CD, critique. Chic à a française : Trio Atanassov. Debussy, Hersant, Ravel (1 cd Paraty)

atanassov-trio-cd-chic-a-la-francaise-cd-critique-reviex-cd-classiquenews-schubertiade-de-sceaux-atanassovCD, critique. Chic Ă  a française : Trio Atanassov. Debussy, Hersant, Ravel (1 cd Paraty – enregistrĂ© en avril 2018). Le Chic Ă  la française se rĂ©pand dans les 3 pièces ici choisies, chacune très forte en sensations comme en caractères. RĂ©unir les 3 relève dĂ©jĂ  d’un dĂ©fi. De Debussy, le Trio en sol est une pièce de jeunesse vite oubliĂ©e par l’auteur et qui plus est, est restĂ©e inachevĂ©e (dans le 4è mouvement). Pourtant elle tĂ©moigne de sa première manière, encore « romantique », rappelant Saint-SaĂ«ns, Franck et Massenet ; la partition dut animer les soirĂ©es de musique de chambre organisĂ©es par la protectrice de Tchaikovski, la baronne Nadejda von Mack qui employa le jeune pianiste Debussy en 1880, dans ses dĂ©placements en Italie (Fiesole).

Les 3 musiciens du Trio Atanassov aborde chaque séquence avec éloquence et tension : nonchalance heureuse et tension mesurée (Andantino) ; vivacité nerveuse et engagée comme celle d’une conversation où chacun chante et affirme sa partie (Scherzo) ; puissance suave et nostalgique de l’Andante ; enfin, insouciance et légèreté vive du Finale.

Le cas de la pièce de Philippe Hersant, longue réflexion de 20 mn, se révèle fascinant : c’est la partition qui révèle l’étendue de la palette expressive des interprètes. Fasciné par le Baroque français du XVIIè et surtout ici, Marin Marais, Philippe Hersant choisit comme un emblème fécond, la sonnerie de l’église Sainte-Geneviève du Mont que Marais a traité dans « la gamme et autres morceaux… » de 1723. Hersant en déduit une suite de variations en trio qui séduit par la grande économie formelle, laquelle n’empêche pas une diversité d’épisodes. En une succession de « souvenirs » et de stratifications qui offre un étagement sonore de la mémoire sollicitée, la pièce emprunte maints chemins et parcours que chaque instrument traverse différemment.
C’est une partition souterraine et liquide, parsemée d’éclairs post romantiques et fantastiques (au piano) ; où passent aussi citations et formules baroques (aux cordes)… frémissements, instabilité, intranquillité voire inquiétude ; au milieu de la pièce, se précise l’effet de cloche et de carillon (la sonnerie qui apparaît dans le titre même de l’œuvre), qui affirmée progressivement, crée la tension, en un balancement tragique, de plus en plus panique ; séquence crépitante, suractivité qui laisse s’accentuer des micro épisodes tendus, interrogatifs, des éclairs et crépitements proches de cauchemar. Dans ce chaos sobre, le piano panique cherche un équilibre toujours reporté ; il tente d’apaiser le feu des cordes qui tranchent, et citent des ornements baroques (violon), en une superposition captivante de chants simultanés (parfois en téléscopages discordants et volontaires) dont la voix, en conclusion, se perd et s’effiloche comme un carillon devenu songe qui n’a pas peut-être jamais existé. L’acuité expressive, comme le glissement poétique sont dynamisés par le souci du détail et des équilibres sonores. Dans un labyrinthe musical aux changements permanents, le Trio Atanassov ne perd jamais le fil.

Le Trio de Ravel confirme la complicité toute en onctuosité expressive des trois instrumentistes. D’abord, ils expriment la délicatesse affleurante et ses climats d’une pudeur infinie du premier mouvement (Modéré), vraie invitation au songe intime, secret. Pantoum se cabre, se rebiffe, plein de panache et de fier hispanisme. Les trois complices redoublent d’accents tranchés et vivaces. Plus recueilli et sombre sans gravité asphyxiante, la Passacaille élargit la texture sonore encore en une opulence expressive que les trois instrumentistes soulignent avec intensité. Le Finale exacerbe encore davantage les contrastes jusqu’à la saturation, rappelant combien le Trio de Ravel est une œuvre qui a été conçue dans des heures sombres d’août 1914 : la conclusion comme éperdue, assénée, enivrée appelant à la mobilisation totale. Riche en défis, le programme confirme la haute musicalité du Trio Atanassov.

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CD, critique. CHIC A LA FRANCAISE : Trio Atanassov. Debussy, Hersant, Ravel (1 cd Paraty – enregistrĂ© en avril 2018). Perceval Gilles, violon / Sarah Sultan, violoncelle / Pierre-Kaloyann Atanassov, piano.

RAVEL : Gaspard de la nuit, triptyque fantastique

RAVEL-maurice-elegance-francaise-concert-opera-bolero-classiquenewsFrance Musique, dim 1er déc 2020. RAVEL : Gaspard de la nuit. La tribune des critiques de disques interroge l’enjeu de la partition pour piano de Ravel et distingue les meilleurs interprètes. Partenaire familier, et véritable double pianistique, Ricardo Viñes prête pour le lire, le Gaspard de la nuit d’Aloysius Bertrand (1842). En découle sous le prisme poétique ravélien, trois « poèmes romantiques de virtuosité transcendante ». Ici dans le sillon même de Bertrand, Ravel s’inscrit en creux dans le travail des contrastes entre ombre et lumière, car Bertrand cite Rembrandt et Jacques Callot, dont le trait incisif des gravures relance l’éclat noir de la matière narrative. Dans l’imaginaire délirant d’un vieillard, ce Gaspard nocturne, fascinant / menaçant n’est autre que le diable. Dans son appartement de Levallois, Ravel se concentre et produit les 3 sommets du piano français au XXè, de mai à sept 1908. Une musique endiablée qui « fait galoper le sang » selon les termes du premier auditeur Viñes (janvier 1909).
Ondine est d’abord d’une fluidité féminine, aquatique, transparente et trouble à la fois, qui envoûte pour aspirer vers les profondeurs les plus sombres : son invocation (« écoute! ») capture et saisit, emportant sa victime au fond du gouffre sans fond. Ensuite Gibet enivre tout autant par sa triste et morne, langoureuse plainte funèbre, à travers son lugubre glas (si bémol répété 146 fois). Enfin Scarbo est une création purement poétique, née des divagations et incantations magiques du narrateur ; une manière de génie dont la présence et la proximité attestent de la réalité du songe et de l’enchantement, sortilège et transformation. En réalité, suivant de manifestes références cabbalistiques, les trois volets de ce triptyque enchanteur, suit les étapes de la matière en sa transmutation alchimique ; au fluide d’Ondine, répond la putréfaction des pendus au gibet ; jusqu’à la consomption pilotée par le génie Scarbo. Le parcours est d’essence magique ; c’est un rituel qui est aussi dévoration. Tout relève d’un envoûtement : le rire du nain Scarbo, l’aigre grincement de son ongle sur la soie ; ses acrobaties délirantes et son bonnet à grelot… puis son évanouissement comme d’une lueur qui s’éteint ; c’est une apparition qui foudroie et saisit. La face hypnotique d’un pur produit fantastique. D’un imaginaire poétique inédit jusqu’alors, la partition de Ravel invente un nouveau langage pianistique ; le piano poètique pictural, qui se suffit à lui même, puisqu’il ne fut jamais orchestré. Alfred Cortot saisit lui aussi déclare : « l’un des plus surprenants exemples d’ingéniosité instrumentale dont ait jamais témoigné l’industrie des compositeurs ». Le génie de Ravel est comme celui de Leonardo en peinture : rare mais fulgurant, mystérieux et énigmatique ; fasciné comme le génie de la Renaissance, par l’ombre : gouffre, passage, abstraction…
De toute les versions les plus récentes, celle du pianiste nous a le plus convaincu : lire notre critique de Gaspard de la Nuit par Dénes Varjon (né à Budapest en 1968), et aussi celle par Natacha Kudritskaya
http://www.classiquenews.com/cd-nocturnes-natacha-kudritskaya-piano-debussy-ravel-1-cd-deutsche-grammophon/

France Musique, dim 1er déc 2020. RAVEL : Gaspard de la nuit. La tribune des critiques de disques, 16h.

Rhapsodie espagnole de Maurice Ravel

ravel maurice compositeurFRANCE MUSIQUE, Mer 30 oct, 20h. RAVEL : Rapsodie espagnole… AmorcĂ©e dès 1907 par l’Apache Ravel, la Rhapsodie est le premier grand Ĺ“uvre orchestral qui applique Ă  l’échelle de l’orchestre, la scintillante palette, l’onirisme raffinĂ© du plus grand poète musicien. C’est lĂ©poque oĂą le gĂ©nie orchestrateur a transcrit pour l’orchestre Une barque sur l’ocĂ©an, originellement pour piano, dans le cycle Miroirs dĂ©diĂ© / créé par Ricardo Viñes, l’ami fidèle. La danse, l’Espagne inspire la partition de 4 Ă©pisodes créée au Châtelet par Edouard Colonne en mars 1908 :

1 – PrĂ©lude Ă  la nuit : dĂ©veloppe le mystère, le songe, le rĂŞve nocturne dans un bain de sensualitĂ© irrĂ©sistible. Le gĂ©nie du timbre s’accomplit ici avec un sens de l’épure, inouĂŻ.
2 – Malagueña : Ravel se joue des percussions pour exprimer l’essence de la danse qui culmine farouche et voluptueuse dans le motif du cor anglais, avant que dans la conclusion, les basses reprennent le motif Ă©nigmatique du premier mouvement.
3 – Habanera : Ravel recycle un ancien matĂ©riau mĂ©lodique extrait du cycle Sites auriculaires (créé par Viñes en 1898). Nouveau motif sensuel et caressant qui s’évanouit lĂ  encore dans le mystère et l’ombre.
4 – Feria : l’ibĂ©risme de Ravel atteint son paroxysme ici dans une sĂ©rie de 4 motifs qui enchaĂ®nent les timbres caractĂ©risĂ©s des instruments de l’orchestre, en association Ă©lĂ©gantes et inĂ©dites (trompette / tambour basque – flĂ»te / cor anglais – clarinettes / bassons – flĂ»te / trompette)… l’écriture se prĂ©cise, cisèle le son et le rythme, en une transe quasi lascive, oĂą sont Ă  nouveau citĂ©s les quatre notes du premier mouvement ; principe cyclique qui dĂ©ment le titre gĂ©nĂ©ral (rhapsodie) lequel cĂ©lèbre a contrario la libertĂ© sans entrave et sans cadre. L’extrĂŞme raffinement du rythme, la jubilation hĂ©doniste des couleurs, le sens de l’épure oĂą rien n’est dĂ©crit, marque l’éclosion et la maĂ®trise totale du jeune Ravel, 32 ans : l’écartĂ© du Prix de Rome (refusĂ© par ThĂ©odore Dubois le très acadĂ©mique) prend une revanche cinglante ; son gĂ©nie n’avait guère besoin d’être validĂ© par l’institution la plus conservatrice de son siècle.

Le programme de ce concert en direct ajoute la très subtile partition d’Alborada del Gracioso, extrait de MIROIRS, originellement pour piano, autre sommet de l’imaginaire poétique ravélien ; cette « Aubade pour un bouffon », inscrit sa couleur particulière entre l’esprit de la commedia del arte et l’élégance austère de la Cour dEspagne. C’est l’une des plus tardives transcriptions du piano à l’orchestre, réalisé par Ravel en 1918 (création en 1919 par l’Orchestre Pasdeloup). L’Espagne de Lope de Vega affirme ici sa nature fière et mystérieuse à coup de couleurs et de timbres précis, mordants, parfois caustiques (crotales, castagnettes, harpes, xylophones…). Là encore Ravel s’exprime en magicien et en peintre, doué pour les rythmes éperdus, enivrés, échevelés… La situation créée aussi au délà de l’exotisme de la couleur et du tropisme ibérique, une volupté contrainte et moquée, celle du dérisoire bouffon au balcon d’une Belle moqueuse et supérieure. Le feu d’artifice est tiré par le mutant pathétique qui gratte sa pauvre guitare… comme saisi par sa propre danse miraculeuse (le solo du basson marque l’épisode central), le bouffon s’enivre de sa propre rêverie qui devient transe, entre panache et délire triomphal.

FRANCE MUSIQUE, Mer 30 oct, 20h. RAVEL : Rapsodie espagnole…   En direct de l’Auditorium de la Maison de la Radio Ă  Paris 

Claude Debussy
Sonate pour flûte, alto et harpe Christophe Gaugué, alto
Nicolas Tulliez, harpe

Philippe Manoury
Saccades (CRF)
Commande de Radio France / Gürzenich Orchestra Cologne / Sao Paulo Symphony Orchestra / Tokyo Opera City Cultural Foundation Emmanuel Pahud, flûte  et Magali Mosnier, flûte Maurice Ravel

Rapsodie espagnole
1. Prélude à la nuit, très modéré
2. Malagueña, assez vif
3. Habanera, assez lent et d’un rythme las
4. Feria, assez animé

Alborada del gracioso n°4, ext. de Miroirs

Claude Debussy
Ibéria n°3, ext. des Images pour orchestre
1. Par les rues et par les chemins
2. Les parfums de la nuit
3. Le matin d’un jour de fĂŞte
Orchestre Philharmonique de Radio France
Direction : Fabien Gabel

La Valse de Ravel

reiland david maestro mains baguette enchanteresseMETZ, Arsenal. Ven 22 nov 19. LA VALSE de RAVEL. L’Orchestre National de METZ et David Reiland (notre photo, DR) jouent la si délicate Valse de Ravel, hymne à la danse et aussi orgie progressive de rythmes et de couleurs dans laquelle Maurice le si mesuré et pudique, « ose » faire imploser le tissu symphonique jusqu’à la transe la plus débridée, à l’obsessionnelle ivresse. Auparavant la virtuosité, spécialité toute française et parisienne au XVIIIè, transporte grâce à la Symphonie Concertante de Mozart, créée à Paris en 1779 où brillent en dialogue avec l’orchestre, deux invités attendus, prometteurs : l’alto (Adrien La Marca) et le violon (Alena Baeva).

METZ, Arsenal
Orchestre National de Metz
David Reiland, direction
violon : Alena Baeva
alto : Adrien La Marca

Vendredi 22 novembre 2019, 20h

RESERVEZ
https://www.citemusicale-metz.fr/agenda/la-valse-de-ravel
1h15 + entracte

Clés d’écoute, conférence préalable par Philippe Malhaire
19h – EntrĂ©e libre

Programme

MOZART : Ouverture de Cosi fan tutte / Symphonie Concertante

RAVEL : La Valse / Le Boléro

Metz, apéro-concert : le BOLÉRO de Maurice Ravel

ravel maurice compositeurMETZ, Arsenal. Ravel : BOLÉRO, dim 22 sept 2019, 18h. APERO-CONCERT. De retour d’une tournée aussi harassante que triomphale aux USA, début 1928, Ravel rentre en avril 1928 au Havre et y termine à l’automne le Boléro. C’est peu dire que le compositeur soucieux du détail et de la précision, admirait la mécanique : une vision d’usine aurait inspiré la partition orchestrale qui répond à la commande passée par la danseuse Ida Rubinstein, pour la musique d’un nouveau ballet devant durer… moins de 17 mn. Il en découle la répétition d’un motif (« arabo-espagnol ») fixé dès l’été 1928 à Saint-Jean de Luz : répété, en un vaste crescendo et qui s’inspire de la Danse Grotesque de Daphnis… Ainsi 169 fois, s’affirme l’ostinato (ritournelle, procédé baroque) en un vaste crescendo où l’orchestre semble expérimenter toutes les couleurs, les alliages de timbres, les procédés qui font dialoguer les 2 motifs, qui les opposent, les détournent, les fusionnent… en un râle (tutti) à la fois lascif et libérateur. On dit même que la partition dans son flux, respecte les 5 phases du sommeil, de l’endormissement au rêve profond ; et aussi les paliers vers l’ivresse extatique car le caractère progressivement charnel du morceau, pour ne pas dire érotique, voire orgasmique, ne serait pas étranger à son fabuleux succès à travers le monde. Peu à peu, à mesure que chaque instrument s’empare du thème, les auditeurs peuvent réviser le langage orchestral : et identifier quand ils jouent ou sont mis en avant, le tambour / caisse claire, la flûte, la clarinette, le basson, la petite clarinette, le hautbois d’amour, la flûte avec trompette en sourdine, le saxophone ténor puis soprano, puis l’alliance jubilatoire des célesta / cor / piccolos… jusqu’à l’avènement des cordes, de la trompette… Créé et radiodiffusé le 11 janvier 1930, Boléro dévoile au monde, le génie du plus grand compositeur vivant. De toute évidence, la pièce d’essence (et par destination) chorégraphique, est à présent jouée telle une pièce de musique pure, dans les théâtres et les salles de concert. A tel point qu’on en oublie le prétexte narratif et chorégraphique. Le dim 22 septembre 2019, l’Arsenal de METZ propose un nouvel apéro-concert avec le Boléro de Ravel par l’Orchestre National de Metz et son directeur musical, David Reiland. RV est pris pour cet épisode accessible et détendu à 18h.

