jeudi 28 mars 2024

CD. Coffret Giulini in Vienna (15 cd Deutsche Grammophon).

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giulini in vienna deutsche grammophonCD. Coffret Giulini in Vienna (15 cd Deutsche Grammophon). 2014 est l’année des célébrations de grands chefs : après Kubelik, le Karajan straussien, voici pour son centenaire (né en 1914), Giulini in Vienna. A la tête du Simphoniker et du Philharmoniker, Carlo Maria Giulini se dévoile en 15 cd d’une portée esthétique et d’une profondeur artistique indiscutables.
L’italien qui grandit à Bolzano c’est à dire dans le Tyrol encore très nettement germanophone, cultive depuis toujours une fascination pour les grands romantiques allemands : Beethoven, Brahms, Bruckner, les 3 « B » de Giulini sont ici ses favoris, lui permettant d’atteindre le grand frisson symphonique, surtout chez Brahms et plus encore chez Bruckner où le colossal rejoint l’intime millimétré avec des couleurs éblouissantes de tension intérieure, et une lumière solaire qui surgit de l’ombre inquiétante. Ses Bruckner sont en cela plus captivants encore que ses Brahms dont voici une intégrale exceptionnelle. Il y ouvre des perspectives inexplorées avant lui, créant des passages mordorés, peignant en plans multiples atteignant des étagements et une spatialisation inouïe. Les 3 dernières symphonies de Bruckner (7,8 et 9 enregistrées avec le Philharmoniker de Vienne entre 1984 et 1988) affirment une intensité d’apocalypse pourtant très finement ciselée d’un esthétisme là aussi solaire. Une hauteur de vue qui rejoint celle d’un autre immense wagnérien : Gunter Wand.

Solaire Giulini

Le seul compositeur italien est ici Verdi (2 cd sur 15): enregistré en 1979, le Rigoletto de Giulini est d’un dramatisme élégantissime, incandescent et fulgurant comme son Don Giovanni, et servi par une distribution idéale : Placido Domingo (le duc), Piero Cappuccilli (Rigoletto), surtout Ileana Cotrubas en Gilda, ardente, embrasée, d’un angélisme filiale à couper le souffle. Quel style pour chaque protagoniste.

Plus anciens, les Liszt de 1976, Concertos 1 et 2 avec Lazar Berman, ne sont pas les plus convaincants, ils confirment néanmoins le geste ample et souple, toujours noble et racé du chef mais avec un orchestre qui sonne un peu court (Simphoniker) et un piano certes virtuossisime mais trop extérieur et souvent sophistiqué que la captation met malheureusement un peu trop en avant.

L’autre joyau avec les Bruckner et Rigoletto reste chez Brahms, le superbe Requiem aux arrêts suspendus, d’une intériorité et d’une profondeur irrésistibles : le live de 1987 précise l’art d’un Giulini, maître des architectures chorales, sachant en esthète aussi perfectionniste et exigeant que Karajan, ciseler le détail et nourrir les arches colossales avec ce souci des phrasés, absolument confondant. Avec Giulini, il semble que c’est ici toute l’humanité qui joue son destin : une pleine conscience que les deux solistes ont totalement intégré (Andreas Schmidt et Barbara Bonney, cette dernière capable d’enivrer son grand air enchanté, halluciné qui s’élève en lévitation : « Ihr habt nun Traurigkeit »). L’orchestre semble battre l’océan, suscitant une houle de création du monde.
Le cycle Brahms enregistré de 1989 à 1991 bénéficie d’une prise exceptionnellement fouillée qui étincelle dans la suractivité maîtrisée de la 4ème, saisie sur le vif. La direction fourmille de détails, en couleurs et nuances de timbres sans que jamais l’allant ni l’équilibre structurelle ne soient dilués. Giulini fouille très loin l’énergie et ce bouillonnement tragique qui est coeur de la malédiction brahmsienne. Le chef tend jusqu’au déchirement les contrastes et trouve dans les passages plus apaisés, un sentiment de pure sérénité exténuée (avec une rondeur des bois et des cuivres confondantes de noblesse caressante). La 4ème est de ce point de vue totalement stupéfiante.
Des 3 concertos pour piano de Beethoven (tous enregistrés en live avec le Simphoniker et un partenaire de galère et de triomphe, Arturo Benedetti Michelangeli en 1979), les deux premiers sont les plus emblématiques : mozartiens dans cette articulation élégantissime mais traversés par une urgence dramatique que le piano de Michelangeli, astucieux et même facétieux, d’un style enivrant-, sait exalter, dans des rubatos et une liberté du jeu interprétatif, magistralement inventifs. Une connivence magistrale (les deux avancent main dans la main, portés chacun par le balancement de l’autre jusqu’à étirer le tempo ou suspendre la mesure au-delà de tout) qui fait aussi la réussite du 5è Empereur : n’écoutez que la magie embrasée de son mouvement central, Adagio un poco mosso : solaire, irradiant. D’une ivresse gorgée de tendresse. Un must absolu (avec en prime, le toucher facétieux du pianiste très inspiré là encore grâce au soutien indéfectibal que sait lui assurer le maestro).
Beethoven, Brahms, Bruckner : et dans l’ordre magicien : l’Empereur, le Deutsches Requiem et la 4ème ; puis de Bruckner : les 8ème et 9ème, enfin Rigoletto au sommet : voici l’inoubliable Giulini viennois. Bouleversant.

CD. Coffret Giulini in Vienna. 15 cd Deutsche Grammophon.

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