COMPTE-RENDU, opĂ©ra. TOULOUSE. CAPITOLE. Le 29 septembre * et le 8 octobre. V. BELLINI. NORMA. A. DELBE. M. REBEKA. K. KOLONITS. K. DEHAYES. A. HERNADEZ. G. BISANTI. Ouvrir la saison nouvelle 2019 2020 du Capitole avec Norma relĂšve du gĂ©nie. Salles combles, public subjuguĂ©, succĂšs total. Une sainte trilogie que tout directeur de salle rĂȘve un jour de vivre. Christophe Gristi a rĂ©ussi son pari. Car il en faut du courage pour monter Norma et trouver deux cantatrices capables de faire honneur au rĂŽle. Nous avons eu la chance dâavoir pu admirer les deux distributions. En dĂ©butant par Klara Kolonits, nous avons pu dĂ©guster la douceur du timbre, la dĂ©licatesse des phrasĂ©s, la longueur de souffle de sa Norma. Sa blondeur donne beaucoup de lumiĂšre dans le duo final lorsque la bontĂ© et le sacrifice de Norma trouvent des accents sublimes. Norma, la dĂ©esse cĂ©leste, trouve dans lâincarnation de Kolonits, une beautĂ© douce et lumineuse dâune grande Ă©motion. Mais câest sa consĆur, Marina Rebeka qui est une vĂ©ritable incarnation de Norma, dans toutes ses dimensions de cruautĂ©, de violence, de grande noblesse et de puretĂ© recherchĂ©e dans le sacrifice. (Photo ci dessus : Klara Kolonits et Airam Hernandez).
Au Capitole deux sensationnelles Norma et une sublime Adalgise :
câest Bellini qui ressuscite.
La voix est dâune puissance colossale. La noirceur dont elle sait colorer un timbre trĂšs particulier rappelle dâune certaine maniĂšre La Callas dans son rĂŽle mythique. La voix large et sonore sur toute la tessiture sait trouver des couleurs de camĂ©lĂ©ons, ose des nuances affolantes ; les phrasĂ©s sont absolument divins. Lâart scĂ©nique est tout Ă fait convainquant et sa Norma sait inspirer la terreur, lâamour ou la pitiĂ©. Marina Rebeka est une Norma historique semblant rĂ©vĂ©ler absolument toutes les facettes vocales et scĂ©niques de ce personnage inoubliable.
En face de ces deux Norma, la blonde et la brune, la douceur et lâengagement amical de lâAdalgise de Karine Deshayes, sa constance sont un vĂ©ritable miracle. La voix est dâune beautĂ© Ă couper le souffle sur toute la tessiture. Les phrasĂ©s belcantistes sont dâune infinie dĂ©licatesse. Les nuances, les couleurs sont en constante Ă©volution. Le chant de Karine Deshayes est dâune perfection totale. Le jeu dâune vĂ©ritĂ© trĂšs Ă©mouvante. Les duos avec Norma ont Ă©tĂ© les vĂ©ritables moments de grĂące attendus. Le « mira o Norma » arracherait des larmes Ă des rocs.
En Pollione , Airam HernĂĄndez sâaffiche avec superbe. La voix puissante est celle du hĂ©ros attendu et le jeu de lâacteur assez habile dans le final donne de lâĂ©paisseur au Consul ; ce qui le rend Ă©mouvant. Le timbre est splendide. MĂȘme si le chant parait plus robuste que subtil, lâeffet est rĂ©ussi. En Oroveso, BĂĄlint SzabĂł remporte la palme du charisme, vĂ©ritable druide autoritaire dont le retournement final fait grand effet. Lâautre titulaire du rĂŽle, Julien VĂ©ronĂšse ne dĂ©mĂ©rite pas mais est plus modeste de voix comme de prĂ©sence, plus jĂ©suite que druide. La Clotilde dâAndrea Soare a un jeu remarquable et une voix claire et sonore qui tient face aux deux Norma si puissantes vocalement. Lâorchestre du Capitole mĂ©rite des Ă©loges tant pour la beautĂ© des solos que pour son engagement total tout au long du drame.
Il faut dire que la direction de Giampaolo Bisanti est absolument remarquable. Il vit cette partition totalement et la dirige avec amour. Il en rĂ©vĂšle le drame poignant dans des gestes dâune beautĂ© rare. Il a une prĂ©cision dâorfĂšvre et une finesse dans le rubato tout Ă fait fĂ©line. Il ose des forte terribles et des pianissimi lunaires.
Dans les duos des dames, il atteint au gĂ©nie sachant magnifier le chant sublime des deux divas. Le rĂȘve romantique a repris vie ce soir et Bellini a Ă©tĂ© magnifiĂ© par lâharmonie entre les musiciens, le chef et les solistes. Les chĆurs ont Ă©tĂ© trĂšs prĂ©sents dans un chant gĂ©nĂ©reux et engagĂ©.
TRISTE MISE EN SCENE… La tristesse de la mise en scĂšne nâest pas arrivĂ©e Ă cacher le plaisir des spectateurs. Pourtant quelle pauvretĂ©, quelle ineptie de faire dire un texte oiseux en français sur la musique avec la voix du pĂšre Fouras⊠Pas la moindre poĂ©sie dans les dĂ©cors, du mĂ©tal froid, des pendrillons fragiles, des costumes dâune banalitĂ© regrettable. Quâimporte la ratage de lâentrĂ©e de Norma trop prĂ©coce, le final sans grandeur, ces chĆurs et ces personnages visibles sans raisons, la musique a tout rattrapĂ©. Cela aurait pu me donner envie de prendre un permis de chasse pour certaine bĂȘte cornue ridicule et peut ĂȘtre pour le possesseur du tĂ©lĂ©phone coupable de sonner et pourquoi pas pour celles qui ne savent pas laisser Ă la maison, semainiers et autres bracelets. Ce nâest jamais trĂšs agrĂ©able ces sons mĂ©talliques mais dans cette Norma musicalement si subtile, ce fĂ»t un vĂ©ritable crime.
Quâimporte ces vilains vĂ©niels, le succĂšs de cette ouverture de saison capitoline va rester dans les mĂ©moires !
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Compte-rendu OpĂ©ra. Toulouse. Théùtre du Capitole, le 29 septembre* et le 8 octobre 2019. Vincenzo Bellini (1801-1835) ; Norma ;  OpĂ©ra  en deux actes ; Livret  de Felice Romani ; CrĂ©ation  le 26 dĂ©cembre 1831 au Teatro alla Scala de Milan ; Nouvelle production ; Anne DelbĂ©e,  mise en scĂšne ; Ămilie DelbĂ©e,  collaboratrice artistique ; Abel Orain  dĂ©cors ; Mine Vergez,  costumes ; Vinicio Cheli, lumiĂšres ; Avec : Marina Rebeka / KlĂĄra Kolonits*,  Norma ; Karine Deshayes,  Adalgisa ; Airam HernĂĄndez,  Pollione ; BĂĄlint SzabĂł / Julien VĂ©ronĂšse*,  Oroveso ; Andreea Soare,  Clotilde ; François Almuzara,  Flavio ; ChĆur du Capitole – Alfonso Caiani  direction ; Orchestre national du Capitole ; Giampaolo Bisanti, direction musicale / Photos : © Cosimo Mirco Magliocca / Théùtre du Capitole de Toulouse 2019