 

 

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METZ, Arsenal
Grande salle
BOLERO de RAVEL
dimanche 22 septembre 2019, 18h

RÉSERVEZ
https://www.citemusicale-metz.fr/agenda/apero-concert-avec-le-bolero-de-ravel

 

 

Le Boléro est joué en couplage avec une autre œuvre au programme :
Rebecca Saunders : Void,
pour duo de percussions et orchestre
Percussions : Minh-Tâm Nguyen, François Papirer
(solistes des Percussions de Strasbourg)

 

 

COMPTE RENDU, festival. GSTAAD MENUHIN FESTIVAL 2019. Les 25, 26 et 27 juillet 2019. « PARIS », Gabetta, Chamayou, Petibon…

COMPTE RENDU, festival. GSTAAD MENUHIN FESTIVAL 2019. Les 25, 26 et 27 juillet 2019. « PARIS », Gabetta, Chamayou, Petibon…
gstaad-menuhin-festival-2019-PARIS-annonce-prĂ©sentation-classiquenews-582Christoph MĂĽller, intendant gĂ©nĂ©ral du GSTAAD MENUHIN Festifal, d’édition en Ă©dition, ne cesse d’affirmer sa singularitĂ© estivale, a contrario d’autres festivals suisses et europĂ©ens dont la programmation demeure Ă©clectique mais confuse, souvent standardisĂ©e Ă  force d’artistes invitĂ©s au profil interchangeable. Rien de tel Ă  Gstaad chaque Ă©tĂ© tant l’équation entre Nature et Musique s’avère prĂ©servĂ©e, et mĂŞme sublimĂ©e. En choisissant (et fidĂ©lisant) Ă  prĂ©sent certains artistes de la scène internationale, Christoph MĂĽller a su marquer son festival d’une forte identitĂ© artistique, que le geste singulier « d’ambassadeurs », tels Sol Gabetta, Jonas Kaufmann, Yuja Wang, – et cette annĂ©e Bertrand Chamayou, prĂ©sentĂ© en “artiste en rĂ©sidence”,  rend spĂ©cifique.

GSTAAD, UNE ARCADIE RETROUVÉE ENTRE NATURE ET MUSIQUE

Le festivalier qui vient à Gstaad, ou réside dans les villages voisins de Schönried ou de Saanen (entre autres), retrouve ainsi le charme spécifique de programmes musicaux rares voire inédits, au sein d’églises souvent séculaires, à la nef de bois tapissée, dont la rusticité et le caractère champêtre offrent une inusable séduction pastorale. Ailleurs on aime et se délecte de musique baroque sur le motif (en Vendée : voyez le festival de William Christie chaque mois d’août aussi, en ses jardins que le chef jardinier a totalement dessinés) ; ou d’opéras sur nature (allez à Glyndebourne où le spectateur trié sur le volet peut pique-niquer sur un gazon des plus tendres, entre deux actes, pourvu que le bosquet soit confortable…). A Gstaad, s’ajoute le décor, majestueux, onirique, des montagnes et sommets alpins d’une irrésistible solennité. Le rêve d’une Arcadie alpine se précise à Gstaad.

Grâce à la diversité des formes musicales, le temps de notre (trop court) séjour : récital de piano, musique de chambre, récital lyrique…, le Gstaad Festival Menuhin sait répondre à tous les goûts. A l’offre élargie répond la beauté des sites naturels préservés dans cet écrin unique au monde, d’une Suisse verte et florissante. Entre chaque concert (le soir à 19h30), le festivalier marcheur peut se hisser jusqu’aux sommets grâce aux remontées mécaniques de Wispile, Rellerli ou de Wasserngrat. Il y contemple le vertige qu’offre la vision panoramique des vallées tranquilles, dignes des meilleurs compositions d’un Caspar Friedrich. Gstaad chaque été s’adresse au mélomane exigeant comme au randonneur épris de tourisme vert. Les 3 concerts des 25, 26 et 27 juillet auxquels nous avons assisté, n’ont pas manqué de confirmer la forte attractivité du Gstaad Menuhin Festival (63ème édition à l’été 2019).

 

 

 

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Bertrand CHAMAYOU, Sol GABETTA, Christoph MĂśLLER
(© Raphaël Faux / GSTAAD MENUHIN Festival 2019)

 

 

 

 

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Musique de chambre, rĂ©cital de piano, concert lyrique…

3 concerts exceptionnels au GSTAAD Menuhin Festival 2019

 

 

 

 

 

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CHAMBRISME à la française…
Jeudi 25 juillet 2019. Le thème de cette annĂ©e cĂ©lèbre PARIS Ă  travers les compositeurs qui ont marquĂ© le paysage hexagonal comme l’histoire de la musique tout court. Ce sont aussi des interprètes que la sensibilitĂ© et le sens des couleurs comme de la transparence – qualitĂ©s essentiellement parisiennes et françaises, destinent prĂ©cisĂ©ment au sujet gĂ©nĂ©rique : ainsi, le pianiste toulousain Bertrand Chamayou (nĂ© en 1981, Ă©lève de Jean-François Heisser) affirme une maturitĂ© Ă  la fois, rayonnante et rĂ©servĂ©e au service de programmes multiples (5 annoncĂ©s pour cette Ă©dition 2019) qui en font « l’artiste en rĂ©sidence » de ce cru. Dans l’église mythique de Saanen, lĂ  mĂŞme oĂą a jouĂ© le fondateur Yehudi Menuhin dès 1957 (pour les dĂ©buts du Festival suisse), le Français partage la scène avec la violoncelliste Sol Gabetta, autre ambassadrice de charme, chaque Ă©tĂ© Ă  Gstaad : les deux artistes se connaissent depuis de très longues annĂ©es ; depuis l’adolescence, ils jouent très souvent ensemble ; mais ce soir, c’est la première fois qu’ils opèrent de concert Ă  Saanen.
Dès la Sonate de Debussy (1916), claire révérence à l’esprit de Rameau et de Watteau, la complicité des deux interprètes rayonnent d’une même ardeur, souvent plus mesurée et mieux ciselée chez Sol Gabetta dont on ne cesse de se délecter de la grâce intérieure et du caractère d’urgence enflammée ; l’épure, le sens de la fulgurance, comme le picaresque de la Sérénade (habanera avec effet de mandoline) fourmille d’éclats à la façon des Français baroques (on pense davantage à Couperin qu’à Rameau, dans cette alliance ineffable entre langueur mélancolique et panache ironique). Puis, la libération (cadence du 3è et dernier mouvement) est réservée au violoncelle, là encore d’une fierté latine (espagnole, proche d’Ibéria) que la violoncelliste illumine avec cette tendresse fluide et intérieure qui est sa marque. Aux cordes rubanées, d’une exquise langueur chantante répond parfois un piano trop dur auquel échappe à notre avis, le ton de saturnisme lunaire et nostalgique du Pierrot que Debussy avait imaginé en second plan.
La rĂ©vĂ©lation de la soirĂ©e demeure la Sonate de Poulenc, aussi flamboyante (et parfois bavarde) qu’oubliĂ©e depuis sa crĂ©ation en 1949. Poulenc se rapproche du cercle de Debussy et Ravel car il apprit le piano avec Ricardo Viñes, – immense interprète des deux ainĂ©s de Poulenc. En 4 mouvements, chacun très caractĂ©risĂ© et riche en contrastes, la FP 143 collectionne rythmes et atmosphères mais sait aussi plonger dans la tendresse qui berce en une gravitĂ© saisissante (Cavatine). Agile et volubile, inspirĂ© et complice, le duo Gabetta / Chamayou convainc du dĂ©but Ă  la fin par ses allers retours percutants, dessinĂ©s, d’une nervositĂ© affectueuse.
Dernier volet de ce triptyque chambriste à Saanen, la Sonate pour violoncelle de Chopin (1848) écrite pour le virtuose et ami lillois Auguste-Joseph Franchomme. Dernière des quatre Sonates, la Sonate opus 65 étonne par la fusion très réussie entre les deux instruments, un accord qui retrouve l’entente de la Sonate de Debussy : s’y affirme ce goût de l’équilibre formel (peut-être inspiré par le traité de Cherubini que le dernier Chopin lit et relit comme pour mieux structurer ses dernières œuvres… surtout celles non strictement pianistiques). Le sens du phrasé propre à Sol Gabetta facilite l’élucidation du rubato chopinien que beaucoup de ses confrères et consœurs ne maîtrisent pas avec autant d’évidence : comme souvent dans son jeu intériorisé, le chant du violoncelle semble surgir de l’ombre, porté, incarné par une énergie viscérale, organique. On y remarque en particulier la valse languissante du trio dans le Scherzo ; surtout l’entrain et la vivacité du Finale où rayonne l’entente idéale des deux artistes. On aime à Gstaad le défi des duos de musiciens : ce soir, l’intelligence en partage et le sens d’une même musicalité expressive font la valeur de ce programme. L’esprit de Paris s’est incarné dans l’élégance et la profondeur, grâce à deux interprètes heureux de jouer ensemble.

 

 

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BERTRAND CHAMAYOU, alchimiste ravélien
Le lendemain, autre programme, autre lieu, mais les festivaliers retrouvent Bertrand Chamayou pour son récital en soliste, vendredi 26 juillet, dans la petite église de Rougemont, dont le volume de la nef est couronné par la figure d’un sublime Christ sur la croix dont le dessin est du début XVIIè. Le programme est ambitieux et s’ouvre d’abord par Schumann. A l’écoute de Carnaval principalement, la schizophrénie double de Robert le romantique, alternativement Florestan et Eusebius nous paraît dépourvue de nuances troubles, trop marquée, trop sèchement assénée. Dommage. Par contre, après la pause, un tout autre univers nous est révélé sous les doigts plus naturels et comme frappés d’évidence du pianiste français : les 5 joyaux de « Miroirs » de Ravel (1906) éblouissent par leur justesse, un flux organiquement captivant, des nuances infinies qui ciselées dans la résonance et les couleurs, miroitent : ils nous invitent au grand banquet des scintillements ravéliens.

 

 

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Aucun doute, Bertrand Chamayou se montre immense poète, alchimiste évocateur, à la fois passeur des sortilèges et grand ambassadeur du sorcier Ravel. On y perce le secret d’épisodes suspendus et picturaux dont le génie de la ligne et des impulsions esquissées, compose pourtant une cathédrale harmoniquement subtile et onirique, aux caractères et accents fermes et nets, à couper le souffle. Le jeu est solide et il respire. Le sérieux, la probité voire le scrupule du pianiste en comprennent et les équilibres millimétrés et la brillance évanescente. En surgit un Ravel à la fois cérébral et sensuel dont l’esprit des couleurs vibre, s’exalte, ambitionne un nouveau monde ; quand l’élan et l’audace des harmonies toujours imprévisibles font imploser l’assise et l’architecture. On connaît les deux fragments que Ravel orchestra par la suite : Une barque sur l’océan et Alborada del Gracioso (Aubade du bouffon).
Ecouter ce soir Ă  Rougemont, l’intĂ©gralitĂ© du cycle des 5 pièces relève d’une expĂ©rience singulière oĂą le compositeur semble rĂ©inventer tout le langage musical pour piano. On s’y berce de sonoritĂ©s Ă  la fois enveloppantes et Ă©cumantes, enivrĂ©s par un pur esprit expĂ©rimental. La libertĂ© harmonique sous les doigts flexibles, facĂ©tieux, enchanteurs du pianiste, saisit immĂ©diatement : on y perçoit un Ravel, grand prĂŞtre des images et illusions, peintre des modernitĂ©s et du futur qui ose plus loin que Debussy. Ses Miroirs dĂ©voilent le son de l’invisible et de l’inconnu, selon la conception d’un aigle agile et visionnaire, libĂ©rĂ© de toute entrave, et narrative et stylistique. « Noctuelles » expriment l’envol des papillons noctambules, leur lĂ©gèretĂ© dĂ©sirante ; « Oiseaux tristes » (dĂ©diĂ© au crĂ©ateur Riccardo Viñes), touche au cĹ“ur de la magie animalière qui inspire et rĂ©vèle un Ravel ornithologue : Bertrand Chamayou sublime le chant solitaire dâ€oiseaux dĂ©sespĂ©rĂ©s saisis par la chaleur de l’étĂ© (quoi de plus actuel au moment oĂą une canicule terrifiante s’abat sur l’Europe?) : c’est la plus courte pièce… et la plus bouleversante.
Les couleurs d’ « Une barque sur l’océan
 » (dédié au peintre Paul Sordes du groupe des Apaches) envoûtent par leurs balancements marins, éperdus, suspendus, enivrants. « L’Aubade du bouffon » (/Alborada del Gracioso) semble citer Chabrier, modèle pour Ravel et premier compositeur à ouvrir dans les champs français, la grande perspective des rythmes hispaniques : le nerf et le sens du dessin leur confèrent ici, sous les doigts magiciens de Bertrand Chamayou, une carrure et un allant, phénoménaux. Enfin, « La vallée des cloches » déploie cette sensualité ondulante, serpent harmonique qui séduit, tout en fermeté onirique et qui au final, fait imploser la forme. Conception et geste fusionnent : ils éclairent combien le sens de la musique ravélienne est pictural, synthèse inouïe du Monet coloriste et du Picasso, concepteur réformateur. La séquence relève du prodige et confirme définitivement l’adéquation comme les affinités de Bertrand Chamayou avec l’auteur de Gaspard de la nuit. Les effets de miroir se poursuivent précisant d’autres filiations que l’on ne soupçonnait guère : aux cloches ravéliennes répondent celles (pourtant plus tardives) d’un Saint-Saëns, lui aussi soucieux de couleurs comme de résonances (« Les cloches de Las Palmas »). Voici donc l’auteur de Samson et Dalila mis au parfum de l’innovation… en bis de ce récital saisissant, la rare toccata du Tombeau de Couperin, ultime offrande ravélienne où l’espace et le temps deviennent couleurs et mouvements. Récital mémorable.
 

 

 

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MOZART INCANDESCENT
Le lendemain (samedi 27 juillet 2019) retour dans l’église de Saanen. Lever de rideau des plus engageants, l’ouverture des Nozze di Figaro trĂ©pigne et fait claquer les tutti, – l’orchestre sur instruments d’époque La Cetra ne manque pas de nervositĂ© ; c’est une prĂ©paration idĂ©ale et très dramatique pour l’apparition de la diva française Patricia Petibon dont la silhouette relève d’une pythie hallucinĂ©e, sorte d’extraterrestre de passage, engagĂ©e dans un chant surexpressif, Ă  la gestuelle volontaire.

 

 

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La chanteuse a du chien et du tempérament. Par respect du public et de la musique, elle leur donne tout. Fabuleuse créature délirante plutôt que cocotte statique, la cantatrice a construit un programme majoritairement mozartien qui va crescendo, depuis la langueur tendre et inquiète de Barbarina (des Nozze justement), à la solitude mélancolique de la Comptesse (Porgi amor : victime impuissante des désillusions amoureuses). Puis c’est l’écriture parisienne du dernier Gluck en France (Paride ed Elena) dont on savoure l’esprit pastoral, la tendresse simple dont s’est tant délecté Rousseau.
La seconde partie affirme l’impétuosité des instrumentistes, leur qualité roborative sous la direction parfois mécanisée, un peu sèche et roide du chef en manque de nuances (symphonie VB 142 de Joseph Martin Kraus). Enfin, chauffée et prête à en découdre dans cette arène néoclassique, pleine de furie comme d’élans vengeurs, « Sturm und drang » (tempête et passion), Patricia Petibon finit le portrait lyrique qu’elle avait amorcé en première partie : sa Giunia (Lucio Silla, premier seria d’une ardeur inédite alors) n’est que frémissement et invocation sincère ; l’imprécation d’Alceste « Divinités du Styx » s’impose par sa noblesse et sa désespérance ample.

 

 

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Mais l’acmĂ© de ce rĂ©cital qui cĂ©lèbre le style tragique et pathĂ©tique Ă  Paris propre aux annĂ©es 1770 et 1780, demeure Idomeneo, autre seria majeur de Mozart, en sa somptueuse parure orchestrale (l’ouverture majestueuse et impĂ©tueuse, mieux rĂ©ussie par La Cetra) : paraĂ®t Elettra, victime haineuse et rageuse que son impuissance lĂ  encore rend inconsolable et persiflante, au bord de la folie : cette Électre de Mozart prolonge, en conclusion de tout l’opĂ©ra, la sĂ©rie des magiciennes baroques (les MĂ©dĂ©e, Alcina et Armide), pourtant solitaires et finalement dĂ©munies ; le chant se fait au delĂ  de l’invocation terrifiante (digne d’une Gorgone car elle Ă©voque la morsure des serpents), expression troublante d’une dĂ©pression personnelle : la furie est un ĂŞtre dĂ©truit. Formidable actrice au chant servant le texte, Patricia Petibon Ă©claire ce qui Ă  Paris Ă  la veille de la RĂ©volution, – comme ce soir Ă  Saanen, a troublĂ© le public : l’expression du tragique dĂ©sespĂ©rĂ©. PrĂ©sence et incarnation, irrĂ©sistibles.

