expressif et stylisique, vers ce premier XIXème siècle, c’est à dire aux origines du romantisme italien d’avant Bellini, et qui nécessite de vraies dispositions belcantistes. D’autant que la soprano a choisi pour ce 3ème album Sony, un programme magnifiquement accompagnée, ciselé par un spécialiste du répertoire, Alberto Zedda (partenaire de la diva depuis 2006, l’année de leur rencontre au festival Rossini de Pesaro) dont on se délecte de la subtilité du trait, de la vivacité des accents, de l’euphorie générale d’une baguette qui sait articuler, respirer, taquiner… L’agilité, la précision quasi mécanique des vocalises, le style surtout positionné beau chant (bel canto) exige un talent de diseuse doté de souffle et de finesse. Le programme se déroule en deux parties, indiquant les deux veines poétiques rossiniennes : la pure agilité ouvre le bal (deux airs de Folleville et de Corinne du Voyage à Reims), une prière extatique héroïque (Matilde de Shabran… qui depuis des décades fait le tremplin jusqu’aux étoiles d’une certaine Edita Gruberova), puis les seria Tancredi et Semiramide (le fameux Bel raggio lusinghier adapté pour la voix légère d’Isabella Colbran) ; enfin en seconde et dernière section, deux airs comiques, ou deux standards rossiniens : alliant virtuosité et expressivité : Una voce poco fa – version soprano-, du barbier de Séville et L’infelice, che opprime sentira du Turc en Italie. Le récital est consistant. Est-il pour autant idéalement convaincant ?
Le timbre est beau, la technique sûre (ceux d’une lyrique colorature), mais…. le format réduit et les aigus vite courts, en particulier dans les deux airs les plus exigeants : Matilde de Shabran et Semiramide. Reste Rosina : question de couleur et de caractère, l’abattage et l’intonation exacte lui manquent : pas assez de mordant, de facétie, et l’italien manque parfois de tenue comme d’exactitude. Même sa Fiorilla du Turc en Italie – autre femme émancipée, libertaire à la facétie grave et profonde, manque singulièrement de trouble, de subtilité. Le programme suit exactement les emplois que le chef Zedda a confié depuis leur première coopération à Pesaro à la cantatrice : Folleville et Corinna, Matilde, Amenaide, Semiramide, Rosina et Fiorilla…
C’est donc un programme en demi teintes avec l’impression, en guise de conclusion que la soprano a ciblé trop grand, trop haut dans ce récital surdimensionné pour ses réelles aptitudes. La palette de nuances expressives n’offre pas assez de richesse émotionnelle, d’ambivalence vertigineuse aux rôles que Rossini a écrit pourtant dans une déconcertante subtilité de tons et d’intonation.
Quoiqu’il en soit, Rossinienne, « la Peretyatko l’est bel et bien : sur la scène milanaise en juillet (Scala de Milan), où elle vient de chanter (4-24 juillet) Desdemona dans Otello, aux côtés de Juan Diego Florez, un rôle déjà abordé à Pesaro dès 2007. Le disque mettrait-il l’accent sur ses vraies possibilités ?
CD, compte rendu critique. Rossini ! Olga Peretyatko, soprano. 1 cd Sony classical 8887057412.