samedi 3 mai 2025

CRITIQUE, concert. LES INVALIDES, Grand Salon, le 28 avril 2025. COUPERIN / MONTECLAIR. Lysandre Châlon (baryton-basse), Les Talens lyriques, Christophe Rousset (clavecin et direction)

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

Le 28 avril, le Grand Salon des Invalides a accueilli un concert intitulé « Louis XIV au crépuscule », mettant en lumière la transformation du langage musical à la fin du XVIIe siècle. Sous la houlette magistrale de Christophe Rousset – à la fois chef et pédagogue (en expliquant le choix des ouvrages retenus et leur contexte… ) -,  le programme du soir, dédié à François Couperin et Michel Pignolet de Montéclair, a révélé comment le style français, après la disparition de Lully, s’est enrichi d’influences italiennes, marquant ainsi un tournant esthétique fascinant.

 

La soirée s’est ouverte avec La Steinkerque, Sonate en trio de Couperin, composée vers 1692. Dès les premières mesures, les violons de Gilone Gaubert et Benjamin Chénier, soutenus par la viole de gambe d’Atsushi Sakaï, ont tissé un dialogue envoûtant, où la vivacité des ornements rivalisait avec la profondeur des lignes mélodiques. Christophe Rousset, au clavecin, a apporté une basse continue à la fois souple et rigoureuse, soulignant avec élégance les contrastes entre les mouvements. Puis, place à la cantate profane avec Ariane consolée par Bacchus (1708), où le baryton-basse Lysandre Châlon a déployé une voix à la fois puissante et nuancée. Son interprétation, riche en expressivité, a magistralement restitué les tourments d’Ariane puis son apaisement sous les charmes de Bacchus. Les musiciens, en parfaite symbiose, ont accompagné ce récit avec une sensibilité remarquable, notamment dans les récitatifs déclamatoires et les airs ornés. Les airs choisis de Couperin ont ensuite permis d’explorer différentes facettes de l’art vocal baroque : « Qu’on ne me dise plus » (1697), air sérieux d’une mélancolie exquise, où la voix de Châlon s’est parée d’une noblesse touchante. « Doux liens de mon cœur » (1701), autre air sérieux, délicatement phrasé, avec un continuo particulièrement soigné. « Souvent dans le plus doux sort », air à boire plus enlevé, interprété avec une joyeuse légèreté. 

Le concert s’est poursuivi avec La Visionnaire, autre Sonate en trio de Couperin (1690), pièce aux accents presque mystiques. Les deux violons, unis dans un contrepoint virtuose, ont joué avec une précision et une énergie communicatives, tandis que la viole et le clavecin ont enrichi l’ensemble d’une sonorité chaleureuse. Et la dernière partie du concert a mis à l’honneur Michel Pignolet de Montéclair avec L’enlèvement d’Orithie, cantate tirée de son Deuxième Livre (1713). Cette œuvre, moins souvent jouée que celles de Couperin, a été une révélation : le texte, inspiré de la mythologie grecque, a été servi par une direction dynamique de Christophe Rousset et une interprétation théâtrale de Lysandre Châlon, captivant l’auditoire. Les musiciens ont brillé dans les passages descriptifs, évoquant tour à tour la violence de Borée et la douce résistance d’Orithie.

Ce concert a été une célébration éblouissante du baroque français, alliant rigueur stylistique et émotion pure. Entre la délicatesse de Couperin et la fougue de Montéclair, les interprètes ont su captiver leur public, faisant du Grand Salon des Invalides un lieu de grâce et de perfection musicale. Une soirée inoubliable, qui rappelle combien cette musique, trois siècles plus tard, continue de nous toucher profondément. Bravo à tous les artistes pour ce moment de pur enchantement !

 

 

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CRITIQUE, concert. LES INVALIDES, Grand Salon, le 28 avril 2025. COUPERIN / MONTÉCLAIR. Lysandre Châlon (baryton-basse), Les Talens lyriques, Christophe Rousset (clavecin et direction). Crédit photographique (c) Emmanuel Andrieu

 

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