 

 

 

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COMPTE-RENDU, festivals. GSTAAD MENUHIN Festival, les 25, 26 et 27 juillet 2019. «  PARIS » : Debussy, Poulenc, Chopin / RAVEL, Saint-Saëns / Mozart, Gluck… Sol Gabetta (violoncelle), Bertrand Chamayou (piano), Patricia Petibon (soprano). La Cetra (Karel Valter, direction). / Illustrations : © Raphaël Faux /   gstaadphotography.com / GSTAAD MENUHIN Festival 2019

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A VENIR... Le GSTAAD MENUHIN FESTIVAL se déroule en Suisse (Saanenland) jusqu’au 6 septembre prochain. Parmi les nombreux événements musicaux annoncés, voici nos 10 coups de coeur à ne pas manquer :

 

 

1
Samedi 3 août 2019
19h30, Eglise de Saanen
Musique de chambre
La Truite – Semaine française IV
Ibragimova, Power, Gabetta & Chamayou
Alina Ibragimova, violon
Charlotte Saluste-Bridoux, violon
Lawrence Power, alto
Sol Gabetta, violoncelle
Yann Dubost, contrebasse
Bertrand Chamayou, piano
Artist in Residence 2019

https://www.gstaadmenuhinfestival.ch/fr/programme-and-location/concerts-2019/musique-de-chambre-03-08-19-2

 

 

2
Dimanche 11 août 2019
18h00, Eglise de Saanen
Concert orchestral
80 ans de Bartók à Gstaad – Bartók et la Suisse I
Bertrand Chamayou & Kammerorchester Basel
Bertrand Chamayou, piano
Artist in Residence 2019
Kammerorchester Basel

https://www.gstaadmenuhinfestival.ch/fr/programme-and-location/concerts-2019/gala-concert-orchestral-11-08-19

 

 

3
Jeudi 15 août 2019
17h30, Tente du Festival de Gstaad
L’Heure Bleue
Gstaad Conducting Academy – Concert de clôture III
Gstaad Festival Orchestra
Etudiants de la Gstaad Conducting Academy

https://www.gstaadmenuhinfestival.ch/fr/programme-and-location/concerts-2019/l-heure-bleue15-08-19

 

 

4
Samedi 17 août 2019
19h30, Tente du Festival de Gstaad
Concert symphonique
Pathétique – Manfred Honeck & Seong-Jin Cho
Gstaad Festival Orchestra II
Seong-Jin Cho, piano
Gstaad Festival Orchestra
Manfred Honeck, direction

https://www.gstaadmenuhinfestival.ch/fr/programme-and-location/concerts-2019/concert-symphonique-17-08-19

 

 

5
Vendredi 23 août 2019
19h30, Eglise de Saanen
GALA Concert orchestral
Cecilia Bartoli, mezzo-soprano
Vivaldi : airs d’opéras & concertos
Les Musiciens du Prince – Monaco
Andrés Gabetta, Violine & Konzertmeister

https://www.gstaadmenuhinfestival.ch/fr/programme-and-location/concerts-2019/gala-concert-orchestral-23-08-19

 

 

6
Samedi 24 août 2019
19h30, Tente du Festival de Gstaad
Opéra version de concert
Carmen
Gaëlle Arquez, mezzo-soprano (Carmen)
Marcelo Alvarez, ténor (Don José)
Julie Fuchs, soprano (Micaëla)
Luca Pisaroni, baryton (Escamillo)
Uliana Alexyuk, soprano (Frasquita)
SinĂ©ad O’Kelly, mezzo-soprano (MercĂ©dès)
Manuel Walser, baryton (Le DancaĂŻre)
Omer Kobiljak, ténor (Le Remendado)
Alexander Kiechle, basse (Zuniga)
Dean Murphy, baryton (Moralès)
Chœur philharmonique de Brno
Orchestre de l’OpĂ©ra de Zurich – Philharmonia Zurich
Marco Armiliato, direction

https://www.gstaadmenuhinfestival.ch/fr/programme-and-location/concerts-2019/opera-concertant-24-08-19

 

 

7
Vendredi 30 août 2019
19h30, Eglise de Saanen
Musique de chambre
Capriccioso – Daniel Lozakovich
Daniel Lozakovich, violon
Sergei Babayan, piano

https://www.gstaadmenuhinfestival.ch/fr/programme-and-location/concerts-2019/musique-de-chambre-30-08-19

 

 

8
Samedi 31 août 2019
19h30, Tente du Festival de Gstaad
Concert symphonique
Symphonie fantastique
Mikko Franck & Gautier Capuçon
Gautier Capuçon, violoncelle
Orchestre philharmonique de Radio-France (Paris)
Mikko Franck, direction
Symphonie Fantastique de Berlioz / Concertopour violoncelle n°1 de Saint-Saëns

https://www.gstaadmenuhinfestival.ch/fr/programme-and-location/concerts-2019/concert-symphonique-31-08-19

 

 

9
Dimanche 1er septembre 2019
18h, Tente du Festival de Gstaad
Concert symphonique
De Wagner à Ravel – Classique France-Allemagne
Klaus Florian Vogt & Gergely Madaras
Klaus Florian Vogt, ténor
Airs de Parsifal, Lohengrin (Wagner) / Boléro de Ravel
Orchestre National de Lyon
Gergely Madaras, direction

https://www.gstaadmenuhinfestival.ch/fr/programme-and-location/concerts-2019/concert-symphonique-01-09-19

 

 

10
Vendredi 6 septembre 2019
19h30, Tente du Festival de Gstaad
Concert symphonique
«Rach 3»
Myung-Whun Chung & Yuja Wang
Yuja Wang, piano
Staatskapelle Dresden
Myung-Whun Chung, direction

https://www.gstaadmenuhinfestival.ch/fr/programme-and-location/concerts-2019/concert-symphonique-06-09-19

 

 

 

 

TOUTES LES INFOS ET LES MODALITES DE RESERVATIONS
sur le site du GSTAAD MENUHIN FESTIVAL 2019
https://www.gstaadmenuhinfestival.ch/fr

 

 

 

 

ORCHESTRE SYMPHONIQUE D’ORLÉANS : Concerto en sol majeur de RAVEL

ravel-maurice-portrait-compositeur-dossier-ravel-classiquenewsorleans-concert-septembre-2019-annonce-concert-classiquenews-octobre_embraquement_immediatORLEANS, Orch Symphonique. Les 12 et 13 oct 2019. RAVEL, DEBUSSY… Pour son premier concert de la saison 2019 – 2020, l’Orchestre Symphonique d’OrlĂ©ans rend hommage au gĂ©nie de Ravel, inspirĂ© par l’AmĂ©rique, divin orchestrateur de Moussorgski… Depuis sa crĂ©ation en 1921, l’Orchestre Symphonique d’OrlĂ©ans (OSO) perpĂ©tue une très active tradition orchestrale Ă  OrlĂ©ans. Après Jean-Marc Cochereau qui le porta pendant plus de 20 ans, Marius Stieghorst pilote aujourd’hui la phalange avec l’engagement et le sens des risques et des dĂ©fis qui assurent Ă  la formation sa vivacitĂ©. Actuellement chef assistant Ă  l’OpĂ©ra National de Paris, Marius Stieghorst (nĂ© en Allemagne, Ă  Kaiserslautern) a Ă©tĂ© Premier Kapellmeister et Directeur Adjoint de la musique Ă  OsnabrĂĽck, Allemagne. C’est un musicien expĂ©rimentĂ© qui maĂ®trise les enjeux de la direction lyrique et symphonique, sait transmettre, fĂ©dĂ©rer, impliquer.

 

1er concert de la saison 2019 2020 du Symphonique d’Orléans

EMBARQUEMENT IMMÉDIAT

 

 

 

Ravel à l’honneur

 

 

Saison 19-20 OSO Pour chaque concert entre 60 et 80 instrumentistes, souvent anciens élèves du Conservatoire, défendent les choix artistique du directeur musical. Le premier concert de la nouvelle saison 2019 2020, les 12 et 13 octobre 2019, intitulé « embarquement immédiat », invite en soliste la pianiste Maroussia Gentet dans le Concerto pour piano en sol majeur de Maurice Ravel dont le goût pour les rythmes exotiques, précisément américains (jazzy) renouvelle une écriture d’un raffinement et d’un intimisme saisissants. Le sol majeur est achevé en 1931, créé en janvier 1932 (salle Pleyel), par Marguerite Long au piano et Ravel comme chef. C’est une fête « virtuose » (à la Saint-Saëns) pour les vents de l’orchestre (particulièrement sollicités, exposés) et le piano, mais aussi dont l’élégance et l’esprit renvoient directement à Mozart. Ravel partage avec ce dernier la sincérité et la vérité bouleversante d’une écriture qui ne décrit pas, mais exprime, éprouve, touche. Comme son second Concerto (composé simultanément), Ravel y développe son enthousiasme fécond pour les Etats-Unis traversé lors d’un séjour décisif en 1928 : d’où la présence du jazz.

3 mouvements : Allegramente, Adagio assai (la main droite y déploie une mélodie déchirante par sa simplicité et sa tendresse en mi majeur : claire référence au mouvement lent du Quintette pour clarinette de Mozart), Presto.

Les autres œuvres à l’affiche de ce superbe programme, citent aussi l’énergie du jazz chez Chostakovitch (Tahiti Trot), comme elles soulignent le génie du Ravel orchestrateur, immense créateur à la suite des couleurs et de la révolution des timbres opérés avant lui par Rameau au XVIIIè ou Berlioz au XIXè… Tableaux d’une exposition de Moussorgski dans l’orchestration de Ravel. Programme incontournable.

 

 

 

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ORLEANS, Théâtre / Salle Touchard
SAMEDI 12 OCTOBRE – 20h30
DIMANCHE 13 OCTOBRE – 16h00

« EMBARQUEMENT IMMÉDIAT »
Marius STIEGHORST, direction

- Dimitri CHOSTAKOVITCH
Tahiti Trot

- Claude DEBUSSY
En bateau de la « Petite suite » (Orchestration : Henri Büsser)

- Claude DEBUSSY
Golliwogg’s Cake-Walk de « Children’s corner » (Orchestration : AndrĂ© Caplet)

- Maurice RAVEL
Concerto pour piano en Sol Majeur
Maroussia GENTET, piano

Entracte

- Modeste MOUSSORGSKI
Tableaux d’une exposition (Orchestration : Ravel)

boutonreservationRÉSERVEZ VOTRE PLACE
sur le site de
l’Orchestre Symphonique d’Orléans

  

 

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Saison 19-20 OSO Orchestre symphonique d orleans classiquenews annonce critique saison 2019 2020

 

 

  

 

CD, critique. RAVEL l’exotique. MUSICA NIGELLA (1 cd Klarthe records)

RAVEL exotique musica nigella critique cd annonce concerts classiquenews klarthe records critique classiquenews KLA083couv_lowCD, critique. RAVEL l’exotique. MUSICA NIGELLA (1 cd Klarthe records) – Belles transcriptions (signĂ©es TakĂ©nori NĂ©moto, leader de l’ensemble) dĂ©fendues par le collectif Musica Nigella : d’abord le triptyque ShĂ©hĂ©razade (1903) affirment ses couleurs exotiques fantasmĂ©es, tissĂ©es, articulĂ©es, soutenant, enveloppant le chant suave et corsĂ© de la soprano Marie Lenormand (que l’on a quittĂ©e en mai dans la nouvelle production des 7 pĂ©chĂ©s de Weill Ă  l’OpĂ©ra de Tours). En dĂ©pit d’une prise mate, chaque timbre se dessine et se distingue dans un espace contenu, intime, rĂ©vĂ©lant la splendeur de l’orchestration ravĂ©lienne ; dĂ©sir d’Asie ; onirisme de La FlĂ»te enchantĂ©e ; sensualitĂ© frustrĂ©e de L’indiffĂ©rent. La soliste convainc par son intelligibilitĂ© et la souplesse onctueuse de son instrument.

La sensualitĂ© aĂ©rienne, oxygĂ©nĂ©e de Ravel s’affirme dans l’introduction et allegro de 1905 – enchantement et sortilèges de la harpe ; volet central du cycle, les Trois poèmes d’après MallarmĂ©, partitions de maturitĂ© de 1913 qui tĂ©moignent de l’extrĂŞme sensibilitĂ© du compositeur dans le choix de ses textes, eux-mĂŞmes porteurs d’un exotisme au delĂ  des clichĂ©s folkloriques. Solistes et instrumentistes en expriment le climat d’extase et d’adieu, la souplesse grave et amère, parfois suspendue Ă©nigmatique (harmonies chromatiques de « Placet futile »), jusqu’au mystère planant du dernier « Surgi de la croupe et du bond», Ă  la dĂ©clamation hallucinĂ©e comme une invocation « étrange »(dixit Ravel), vers l’autre monde… Dommage nĂ©anmoins que le livret ne publie pas les textes complets.

Puis c’est le balancement lancinant de Tzigane (1924), énoncé comme une mélopée elle aussi étrange, venue d’ailleurs, capable de déflagrations d’une sensualité torride dont la transcription ici exprime la texture brute, bel effet de timbres, et révérence à nouveau au talent du Ravel magicien des couleurs et des mélodies enchantées.

Illustrant le thème d’un exotisme coloré, la dernière pièce Rhapsodie espagnole (1907), contemporaine de L’heure espagnole, plonge en plein rêve ibérique de Ravel : chaque instrumentiste veille aux équilibres de l’émission, selon le caractère de chacune des 4 séquences : langueur un rien inquiète du Prélude à la nuit ; énoncé subtil (arachnéen) de la courte Malagueña ; qui comme la Habanera qui suit, exprime l’exquise tentation de Ravel pour l’allusion la plus onirique. Jamais strictement narratifs ou illustratifs, les instrumentistes de Musica Nigella savent mesurer ce qui se joue sous chaque note : l’éclosion d’un soupir, la respiration d’un court sentiment. Tout Ravel est là dans ce jeu des équilibres et des nuances, entre langueur, enchantement, ivresse et jubilation instrumentale. Superbe programme qui est donc comme une célébration de l’invention et de la révolution ravéliennes.

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CD, critique. RAVEL l’exotique. MUSICA NIGELLA (1 cd Klarthe records) – enregistrement rĂ©alisĂ© en juin 2018 en Pas-de-Calais.

Shéhérazade
Introduction et allegro
Trois poèmes de Stéphane Mallarmé
Tzigane, Rapsodie de concert
Rapsodie espagnole

Ensemble Musica Nigella
Takénori Némoto, direction musicale et transcription
Marie Lenormand, mezzo-soprano
Pablo Schatzman, violon
Iris Torossian, harpe

https://www.klarthe.com/index.php/fr/enregistrements/ravel-lexotique-detail

CD, critique. Alain Lefèvre, piano. MY PARIS YEARS (1 cd Warner classics, nov 2016)

LEFEVRE-ALAIN-cesar-franck-Prelude-choral-fugue-critique-cd-review-cd-classiquenews-alain_lefevre_my_paris_years_cover~2205CD, critique. Alain Lefèvre, piano. MY PARIS YEARS (1 cd Warner classics, nov 2016). Né Français mais québécois de cœur, le pianiste Alain Lefèvre publie un album clé dans son journal intime et artistique, totalement dédié à PARIS et donc intitulé My Paris Years… Aux côtés de ses propres compositions (prochain album à venir sous la même étiquette Warner classics), l’interprète, défenseur depuis toujours d’André Mathieu (avec lequel jouait son propre père), choisit ici des écritures qui font sens, selon le thème parisien : Satie (Gymnopédies évidemment), Ravel, Debussy et l’immense César Franck dont on se réjouit de réécouter Prélude, Choral et fugue, morceau de choix et de fulgurance de plus de 20mn : sorte de plongée introspective postwagnérienne qui n’en finit pas d’interroger de souterraines perspectives. Fidèle à une manière qui lui est propre, Alain Lefèvre en déroule l’écriture contrapuntique avec un soin de clarté murmurée, une éloquence feutrée qui sait aussi en souligner les vertiges comme la puissante architecture, en superposition et rébus, peu à peu démêlés.

FRANCAIS ET QUEBECOIS… un album parisien en forme de rĂ©conciliation. Paris est un asile enracinĂ© dans son identitĂ© profonde, un temps malvĂ©cu en raison de l’arrogance française, surtout parisienne Ă  l’égard de sa seconde patrie, le QuĂ©bec. Mais comme toujours chez les Français qui suspectent et minimisent ce qu’ils ne voient pas immĂ©diatement, – l’éloignement les rend aveugles et crĂ©tins (il faut bien le dire), il suffit de retourner en terres quĂ©bĂ©coises pour comprendre l’amour de la nation francophone outre Atlantique pour la culture française et la langue de Baudelaire ou de Rimbaud. C’est donc dans une fluiditĂ© toute quĂ©bĂ©coise que le pianiste dĂ©ploie ses affinitĂ©s françaises. L’artiste dĂ©voile ce qui importe dans le fait d’être Français et QuĂ©bĂ©cois, un pur esprit de synthèse et de rĂ©conciliation, une fraternitĂ© musicale.
Les Satie prolongent ce goût du pianiste pour la lenteur et la suspension énigmatique. Les couleurs y sont là encore très nuancées et idéalement dessinées sans incision, dans l’épaisseur de la suggestion. Esquissées, en demi teintes (N°2, « lent et triste »). La Pavane de Ravel nous fait entendre les résonances de l’enfance réactivée par un Ravel émerveillé et comme langoureux. Tandis que ses Debussy coulent comme une onde emperlée, à l’articulation détaillée et chantante (« Arabesque »).

