vendredi 19 avril 2024

CD. Catel : Les Bayadères, 1810 (Talpain, 2012)

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CD-CATEL-BAYADERES-Talpian-Bru-zane-cd-Chantal-Santon-Vidal-do-1810-ediciones-singulares-glossaCD. Catel: Les Bayadères, 1810. Deux années après un Amadis pétillant et léger (2010), d’un dramatisme finement ciselé, -coup de génie du fils Bach invité en France à servir le genre tragique en 1779-,  le chef Didier Talpain nous revient dans cet enregistrement de la même eau, dévoilant un Catel daté de 1810 : fresque lyrique à grand effectif, d’un orientalisme enchanteur pour lequel l’équipe de musiciens réunis renouvelle un sans faute ; le chef retrouve la quasi même équipe de chanteurs et surtout le formidable orchestre Musica Florea, articulé, jamais épais ni lourd, d’une expressivité naturelle indiscutablement idéal s’agissant d’un opéra néomozartien (les 3 Bayadères rappellent les 3 dames de La Flûte entre autres), regardant aussi du côté de Haydn, dont l’enjeu entend renouveler l’héritage trop réducteur et contraignant de l’inévitable Gluck… Talpain éclaire cet orientalisme où l’Orient rêvé et ses bayadères, convoquent une Inde fantaisiste – qui proche de l’ouvrage contemporain de Weber (Abu Hassan, 1811), renouvelle la trame sentimentale du cadre théâtral : s’il est question d’orientalisme, la question est plutôt d’émouvoir et de s’alanguir… dans l’esprit des comédies et opéras ballets galants de Rameau. La danseuse inaccessible, Laméa, protagoniste et rôle impressionnant, offre peu à peu un portrait de femme amoureuse admirable, inspirée par des qualités morales au début insoupçonnables.

Nouveau jalon réestimé de l’opéra romantique français

Grâce héroïque des Bayadères de Catel

CLIC_macaron_2014CATEL Charles-Simon_CatelAlors que règne l’impressionnante lyre terrible et frénétique d’un Spontini, vrai champion de l’opéra héroïque impérial, – La Vestale (1807)-, Charles-SImon Catel et ses Bayadères fascinent alors de la même façon par le déploiement souple et remarquablement agencé des scènes et tableaux aux effectifs impressionnants : on ne compte plus les choeurs, les danses, les affrontements et les situations les plus contrastés convoquant tout ce qu’un opéra peut offrir en possibilités vocales, chorales, orchestrales… le style est cependant toujours parfaitement élégant comme si l’écriture de Catel ne se laissait jamais aller à la solennité ni à l’épaisseur d’un décorum naturellement présent par l’ambition des décors et machineries: l’Inde évoquée, aux riches effets visuels fait partie de ce spectacle qui annonce déjà le grand opéra à venir (celui de Meyerbeer)… harem du Rajah au I, son palais au III, la place à Bénarès au II. La direction du chef restitue dans sa continuité souple la succession des épisodes ; tout cela s’enchaîne avec une grâce inhabituelle d’autant plus méritante dans le genre officiel voire solennel.
D’une distribution sans défaillance notable, la Laméa de Chantal Santon se distingue par son intensité sensuelle, sa diction enivrante, la clarté brillante du timbre, sa tenue égale malgré l’exigence du rôle principal où brilla avant elle la fameuse Caroline Branchu, étoile du chant français dramatique et tragique, tout aussi convaincante chez Gluck puis Spontini. Chantal Santon exprime la dignité puissante de la danseuse sacrée attachée au culte de Brahma et montre un engagement respectueux de cette fine caractérisation vocale dont fait preuve Catel dans le portrait de son héroïne…

santon chantalL’opéra reproduit allusivement la fonction de la tragédie lyrique du XVIIIè : le héros Démaly, objet de l’amour victorieux de Lamea, par sa présence lumineuse et les vertus morales qui le font triompher, incarne symboliquement la figure du guide à aimer : Napoléon lui-même. Outre la marche du III (claire assimilation des pauses introspectives de La Flûte mozartienne), on reconnaît le raffinement général d’une partition qui sait être dramatique.
La plupart des personnages n’ont pas d’airs développés autonomes (surtout au III) mais un récitatif souple et intense qui accélère le flux de l’action ; de ce point de vu la déclamation défendue par Mathias Vidal se révèle exemplaire. Même constat pour Chantal Santon qui comme nous l’avons dit, dessine avec sensibilité, naturel et sincérité, le portrait de la véritable héroïne de la partition : Lamea. A ses côtés, Demaly paraît souvent lourd et systématique dans un verbe outré, si peu nuancé : quel dommage car le timbre est séduisant. Question de style : le ténor en aurait à apprendre auprès de Mathias Vidal.
On regrette aussi l’imprécision linguistique comme parfois l’épaisseur du choeur qui visiblement ne maîtrise pas la langue française.

Cependant, le bon goût qui préside à la réalisation, le souci des équilibres défendu par le chef manifestement inspiré par la résurrection de l’œuvre, l’implication d’une soprano séduisante et expressive dans le rôle de la danseuse loyale et courageuse… suscitent notre enthousiasme. Les Bayadères de Catel de 1810 préparent au grand opéra de Meyebeer ; c’est ainsi par le disque, un nouveau jalon réestimé de l’opéra romantique français à l’époque de Napoléon. Redécouverte marquante.

Charles-Simon Catel (1773-1830) : Les Bayadère, 1810. Chantal Santon (Laméa), Philippe Do, Andre Heyboer, Mathias Vidal, Katia Velletaz, Jennifer Borghi. Chœur Solamente Naturali, Musica Florea. Didier Talpain, direction. 2 cd Singulares.  Enregistrement réalisé à sofia en novembre 2012. Collection « Opéra français ».

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