vendredi 29 mars 2024

Compte rendu, opéra. Paris, Opéra Comique, le 8 avril 2015. La Guerre des Théâtre, d’après La Matrone d’Ephèse de Fuzelier, 1714. La Clique des Lunaisiens. Arnaud Marzorati, direction. Jean-Pierre Desrousseaux, mise en scène.

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Depuis  quelques temps croisant aussi l’anniversaire de la création de l’opéra comique (2015 marque le tricentenaire de sa création), le CMBV Centre de musique baroque de Versailles  s’engage à restituer  les premiers ouvrages qui ont jalonné l’essor et la maturation du genre. En témoigne ce nouveau spectacle où éblouit l’esprit des Forains, « la guerre des théâtres »…

 

 

 

Résurrection de l’opéra comique à ses origines

Guerre des genres

 

watteau peinture_Harlequin_and_Columbine_fAprès les productions remarquées de La Belle mère amoureuse  (parodie d’Hippolyte et Aricie de Rameau réalisée  sous forme d’un formidable spectacle de marionnettes) et plus récemment des Funérailles de la Foire – autre superbe spectacle avec acteurs et sans marionnettes, créé à Nanterre  en mars dernier-, avril voit une nouvelle production illustrant l’histoire et la genèse du genre : la Guerre des théâtres qui s’inspire de la pièce de Fuzelier de 1714,  La matrone d’EphèseLe spectacle  conçu par Jean-Philippe Desrousseaux et Arnaud Marzorati reprend contrastes et oppositions d’origine : nourrissant l’intrigue principale, se distingue en particulier ce tragique larmoyant et déploratif de la Veuve (Jean-François  Novelli) qui ne cesse de se répandre, auquel répond l’insolence des italiens dont Arlequin qui forcé par Pierrot et Colombine  (Arnaud Marzorati et Sandrine Buenda : vraie  fourbe manipulatrice  sous ses airs angéliques) ont convaincu la matrone de ne pas se suicider  (et accessoirement de ne pas entraîner avec elle, la mort de ses deux serviteurs les Pierrot et Colombine pré cités).

C’est un peu propre au théâtre baroque, surtout à l’esprit de Molière, l’alliance inespérée du tragique et du comique que Strauss et son librettiste Hofmannstal sauront si subtilement recycler dans Ariadne auf Naxos (d’ailleurs, la Veuve éplorée rappelle ici la posture d’Ariane abandonnée par Thésée…).

Pour l’heure sur la scène de l’Opéra Comique, les joyeux lurons de la Clique des Lunaisiens portée par le baryton Arnaud Marzorati, s’engagent sans compter pour un spectacle qui accorde délire et poésie tout en rappelant les diverses formes que les forains durent concevoir et assumer en réponse aux multiples contraintes imposées par ses concurrents offensés dont surtout l’inévitable Comédie Française : monologue, pantomime, écriteaux à l’adresse du public… (karaoke avant l’heure),  et marionnettes dont frère en insolence d’Arlequin, le petomane Pulcinella qui pousse loin les règles de l’impertinence barbare en particulier à l’adresse des vieux héros  tragiques de la Comédie Française.

Performances d’acteurs

guerre des theatres fuzelier matrone d ephese opera comique francoise rubelin clic de classiquenewsMalgré la diversité des séquences qui se succèdent, l’unité dramatique est préservée grâce au jeu souple tout en finesse des acteurs-chanteurs. Les lazzi dArlequin fusent (époustouflante versatilité  imaginative du jeune Bruno Coulon dont on se délecte de la facilité mordante délicieusement sédicieuse,  d’autant que lui aussi dans le tableau des marionnettes trouve un placement en voix de tête idéalement strident pour incarner et actionner la figure d’une vieille chanteuse de l’Opéra qui fait les frais de l’ironie de Pulcinella. ..) ; Colombine  intrigue et caquète ; Pierrot fait son benêt (impeccable et irrésistible Arnaud Marzorati) et la Comédie Française s’invite à la foire, pleine de haine jalouse  et d’interdits exorbitants. Tous semblent bien étrangers par leur drôlerie satirique et parodique aux larmes méditerranéennes – et gitanes-,  de la matrone (Jean-François Novelli) dont le spectateur note dès son entrée, la longueur du voile de pleureuse, égale à la profondeur de son deuil, proportionnée à la volonté d’en finir.

Le spectacle joue habilement des situations, chacune ayant autant de vertus comiques que pédagogiques car il faut restituer  ce qui a fait l’essor de l’opéra comique à ses débuts : sa nature expérimentale, sa fascinante qualité à savoir rebondir malgré  les interdits de toutes sortes. La pertinence de la conception y est défendue par la spécialiste du genre Françoise Rubellin, dont la coopération est le gage de la justesse et de la qualité : son intervention au début du spectacle a rappelé les enjeux du spectacle dans son contexte.

La volubilité des chanteurs acteurs éclatent dans une frénésie collective (pilotée tambour battant mais subtilement jusqu’au charivari final) ; une facilité aussi à endosser et changer de rôles pendant la soirée : Jean-Philippe  Desrousseaux qui signe aussi la mise en scène incarne une Comédie Française Grand Siècle hurlant sa haine jalouse, son agacement colérique : diction, poses, gestuelle et intonation. … tout indique la maison mère figée  dans son jus déclamatoire et… poussiéreux : l’acteur se délecte à articuler son texte et ciseler son personnage que contrepointe toujours très subtilement la facétie irrévérencieuse d’Arlequin. Leur duo fonctionne  à merveille. Il est tout autant irrésistible en acteur marionnettiste incarnant simultanément et changeant de registre vocal de l’un à l’autre, et le malicieux et très inconvenant Pulcinella, et le pompeux acteur tragique, spécifiquement parodié.

On rit du début à la fin d’autant que les interprètes d’une finesse délectable nous servent de copieux entremets, riches en effets et saillies les plus diverses : toujours c’est la foire qu’on enterre et toujours elle se réinvente pour mieux renaître. En voici une éclatante et éloquente illustration. L’Opéra Comique a été bien inspiré de programmer ce spectacle idéal pour illustrer son tricentenaire. Courrez applaudir ce spectacle haut en couleurs : on y rit sans mesure, en famille, pour petits et grands. Pour les enfants de tout âge. Sur le plan artistique et théâtral, le spectateur enchanté y mesure pas à pas la complicité d’une troupe en maturation, l’accomplissement de l’esprit forain directement venu des tréteaux à Saint-Germain ou Saint-Laurent.

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