France Musique, le 27 juin 2014, 20h. Mendelssohn: Elias. Moins inspiré à l’opéra, le compositeur romantique, ailleurs sublime faiseur féerique (Midsummer night’s dream d’après Shakespeare), Félix Mendelssohn a toujours maîtrisé le sens de la narration en musique : en témoigne sa verve dramatique qui s’accorde idéalement au genre de l’oratorio … qu’il a appris à connaître et à approfondir grâce à son étude et sa défense spécifique des drames de Haendel et des Passions de JS Bach. En témoigne Elias que diffuse ce soir France Musique en juin 2014. Ampleur des vagues chorales, ivresse parfois extatique des airs solistes, situations aussi parfaitement développées à l’orchestre, les oratorios de Mendelssohn demeurent – à torts- encore trop méconnus, outrageusement mésestimés…
Elias : … un triptyque sacré
Berlioz qui assiste en 1847, à une reprise de l’ouvrage à Londres mais dans la version définitive, sort ébloui par le sentiment de recueillement et de fervente vérité humaine. Plus que tout, l’auteur d’un Episode de la vie d’un artiste, lui-même bouillonnant expérimentateur, loue la richesse et le raffinement harmonique sans équivalent de la partition. Le compliment n’est pas mince.
Un prophète en colère
Mendelssohn demande au pasteur Julius Schubring, le soin de rédiger le texte d’Elias dont le nom signifie Yahweh est mon Dieu. Après une travail concerté, né d’une très étroite collaboration entre le compositeur et le révérend, l’oratorio s’impose aujourd’hui à nous dans sa durée de 2h40mn. Le texte développe de nombreuses citations de l’Ancien Testament dans la traduction de Luther. Ouverture fuguée à la Bach, puis 42 numéros racontent le défi du prophète Elie lancé à la face des prêtres de Baal: le héros, en saint miraculeux y guérit le fils d’une veuve, et critique sans ménagement le roi d’Israël, Ahab, comme il réprimande la reine Jézabel. Mais celle-ci soulève son peuple contre le suractif prophète… qui démontre sa filiation divine et miséricordieuse en obtenant la pluie tant espérée (elle n’était pas tombée depuis 3 années), sur le Mont Carmel. Elie, ardent défenseur et proclamateur du monothéisme en des temps chaotiques et barbares, incarne aussi la détermination provocatrice de l’homme désireux d’élever ses semblables: le Prophète n’hésite pas à secouer la somnolence du peuple élu: « Jérusalem, toi qui tues tes prophètes!« . En cela, Elie préfigure cet autre prophète, Jochanaan, qui lui aussi châtie sans mesure l’impie, la corruption, la paresse, tous les vices de ses semblables… Ayant achevé son oeuvre, Elie rejoint le ciel sur un char de feu, au moment où le choeur admiratif entonne un hymne en l’honneur de cet homme admirable qui sut leur montrer la voie par ses actions de grâce.
Dans la fresque romantique qui se souvient des aînés tant admirés, Bach et Haendel, Mendelssohn mêle le colossal et le grave. Le souffle exprimé dans cet oratorio sans équivalent dans l’histoire musicale allemande égale les meilleurs ouvrages lyriques, grâce à l’intensité des scènes collectives et l’individualisation du personnage du Prophète. Elan de la foule, portrait d’Elie, drame serré et exalté, Elias est bien un opéra sacré.
France Musique, vendredi 27 juin 2014,20h. Mendelssohn: Elias. Concert enregistré à la Basilique Saint-Denis. Solistes, Chœur de Radio France, Orch. national de France. Daniele Gatti, direction