Voilà donc un recueil on le répète clé dans la carrière du pianiste et de l’homme : Paris, en forme de célébration, et aussi allusivement une manière d’hommage à la mémoire de son maître parisien, Pierre Sancan. Un témoignage pour la beauté fraternelle et la cristallisation d’un idéal français et québécois : belle pierre à l’édifice de la culture francophone québécoise, alors que se tourne avec débats et frictions, la question de la laïcité de l’Etat, de l’autre côté de l’Atlantique.

 

 

 

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CD, critique. Alain Lefèvre, piano. MY PARIS YEARS (1 cd Warner classics, nov 2016).

LIRE aussi notre critique du CD, événement, critique. Mathieu : Concerto n°4 ; Rachmaninov : Rhapsodie op.43 – Jean-Philippe Sylvestre, piano / Orchestre Métropolitain / Alain Trudel, direction – 1 cd ATMA classiques / ACD22768 – novembre, 2018

 

 

 

LIVRE, Ă©vĂ©nement, annonce. D. E. INGHELBRECHT (1880-1965) : MOUVEMENT CONTRAIRE, SOUVENIRS D’UN MUSICIEN (La CoopĂ©rative)

ingelbrecht mouvement contraire editions la cooperative souvenir d'un chef critique annonce livre classiquenews DE Inghelbrecht critique livre classiquenews operLIVRE, Ă©vĂ©nement, annonce. D. E. INGHELBRECHT (1880-1965) : MOUVEMENT CONTRAIRE, SOUVENIRS D’UN MUSICIEN (La CoopĂ©rative). Dans Mouvement contraire ressuscite le Paris lĂ©gendaire de PellĂ©as, des Ballets Russes de Diaghilev puis des Ballets SuĂ©dois de Rolf de MarĂ©, de la crĂ©ation parisienne jalonnant les deux guerres du XXè. Les (très inspirĂ©es) Ă©ditions de La CoopĂ©rative réédite un texte majeur (et jusque lĂ  oubliĂ©) dans l’histoire de la musique Ă  Paris au XXè, les souvenirs du chef DĂ©sirĂ©-Émile Inghelbrecht, nĂ© en 1880, mort en 1965 et acteur principal Ă  l’OpĂ©ra-Comique, au TCE, Ă  la salle Pleyel, etc…, fondateur du National de France. Une personnalitĂ© du milieu musical Ă  Paris, proche de Debussy et de Ravel : un dĂ©fenseur zĂ©lĂ© et inspirĂ© de la crĂ©ation musicale dans la première moitiĂ© du XXè siècle, soit pendant la rĂ©volution esthĂ©tique orchestrĂ©e par Ravel et Debussy. Ses souvenirs Ă©ditĂ© Ă  la maturitĂ© et après guerre en 1947, jette un regard amusĂ©, dans un style littĂ©raire original, sur les annĂ©es de jeunesse et de formations, les rencontres et les Ĺ“uvres clĂ©s dĂ©couvertes alors, le milieu des artistes Ă  l’époque d’un « âge d’or » de la crĂ©ation musicale en France et surtout Ă  Paris. Sa position est privilĂ©giĂ©e : le gendre du peintre des chats Steinlen, et l’époux de la danseuse et chorĂ©graphe suĂ©doise Carina Ari (1897-1970) cĂ´toie naturellement le tout Paris artistique, la ruche bouillonnante des planches et des salles de concerts. Du prĂ©sent qui le concerne Ă  la parution de l’ouvrage (au mitemps des annĂ©es 1940), Inghelbrecht remonte le fil de son histoire personnelle et artistique jusqu’à l’enfance. C’est une Ă©criture rĂ©trospective, du prĂ©sent aux origines. A rebours.

En 29 chapitres et un essai discographique, le texte révèle un observateur plein d’humour, d’une perspicacité honnête et fidèle, un esprit libre à la critique affûtée, à l’analyse facile et souvent juste sur les histoires humaines et le jeu du goût, sur les humeurs et les tendances du Paris « branché «  d’alors ; on y goûte en particulier, les citations et commentaires concernant les génies approchés, Debussy et Ravel (dont les éléments sur la vie sont des plus rares).

En couverture l’ancien Conservatoire de Musique de Paris, rue Bergère, en 1900, longuement Ă©voquĂ© par Inghelbrecht. une quarantaine de document iconographique complètent cette riche et indispensable Ă©vocation du Paris musical, vĂ©cu en son coeur artistique.

 
 
 

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LIVRE, Ă©vĂ©nement, annonce. D. E. INGHELBRECHT (1880-1965) : MOUVEMENT CONTRAIRE / SOUVENIRS D’UN MUSICIEN (La CoopĂ©rative) – ISBN 979-10-95066-26-2 – 320 pages, brochĂ©, sous jaquette illustrĂ©e, 21 €.

PLUS D’INFOS sur le site des éditions de La Coopérative :

https://www.editionsdelacooperative.com/découvrez-nos-auteurs/d-e-inghelbrecht/

 
 
 

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CD, Ă©vĂ©nement, critique. Maurice Ravel : 1875-1937 : Ma mère l’Oye / ShĂ©hĂ©razade / Le Tombeau de Couperin, Orchestre Les Siècles, FX Roth – (1 CD – Harmoni mundi / – Avril 2018)

ravel mamere loye oye critique cd review cd les siecles fx roth maestro clic de classiquenews compte rendu critique cd classqiue news musique classique newsCD, Ă©vĂ©nement, critique. Maurice Ravel : 1875-1937 : Ma mère l’Oye / ShĂ©hĂ©razade / Le Tombeau de Couperin, Orchestre Les Siècles, FX Roth – (1 CD – 56 mn – Harmoni mundi / HMM905281 – Avril 2018). Ma Mère L’Oye, ici, dans sa version complète est ce ballet fĂ©erique dont chef et instrumentistes soulignent la richesse inouĂŻe, appelant le rĂŞve, l’innocence et l’émerveillement total ; les interprètes montrent combien Ravel inscrit la fable instrumentale dans l’intimitĂ© et la pudeur les plus ciselĂ©es, dans cette sensibilitĂ© active dont il a le secret. Rien n’est dit : tout est suggĂ©rĂ© et nuancĂ© avec le goĂ»t le plus discret mais le plus prĂ©cis.
La partition de 1912 marque une rĂ©volution dans l’esthĂ©tique symphonique française, – marquante par la cohĂ©rence et l’ambition du langage instrumental, marquante surtout par l’extrĂŞme raffinement de l’écriture qui explore et rĂ©invente, après Rameau, Berlioz, les notions de couleurs, de nuances, de phrasĂ©s. Ravel est un peintre, d’une Ă©loquence vive, soucieux de drame comme de sensualitĂ© dans la forme. Il veille aussi Ă  la spatialitĂ© des pupitres, imagine de nouveaux rapports instrumentaux : c’est tout cela que l’étonnante lecture des Siècles et de leur chef fondateur François-Xavier Roth nous invite Ă  mesurer et comprendre.

Ravel enchante les contes de Perrault
Magie des instruments historiques

 

ravel-maurice-portrait-compositeur-dossier-ravel-classiquenewsDès le début, l’orchestre chante l’onirisme par ses couleurs détaillés, la pudeur des secrets par des nuances infimes et murmurées ; cette élégance dans l’intonation qui fait de Maurice Ravel, le souverain français du récit et du conte. La douceur magicienne se dévoile avec une puissance d’évocation irrésistible (par la seule magie des bois : Pavane puis Entretiens de la Belle et de la Bête) ; ainsi se précise cette énigme poétique qui est au coeur de la musique, dans les plis et replis d’une Valse, claire et immédiate évocation d’un passé harmonique révolu ?, en sa volupté languissante et dansante.
Le geste du chef, les attaques des instrumentistes cultivent la transparence, la clarté, un nouvel équilibre sonore qui transforment le flux en musical en respirations, élans, désirs caressés, pensées, souvenirs… FX Roth sur le sillon tracé par Ravel fait surgir l’activité des choses enfouies qui ne demandaient qu’à ressusciter sous un feu aussi amoureusement sculpté. Même tendresse et mystère ineffable de « Petit Poucet » (hautbois puis cor anglais nostalgiques, précédant les bruits de la nature la nuit,… très court tableau qui préfigure ce que Ravel développera dans L’Enfant et les sortilèges). Même climat du rêve pour « Laideronnette, impératrice des Pagodes », autre songe enivré dont la matière annonce la texture de Daphnis et Chloé…
Voici assurément une page emblématique de cet âge d’or des la facture française des instruments à vents (Roussel écrit à la même période Le Festin de l’Araignée ; et Stravinksyn bientôt son Sacre printanier, lui aussi si riche en couleurs et rythmes mais dans un caractère tout opposé à la pudeur ravélienne).

La direction de François-Xavier Roth éblouit par sa constance détaillée, murmurée, enveloppante et caressante : un idéal de couleurs sensuelles et de nuances ténues, d’une pudeur enivrante.
D’un tempérament suggestif et allusif, Ravel atteint dans la version pour orchestre et dans le finale « Apothéose / le jardin féerique », un autre climat idéal, berceau d’interprétations multiples, entre plénitude et ravissement. La concrétisation d’un rêve où l’innocence et l’enfance s’incarnent dans le solo du violon… céleste, d’une tendresse enfouie (avant l’explosion de timbres en une conclusion orgiaque).

Magistral apport des instruments d’époque. A tel point désormais que l’on ne peut guère imaginer écouter ce chef d’œuvre absolu, sans le concours d’un orchestre avec cordes en boyau, bois et cuivres historiques.

Plus onctueuse encore et d’une légèreté badine qui enchante par la finesse de son intonation, la suite d’orchestre « Le Tombeau de Couperin », saisit elle aussi par la justesse du geste comme de la conception globale. L’orchestre se fait aussi arachnéen et précis qu’un… clavecin du XVIIIè français, mais avec ce supplément de couleurs et d’harmonies qui sont propres à un orchestre raffiné, d’autant plus suggestif sur instruments historiques. Le caractère de chaque danse héritée du siècle de Rameau (Forlane, Menuet, surtout le Rigaudon final qui est révérence à Charbier et sa Danse villageoise…) s’inscrit dans une étoffe filigrané, intensifiant le timbre et l’élégance dans la suggestion. Là encore, exigence esthétique de Ravel, le retour aux danses baroques s’accompagnent aussi d’une révérence aux amis décédés, comme un portrait musical et caché : à chaque danse, l’être auquel pense Ravel. D’où l’orthodoxie musicale du compositeur vis à vis du genre : le Tombeau est bien cet hommage posthume au défunt estimé (« tombé sur le champs de bataille »). On peine à croire que ces pièces initialement pour piano, trouve ainsi dans la parure orchestrale, une nouvelle vie. Leur identité propre, magnifiée par le chatoiement nuancé des instruments historiques. Magistrale réalisation. Avec le cd Daphnis et Chloé, l’un des meilleurs (également salué par un CLIC de CLASSIQUENEWS).

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CLIC D'OR macaron 200CD, Ă©vĂ©nement, critique. Maurice Ravel : 1875-1937 : Ma mère l’Oye / ShĂ©hĂ©razade / Le Tombeau de Couperin. 1 CD – 56 mn – Harmoni mundi / HMM905281 – Avril 2018 – CLIC de CLASSIQUENEWS.COM de mars 2019.

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tracklisting :

Ma mère l’Oye
Ballet (1911-12)
1 – PrĂ©lude. Très lent / 3’05
2 – Premier tableau : Danse du rouet et scène. Allegro / 1’58
3 – Interlude. Un peu moins animĂ© / 1’15
4 – Deuxième tableau : Pavane de la Belle au bois dormant. Lent / 1’38
5 – Interlude. Plus lent / 0’50
6 – Troisième tableau : Les Entretiens de la Belle et de la BĂŞte. Mouvement de valse modĂ©rĂ© / 4’00
7 – Interlude. Lent / 0’40
8 – Quatrième tableau : Petit Poucet. Très modĂ©rĂ© / 3’32
9 – Interlude. Lent / 1’20
10 – Cinquième tableau : Laideronnette, impĂ©ratrice des pagodes. Mouvement de marche / 3’24
11 – Interlude. Allegro / 1’07
12 – ApothĂ©ose : le jardin fĂ©erique. Lent et grave / 3’35

13 – ShĂ©hĂ©razade : Ouverture de fĂ©erie (1898) / 13’13

Le Tombeau de Couperin
Suite d’orchestre (1914-1917)
14 – I. PrĂ©lude. Vif : 3’00
15 – II. Forlane. Allegretto : 5’39
16 – III. Menuet. Allegro moderato : 4’42
17 – IV. Rigaudon. Assez vif : 3’16

CD Ă©vĂ©nement, critique. RAVEL : Daphnis et ChloĂ© – Les Siècles, FX ROTH (1 cd HM Harmonia Mundi, 2016)

RAVEL daphnis chloe les siecles francois xavier roth orchestre classiquenews critique musique classique critique cd cd review classiquenews clic de classiquenewsCD événement, critique. RAVEL : Daphnis et Chloé (1 cd HM Harmonia Mundi, 2016). On ne cesse grâce à l’orchestre français Les Siècles de mesurer l’apport et le bénéfice des instruments d’époque : timbres intenses, mordants mieux caractérisés, couleurs magnifiées, format sonore repensé, équilibre et balance réévalués, réénergisés… le spectre musical paraît miraculeusement régénéré et notre écoute donc notre connaissance des œuvres s’en trouvent modifiées. Le bénéfice nous semble essentiel, le plus grand apport en réalité depuis ces dernières années, s’agissant de la musique romantique et de la musique du XXè en France. De Berlioz à Ravel, les champs nouvellement investis s’en trouvent prodigieusement ressuscités. Et c’est Berlioz qui y gagne une expressivité décuplée et donc un surcroît de pertinence. Ce nouvel album Ravel confirme la justesse de la démarche interprétative et artistique des Siècles tant en termes de couleurs, d’accents, de nuances, la partition en sort magnifiée et sa signification poétique, son architecture dramatique, revivifiées.
Berlioz, Ravel… sont les champs investis et réussis par Les Siècles. On se souvient d’un album réjouissant dédié au Sacre du Printemps de Stravinksy avec l’instrumentarium propre à Paris au début du XXè, instrumentarium pour lequel a composé spécifiquement le compositeur russe ; ou encore un album superlatif révélant comme une nouvelle œuvre, La Mer de Debussy.

FX ROTH montre Ă  prĂ©sent tout ce que les timbres Ă©noncĂ©s par les instruments de facture historique apportent Ă  la comprĂ©hension des partitions : immĂ©diatement le gain en terme de transparence et de clartĂ©, d’activitĂ© intĂ©rieure, de lumière souterraine, d’architecture simultanĂ©e… se prĂ©cise et s’affirme. Que l’on parle ici et lĂ  d’un Ravel rĂ©volutionnaire et pictural, coloriste et sensuel ; tout prend sens ici : les Ă©quilibres entre pupitres, la caractĂ©risation nuancĂ©e de chaque timbre et alliage de timbres, les phrasĂ©s, l’intention et la direction de la musique, la formidable spatialisation entre cordes, bois, cuivres, s’en trouvent Ă©lucidĂ©s, mieux dĂ©finis ; et c’est tout l’esthĂ©tisme de Raveil qui surgit sans sa fabuleuse verve magicienne. D’autant que l’orchestre rĂ©uni pour le ballet Daphnis et ChloĂ© est l’un des plus importants conçus par Maurice Ravel, fier Ă©quivalent de Richard Strauss… mais dans cette ivresse scintillante et sonore qui lui est propre. A l’extase plurielle des timbres, – cette palette mobile et continuellement chamarĂ©e, rĂ©pond aussi le geste mĂŞme du chef et des instrumentistes : plus caractĂ©risĂ©, plus fragile, plus raffinĂ© dans la projection sonore, mais naturellement expressif… chaque Ă©pisode dramatique gagne un tension supplĂ©mentaire et dès le dĂ©but nous baignons dans la texture opalescente et colorĂ©e d’un orchestre aĂ©rien, suspendu, d’une voluptĂ©, somptueusement chantante.

ravel-maurice-portrait-compositeur-dossier-ravel-classiquenewsDans la transparence et la prĂ©cision, l’orchestre Les Siècle dĂ©voile le gĂ©nie du Ravel poète quand il narre ; jamais dĂ©coratif ou dĂ©monstratif : purement poĂ©tique, cristallisant des instants d’intense Ă©motion. PanthĂ©iste, forge paĂŻenne dont le souffle est celui mĂŞme de la Nature enchanteresse, la partition en 3 parties, est portĂ©e par une vivacitĂ© primitive, essentiellement dansante. Le ballet dans son Ă©coulement est un Ă©cho du Sacre de Stravinsky (partition postĂ©rieure de 1913, dont il partage le goĂ»t des instruments parisiens alors superlatifs au dĂ©but du XXè), mais en plus tendre et en plus onctueux, oĂą surgit des accents d’une profonde et fugace fragilitĂ©. Après la danse grotesque (et raillĂ©e) de Dorcon le jaloux; après l’éloquence enivrante de Daphnis; le duo Daphnis et ChloĂ©, puis la danse de Lyceion, s’étire et se dĂ©ploie la grande voile onirique du soir, vaisseau orchestral porteur de mystère… Tout Ravel est lĂ  dans cette plongĂ©e irrĂ©elle et viscĂ©ralement magicienne (oĂą les nymphes rendent hommage au dieu Pan). A travers l’union des amants, l’éternitĂ© de leur amour fusionnel, Ravel fait surgir l’énigme absolue du dĂ©sir en partage et aussi l’écrin qui le prĂ©serve, le chant langoureux, – antique- d’une Nature omniprĂ©sente, perceptible dans la succession ininterrompue des Ă©pisodes contrastĂ©s.

