mardi 19 mars 2024

BEETHOVEN 2020, volet 3 : Ludwig épique (1802 – 1812)

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beethovenBEETHOVEN 2020, volet 3 : Ludwig épique (1802 – 1812)HEILINGENSTATD, 1802 : une nouvelle naissance. Financé par l’aristocratie viennoise, Beethoven croit un moment qu’il peut prétendre rejoindre la classe supérieure ; nenni, musicien, il reste un être inférieur car il n’est pas noble. Bientôt en 1806, le prince Lichnowski qui le dotait d’une rente confortable lui enjoint de jouer pour ses invités selon son plaisir : Beethoven se rebiffe ; il n’est pas un serviteur : fièrement, après qu’il ait été congédié par son protecteur, le compositeur écrit : « des nobles il y aura toujours ; mais il n’y aura jamais qu’un seul Beethoven ». Le voilà comme Mozart quittant Salzbourg, en artiste créateur misérable mais libre.

 

 

 

 

volet 3 : dossier Beethoven 2020

Le BEETHOVEN ACCOMPLI : un souffle épique (1802 – 1812)

L’après Heiligenstatd

 

 

Ludwig-Van-BeethovenLe sourd qui doute profondément du sens de son œuvre, part à Heiligenstatd au printemps 1802 ; il n’entend plus : pour lui, concerts et carrière de concertiste comme de pédagogue sont arrêtés nets, impossibles. Suicidaire, il songe à rompre le fil de sa vie (septembre). Acte de confession et examen de conscience sérieux, l’épisode lui permet d’analyser sa situation et de redéfinir désormais ce à quoi il doit prétendre : affirmer sa voix singulière, visionnaire, prophétique, mais vivre en banni ; isolé, solitaire du fait de sa surdité ; accepter d’aimer, et souvent de n’être pas aimé en retour. Le coeur ardent revendique sa tendresse de fond, sa générosité ; Beethoven demeure incompris, souvent réduit à des sauts d’humeur… pourtant dans l’affaire où il tend à prendre la tutelle de son neveu, le compositeur se montre soucieux de l’autre, protecteur, et d’une loyauté constante. Dans cette perspective existentielle noire, l’art le sauve ; elle lui impose une éthique personnelle, un idéal hors normes. La composition devient une mission morale qui doit éclairer la société pour réussir à rendre l’humanité plus évoluée. Le musicien est ce guide messianique et prophétique qui œuvre à la sublimation du genre humain. Plus tard, Wagner prolonge cette vision de l’artiste-prophète. Pour l’heure, Beethoven à peine trentenaire, couche sur le papier les piliers moraux de sa prise de conscience.

Renforcé, raffermi dans sa vocation reformulée, le Beethoven bien que sourd et isolé, est à 32 ans, une nouvel être ; plus fougueux et radical que jamais : la Symphonie n°3 Heroica / Héroïque (opus 55) suit directement la rédaction du Testament d’Heiligenstatd. L’ampleur du projet qu’il s’est fixé, se lit désormais dans l’architecture même de chaque symphonie ; une construction inédite dans laquelle Beethoven édifie son projet pour l’humanité. Beethoven édifie, construit ; mais il produit aussi un son nouveau, inspiré certes de Mozart et de Haydn, mais surtout des compositeurs français de la Révolution (Méhul). Les vents, les cuivres gagnent un relief particulier : signe que Ludwig connaissait étroitement l’écriture des symphonistes français, grâce entre autres à Kreutzer, présent à Vienne. Au caractère militaire de son inspiration, Beethoven affirme aussi un souffle nouveau à la fois épique et poétique.

Alors inspiré par l’idôle Bonaparte, ce libérateur attendu par toute l’Europe, Beethoven achève mi 1804, sa symphonie Bonaparte (Héroïque), hymne au monde nouveau à construire, véritable manifeste d’une humanité libérée, sublimée, accomplie. A partir de l’Eroica, Beethoven affirme sa propre voix, celle du chantre de la modernité, le prophète qui offre à entendre la musique du futur. Son but est d’emporter avec lui, le peuple des hommes vers ce monde meilleur, harmonique qui n’existe pas encore. Leonore ou Fidelio, après 3 ouvertures différentes et deux versions est son seul opéra, achevée en 1805 / 1806, démontre l’avenir radieux d’une humanité conduite par l’amour, la fidélité et la liberté contre toutes les tyrannies ; surtout sa 5è symphonie (et des 4 premiers coups du destin), et son double simultané, la 6è « Pastorale » indique les vertus de l’homme qui combat pour son émancipation et qui sait se fondre dans l’unité préservé de la Nature. Amour, liberté, Nature : voilà la trilogie beethovénienne, qu’il ne cesse de commenter, analyser, expliciter à travers tout son œuvre. Et jusqu’à sa mort le 26 mars 1827 à 56 ans.

De cette première période de grande lucidité et maturité héroïque donc, datent les œuvres maîtresses telles les Sonates Waldstein, Appassionnata ; les 3 Quatuors Razoumowski, le Quatuor n°10… sans omettre la Fantaisie pour piano, choeur et orchestre de 1808 ni le Concerto Empereur de 1809. Son travail est encouragé par le soutien des princes viennois : l’Archiduc Rodolphe (son élève), Lobkowitz et Kinsky qui payent une rente annuelle (mars 1809) sans rien lui demander sauf qu’il reste à Vienne (Beethoven avait fait savoir qu’il deviendrait le kapelmeister de Jérôme Bonaparte, souverain de Westphalie).
Au travail du bâtisseur de cathédrales symphoniques et concertantes répond aussi une vie personnelle aussi passionnée que frustrante : Beethoven par son origine modeste n’étant jamais aimé comme il le souhaite en retour. Avait-il raison de rechercher coûte que coûte sa bien aimée parmi les jeunes femmes de l’aristocratie viennoise ? Déraisonnable ambition qui se paye au prix fort, entre désillusions à répétition et amertume croissante.

