vendredi 29 mars 2024

Rameau 2014. Bruno Procopio dirige les Grands Motets

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procopio_bruno_chemise_bleueRAMEAU 2014. Bruno Procopio dirige les Grands Motets à Cuenca (Espagne), le 19 avril 2014.  Le Chef français aborde la flamme théâtrale des Grands Motets de Jean-Philippe Rameau : un volet sacré dans l’inspiration du compositeur français qui prélude à ses accomplissements lyriques. Le concert clôt le festival de musique sacrée à Cuenca en avril 2014. Interprète remarqué, toujours exigeant de Rameau, le jeune chef et claveciniste Bruno Procopio doit à ses racines latines (il est né brésilien), un feu caractérisé, habile autant à la finesse qu’à l’énergie communicante. Comme claveciniste, il a enregistré les Pièces pour clavecin en concerts, renouvelant l’inventivité et la liberté d’une partition concertante majeure ; comme chef, il a dirigé à Caracas, les instrumentistes de l’Orchestre Simon Bolivar : une expérience musicale qui fut un défi s’agissant de musiciens qui découvrait alors le baroque français (et sur instruments modernes)… En avril, Bruno Procopio participe aux célébrations Rameau 2014, offrant une nouvelle lecture des Grands Motets, en clôture du festival de Pâques à Cuenca (SMR, Semana de Musica religiosa de Cuenca, Espagne, le 19 avril 2014), l’un des plus grands festivals européens de musique sacrée. Entretien exclusif pour classiquenews.com.

Quelle vision souhaitez vous transmettre de Rameau en 2014 ?

J’ai commencé à aborder ce grand compositeur au disque en 2013, quand j’ai fait paraître deux albums que lui étaient dédiés, l’un comprenant les œuvres orchestrales en dirigeant les Soloists of Simón Bolívar Symphony Orchestra du Venezuela ; l’autre avec l’intégrale des Pièces de clavecin en concerts. En clôture de la Semana de Musica religiosa de Cuenca, ce 19 avril 2014, j’aborde pour la première fois l’intégrale des Motets de Rameau avec l’orchestre Les Siècles (chœur et orchestre), une formation que j’admire depuis des années, fondée par le chef François-Xavier Roth. Pour moi, Rameau est sans doute le meilleur compositeur français du XVIII ème siècle et l’un de mes préférés dans toute l’histoire de la musique. Rameau est un mélange d’art savant comme de profond enracinement du langage « français » insufflé par Lully et ses contemporains.  Rameau reste encore un compositeur méconnu du grand public français, j’espère que 2014 permettra de réparer cette injustice.

A travers ses Grands Motets, en quoi Rameau renouvelle t-il le genre ?

Tous les Motets ont été composés dans sa jeunesse, avant son arrivé à Paris en 1722. La voix affirmée du compositeur est déjà présente dans les trois Motets mais un parfum du sud (l’Italie) est bien présent dans la forme (comme l’attestent les duos, trio, les airs de virtuosité). Le langage musical est très personnel, éminemment français dans le traitement des ornements. Il est étonnant de voir comment ce jeune compositeur a posé déjà tous les jalons de son style en tant que compositeur dans ses grands motets. C’est comme s’il était pressé de montrer ce dont il est capable, et il y réussit à merveille. Dans le plus court des Motets (Quam Dilecta), Rameau arrive à placer avec naturel la polyphonie chorale, des soli virtuoses, un trio. En à peine vingt minutes, la partition offre un éventail complet de ses moyens expressifs. Le motet le plus important (In Convertendo) a été repris par ses soins au Concert Spirituel au printemps 1751. Malgré un important remaniement de l’œuvre pour l’occasion, la critique a été sévère, et le public apparemment déçu. En sachant que l’œuvre comporte l’une des pages les plus réussies de la musique sacrée française, grâce à ses chœurs fabuleux, par sa diversité ausi, la critique nous semble ingrate et déplacée, mais parfois il faut bien trois siècles pour qu’un chef d’œuvre soit reconnu à sa juste valeur.

Bruno Procopio : les Grands Motets de Rameau à Cuenca (Espagne)

Est-il pour vous ce grand symphoniste qui prépare déjà Berlioz, par son goût de la musique pure et des couleurs instrumentales ?

Au XVIIIème siècle chaque musique a sa fonction, même si parfois elle doit être mondaine, donc je ne pourrais pas parler de musique pure dans l’absolu. En tout cas, sa musique pour orchestre reste avant-gardiste dans le traitement harmonique et dans l’originalité du traitement de la forme. Comme dernier survivant d’un style ancré dans les 17ème et 18ème siècles, le plan qui lui est propre est celui de la Suite de Danses. Berlioz est l’héritier de la nouvelle mode, celle des véritables symphonistes français, tels Gossec, Méhul, Lesueur… Si mes souvenirs son bons, Berlioz cite une seule fois Rameau dans ses écrits. Malgré les 50 ans qui séparent la disparition de Rameau et les toutes premières œuvres de Berlioz, il y a bien une nette rupture de point de vue.

Mais le génie de Rameau fait d’un apparent passéisme, la voie ouverte à de nouvelles aventures musicales. Rameau pour moi a la même importance et il reste aussi marginal que Carl Philipp Emanuel Bach à son époque. Après Rameau, la Suite de danse sera supplantée par la musique italienne, quant au style Sensible créé par CPE, il n’est qu’un appendice compris uniquement par ses admirateurs les plus proches et non des moindres : Mozart, Haydn, Beethoven.

Jouer Rameau sur instruments d’époque ou sur instruments modernes apporte quel bénéfice pour un chef et pour les musiciens d’orchestre ?

Je pense que Rameau reste difficile même pour un baroqueux averti : le langage est vraiment sophistiqué et la vocalité n’est pas habituelle, donc il faut une grande connaissance du style pour apprivoiser les tournures propres au langage de Rameau. Concernant les Grand Motets, il y a une grande profusion d’ornements que nous devons étudier de prêt pour savoir s’ils sont des « coulés ou des appoggiatures » par exemple, donc des notes jouées avant le temps, ou sur le temps.

Parmi les chefs qui vous ont précédé, quel serait celui qui a le mieux compris et servi l’esthétique de Rameau ? Et pourquoi ?

Je pourrais en citer plusieurs, mais celui qui aura vraiment marqué l’interprétation, c’est William Christie avec ses innombrables disques dédiés à Rameau. Je les écoute régulièrement ; ils ont été très formateurs pour moi. L’élégance et l’équilibre de ses enregistrement sont un exemple pour tous les musiciens qui souhaitent aborder cette culture musicale.

Bruno Procopio dirige les Grands Motets de Rameau, à Cuenca (Espagne), en clôture du festival de musique religieuse, SMR Semana de Musica Religiosa de Cuenca, le 19 avril 2014, 20h (Auditorio). Les Grands Motets de Rameau. Maria Bayo, soprano. Solistes, chœur et orchestre Les Siècles. Bruno Procopio, direction.

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