 
 
 

FX Roth dévoile la magie des timbres d’époque…
Ravel panthéiste, jusqu’à l’ivresse…

 
 
 

Comme un peintre douĂ© pour les atmosphères les plus tĂ©nues, Ravel a composĂ© une partition chatoyante et climatique aux changements et mĂ©tamorphoses permanents. L’instrumentation y est prodigieusement raffinĂ©e (mĂŞme si D’Indy, sĂ»rement jaloux reproche Ă  Ravel, l’usage systĂ©matisĂ© de la 4è trompette !)… c’est un rĂŞve ou un songe comme vĂ©cu Ă©veillĂ©, auquel le chant vocalisĂ© (non articulĂ© et sans texte) du chĹ“ur apporte une couleur extatique propre (a capella dans la partie centrale : invocatrice, implorative, hallucinĂ©e…), creusant encore les effets de spatialisation (depuis la coulisse). Roth et les couleurs / timbres rĂ©gĂ©nĂ©rĂ©s de l’orchestre Les Siècles, prĂ©cisent de nouvelles filiations ravĂ©liennes, celles-lĂ  mĂŞme qui convoquent dans un collectif flamboyant les grands poètes russes : Moussorgski, Rimsky et Stravinsky… la culture, le gĂ©nie et l’intelligence des climats, l’hypersensiblitĂ© instrumentale du compositeur se dĂ©voilent sous un nouveau jour. Avec dans la rĂ©alisation poĂ©tique, le surgissement de l’effroyablement expressif et de l’étrangetĂ© presque exotique (« Lent », conclusion du II, avec ses Ă©lĂ©ments « insolites »). 
 
 

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Tout semble préparer à la magie pure du lever du jour (plage 15), hymne irrésistible au miracle d’une Nature enfin harmonisée, magicienne là aussi : bercée par son propre rêve (flûte, clarinette…), l’orchestre atteint à l’ivresse sonore, en une texture claire, transparente, scintillante, à la fois profilée et enveloppante.

Langoureux, d’une émotivité à fleur de peau, dans des pianissimi à peine perceptibles (Nocturne, 9, avec machine à vent), mais idéalement suggestifs, l’orchestre ne décrit pas, n’évoque pas : il exprime chaque enjeu de la partition, qu’il s’agisse de la pureté amoureuse ; de l’ivresse onirique, de l’enchantement miraculeux (lever du jour au III, plage 15). De cette pure extase chorale et orchestrale, le chef nous mène avec son orchestre scintillant jusqu’à l’orgie et la transe organique de la danse finale : la palette sonore est éblouissante et subtilement investie.

CLIC D'OR macaron 200Voilà une nouvelle version désormais de référence, tant dans le raffinement de sa réalisation instrumentale, le chef sait repréciser les enjeux esthétiques et la poétique essentielle de la partition conçue par Ravel et créée sous la direction de Pierre Monteux, pour les Ballets Russes, en 1912.

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CD, événement. MAURICE RAVEL (1875-1937) : Daphnis et Chloé, ballet intégral. Les Siècles ; Ensemble Aedes ; Marion Ralincourt, flûte. François-Xavier Roth, direction. 1 CD Harmonia Mundi. Enregistrements live, 2016 à la Philharmonie de Paris, à la Cité de la Musique de Soissons, au Théâtre Impérial de Compiègne… Durée : 55mn. CLIC de CLASSIQUENEWS

 
 
 
 
 
 

Compte-rendu, opéra. LYON, Opéra. Ravel, L’heure espagnole, 17 nov 2018. Orchestre de l’Opéra de Lyon, Jonathan Stockhammer

Compte-rendu critique. Opéra. LYON, Ravel, L’heure espagnole, 17 novembre 2018. Orchestre de l’opéra de Lyon, Jonathan Stockhammer. Deux ans après le magnifique Enfant et les sortilèges, la même équipe reprend le premier opéra de Ravel et renouvelle l’enchantement précédent. Une réussite exemplaire et un spectacle magique pour les oreilles et les yeux. Sur scène c’est le même dispositif ingénieux qui nous avait ravi deux ans auparavant. L’orchestre est de nouveau sur la scène, masqué par un tulle qui occupe l’essentiel de l’espace, un décor minimaliste (des escaliers pivotants, des cartons qui représentent des horloges), l’essentiel étant projeté sur le tulle.

  
 
 

RAVEL Ă  LYON : Heure enchanteresse

  
 
 

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L’univers féérique de Grégoire Pont, à mi-chemin entre le cinéma cartoonesque et les jeux de lumière d’une précision exceptionnelle, ne laisse au spectateur aucun temps mort, en collant comme jamais à la musique raffinée de Ravel et au livret élégant de Nohain qui repose pourtant sur une intrigue dramatiquement mince, mais enchante par les nombreuses références littéraires et les savoureux jeux de mots. La réalisation est d’autant plus exemplaire que la brièveté de l’œuvre interdit toute facilité gratuite que permet la virtuosité d’une technique déjà éprouvée. On est en effet littéralement emporté par ce déluge d’images qui évoque l’univers d’un Tim Burton et qui mériterait pour chacune un commentaire circonstancié : les délicats jeux d’ombre, les changements de décor à vue (quand celui-ci se met en branle pour évoquer le mal de mer ou que les horloges géantes se mettent à tancer, puis se transforment en gratte-ciel new-yorkais), l’arrivée du poète Gonzalve annoncée par un petit film en noir et blanc. On est face au même univers graphique flamboyant, fourmillant de détails fascinants dans lequel les interprètes se déplacent avec une aisance confondante, grâce à une direction d’acteurs d’une précision horlogère. Le travail exceptionnel de James Bonas doit ici être salué, tout comme les merveilleux costumes de Thibault Vancraenenbroeck.
Le contexte hispanique est illustré certains détails croustillants (les cornes de taureau du muletier par exemple), tandis que l’ensemble est transfiguré par l’univers fabuliste animalier (Torquemada en souris, Gonzalve en lapin, Concepcion en chatte et Don Gomez en cochon), dans un véritable festival de sons et lumières (de Christophe Chaupin), on ne peut plus idoine dans la ville qui en est le plus beau symbole. Pour cette œuvre singulière où la déclamation est presque plus importante que le chant à proprement parler (à l’exception du magnifique quintette final), les interprètes ont déployé un raffinement et un jeu scénique exemplaires, d’une justesse vraiment remarquable. Clémence Poussin campe une Concepcion plus vraie que nature : timbre clair, diction et projection idéales ; Quentin Desgeorges est un poète attachant à la voix sonore et affirmée, doublé d’un acteur irrésistible ; habitué aux productions du Studio Opéra (il avait magnifiquement tiré son épingle du jeu dans la féérique Belle au bois dormant de Respighi la saison dernière), Grégoire Mour est un Torquemada à la voix ductile et charmante, tandis que la verve comique de Martin Hässler en Don Gomez fait des merveilles, malgré de légers défauts dans la prononciation du français, défaut qui ne transparaît guère chez Christoph Engel qui assure une présence vocale et scénique tout en sobre retenue.
Dans la fosse, Jonathan Stockhammer conduit avec grâce, justesse, dans ses moindres nuances de timbre et de rythme, les forces en grande forme Orchestre de l’opéra de Lyon, contribuant à parfaire une production qui mérite tous les éloges.

  
 
    
 
 

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Compte-rendu. Lyon, OpĂ©ra de Lyon, Ravel, L’heure espagnole, 17 novembre 2018. ClĂ©mence Poussin (Concepcion), Quentin Desgeorges (Gonzalve), GrĂ©goire Mour (Torquemada), Christoph Engel (Ramiro), Martin Hässler (Don Gomez), GrĂ©goire Pont (concept et vidĂ©o), James Bonas (mise en scènes), Thibault Vancraenenbroeck (dĂ©cors et costumes), Christophe Chaupin (lumières), Orchestre de l’opĂ©ra de Lyon, Jonathan Stockhammer (direction) / illustration : GrĂ©goire PONT / OpĂ©ra de Lyon / dĂ©cors pour L’Heure Espagnole 2018.Compte-rendu, opĂ©ra. LYON, OpĂ©ra. Ravel, L’heure espagnole, 17 nov 2018. Orchestre de l’OpĂ©ra de Lyon, Jonathan Stockhammer
 

  
 
    
 
 

CD, critique. RAVEL, DUPARC : Kozena, Ticciati (1 cd LINN)

CD, critique. RAVEL, DUPARC : Kozena, Ticciati (1 cd LINN). Percutant, vif argent, très détaillé et expressif, le cycle en suite du ballet Daphnis et Chloé (première commande parisienne de Diaghilev à un compositeur français pour la saison des Ballets Russes de 1912) percute et marque l’esprit par son relief très démonstratif. Pourtant il manque ici toute la sensualité trouble du Ravel éperdu, débridé, même si le finale se finit effectivement en une frénésie orgiaque (à la manière de la Valse à venir…).
ravel duparc kozena valses melodies robin ticciati belrin sinphonie orchester cd Linn critique cd cd review classiquenewsPuis vient les chansons de Henri Duparc (1848-1933) : l’Invitation au voyage est emblématique de tout le cycle ; si le chef détaille et articule le scintillement empoisonné à l’orchestre (d’un voile post tristanesque) : Duparc, élève de César Franck, est avec Chausson le plus wagnérien des compositeurs romantiques français, le mezzo charnu et d’une beauté saisissante de Magdalena Kozena, pose problème sur son articulation du français. On pert ici 60 % de la compréhension du texte : or alchimiste de la note et du texte, Du parc exige pour être réussi, une maîtrise idéale de l’intelligibilité et d e l’intonation ; ainsi on reste très réservé sur son articulation et l’intelligibilité du français. La diphtongue échappe totalement à la chanteuse donnant ici, « ta moidre », au lieu de « ton moindre »… pourtant la couleur de la voix est proche du sublime, exprimant la dignité blessée, vénéneuse d’un Duparc véritablement envoûté par Wagner.
Phydillé (1882) est la plus convaincante, éperdue, radicale, d’une passion là encore wagnérienne, et tristanesque : Duparc a fait le chemin et le pèlerinage de Bayreuth (avec Chabrier en 1879), au point, qu’il ne s’en remit jamais…

Les Valses nobles et sentimentales font valoir le même sens du détail et du mordant expressif de l’Orchestre Deutsches Symphonie Berlin dont Robin Ticciati est devenu le directeur musical en titre depuis 2017 : si Daphnis est une immersion dans le grand bain hédoniste et suave d’un Ravel presque lascif voire orgiaque (finale), ici règnent la ciselure et le raffinement des climats, d’une tendresse émerveillée. Caractérisée, pudique aussi, la direction s’affine et atteint à cette cristallisation suggestive dont Ravel, conteur magicien détient la secret. L’écoute approfondie met en lumière les qualités du chef en terme de flexibilité et d’accents par séquence, avec un souci de respect des indications dynamiques.

Belle lecture et surtout bel engagement pour la musique française postromantique et moderne. Reste que la transition entre la dernière des chansons de Duparc (Phydillé) enchainée directement à la vivacité expressive et pleine de panache provocant des Valses de Ravel, n’est pas une continuité des plus heureuses. Petite erreur dans la conception du programme.

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CD, critique. Ravel & Duparc: « Aimer et mourir » – Danses et mĂ©lodies. Magdalena KoĹľená, mezzo. Deutsches Symphonie-Orchester BERLIN. Robin, Ticciati, direction – 1 cd LINN records

+ d’infos sur le site de LINN records
http://www.linnrecords.com/recording-aimer-et-mourir.aspx

Lyon : L’Enfant et les Sortilèges de Ravel et Colette


ravel-maurice-enfant-sortileges-opera-582-390-homepageLYON, Opéra. Ravel : L’Enfant et les sortilèges : 1er-5 novembre 2016.
Lyon affiche l’un des sommets lyriques du XXè siècle français : ciselĂ©, miniaturiste … fruit de la collaboration enchantĂ©e entre Colette qui signe le livret et Maurice Ravel. Pour se faire, les jeunes chanteurs du Studio de l’OpĂ©ra de Lyon s’impliquent et prĂ©sentent leur travail vocal et dramatique dans une nouvelle production. Dans une grande maison normande, un enfant paresseux est sommĂ© par sa mère de rester dans sa chambre jusqu’au dĂ®ner. RestĂ© seul, submergĂ© par la colère, il s’attaque alors aux objets et animaux qui l’entourent, arrachant les pages de son livre, brisant sa tasse chinoise, martyrisant l’Ă©cureuil capturĂ© la veille. Mais alors qu’il s’effondre sans forces dans un fauteuil, les objets soudain s’animent, bien dĂ©cidĂ©s Ă  se venger de l’enfant qui les fait souffrir…

Une féérie lyrique
Dans un univers domestique familier, le merveilleux jaillit brusquement des objets les plus anodins, soudain muĂ©s en personnages truculents : la ThĂ©ière, qui s’adresse Ă  l’Enfant dans un dĂ©licieux franglais, l’ArithmĂ©tique rĂ©citant des calculs totalement erronĂ©s, la Rainette bĂ©gayant joyeusement… Ravel s’amuse des idĂ©es fantasques de Colette en multipliant les rĂ©fĂ©rences : du jazz au baroque, de la polka Ă  la valse en passant par un duo miaulĂ©, sa partition entremĂŞle les genres musicaux. Dans la production lyonnaise, l’imagerie projetĂ©e double l’action des acteurs chanteurs soulignant les Ă©pisodes (nombreux) de pure poĂ©sie. L’enchantement Ă©tend son empire fantastique irrĂ©el Ă  mesure que la musique de Ravel brosse le portrait de chacun des acteurs d’un monde enchantĂ© jusque lĂ  inaccessible, invisible. C’est un dĂ©voilement spectaculaire qui passe par la magie de la musique.


L’Enfant et les Sortilèges à l’Opéra de Lyon

4 représentations
Les 1er, 2, 4 et 5 novembre 2016

Direction musicale : Kazushi Ono et Philippe Forget
Mise en espace : James Bonas
Solistes du Studio de l’Opéra de Lyon
Choeur et orchestre de l’Opéra de Lyon

Fantaisie lyrique en 2 parties, 1925
Livret de Colette
En français
Nouvelle production

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RAVEL ET L’OPERA… LABYRINTHE D’UNE PENSEE EXIGEANTE. A la différence du piano qui n’inspire plus le compositeur à partir de 1920, la voix et son prolongement dramatique, occupent sa vie durant, l’auteur de l’Enfant et les sortilèges. C’est une passion continue, déclarée, qui par perfectionnisme, ne trouvant pas tout de suite, une forme nouvelle capable de renouveler un genre qui n’a guère changé, et même qui n’a pas “évolué d’un pouce”, ne se concrétise que sur le tard, à l’époque de la pleine maturité. Certes il y eut les cycles courts, exercices plutôt qu’aboutissements, tous expressions d’une passion à demi assouvie: Shéhérazade dès 1898, puis, entre autres, ses trois cantates pour le Prix de Rome: Myrrha (1901), d’après le Sardanapale de Byron, Alcyone (1902) d’après Ovide, Alyssa (1903), soit trois essais lyriques qui n’eurent coup sur coup, aucun effet sur le jury du Prix. Avec le scandale que l’on sait, précipitant même le destin du Concours, taxé de ringardisme injuste et dangereux.

Une Heure exquise : De L’heure espagnole à L’enfant cruel et puni…
Ravel pense surtout à fusionner action et musique, dans le sens d’une parfaite fluidité, et d’un accomplissement immédiat. Pas de contraintes, aucune pression du cadre, quel qu’il soit. Le compositeur fut-il comme on l’a dit, convaincu par le cinéma, au point d’y reconnaître un moment “la forme” tant recherchée? Peut-être.
Quoiqu’il en soit, les premières mentions autographes de L’heure espagnole, indiquent cet esprit allant de la partition, portée par une action non contrainte, “légère et bon enfant”. Pauvre Ravel: quand il propose son oeuvre à l’Opéra-Comique, les censeurs crient tout d’abord, à la vulgarité devant un sujet où il est question d’amant caché dans une horloge et que l’on transporte jusqu’à la chambre de l’épouse. Mais la première a lieu le 19 mai 1911.