Mai 1809, les soldats de Napoléon occupent Vienne ; Beethoven perd des protecteurs qui ont tous fui la capitale impériale. Les bombardements le font atrocement souffrir. Après la victoire française de Wagram, Kinsky meurt ; Lobkowitz est ruiné ; seul l’Archiduc Rodolphe survit mais aura du mal à payer régulièrement le reste d’une rente atrophiée.

brunvik brunswik josephine beethoven la fiancee de beethoven immortelle bien aimee classiquenews dossier Beethoven 2020Les Immortelles bien-aimées… Parmi les aimées de Ludwig, Joséphine von Brunswick (portrait ci contre à gauche), jeune veuve de 24 ans à peine… qui l’aime mais renonce finalement au compositeur certes doué mais qui n’est que …roturier. L’intérêt et le confort, avant l’amour et l’attraction des cœurs. Puis paraît Bettina Brentano (portrait ci dessous) à partir de mai 1810 : malgré un visage marqué par la petite vérole, « laid » en vérité », Bettina trouve la face de Ludwig admirable et noble grâce à son front sculptural ; sa naïveté d’enfant ; sa grâce de seigneur. Intimement épris, Beethoven lui adresse des confessions profondes : « je suis le Bacchus qui vendange le vin dont s’enivre l’humanité ». Sous l’aile de cette rencontre qui semble bénie des dieux, le compositeur enivré compose la Sonate Lebewohl (Adieu), le Quatuor n°11 (dit « Quartetto serioso » par l’auteur lui-même), le Trio L’Archiduc de 1811 (dédié à Rodolphe, son protecteur le plus fidèle et le plus fiable). Bettina connaît Goethe avant Beethoven : elle fait se rencontrer les deux esprits en juillet 1812 ; Ludwig admire l’écrivain dont il a composé la musique d’Egmont. Mais les deux tempéraments ne se comprennent pas véritablement ; Goethe trouve Beethoven, énergique, concentré mais radical, « déchainé » et impossible voire insupportable ; et Beethoven qui aurait rêvé de mettre en musique son Faust, trouve l’homme de lettres, trop obséquieux et courtisan. Un « vendu » nous rions nous aujourd’hui. Radical, extrêmiste, Beethoven ? C’est que sa fureur dans sa grandeur est au diapason de son amour fraternel et de sa bonté. Voilà qui a échappé à Goethe qui malgré les envois multiples de Ludwig, restera totalement hermétique et … sourd.

brentano bettina aimee de beethoven portrait dossier beethoven 2020 classiquenewsEn juillet 1812, la correspondance de Beethoven laisse entendre qu’il a enfin rencontré celle qu’il attendait ; qu’il aime et qui l’aime en retour : « l’immortelle bien aimée » écrit-il. Peut-être s’agit-il encore de Joséphine von Brusnwick dont la fille Minona serait de Ludwig… Dans l’exaltation de ce transport phénoménal, le compositeur écrit les Symphonies 7 et 8, envisage même, déjà, une 9è, qui fermerait le triptyque. Mais en décembre 1812, tout s’écroule, et ses rêves d’une liaison installée s’écroulent définitivement. Pour lui, la solitude d’un héros incompris. Il faudra désormais 6 années pour se reconstruire et réaliser ce sommet de l’entendement humain, cime fraternelle surtout, la 9è et son ode à la joie, de Schiller et non de Goethe.

 

 

 

 

volet 4 : dossier Beethoven 2020
L’homme qui aimait les hommes qui le détestait
la crise (1813 – 1815)

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LIRE notre grand dossier BEETHOVEN 2020 : éléments biographiques clés, pièces et partitions maîtresses au cours de la carrière à Vienne…

beethoven 1803 apres Symphonie 1 creation symphonies romantiques classiquenews review compte rendu cd critique 800px-Beethoven_3DOSSIER BEETHOVEN 2020 : 250 ans de la naissance de Beethoven. L’anniversaire du plus grand compositeur romantique (avec Berlioz puis Wagner évidemment) sera célébré tout au long de la saison 2020. Mettant en avant le génie de la forme symphonique, le chercheur et l’expérimentateur dans le cadre du Quatuor à cordes, sans omettre la puissance de son invention, dans le genre concertant : Concerto pour piano, pour violon, lieder et sonates pour piano, seul ou en dialogue avec violon, violoncelle… Le génie de Ludwig van Beethoven né en 1770, mort en 1827) accompagne et éblouit l’essor du premier romantisme, quand à Vienne se disperse l’héritage de Haydn (qui deviendra son maître fin 1792) et de Mozart, quand Schubert aussi s’intéresse mais si différemment aux genres symphonique et chambriste. Venu tard à la musique, génie tardif donc (n’ayant rien composé de très convaincant avant ses cantates écrites en 1790 à 20 ans), Beethoven, avant Wagner, incarne le profil de l’artiste messianique, venu sur terre tel un élu sachant transmettre un message spirituel à l’humanité.  CLASSIQUENEWS dresse le portrait de la vie de Beethoven (en 4 volets), puis distingue 4 épisodes de sa vie, particulièrement décisifs… LIRE ici notre grand dossier BEETHOVEN  2020, biographie, partitions clés, discographie (les enregistrements majeurs, parus l’automne 2019 et pendant toute l’année 2020)

 

 

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