vendredi 25 avril 2025

CRITIQUE, opéra (pour enfants). GENÈVE, Grand-Théâtre, le 15 avril 2025. Gerald BARRY : Les Aventures d’Alice sous terre. Julien Chavaz / Holly Hyun Choe

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

Lors de sa création européenne au Barbican Center de Londres, en 2017, Les Aventures d’Alice sous terre (Alice’s Adventures Under Ground) semblait davantage destinée à la salle de concert qu’à l’opéra. L’adaptation picaresque et jubilatoire des deux Alice de Lewis Caroll par Gerald Barry donnait alors l’impression d’une cantate échevelée plutôt que d’un opéra véritablement scénique : une succession de scènes et de personnages arrachés aux livres sans véritable fil narratif, le tout condensé en une partition haletante d’une heure. Comment une mise en scène pourrait-elle suivre un récit aussi frénétique, bondissant d’un épisode à l’autre à une vitesse étourdissante ?

 

Pourtant, le jeune metteur en scène suisse Julien Chavaz y est parvenu avec un éclatant succès au Grand-Théâtre de Genève ! Ses décors ingénieux et sa mise en scène millimétrée épousent parfaitement l’œuvre, sans jamais faillir. La vitesse vertigineuse du récit ne le déconcerte pas : dès les premières secondes, sous l’invitation étrange d’un lapin blanc, Alice, interprétée avec brio par la soprano américaine Alison Scherzer, plonge dans l’univers déroutant du « Pays des merveilles ». Vêtue de rouge, elle se retrouve aussitôt confrontée à l’absurde cher à Lewis Carroll. Des personnages excentriques tentent de la faire boire et manger dans un joyeux désordre, tandis que les langues se mêlent – français, anglais, italien, russe et même latin résonnent en une cacophonie délibérée. Les décors modernes et éclatants contrastent avec les costumes élégants et surannés de la Reine blanche, de la Reine de cœur et du Roi blanc, dont les visages pâles évoquent l’esthétique gothique de Tim Burton. D’ailleurs, cet opéra semble baigner dans une atmosphère burtonienne, oscillant entre féerie et étrangeté. 

La musique de Barry ajoute une couche de surréalisme : textes débités en rafales, tessitures suraiguës imposées à Alice, ou encore références musicales savamment dissimulées — Jabberwocky chanté sur l’air de It’s a Long Way to Tipperary, L’Hymne à la Joie de Beethoven détourné en complainte par Humpty Dumpty, ou le choral bouleversant du Lapin Blanc en conclusion. Une grande partie du chant est très exigeante et la distribution réunie à Genève s’en sort extrêmement bien, à commencer par Alison Scherzer dans le rôle-titre, donc, mais également Emilie Renard (La Reine rouge), Sarah Alexandra Hudarew (La Reine blanche), Adam Temple-Smith (Le Roi blanc), Adrian Dwyer (Le lièvre de mars), Doğukan Kuran (Le Chevalier blanc) et Stefan Sevenich (Humpty Dumpty). 

Sous la direction énergique de Holly Hyun Choe, l’Orchestre de chambre de Genève (étoffé par des instrumentistes de de l’Ensemble contrechamps) déploie une intensité folle : cuivres acérés, bois ivres et espiègles, jusqu’aux machines à vent déchaînées dans les derniers instants. A la fin, c’est le délire dans la salle – généré par une ribambelle d’enfants enthousiastes !

 

 

VIDEO : Trailer du spectacle

 

 

 

 

CRITIQUE, opéra (pour enfants). GENÈVE, Grand-Théâtre, le 15 avril 2025. Gerald BARRY : Les Aventures d’Alice sous terre. Julien Chavaz / Holly Hyun Choe. Crédit photographique © Carole Parodi
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