jeudi 28 mars 2024

Compte-rendu, opéra. LYON, Opéra. Ravel, L’heure espagnole, 17 nov 2018. Orchestre de l’Opéra de Lyon, Jonathan Stockhammer

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Jean-François Lattarico
Jean-François Lattarico
Professeur de littérature et civilisation italiennes à l’Université Lyon 3 Jean Moulin. Spécialiste de littérature, de rhétorique et de l’opéra des 17 e et 18 e siècles. Il a publié de Busenello l’édition de ses livrets, Delle ore ociose/Les fruits de l’oisiveté (Paris, Garnier, 2016), et plus récemment un ouvrage sur les animaux à l’opéra (Le chant des bêtes. Essai sur l’animalité à l’opéra, Paris, Garnier, 2019), ainsi qu’une épopée héroïco-comique, La Pangolinéide ou les métamorphoses de Covid (Paris, Van Dieren Editeur, 2020. Il prépare actuellement un ouvrage sur l’opéra vénitien.

Compte-rendu critique. Opéra. LYON, Ravel, L’heure espagnole, 17 novembre 2018. Orchestre de l’opéra de Lyon, Jonathan Stockhammer. Deux ans après le magnifique Enfant et les sortilèges, la même équipe reprend le premier opéra de Ravel et renouvelle l’enchantement précédent. Une réussite exemplaire et un spectacle magique pour les oreilles et les yeux. Sur scène c’est le même dispositif ingénieux qui nous avait ravi deux ans auparavant. L’orchestre est de nouveau sur la scène, masqué par un tulle qui occupe l’essentiel de l’espace, un décor minimaliste (des escaliers pivotants, des cartons qui représentent des horloges), l’essentiel étant projeté sur le tulle.

  
 
 

RAVEL à LYON : Heure enchanteresse

  
 
 

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L’univers féérique de Grégoire Pont, à mi-chemin entre le cinéma cartoonesque et les jeux de lumière d’une précision exceptionnelle, ne laisse au spectateur aucun temps mort, en collant comme jamais à la musique raffinée de Ravel et au livret élégant de Nohain qui repose pourtant sur une intrigue dramatiquement mince, mais enchante par les nombreuses références littéraires et les savoureux jeux de mots. La réalisation est d’autant plus exemplaire que la brièveté de l’œuvre interdit toute facilité gratuite que permet la virtuosité d’une technique déjà éprouvée. On est en effet littéralement emporté par ce déluge d’images qui évoque l’univers d’un Tim Burton et qui mériterait pour chacune un commentaire circonstancié : les délicats jeux d’ombre, les changements de décor à vue (quand celui-ci se met en branle pour évoquer le mal de mer ou que les horloges géantes se mettent à tancer, puis se transforment en gratte-ciel new-yorkais), l’arrivée du poète Gonzalve annoncée par un petit film en noir et blanc. On est face au même univers graphique flamboyant, fourmillant de détails fascinants dans lequel les interprètes se déplacent avec une aisance confondante, grâce à une direction d’acteurs d’une précision horlogère. Le travail exceptionnel de James Bonas doit ici être salué, tout comme les merveilleux costumes de Thibault Vancraenenbroeck.
Le contexte hispanique est illustré certains détails croustillants (les cornes de taureau du muletier par exemple), tandis que l’ensemble est transfiguré par l’univers fabuliste animalier (Torquemada en souris, Gonzalve en lapin, Concepcion en chatte et Don Gomez en cochon), dans un véritable festival de sons et lumières (de Christophe Chaupin), on ne peut plus idoine dans la ville qui en est le plus beau symbole. Pour cette œuvre singulière où la déclamation est presque plus importante que le chant à proprement parler (à l’exception du magnifique quintette final), les interprètes ont déployé un raffinement et un jeu scénique exemplaires, d’une justesse vraiment remarquable. Clémence Poussin campe une Concepcion plus vraie que nature : timbre clair, diction et projection idéales ; Quentin Desgeorges est un poète attachant à la voix sonore et affirmée, doublé d’un acteur irrésistible ; habitué aux productions du Studio Opéra (il avait magnifiquement tiré son épingle du jeu dans la féérique Belle au bois dormant de Respighi la saison dernière), Grégoire Mour est un Torquemada à la voix ductile et charmante, tandis que la verve comique de Martin Hässler en Don Gomez fait des merveilles, malgré de légers défauts dans la prononciation du français, défaut qui ne transparaît guère chez Christoph Engel qui assure une présence vocale et scénique tout en sobre retenue.
Dans la fosse, Jonathan Stockhammer conduit avec grâce, justesse, dans ses moindres nuances de timbre et de rythme, les forces en grande forme Orchestre de l’opéra de Lyon, contribuant à parfaire une production qui mérite tous les éloges.

  
 
    
 
 

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Compte-rendu. Lyon, Opéra de Lyon, Ravel, L’heure espagnole, 17 novembre 2018. Clémence Poussin (Concepcion), Quentin Desgeorges (Gonzalve), Grégoire Mour (Torquemada), Christoph Engel (Ramiro), Martin Hässler (Don Gomez), Grégoire Pont (concept et vidéo), James Bonas (mise en scènes), Thibault Vancraenenbroeck (décors et costumes), Christophe Chaupin (lumières), Orchestre de l’opéra de Lyon, Jonathan Stockhammer (direction) / illustration : Grégoire PONT / Opéra de Lyon / décors pour L’Heure Espagnole 2018.Compte-rendu, opéra. LYON, Opéra. Ravel, L’heure espagnole, 17 nov 2018. Orchestre de l’Opéra de Lyon, Jonathan Stockhammer
 

  
 
    
 
 

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