CRITIQUE, opĂ©ra. Lille, le 13 mai 2022. BRITTEN : Le Songe dâune nuit dâĂ©tĂ©. Guillaume Tourniaire / Laurent Pelly - DĂ©signĂ©e capitale europĂ©enne de la culture en 2004, la ville de Lille a poursuivi depuis lors cet Ă©lan en organisant tous les trois ans le festival « Lille 3000 ». Avec son offre multiculturelle, lâĂ©dition 2022 « Utopia » valorise de nombreuses expositions de tout premier plan dans la mĂ©tropole (notamment la prĂ©sentation dâoeuvres inĂ©dites dâAnnette Messager au Lam Ă Villeneuve dâAscq) et pare les rues nordistes de nombreuses installations spectaculaires, dont les dix statues gĂ©antes en mousse entre la gare et lâOpĂ©ra, rĂ©alisĂ©es par le Finlandais Ken Simonsson. Ces elfes aux allures enfantines, emblĂ©matiques de la culture pop, illustrent le thĂšme de cette Ă©dition dĂ©diĂ©e Ă lâharmonie entre lâhomme et la nature : câest aussi une transition naturelle avec Le Songe dâune nuit dâĂ©tĂ©, lâun des chefs dâoeuvre lyrique les plus poĂ©tique et Ă©vocateur de Benjamin Britten, reprĂ©sentĂ© dans le cadre du festival jusquâau 22 mai prochain Ă Lille, mais Ă©galement gratuitement le 20 mai sur de nombreux grands Ă©crans des Hauts-de-France.
Laurent Pelly met en scĂšne Britten pour Lille 3000
Finesse et féerie
Câest lĂ un Ă©vĂ©nement Ă ne pas manquer, tant la féérie joue Ă plein dans la mise en scĂšne toute de finesse de Laurent Pelly. On retrouve le Français bien connu Ă Lille aprĂšs ses rĂ©ussites comiques dĂ©diĂ©es Ă Cendrillon de Massenet en 2012 et Le Roi Carotte dâOffenbach en 2018 : https://www.classiquenews.com/compte-rendu-opera-lille-opera-le-11-fevrier-2018-offenbach-le-roi-carotte-schnitzler-pelly/ – Il se dĂ©marque de la mise en scĂšne intemporelle de Robert Carsen, constamment reprise depuis 1991, en apportant plusieurs touches humoristiques mais jamais envahissantes, tout en diffĂ©renciant les trois mondes (merveilleux, amoureux, théùtreux) en un dĂ©cor unique bien revisitĂ© tout du long, qui laisse la place Ă la poĂ©sie Ă©vocatrice et Ă lâimagination. Avec ces nombreux effets de miroir (en panneaux mouvants, sur le sol ou en arriĂšre-scĂšne) admirablement mis en valeur par le travail sur les Ă©clairages, Laurent Pelly sâamuse Ă renforcer le théùtre dans le théùtre, dĂ©jĂ trĂšs prĂ©sent dans lâouvrage : lâune des saynĂštes les plus saisissantes est certainement celle qui suit la danse bergamasque au III, lorsque les interprĂštes dĂ©couvrent le public sous leurs yeux Ă©bahis. Comme Ă son habitude, Laurent Pelly impressionne par la justesse millimĂ©trĂ©e de sa direction dâacteur, toujours au service de lâaction dramatique.
La rĂ©ussite de cette production vaut aussi pour lâexcellent plateau vocal, en grand partie anglophone. A lâaise vocalement, Nils Wanderer (Oberon) et Marie-Eve Munger (Tytania) se saisissent ainsi de leurs rĂŽles pĂ©rilleux avec un sens théùtral jamais pris en dĂ©faut, Ă lâinstar des tourtereaux impressionnants de brio et dâĂ©loquence. Parmi eux, seul David Portillo (Lysander) peine Ă nuancer son chant trop en force, notamment dans les piani et le medium, ce qui est dâautant plus regrettable que la beautĂ© de son timbre sĂ©duit. A ses cĂŽtĂ©s, Dominic Barberi compose un dĂ©sopilant Bottom (et ce malgrĂ© un masque dâĂąne qui affaiblit sa projection), bien Ă©paulĂ© par ses acolytes ouvriers. LĂ encore, une rĂ©serve est Ă Ă©mettre concernant le Snug trop chantant de Thibault de Damas, mais il est vrai que le rĂŽle est redoutable dans le dosage de comique Ă distiller. Rien de tel pour le Puck aux allures de Pierrot de la virevoltante et radieuse Charlotte Dumartheray, trĂšs engagĂ©e dans son rĂŽle. Tout aussi bien prĂ©parĂ©, le choeur dâenfants assure bien sa partie, mĂȘme sâil se montre un rien trop tendre par endroit dans lâespiĂšglerie attendue.
Dans la fosse, Guillaume Tourniaire se rĂ©gale des couleurs exacerbĂ©es en distinguant chaque pupitre, le tout au service dâune direction brillante et incandescente, qui nâen oublie pas les passages plus apaisĂ©s par une attention soutenue Ă lâĂ©lan narratif global. De quoi ressortir avec des Ă©toiles pleins les yeux, aprĂšs lâovation enthousiaste du public venu en nombre pour fĂȘter les dĂ©lices enchanteurs de Britten.
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CRITIQUE, opĂ©ra. Lille, le 13 mai 2022. Benjamin BRITTEN : Le Songe dâune nuit dâĂ©tĂ©, Nils Wanderer (Oberon), Marie-Eve Munger (Tytania), David Portillo (Lysander), Antoinette Dennefeld (Hermia), Charles Rice (Demetrius), Louise KemĂ©ny (Helena), Dominic Barberi (Bottom), Charlotte Dumartheray (Puck), Gwilym Bowen (Flute), David Ireland (Quince), Thibault de Damas (Snug), Dean Power (Snout), Kamil Ben HsaĂŻn Lachiri (Starveling), Tomislav Lavoie (Theseus), Clare Presland (Hippolyta), Orchestre et chĆurs de lâOpĂ©ra national de Lille, direction musicale, Guillaume Tourniaire / mise en scĂšne, Laurent Pelly. A lâaffiche de lâOpĂ©ra de Lille jusquâau 22 mai 2022 - Photos : © Simon Gosselon / OpĂ©ra de Lille 2022.
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DIFFUSION EN PLEIN AIR ET EN LIVE : OpĂ©ra Live / Vendredi 20 mai 2022, retransmission gratuite, en direct et sur grand Ă©cran de la reprĂ©sentation du Songe dâune dâĂ©tĂ© de Britten, sur la place du Théùtre Ă Lille et dans une vingtaine de lieux des Hauts-de-France. Liste complĂšte des lieux de la retransmission Ă venir sur opera-lille.fr
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VIDĂO
Laurent Pelly prĂ©sente Le Songe dâune nuit dâĂ©tĂ© :
AUTRES PRODUCTIONS du Songe d’une Nuit d’Ă©tĂ© de BRITTEN :
OpĂ©ra de TOURS, avril 2018 – PrĂ©sentation / enjeux, synopsis du Songe d’une Nuite d’Ă©tĂ© de Britten / Pionnier / Vincey : : https://www.classiquenews.com/opera-de-tours-le-songe-dune-nuit-dete-de-britten/