Ravel s’est longuement expliqué. Après le scandale des Histoires naturelles dont la prosodie prépare directement celle de L’heure espagnole, et le quiproquo sur ses réelles intentions, le compositeur a précisé l’objet de sa première oeuvre théâtrale. C’est une relecture du buffa italien, dans le style d’une conversation, où le chant est proche d’un parlando expressif, souvent ironique voire sarcastique: d’une finesse inaccessible et redoutablement pertinente, le compositeur aime souligner le “mélange de conversation familière et de lyrisme ridicule”. Ravel parle d’une fantaisie burlesque qui prolonge l’expérience du Mariage de Moussorsgki, un compositeur dont il se sent proche. Les lignes vocales ondulent, se cabrent avec élégance, favorisant les portamentos; l’articulation s’autorisent des contractions de syllabes, des précipités déclamatoires expressifs. Ici, l’épouse, Conception, aussi séduisante qu’infidèle,  mariée à Torquemada, l’horloger de Tolède, éreintée par les beaux parleurs Inigo et Gonzalve, qui ne concrétisent jamais, minaude et se fixe sur le muletier à l’allure chaloupée, Ramiro, un costaud pudique à son goût.
L’humour ravélien, délicat et subtil qui jubile à jouer des registres et des degrés du comique, enchante Koechlin et Fauré mais exaspère Lalo que le style pincé et raide de Ravel, agace comme d’ailleurs bon nombre de critiques décontenancés: il parle d’un style qui serait un nouveau Pelléas, “étroit, menu, étriqué”. D’ailleurs, l’inimitié de Lalo à l’endroit du musicien fixe une idée souvent reprise après lui, sensibilité de Debussy, insensibilité de Ravel.  Quant aux vers de Franc-Nohain, ils sont tout autant critiqués, assassinés pour leur “platitude”. Et même les amateurs conscients des dons de Ravel, sont aussi fatigués de les voir gâchés dans un amusement de placard, quand, selon les mots de Vuillermoz, le musicien est “un magicien créé pour se mouvoir dans le rêve et la féerie”. Jugement juste mais sévère. Pour Ravel, L’heure espagnole constitue un point d’aboutissement auquel il n’avait cessé de réfléchir.

L’ENFANT ET LES SORTILEGES, 1925. Un enfant pas sage sur le chemin de la compassion…

Maurice_Ravel_1925Avec L’Enfant et les sortilèges, l’écriture de Ravel évolue; du moins change-t-elle de registre. Après la fine ironie, la mordante satire, à peine appuyée, le compositeur empreinte un chemin où on l’attendait davantage, celui de l’onirisme et de la féerie. Qui plus est, sous le sceau de l’enfance. Avant d’occuper le poste de directeur de l’Opéra de Paris, en juillet 1914,  Jacques Rouché avait demandé à Colette d’écrire le livret d’une féerie-ballet, tout en pressentant Ravel comme compositeur. Mais lorsque le compositeur reçoit le texte en 1916, il est soldat volontaire, peu enthousiasmé par cette intrigue anecdotique.  Deux années passent, pas de retour de flamme. Ravel semble indifférent. Entre temps, Colette a
adressé le livret à Stravinsky.
Or, brutalement en février 1919, Ravel se manifeste auprès de l’écrivain et lui demande s’il est toujours possible de composer la musique. Le travail peut commencer. Dès le début de son travail, Ravel songe à la figure de l’écureuil (absent dans le premier texte de Colette qui accepte de l’intégrer); le musicien de plus en plus inspiré par son sujet, affine l’épisode des chats et surtout le duo swingant de la tasse et de la théière (qui s’exprime en franglais).

Le Music-hall et l’esprit de la comédie américaine dépoussièrent le vieux genre opéra. Colette enthousiaste, encourage le musicien qui orfèvre sa partition jusqu’au printemps 1920. Puis viennent des semaines et des mois de dépressive inactivité. Mais sous la pression du directeur de l’Opéra de Monte-Carlo, Raoul Gunsbourg qui souhaite faire créer l’ouvrage dans sa salle, Ravel doit poursuivre. Finalement, l’oeuvre tant attendue est créée le 21 mars 1925: pas moins de cinq ans pour achever une oeuvre qui dans son projet initial n’avait rien de stimulant. Au moment de sa création parisienne à l’Opéra-Comique, le 1er février 1926, le parterre resta de marbre. Arthur Honegger prit la défense de la partition. André Messager de son côté, fustigea ce que Lalo avait exécré de la même façon dans L’heure espagnole: son insensibilité. Et tous les critiques s’entendirent pour ne trouver aucune entente entre le texte de Colette et la musique de Ravel.
L’intérêt et la nouveauté de l’oeuvre viennent principalement du relief des voix. Pas moins de 31 rôles aux couleurs et aux intonations spécifiques, qui composent une brillante mosaïque de tonalités, en particulier animales (huit rôles d’animaux au total!). Mais la force de la partition ne réside pas uniquement dans sa capacité d’invention et de timbres. Le sujet suit une gradation émotionnelle extrêmement subtile là encore. Effets lyriques, action contrastée dans la première partie, puis, hymne à la compassion, à l’humanité quand l’enfant cruel et barbare, sadique et capricieux révèle enfin son essence innocente, pure, compatissante. En définitive, l’accord, texte/musique se dévoile dans cette ultime partie dont la tendresse et l’appel au pardon atteignent des sommets d’émotions tissés sur le mode miniaturiste et pointilliste.

 

 

CD. Nocturnes. Natacha Kudritskaya, piano (Debussy, Ravel… 1 cd Deutsche Grammophon)

piano natacha kudritskaya piano cd critique compte rendu debussy ravel Decaux cd critique CLASSIQUENEWS clic de classiquenews novembre 2015 nocturnesrectodef-1024x1024CD. Nocturnes. Natacha Kudritskaya, piano (Debussy, Ravel… 1 cd Deutsche Grammophon). Mille ivresses et rĂŞves de la nuit… Sous l’emprise des grands magiciens, Debussy et Ravel, rĂ©vĂ©lant aussi la puissance onirique d’Abel Decaux, la pianiste ukrainienne Natacha Kudritsakya dĂ©croche le CLIC de classiquenews de novembre 2015. En ondine nocturne (pour reprendre le Premier volet du Gaspard ravĂ©lien ici abordĂ© en fin de rĂ©cital), la pianiste nouvellement recrutĂ©e par DG (Deutsche Grammophon), Natacha Kudritskaya enchante littĂ©ralement passant d’un Ă©pisode l’autre avec une subtilitĂ© introspective qui garde malgrĂ© la grande diversitĂ© des rives et paysages explorĂ©s, une cohĂ©sion de ton, une unitĂ© de style très aboutie… Premier album sous Ă©tiquette DG plutĂ´t rĂ©ussi car outre la performance intimiste très intĂ©riorisĂ©e de la jeune ukrainienne, ce rĂ©cital intitulĂ© « Nocturnes » sert idĂ©alement son sujet : le choix des partitions, leur enchaĂ®nement selon la proximitĂ© des climats et la parentĂ© des tonalitĂ©s enchaĂ®nĂ©es, dĂ©signent une sensibilitĂ© pertinente, astucieuse mĂŞme qui fait de son parcours très personnel, un jardin intĂ©rieur, une sĂ©rie d’humeurs climatiques, poĂ©tiquement justes, et aussi une carte de visite très investie qui change des « performances » Ă©clectiques habituelles (souvent bâclĂ©es, et sous couvert d’une intimitĂ© dĂ©voilĂ©e : saupoudrage plutĂ´t que confessions sincères). Les Nocturnes que compose la pianiste ukrainienne Natacha Kudritskaya affichent toutes les nuances expressives de la nuit, climats de berceuse enivrĂ©e, enchantĂ©e… balancements mystĂ©rieux, Ă©nigmatiques et suspendus (GymnopĂ©die n°1 puis Gnossiennes 4 et 3 de Satie); crĂ©pitements plus narratifs  des deux Debussy suivants (Les soirs illuminĂ©s, et surtout Feux d’artifice).

CLIC D'OR macaron 200Les teintes nocturnes qui y figurent, déploient des éclats divers, d’une grande richesse de caractère, à la fois tenus, ténus, d’une délicatesse suggestive souvent irrésistible. Debussy, Satie, surtout Ravel et le moins connu mais si prenant Abel Decaux (atonal avant Schoenberg) sont tous ici manifestement inspirés par l’enchantement, les promesses et les terreurs aussi de la nuit. Interprète ciselé des auteurs français (on lui connaît un précédent cd Rameau, très articulé), la pianiste déploie pour chacun, un jeu souvent intérieur, en rien démonstratif ni artificiel, résolument investi par la souple étoffe sonore qui trouve en particulier chez Ravel, un équilibre parfait entre narration aiguë et transparence éthérée confinant à l’abstraction.

Kiev, puis Paris (CNSM), sont les étapes formatrices de la jeune ukrainienne qui travaille vraiment et sérieusement la musique à 15 ans (grâce à un concours pour lequel elle devait réviser, progresser, convaincre). Une double culture russe et français dont Alain Planès, son professeur à Paris, qui veille au respect des partitions lui a transmis aussi le goût des claviers anciens.

Natacha Kudritskaya comme un livre de confidences secrètes nous prĂ©cise (livret Ă  l’appui) sa conception des mondes de la nuit… Nuit enchantĂ©e, romantique et souverainement debussyste… (immersion chantante Ă  la fois Ă©toilĂ©e et argentĂ©e de Clair de lune, emblème poĂ©tique de tout le recueil…)  jusqu’au fantastique ravĂ©lien de Scarbo du formidable recueil ravĂ©lien “Gaspard de la nuit” : plongĂ©e inquiĂ©tante, hypnotique dans une nuit fantastique plus trouble voire angoissante, celle du nabot terrifiant et grimaçant d’une Ă©lectricitĂ© animale (Scarbo) dont le rire final baisse le rideau de cette formidable scène crĂ©pusculaire. Une nuit de rĂ©vĂ©lation et de dĂ©voilement ultime qui d’ailleurs rejoint le Debussy mĂ»r de 1917, soit Ă  quelques mois de sa mort, dans “Les soirs illuminĂ©s par l’ardeur du charbon” : autre facette d’une nuit dĂ©cisive et hallucinĂ©e.

Feux d’artifice (du mĂŞme Debussy) assemblent miroitements et crĂ©pitements ; l’Ă©pisode exige une souplesse très articulĂ©e de la main droite, en particulier pour exprimer le chant Ă©thĂ©rĂ© de l’onde malgrĂ© l’incessant balayage des arpèges en vagues rĂ©gulières, traversant tout le spectre du clavier. MĂŞlant Ă©clairs et sourde tension, le jeu doit ĂŞtre expressif et liquide, puis d’un voluptĂ© irradiante, incandescente, jusque dans le dernier accord qui s’achève comme un songe murmurĂ© : l’esprit d’une nuĂ©e de comètes traversant le ciel, illuminant d’un feu fugace la voĂ»te Ă©toilĂ©e. MaĂ®trisant les passages et les Ă©quilibres tĂ©nus, la pianiste affirme un jeu richement dynamique et structurĂ©, d’une grande intensitĂ©. Le livret prĂ©sente en complĂ©ment de la prĂ©sentation gĂ©nĂ©rale, un choix d’extraits des poèmes signĂ©s Verlaine, Baudelaire, Louis de Lutèce, Aloysius Bertrand (pour son Gaspard de la nuit originel de 1842).

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Les 4 volets d’Abel Decaux (mort en 1943) sont dans le thème et outre leur modernitĂ© envoĂ»tante, d’une importance musicale capitale: datĂ©s entre 1900 et 1907, ils prĂ©figurent l’atonalisme de Schoenberg car son impressionnisme tant Ă  la fragmentation et l’implosion, l’exploration et l’expĂ©rimentation ; rappel Ă©tant fait grâce Ă  la pertinence et la justesse du programme, que le sĂ©rialisme est une crĂ©ation … française; l’Ă©lève de Dubois, Massenet, organiste prodigieux ressuscite sous les doigts plus qu’inspirĂ©s de la pianiste ukrainienne; sourde inquiĂ©tude et atmosphère du rĂŞve dans le premier Ă©pisode (Minuit passe) qui semble tourner la page du Tristan wagnĂ©rien par sa rĂ©sonance lugubre et magique. La Ruelle approfondit encore la menace et la torpeur grise quand La Mer est de loin le plus impressionnant tableau des quatre : le souffle, l’ampleur des horizons Ă©voquĂ©s, le tumulte et le sentiment d’infini qui frĂ´le l’abstraction en font une pièce particulièrement envoĂ»tante. L’expression du rĂŞve (nocturne) d’un compositeur qui se rĂŞvait d’abord marin.

Ceux de FaurĂ© enivrent eux aussi (Nocturnes n°7 et 8), – quoique parfois semblant demeurĂ©s inexorablement sur la rive tonale, prĂ©servĂ©e fermement avec une flamme mĂ©lodique Ă©perdue (deuxième sĂ©quence du n°7 après 4mn), qui s’Ă©mancipe, dĂ©roulant sa fine tresse aĂ©rienne.

 

 

 

 

Pianiste enchanteresse

 

 

paino-natacha-nocturnes-debussy-faure-ravel-abel-decaux-satie-clic-de-classiquenews-cd-critique-classiquenews-cd-critique---kudritskayaEnfin le triptyque de Gaspard de la nuit (trois poème pour piano de 1908) affirment le caractère de trois tableaux sonores et dramatiques qui sont harmoniquement et architecturalement, les plus raffinĂ©s : narratif, allusifs, prodigieux d’Ă©conomie et de scintillements expressifs. Ravel, l’un des plus fins dramaturges du XXème siècle-, y Ă©tincelle de subtilitĂ©, d’intelligence théâtrale : le toucher tout en suggestion emperlĂ©e, – plus rentrĂ© que dĂ©monstratif, affirme une ondine des plus Ă©vanescentes dont le souffle rappelle le PellĂ©as debussyste : Natacha Kudritskaya en retient l’idĂ©e d’un corps ivre de sa voluptĂ©, d’une mĂ©lancolie irrĂ©sistible.

Le Gibet est plus sombre et d’un balancement lancinant, Ă  la façon d’une mĂ©canique intĂ©rieure qui rĂ©vèle davantage l’exposition et l’abandon, la tension et la dĂ©tente ; tout y semble prĂ©cipitĂ© dans un lent effondrement … plus marin que nocturne. La pianiste a le talent de faire jaillir ce sourd crĂ©pitement de l’ombre vers l’ombre, en un jaillissement sonore canalisĂ©, serti comme un gemme Ă  l’Ă©clat feutrĂ© qui s’efface comme un songe et meurt dans l’obscuritĂ© d’oĂą il avait jailli.

Scarbo d’une nervositĂ© plus dramatique, expose cependant d’Ă©gales couleurs scintillantes en un feu impressionniste oĂą jaillit peu Ă  peu de façon plus tranchĂ©e mais fugace, les traits du nabot moqueur, mystĂ©rieux, fatal. Le geste souple et scintillant de la pianiste convainc d’un bout Ă  l’autre de ce fabuleux triptyque : le plus enchanteur jamais Ă©crit pour le clavier, n’affectant ni la virtuositĂ© ni les brumes germaniques, mais fondant sur sa trame resserrĂ©e, contrastĂ©e (Ravel n’aime pas s’Ă©pancher), l’exposĂ© prĂ©cis, glaçant de son sujet fantastique, essentiellement poĂ©tique, plus hugolien que shakespearien. LĂ  encore ce jeu de nuances, de subtiles rĂ©fĂ©frences, et d’un crĂ©pitement effectivement nocturne qui surgissant de l’ombre, y revient toujours, dĂ©signe un tempĂ©rament pianistique d’une absolue maturitĂ© ; convaincante, Natacha Kudritskaya privilĂ©gie non sans raison et justesse, l’Ă©pure et le repli, la douceur expressive, plutĂ´t que l’affirmation et la dĂ©monstration que l’on regrette chez ses confrères, y compris les plus grands. De sorte qu’au sortir d’une Ă©coute enchantĂ©e, l’auditeur comprend comme le visuel de couverture le laisse entendre, que Natacha Kudritskaya est un lutin terrestre qui a la tĂŞte dans les Ă©toiles, une musicienne rĂŞveuse qui a le goĂ»t des poèmes. Superbes qualitĂ©s. TaillĂ©e pour les correspondances et l’introspection.

 

 

CD. Nocturnes. Natacha Kudritskaya, piano (Debussy, Ravel…) 1 cd Deutsche Grammophon

VOIR le clip vidéo de Natasha Kudritskaya jouant Clair de Lune de Debussy à la Sorbone à Paris, une nuit inspirante

L’Heure espagnole Ă  Nantes et Ă  Angers

Angers Nantes OpĂ©ra. Ravel : L’Heure Espagnole, 9-23 septembre 2015. Créée  Ă  l’OpĂ©ra-Comique en mai 1911, la comĂ©die musicale imaginĂ©e par Ravel joue avec dĂ©lices et subtilitĂ© des genres mĂŞlĂ©s, Ă  la fois chronique rĂ©aliste et fĂ©erie aux parfums allusivement espagnole (l’action se dĂ©roule Ă  Tolède au XVIII ème).
Maurice_Ravel_1925Épouse de l’horloger Torquemada, Concepcion s’ennuie ferme : elle compte les heures et ne peut guère solliciter le poète Gonzalve, apparemment Ă©pris mais qui repousse toujours toute effusion. C’est un sĂ©ducteur impuissant qui la rend chèvre. Aussi quand paraĂ®t le beau muletier Ramiro, la jeune femme s’éprend aussitĂ´t de lui… Le vaudeville un rien coquin et savoureux inspire Ă  Ravel, une forme inĂ©dite, musicalement extrĂŞmement sophistiquĂ©e, Ă  la mesure de son gĂ©nie comme orchestrateur toujours audacieux, jamais en manque d’inspiration et d’expĂ©rimentation. Outre le raffinement de son langage musical, la justesse de sa prosodie (les rĂ©citatifs et dialogues sont d’une prĂ©cision exceptionnelle), Ravel subjugue encore aujourd’hui par la modernitĂ© du sujet : il y est bien question du dĂ©sir fĂ©minin. Concepcion aime les hommes et exprime son dĂ©sir de façon manifeste sous couvert de l’anecdote et de la comĂ©die. La libertĂ© de ton, la franchise des situations, souvent très comiques (les hommes cachĂ©s dans les horloges Ă  la barbe de Torquemada), tout cela rĂ©invente la scène théâtrale Ă  l’aube de la première guerre, et souligne l’originalitĂ© d’un Ravel dĂ©cidĂ©ment inclassable : son imaginaire lyrique relève dĂ©jĂ  d’un impressionnisme surrĂ©aliste rĂ©ceptif Ă  l’activitĂ© de la psychĂ© ici fĂ©minine : seule le personnage de Concepcion et dans une moindre mesure, Ramiro grâce au regard que lui porte la jeune espagnole, ont vraiment de l’épaisseur. Il n’en fallait pas moins pour rebuter l’audience parisienne, jamais très ouverte Ă  tant de nouveautĂ©s poĂ©tiques.

