mardi 29 avril 2025

CRITIQUE, concert. PARIS, Philharmonie, le 25 avril 2025. TCHAIKOVSKI : Concerto pour piano n° 1. CHOSTAKOVITCH : Symphonie n° 10. Beatrice Rana (piano), Mikko Franck (direction)

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Après dix ans passés à la tête du Philharmonique de Radio France, Mikko Franck (né en 1979) passe la main à la fin de la saison (voir notre portrait) : d’ici fin juin, il faut donc profiter des derniers concerts pour célébrer le grand répertoire symphonique avec ce chef toujours attentif à faire ressortir le moindre détail d’orchestration, en un sens des équilibres jamais pris en défaut.

 

En cela, il forme un partenaire idéal avec la pianiste italienne Beatrice Rana (née en 1993), sur la même longueur d’onde pour interpréter le Premier Concerto pour piano (1875, révisé en 1889) de Tchaïkovski. Aucune emphase inutile ne vient marquer l’introduction du thème initial majestueux, à juste titre parmi les plus célèbres de son auteur : le piano d’une grande lisibilité de Beatrice Rana se permet des variations d’intensité entre les passages en tutti avec l’orchestre et les parties plus apaisées, faisant valoir un toucher d’une parfaite maîtrise. La pianiste italienne sait où elle va, autour d’une myriade de nuances, admirablement soutenues par un Mikko Franck méticuleux face aux variations de tempi. La fougue romantique est laissée de côté, afin de privilégier des phrasés d’une sensibilité sans mièvrerie, d’une grâce et d’une légèreté diaphane dans l’Andantino (le plus réussi des trois mouvements). La pianiste s’efface alors pour laisser le premier rôle aux superbes vents du Philharmonique, notamment l’entrée de la flûte aérienne au début. Le piano félin de l’Italienne effleure à peine les touches en des phrasés rapidissimo, d’une étonnante vivacité. La transition avec l’Allegro conclusif surprend plus encore avec des cordes volontairement appuyées en contraste, tandis que le lyrisme tchaïkovskien parcourt tout l’orchestre en une virtuosité jamais prise en défaut. En bis, Beatrice Rana reste sur les mêmes cimes, en empruntant des tempi toujours aussi vifs pour révéler une Étude pour les huit doigts de Debussy, puis en détaillant davantage les méandres envoûtants de la Romance sans paroles n° 4 op. 85 de Mendelssohn.

Après l’entracte, l’atmosphère s’assombrit irrémédiablement dès les premières mesures de la Dixième symphonie (1953) de Chostakovitch, entonnées par les cordes seules. L’ambiance dépouillée trouve un point d’orgue impressionnant dans le premier tutti, avant que le champ de ruines ne retrouve sa place initiale. L’alternance de passages immobiles et mornes avec des fracas guerriers d’une haute intensité fait le lien entre les Septième et Huitième symphonies, composées pendant la Deuxième Guerre mondiale. Désormais débarrassé de Staline, Chostakovitch peut retrouver son style volontiers mélancolique, loin des ouvrages de commande plus convenus, qui lui ont valu de retrouver les faveurs du régime totalitaire, notamment l’oratorio Le Chant des forêts (1949). La direction admirable de précision de Mikko Franck joue quant à elle la carte d’une expressivité sans ostentation, mettant en avant les couleurs individuelles, notamment dans la fin superbe du mouvement, d’une douceur énigmatique aux piccolos.

L’allant rythmique virtuose du bref Allegro donne ensuite envie de bondir de son siège pour embrasser l’énergie libératrice des tensions précédentes. Pour autant, Mikko Franck parvient à faire ressortir quelques détails sans nuire à l’élan narratif, avant une conclusion volontairement abrupte. Le délicieux Allegretto qui suit voit le chef finlandais à son meilleur, d’une finesse admirable dans l’élégance parfois orientalisante des variations d’atmosphère. Les interventions lunaires du premier cor solo donnent à ce mouvement, sans doute le plus original de la Symphonie, une modernité bienvenue dans ses répétitions intrigantes. Le Finale en deux parties imprime un climat d’attente et d’étrangeté dans sa longue introduction en forme d’Andante, au début redoutable au hautbois. Un thème plein d’entrain vient ensuite irriguer l’Allegro conclusif, un rien déstructuré dans la battue volontairement allégée de Mikko Franck, qui cherche à éviter toute effusion lyrique.

 

 

 

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CRITIQUE, concert. PARIS, Philharmonie, le 25 avril 2025. TCHAIKOVSKI : Concerto pour piano n° 1. CHOSTAKOVITCH : Symphonie n° 10. Beatrice Rana (piano), Philharmonique de Radio France, Mikko Franck (direction musicale). A l’affiche de la Philharmonie de Paris, le 25 avril 2025. Crédit photo © Christophe Abramowitz / Radio France

 

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