Hier soir 7 juin, dans le cadre somptueux de la Sainte-Chapelle de Paris, joyau gothique aux vitraux millénaires, le 6ᵉ festival « Résonances » a offert une superbe expérience musicale aux nombreux touristes étrangers (et quelques parisiens…) qui sont venus applaudir avec la talentueuse pianiste japonaise Aya Okuyama. Sous les voûtes sacrées baignées de lueurs bleutées, son programme sensible – hommage à Erik Satie (100ᵉ anniversaire de sa disparition) et Maurice Ravel (150ᵉ anniversaire de sa naissance), enrichi de pépites de Francis Poulenc – a démontré l’universalité intemporelle du piano.
Ouvert par les Trois Gnossiennes, le récital a plongé le public dans une contemplation mystique. Okuyama a ciselé chaque silence, chaque note suspendue avec une délicatesse quasi liturgique. Dans la pénombre sanctifiée de la Sainte-Chapelle, les accords dépouillés de Satie résonnaient comme des prières laïques, épurées jusqu’à l’essentiel. Son toucher délicat, allié à une maîtrise exemplaire du rubato, a transformé ces miniatures en instants d’éternité – un dialogue parfait entre l’âme de Satie et la spiritualité des lieux.
Intercalées entre Satie et Ravel, les Trois Novelettes et les trois Improvisations de Poulenc ont ravi l’auditoire. La 3ème Novelette est basée sur un thème de Manuel de Falla (El amor brujo), transformée en 3/8 fluide – un clin d’œil à l’Espagne de Ravel, interprété avec une fluidité d’arpèges étourdissante, tandis que dans la 3ème Improvisation (« en hommage à Edith Piaf« ), Aya Okuyama a fusionné élégance classique et esprit de la rue – accords « banals » transformés en or, pédale généreuse, et un swing discret évoquant la Môme.
Avec Jeux d’eau de Ravel, Okuyama a révélé sa virtuosité poétique. Les arpèges scintillants jaillissaient sous ses doigts tels des gouttes dansantes, mêlant clarté classique et audace harmonique. La résonance des voûtes amplifiait les nuances aquatiques, créant une atmosphère onirique où chaque cascade sonore semblait épouser la lumière des vitraux. Puis vinrent les Valses nobles et sentimentales – un contraste saisissant ! Tour à tour passionnées, ironiques ou nostalgiques, ces valses ont déployé une palette émotionnelle prodigieuse. Okuyama a joué avec les tempi comme un peintre avec ses couleurs, soulignant la modernité ravélienne qui oscille entre tendresse et désinvolture. Le Presque lent (n°5), d’une mélancolie envoûtante, a particulièrement captivé l’auditoire.
Le lieu n’a pas été un simple décor, mais un partenaire acoustique actif. Les vitraux semblaient vibrer aux éclats de Jeux d’eau, tandis que les voûtes renvoyaient les murmures de Satie en échos célestes. Le festival « Résonances », centré sur le piano comme « architecture du temps« , a trouvé ici son incarnation parfaite : chaque note dialoguait avec les pierres, créant une expérience sensorielle totale où passé et présent fusionnaient !
Le festival « Résonances » se poursuit jusqu’au 30 juin à la Sainte Chapelle de Paris
- Prochains concerts : récital de Simon Pierre-Pollin (piano), le samedi 14 juin à 20h
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Réservations : [email protected] | 01 42 77 65 65
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Crédit photo (c) Emmanuel Andrieu
VIDEO : Aya Okuyama interprète le Nocturne op. 48 n°1 de Frédéric Chopin à la Sainte Chapelle de Paris