 

 

heure-espagnole-angers-nantes-opera-presentation-classiquenews-septembre-2015

 

 

C’est la première production lyrique d’Angers Nantes OpĂ©ra dirigĂ©e par le chef Pascal RophĂ©, directeur musical de l’ONPL

Nantes, La Cité : les 9 et 11 septembre 2015

Angers, Centre de Congrès: les 22 et 23 septembre 2015

CouplĂ©es Ă  L’Heure espagnole : la quatrième pièce des Miroirs de Ravel : Alborada del Gracioso (L’Aubade au bouffon) et la musique pour ballet de Manuel de Falla : Le Tricorne.

L’Heure Espagnole Ă  Nantes et Ă  Angers

Angers Nantes OpĂ©ra. Ravel : L’Heure Espagnole, 9-23 septembre 2015. Créée  Ă  l’OpĂ©ra-Comique en mai 1911, la comĂ©die musicale imaginĂ©e par Ravel joue avec dĂ©lices et subtilitĂ© des genres mĂŞlĂ©s, Ă  la fois chronique rĂ©aliste et fĂ©erie aux parfums allusivement espagnole (l’action se dĂ©roule Ă  Tolède au XVIII ème).
Maurice_Ravel_1925Épouse de l’horloger Torquemada, Concepcion s’ennuie ferme : elle compte les heures et ne peut guère solliciter le poète Gonzalve, apparemment Ă©pris mais qui repousse toujours toute effusion. C’est un sĂ©ducteur impuissant qui la rend chèvre. Aussi quand paraĂ®t le beau muletier Ramiro, la jeune femme s’éprend aussitĂ´t de lui… Le vaudeville un rien coquin et savoureux inspire Ă  Ravel, une forme inĂ©dite, musicalement extrĂŞmement sophistiquĂ©e, Ă  la mesure de son gĂ©nie comme orchestrateur toujours audacieux, jamais en manque d’inspiration et d’expĂ©rimentation. Outre le raffinement de son langage musical, la justesse de sa prosodie (les rĂ©citatifs et dialogues sont d’une prĂ©cision exceptionnelle), Ravel subjugue encore aujourd’hui par la modernitĂ© du sujet : il y est bien question du dĂ©sir fĂ©minin. Concepcion aime les hommes et exprime son dĂ©sir de façon manifeste sous couvert de l’anecdote et de la comĂ©die. La libertĂ© de ton, la franchise des situations, souvent très comiques (les hommes cachĂ©s dans les horloges Ă  la barbe de Torquemada), tout cela rĂ©invente la scène théâtrale Ă  l’aube de la première guerre, et souligne l’originalitĂ© d’un Ravel dĂ©cidĂ©ment inclassable : son imaginaire lyrique relève dĂ©jĂ  d’un impressionnisme surrĂ©aliste rĂ©ceptif Ă  l’activitĂ© de la psychĂ© ici fĂ©minine : seule le personnage de Concepcion et dans une moindre mesure, Ramiro grâce au regard que lui porte la jeune espagnole, ont vraiment de l’épaisseur. Il n’en fallait pas moins pour rebuter l’audience parisienne, jamais très ouverte Ă  tant de nouveautĂ©s poĂ©tiques.

 

 

heure-espagnole-angers-nantes-opera-presentation-classiquenews-septembre-2015

 

Angers Nantes OpĂ©ra. Ravel : L’heure espagnole, 9-23 septembre 2015. Pour l’ouverture de leur saison, Angers Nantes OpĂ©ra et l’Orchestre National des Pays de la Loire s’associent et prĂ©sentent L’Heure espagnole, la « comĂ©die musicale » de Maurice Ravel, en version de concert, avec pour interprètes, sous la direction de Pascal RophĂ© et aux cĂ´tĂ©s des musiciens de l’ONPL, la mezzo-soprano d’origine quĂ©bĂ©coise, Julie Boulianne, le baryton basse, Didier Henry et des solistes rĂ©gulièrement invitĂ©s par Angers Nantes OpĂ©ra : l’excellent baryton Thomas DoliĂ©, les tĂ©nors Eric Huchet et Alexander Sprague.

 

C’est la première production lyrique d’Angers Nantes OpĂ©ra dirigĂ©e par le chef Pascal RophĂ©, directeur musical de l’ONPL

 

 

Nantes, La Cité : les 9 et 11 septembre 2015

 

Angers, Centre de Congrès: les 22 et 23 septembre 2015

 

 

CouplĂ©es Ă  L’Heure espagnole : la quatrième pièce des Miroirs de Ravel : Alborada del Gracioso (L’Aubade au bouffon) et la musique pour ballet de Manuel de Falla : Le Tricorne.

 

 

 

 

 

Maurice Ravel
L’Heure espagnole
version de concert

 

avec

 

Julie Boulianne, ConcepciĂłn
Alexander Sprague, Gonzalve
Eric Huchet, Torquemada
Thomas Dolié, Ramiro
Didier Henry, Don Iñigo Gomez

Pascal Rophé, direction musicale
Orchestre National des Pays de la Loire

 

 

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CD, compte rendu critique. Ravel / Schmitt. Larderet, Ose, Daniel Kawka, direction (1 cd)

L'Orchestre OSE de Daniel Kawka Ă©tincelle, Ă©blouit, convainc !CD, compte rendu critique. Ravel / Schmitt. Larderet, Ose, Daniel Kawka, direction (1 cd Ars produktion). L’excellent Daniel Kawka s’attache pour ce premier disque avec Ose le nouvel orchestre qu’il a fondĂ© depuis 2013, au Ravel somptueusement coloriste et d’un souci rythmique tout autant ciselĂ©, trouble, impĂ©tueux, souvent dĂ©concertant. Preuve est faite que le maestro aborde comme peu aujourd’hui le rĂ©pertoire français du XXè avec une finesse convaincante voire enchanteresse.  D’emblĂ©e, le programme rĂ©jouit par sa justesse de lecture et l’intelligence du couplage, regroupant 3 Ĺ“uvres esthĂ©tiquement proches, datables du dĂ©but des annĂ©es 1930. La superbe lecture du Concerto pour piano pour la main gauche (1929) de Ravel, convainc : dès le dĂ©but, les climats scintillants, riches en rĂ©sonances multiples (effet de gong), associant parfums d’Asie et rumeurs guerrières, comme en un voile obscur et diffus fourmillent, menaçants et suractifs, avant que les cordes orientent magiquement et subtilement le flux musical, vers la lumière enfin reconquise : dĂ©chirement et aube oĂą jaillissent des harmonies dissonantes d’un monde instable. C’est euphorie orchestrale aux miroitement inouĂŻs montre l’hypersensibilitĂ© du chef et de ses instrumentistes : ils offrent un tapis exceptionnellement vibrant et palpitant au pianiste soliste, lui aussi en phase Ă©motionnelle avec ses confrères. L’intĂ©rioritĂ©, l’appel Ă  la paix, au rĂŞve, au songe s’expriment et se  libèrent au fur et Ă  mesure ; l’Ă©quilibre prĂ©servĂ© piano et instrumentiste rĂ©tablit cette verve narrative de l’Allegro central, oĂą Ravel fait scintiller chaque famille d’instruments avec un relief mordant parfois jazzy (les deux Concertos font suite Ă  la dĂ©couverte par Ravel de l’urbanitĂ© amĂ©ricaine lors d’un voyage aux States, de 5 mois en 1928), produisant cette facĂ©tie presque innocente que Daniel Kawka sait ciseler avec la finesse et ce goĂ»t de la vibration dĂ©taillĂ©e, entre ivresse et quasi implosion contrĂ´lĂ©e, que nous lui connaissons (et qui faisait par exemple tout l’intĂ©rĂŞt de ses Wagner dijonais en 2014). La jubilation des instruments fait sens avec d’autant plus de cohĂ©rence que le chef caractĂ©rise chaque sĂ©quence sans omettre le flux organique qui les relie l’une Ă  l’autre.

kawka daniel daniel profilIntercalaire d’un onirisme non moins prenant, et ici enregistrĂ©e en première mondiale, la version pour piano et orchestre du poème symphonique “j’entends dans le lointain” d’un Florent Schmitt sexagĂ©naire (1929), est une sublime immersion poĂ©tique de 11 mn (inspirĂ©e du vers du LautrĂ©amont des Chants de Maldoror) qui comme les deux Ravel, fait valoir et la brillance feutrĂ©e du soliste et les couleurs de l’orchestre, sans omettre, la maĂ®trise du chef Ă  assembler les parties en une totalitĂ© organique, d’un flux mobile et irisĂ©. Du matĂ©riau musical façonnĂ© par l’Ă©lève de Massenet et de FaurĂ© et qui fut Prix de Rome en 1900 puis membre de l’Institut en 1936, Daniel Kawka fait entendre les Ă©lans cosmiques d’une partition qui soigne et l’intime et l’expression d’un espace plus vaste, parfois inquiĂ©tant parfois flamboyant, colorĂ© par le cri, la douleur, l’angoisse nĂ©s de la guerre. Sans jamais Ă©paissir la texture orchestrale, toujours partisan de la clartĂ© et d’une souveraine transparence, le maestro très inspirĂ© par le rĂ©pertoire offre une leçon de direction, Ă  la fois claire et profondĂ©ment habitĂ©e. Schmitt fait entendre sa rĂ©signation face Ă  la fatalitĂ© : rien n’empĂŞche la barbarie humaine, rien ne peut juguler l’horreur qu’a l’homme Ă  produire l’innommable. D’une sensualitĂ© debussyste et d’une douleur faurĂ©enne, la partition originellement pour piano seule (et l’une des plus difficiles du rĂ©pertoire comme l’est le Gaspard de la nuit de Ravel), dĂ©ploie des sonoritĂ©s inĂ©dites, fortes, intenses, violentes au diapason d’une conscience qui semble mesurer la terreur absolue qu’impose la guerre. Le geste du chef rĂ©tablit la gravitĂ© inquiĂ©tante de la partition : l’une des plus captivantes de son auteur avec La TragĂ©die de SalomĂ© ou “Le petit elfe Ferme-l’Ĺ“il“, toutes deux, partitions du dĂ©but de la carrière de Schmitt (propres aux annĂ©es 1910).

 

 

Daniel Kawka et son orchestre OSE éblouissent dans Ravel

 

 

CLIC D'OR macaron 200Le programme se conclut avec le Concerto en sol, achevĂ© en 1931, en trois mouvements : Allegramente, Adagio assai et Presto, d’une ivresse constellĂ©e de subtilitĂ©s instrumentales et rythmiques d’une acuitĂ© permanente. Le chef exploite toutes les nuances et chaque accent qui intensifient l’ambiguitĂ© harmonique et rythmique en particulier dans le mouvement lent (Adagio assai) : Ă  travers l’hyperactivitĂ© des instruments et la complicitĂ© qu’Ă©tablit le piano avec ses partenaires (flĂ»te, surtout cor anglais), toute la rĂŞverie lointaine s’exprime et se libère en une extase collective irrĂ©sistible. La course finale (Presto) engagĂ©e par le clavier suivi par bois et cuivres avant le basson impĂ©tueux revĂŞt des allures de marche volubile et lunaire d’un allant aussi vif que dĂ©taillĂ©. L’option instrumentale qui rĂ©tablit les justes proportions que souhaitait Ravel, en particulier les cordes Ă  maximum 60 musiciens, apporte ses bĂ©nĂ©fices, accusant la clartĂ© et la transparence de la texture enfin restituĂ©e. Dans les deux Ravel; le pianiste suit, en complice Ă©clairĂ©, le souci des nuances et l’Ă©quilibre instrumental dĂ©fendus par le chef : une entente indiscutable fait rayonner l’affinitĂ© des interprètes avec les Ĺ“uvres choisies. Immense coup de coeur et donc CLIC de classiquenews de septembre 2015.

 

 

CD, compte rendu critique. Ravel / Schmitt. Larderet, Ose, Daniel Kawka, direction. Enregistré en février 2015 à Grenoble (1 cd ARS Produktion DSD)

 

 

 

Tournée Mahler par Daniel Kawka et son nouvel orchestre : " OSE "

 

 

 

VIDEO : VOIR aussi notre reportage vidéo Daniel Kawka et OSE jouent Mahler : Mort à Venise, le chant malhérien avec le baryton Vincent Le Texier

 

 

 

CD, compte rendu. Maurice Ravel. Daphnis et Chloé (Philippe Jordan, 1 cd Erato 2014)

RAVEL daphnis et chloe raveldaphnisjordanCD, compte rendu. Maurice Ravel. Daphnis et Chloé (Philippe Jordan, 1 cd Erato 2014). C’est un superbe accomplissement qui outre sa pleine réussite dans les équilibres si ténus chez Ravel, confirme les affinités indiscutables de Philippe Jordan avec la musique française. Le choix du programme reste très pertinent car il apporte une lecture enfin nouvelle sur Daphnis et Chloé, ne serait-ce que par la présence « rectifiée » des voix chorales, éléments essentiel ici quand il est souvent relégué (à tort) dans d’autres versions… Le chœur (opportunément très présent dans la prise de cet enregistrement parisien de 2014) apporte cette couleur vocale imprécise et flottante (il ne dit rien de précis ou ne participe pas linguistiquement à l’action), emblème de ce néoclassicisme dont rêvait Ravel. Mais que Diaghilev sut écarter lors d’une reprise londonienne en 1914, goût ou économie oblige ?

La subtilitĂ© de la partition ravĂ©lienne grandit dans cette restitution sonore oĂą les instruments pèsent autant que les voix. La rĂ©cente production du Roi Arthus de Chausson, rĂ©vĂ©lĂ©e dans sa parure orchestrale l’a dĂ©montrĂ© Ă  l’OpĂ©ra Bastille : Philippe Jordan sait faire chanter et parler l’orchestre parisien avec une finesse de ton rare, qui l’inscrit dans le sillon de son père, Armin. Ecoute intĂ©rieure, Ă©quilibre des pupitres, lisibilitĂ© et voile gĂ©nĂ©rique, hĂ©donisme et motricitĂ©, le chef actuel directeur musical de la Maison parisienne cisèle et sculpte avec autant de tact que de puissance, rĂ©vĂ©lant comme personne avant lui, – de notre propre expĂ©rience rĂ©cente, le Wagner de TannhaĂĽser ou surtout du Ring. Chambrisme et rugositĂ© vĂ©hĂ©mente d’un orchestre qui est devenu son complice. Le travail et l’entente s’écoutent ici, au service d’un Ravel Ă  la fois sensuel et impressionniste, antiquisant et onirique au delĂ  de toute imagination. La baguette Ă©claire l’oeuvre en la rendant non Ă  son raffinement prĂ©cieux mais Ă  sa sobriĂ©tĂ© enchanteresse.

Daphnis et Chloé étincelle d’intelligence et d’accomplissement imprévus oubliés : une série de révélation sonore en cascade grâce à la baguette enchantée du chef suisse.  La Valse surenchérit dans le registre de la sensualité instrumentale ; elle s’élève encore d’une marche pour atteindre cette lascivité impudique, osant des oeillades à peine voilées pour une extase enfiévrée proprement irrésistible. D’un paganisme franc et mouvant, Philippe Jordan, à la fois caressant, suggestif, nerveux, fait émerger les mélodies les unes après les autres avec un sens inné de la séduction comme de la continuité organique (pour ne pas dire charnelle). Cette version n’aurait pas déplu à Béjart pour sa chorégraphie, s’il l’avait connue. Magistral. Paris a la chance de bénéficier d’un chef d’une telle maturité raffinée. Et si l’Orchestre national de Paris était le meilleur orchestre à Paris ?

CLIC_macaron_2014CD, compte rendu. Maurice Ravel. Daphnis et Chloé (Ballet en un acte, créé le 29 mai 1913), La Valse (Poème chorégraphique, créé le 12 décembre 1920). Orchestre et choeur de l’Opéra national de Paris. Philippe Jordan, direction. 1 cd Erato 0825646166848, 1h08mn. Enregistré à Paris en octobre 2014.

VIDEO, reportage : L’Heure espagnole de Ravel Ă  l’OpĂ©ra de Tours

TOURS-aude-estremo-concepcion-heure-espagnole-ravel-opera-de-tours-clic-de-classiquenews-avril-2015VIDEO, reportage : L’Heure espagnole de Ravel Ă  l’OpĂ©ra de Tours, les 10,12,14 avril 2015. OpĂ©ra en un acte couplĂ© avec La Voix humaine de Poulenc. Entretiens avec Catherine Dune (mise en scène) et Aude Estremo (Concepcion). La femme de l’horloger Torquemada, Concepcion est frustrĂ©e et malheureuse, malgrĂ© son mari, ses amants… poupĂ©e prise au piège par son propre Ă©poux, un rien voyeur manipulateur, Concepcion dĂ©couvre l’amour vĂ©ritable quand elle croise le chemin du muletier…  Extraits de la production prĂ©sentĂ©e Ă  Tours sous la direction de Jean-Yves Ossonce. © studio CLASSIQUENEWS.TV 2015

 

Voir aussi notre CLIP vidĂ©o de La Voix humaine et de l’Heure Espagnole Ă  l’OpĂ©ra de Tours, les 10,12 et 14 avril 2015

 
 

 

VIDEO, reportage : La Voix humaine de Poulenc Ă  l’OpĂ©ra de Tours

tours-la-voix-humaine-l-heure-espagnole-opera-de-tours-classiquenewsVIDEO, reportage : LA VOIX HUMAINE de Poulenc Ă  l’OpĂ©ra de Tours, les 10,12,14 avril 2015. OpĂ©ra en un acte couplĂ© avec L’Heure espagnole de Ravel. Entretiens avec Catherine Dune (mise en scène) et Anne-Sophie Duprels (Elle). Pas de tĂ©lĂ©phone sur la scène tourangelle, mais une vaste lit criblĂ© de cordes barreaux, emprisonnant Elle, l’unique hĂ©roĂŻne de l’opĂ©ra de Poulenc. Elle exprime les vertiges, tourments et frustration du dĂ©sir fĂ©minin, c’est aussi un chant Ă  la portĂ©e universelle auquel Catherine Dune envisage contrairement Ă  d’autres mises en scène, une fin en forme de libĂ©ration cathartique… Extraits de la production prĂ©sentĂ©e Ă  Tours sous la direction de Jean-Yves Ossonce. © studio CLASSIQUENEWS.TV 2015

 

Voir aussi notre CLIP vidĂ©o de La Voix humaine et de l’Heure Espagnole Ă  l’OpĂ©ra de Tours, les 10,12 et 14 avril 2015

 

 

 

Compte rendu, opéra. Tours, Opéra, le 10 avril 2015. Poulenc : La Voix humaine. Ravel : L’Heure Espagnole. Anne-Sophie Duprels, Elle. Aude Estremo (Concepcion)… OSRCT. Jean-Yves Ossonce, direction. Catherine Dune, mise en scène.

Familière de la scène tourangelle, la soprano Catherine Dune – qui chantait cette saison Despina de Cosi  fan Tutte de Mozart, offre ici sa première mise en scène Ă  Tours. La sensibilitĂ© et l’humanitĂ© de l’artiste se ressentent  dans l’approche du diptyque choisi par le chef et directeur Jean-Yves  Ossonce : en associant les deux drames en un acte, La voix humaine puis L’Heure espagnole, de Poulenc et Ravel respectivement, il s’agit bien Ă  travers chaque hĂ©roĂŻne : “Elle ” puis la femme  de l’horloger Torquemada, Concepcion, de deux portraits de femmes que la question du dĂ©sir et de l’amour taraude, exalte, exulte, met au devant de la scène.

 
 

Nouvelle production convaincante Ă  l’OpĂ©ra de Tours

Deux portraits du désir féminin

 

heure-espagnole-ravel-opera-de-tours-aude-estremo-clip-video-classiquenews-copyright-2015Deux espaces clos, lieux de l’enfermement, unissent les deux univers lyriques mais le poids Ă©touffant du huit clos – vĂ©ritable billot sentimental  et cathartique oppresse chanteuse et spectateurs dans La Voix humaine quand les dĂ©lices doux amers, tragico comiques de la dĂ©licieuse comĂ©die  de Ravel, produisent un univers tout autre :  magique et onirique surtout fantastique et surrĂ©aliste. C’est ce second volet qui nous a le plus  sĂ©duit. … non pas tant par sa durĂ©e : presque une heure quand La voix humaine totalise  3/4 d’heure,  que par la profonde cohĂ©rence qu’apporte la mise en scène.
L’Heure espagnole impose sa durĂ©e impĂ©rieuse au couple dĂ©luré  et si mal appareillĂ© de l’horloger Torquemada (en blouse et Ă  lunettes, sorte de voyeur de laboratoire), et de son Ă©pouse la belle brune Concepcion dont l’excellente Aude Estremo fait une prodigieuse incarnation : tigresses toute en contrĂ´le, la pulpeuse collectionne les amants sans ĂŞtre satisfaite, -frustration inconfortable qui on le comprend en cours de soirĂ©e n’est pas sans ĂŞtre cultivĂ©e par son Ă©poux lui-mĂŞme dont Catherine Dune fait l’observateur assidu mais discret des frasques de sa femme. La sensibilitĂ© extrĂŞme de la metteure en scène sait aussi cultiver la pudeur et l’innocence quand surgit l’amour vĂ©ritable entre Concepcion et le muletier Ramiro dont le charme direct et physique contraste avec le poète Gonzalvo, bellâtre mou des corridas d’opĂ©rettes, aux Ă©lans amoureux toujours vellĂ©itaires (impeccable Florian Laconi).
Dans cet arène  de pure fantasmagorie, Didier Henry a le ton juste du songe ; le baryton Alexandre Duhamel (Ramiro),  celui naturel  du charme sans esbroufe, et c’est surtout la mezzo Aude Estremo, dĂ©cidĂ©ment qui en donnant corps au personnage central,  rend son parcours très convaincant d’autant que la voix est sonore, naturellement puissante et finalement articulĂ©e. Son piquant et son tempĂ©rament L’univers dĂ©lurĂ© fantasque dĂ©fendu ici  souligne avec finesse les multiples joyaux dont la partition est constellĂ©e ; c’est un travail visuel qui s’accorde idĂ©alement Ă  la tenue de l’orchestre dont le raffinement permanent et le swing hispanisant convoquent le grand opĂ©ra : l’air de Concepcion,  qu’elle aventure qui marque le point de basculement du personnage (son coup de foudre troublant vis Ă  vis du muletier) fait surgir une vague irrĂ©pressible de candeur et de sincĂ©ritĂ© dans une cycle qui eut paru artificiel par sa mĂ©canique rĂ©glĂ©e Ă  la seconde  (les sacs  de sable que l’on Ă©ventre pour en faire couler la matière comme un sablier).

voix-humaine-anne-sophie-duprels-tours-opera-classiquenews-copyright-2015En première partie de soirĂ©e (La Voix humaine), Anne-Sophie Duprels sĂ©duit indiscutablement par son chant velouté  et puissant Ă  la diction parfois couverte par l’orchestre. Sur un matelas dĂ©multipliĂ©, ring de ses ressentiments sincères amères, le chant se libère peu Ă  peu dans une mise en scène Ă©purĂ©e presque glaçante dont les lumières accusent la progression irrĂ©pressible : la cage qui enserre le coeur meurtri de l’amoureuse en rupture s’ouvre peu Ă  peu Ă  mesure que les cordes qui la composent et qui descendent depuis les cintres, sont levĂ©es, ouvrant l’espace ; rĂ©vĂ©lant l’hĂ©roĂŻne Ă  elle-mĂŞme en une confrontation ultime : dire, exprimer et nommer la souffrance, c’est se libĂ©rer. C’est au prix de cette Ă©preuve salvatrice – essentiellement cathartique-,  qu‘Elle prend conscience de sa force et de sa volontĂ© ; volontĂ© de dire : tu me quittes. Soit je l’accepte. Laisser faire, lâcher prise, renoncer. … autant d’expĂ©riences clĂ©s que la formidable soprano Ă©claire de sa prĂ©sence douce et carressante, nuancĂ©e et intense.

Dans la fosse, en maĂ®tre des couleurs et des teintes atmosphĂ©riques, Jean Yves Ossonce fait couler dans la Voix humaine le sirop onctueux et ductile de l’ocĂ©an de sensualitĂ© dont a parlĂ© Poulenc,  lequel semble compatir avec Elle ; le chef trouve aussi le charme d’une dĂ©contraction Ă©lĂ©gantissime de l’Heure Espagnole, dont le dialogue idĂ©al avec la mise en scène et les dĂ©cors suscite un formidable cirque nocturne, enchanteur et rĂ©aliste Ă  la fois. La profondeur se glisse continĂ»ment dans cet Ă©loge feint de la lĂ©gèreté… La rĂ©ussite Ă©tant totale, voici après le formidable Trittrico de Puccini prĂ©sentĂ© en mars dernier (prĂ©cision et sĂ©duction cinĂ©matographique), la nouvelle production de l’OpĂ©ra de Tours  qui crĂ©e lĂ©gitimement l’Ă©vĂ©nement dans l’agenda lyrique de ce printemps. A voir au Grand Théâtre de Tours les 10, 12 et 14 avril 2015.

 

 

 

APPROFONDIR : voir notre clip vidĂ©o La Voix humaine et l’Heure espagnole au Grand théâtre de Tours les 10,12,14 avril 2015

 

 

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Illustrations : © studio CLASSIQUENEWS.TV 2015

Tours, OpĂ©ra : La Voix humaine, L’heure espagnole, les 10,12,14 avril 2015

heure-espagnole-ravel-opera-de-tours-aude-estremo-clip-video-classiquenews-copyright-2015VIDEO,clip. Tours: La Voix humaine,L’heure Espagnole. Les 10,12,14 avril 2015. Catherine Dune met en scène deux portraits du dĂ©sir fĂ©minin : La Voix humaine sur un vaste lit, sorte de ring oĂą s’exacerbent les jalons d’une catharsis Ă©motionnelle ; puis L’Heure espagnole dont le dispositif visuel plonge dans une fantasmagorie onirique d’une profonde cohĂ©rence. Deux interprètes se distinguent : Anne-Sophie Duprels qui incarne “ELLE”, âme dĂ©vastĂ©e certes mais promise Ă  une renaissance imprĂ©vue ; puis Aude Estremo dont le personnage de Concepcion, sauvage et fragile Ă  la fois, dominateur et contrĂ´lĂ© n’est pas sans rappeler par sa finesse de ton et sa forte intĂ©rioritĂ©, les femmes chez Bunuel… Nouvelle production Ă©vĂ©nement au Grand Théâtre de Tours. RĂ©alisation : Philippe-Alexandre Pham © studio CLASSIQUENEWS.TV 2015. LIRE aussi notre prĂ©sentation de La Voix humaine et de L’Heure espagnole Ă  l’OpĂ©ra de Tours.

 

 

 

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Sensible et en tension, la soprano Anne-Sophie Duprels incarne “Elle”, la voix palpitante et sur le fil,  de Poulenc et Cocteau (illustrations © CLASSIQUENEWS.TV 2015)

 

 

 

 

 

Opéra de Tours
LA VOIX HUMAINE
FRANCIS POULENC

L’HEURE ESPAGNOLE
MAURICE RAVEL

   
Catherine Dune, mise en scène
Jean-Yves Ossonce, direction  

boutonreservationVendredi 10 avril 2015 – 20h
Dimanche 12 avril 2015 – 15h
Mardi 14 avril 2015 – 20h

Conférence, samedi 28 mars 2015, 14h30
Grand Théâtre, Salle Jean Vilar
entrée gratuite

distributions

LA VOIX HUMAINE
Tragédie lyrique en un acte 
Livret de Jean Cocteau
Création le 6 février 1959 à Paris
Editions Ricordi

Direction : Jean-Yves Ossonce
Mise en scène : Catherine Dune
Décors : Elsa Ejchenrand
Costumes : Elisabeth de Sauverzac
Lumières : Marc Delamézière

Elle : Anne-Sophie Duprels

L’HEURE ESPAGNOLE
Comédie musicale en un acte
Livret de Franc-Nohain, d’après sa pièce
Création le 19 mai 1911 à Paris
Editions Durand

Direction : Jean-Yves Ossonce
Mise en scène : Catherine Dune
Décors : Elsa Ejchenrand
Costumes : Elisabeth de Sauverzac
Lumières : Marc Delamézière

Conception : Aude Extremo
Gonzalvo : Florian Laconi
Torquemada : Antoine Normand
Ramiro : Alexandre Duhamel
Don Inigo Gomez : Didier Henry

Compte rendu, opĂ©ra. Montpellier. OpĂ©ra ComĂ©die, le 29 fĂ©vrier 2015. Maurice Ravel : L’Enfant et les Sortilèges. Dima Bawab, Olivier Brunel, solistes et choeur Jeune OpĂ©ra… Orchestre National Montpellier Languedoc-Roussillon. JĂ©rĂ´me Pillement, direction. Sandra Pocceschi, mise en scène.

Opera Junior propose aux jeunes de Montpellier et de sa rĂ©gion de participer Ă  la production d’un opĂ©ra dès la première jeunesse. FondĂ© en 1990 par Vladimir Kojoukharov, il est pilotĂ© depuis 2009 par JĂ©rĂ´me Pillement, qui dirige en l’occurrence l’Orchestre National Montpellier Languedoc-Roussillon pour les deux reprĂ©sentations uniques de cette nouvelle production de L’Enfant et les Sortilèges de Ravel dans une mise en scène de Sandra Pocceschi.

L’Ă©clat de la jeunesse, entre ironie et tendresse

Maurice_Ravel_1925L’Enfant et les Sortilèges est une Ĺ“uvre unique dans son genre, bouleversant effectivement les canons de l’opĂ©ra « traditionnel ».Sur le livret de Colette racontant l’histoire d’un enfant capricieux perdu dans ses fantaisies, Ravel exprime en permanence de la tendresse et de l’ironie. Dans la succession des nombreuses scènes, le compositeur dĂ©ploie ses talents d’orchestrateur avec une minutie frappante. Ainsi, ces sketches, par leur durĂ©e, sont des miniatures savantes et savoureuses. Le rĂ©sultat est d’un naturel dĂ©licieux, Ravel mettant en musique avec sympathie les personnages imaginĂ©s par Colette avec toute la force de son talent, riche en nuances.
Le projet artistique de Sandra Pocceschi est pragmatique et surtout très esthĂ©tisant. Dans une grande Ă©conomie de moyens, avec une grande intelligence (peut-ĂŞtre trop parfois), elle donne une cohĂ©sion plastique et thĂ©matique Ă  l’œuvre. Si quelques choix restent un peu Ă©sotĂ©riques et quelques scènes sont traitĂ©es avec une rĂ©serve confondante, le spectacle demeure un vĂ©ritable succès. L’œil et l’esprit en permanence chatouillĂ©s par les talents combinĂ©s de la metteure en scène et Giacomo Strada, Cristina Nyffeler et Geofrroy Duval (pour les dĂ©cors, costumes et lumières respectivement).
Le travail d’acteur de la jeune distribution se distingue, dont quelques personnalitĂ©s du casting. Dima Bawab interprète le Feu et le Rossignol avec virtuositĂ© et candeur, Olivier Brunel, ancien de l’OpĂ©ra Junior, est une Horloge pleine de caractère ! En ce qui concerne les jeunes interprètes nous les saluons dans la totalitĂ©, tous engageants et engagĂ©s. Anya Van den Bergh dans le rĂ´le de l’enfant est touchante Ă  souhait, le petit vieillard (l’arithmĂ©tique) est chantĂ© par Elysa Brodu, rayonnant de charisme et au jeu d’acteur vraiment superbe. Heureusement, on a dĂ©cidĂ© de donner le rĂ´le de La Princesse Ă  une jeune (en principe Le Feu, Le Rossignol et La Princesse devant ĂŞtre interprĂ©tĂ©s par la mĂŞme chanteuse), puisque cela nous a permis de dĂ©couvrir la voix et la prestance de la sensible et percutante Marie SĂ©niĂ© au chant très Ă©motif, inspirant des frissons.

JĂ©rĂ´me Pillement dirige son orchestre en bonne forme. Il se montre maĂ®tre du langage ravĂ©lien et traite la partition avec tout le sĂ©rieux qu’elle mĂ©rite, sans jamais tomber dans un expressionnisme kitsch. Les vents sont heureux et curieux ; le chef a une science du rythme fantastique ! Le chĹ“ur de l’OpĂ©ra emmenĂ© Ă  chanter avec le chĹ“ur des jeunes est tout aussi investi et l’effet sur l’auditoire est remarquable. Le spectacle n’est pas prĂ©sentĂ© en diptyque (comme très souvent le cas dĂ» Ă  la durĂ©e de moins d’une heure de l’opus), et devient donc davantage accessible pour les jeunes et les familles prĂ©sentes dans la salle qui sans aucun doute se rĂ©galent. Opera junior reste une initiative et un spectacle pas comme les autres. Un projet et des jeunes artistes Ă  suivre. FĂ©licitations Ă  toute l’Ă©quipe !

CD. Jean Martinon (1910-1976) : Chicago Symphony Orchestra. The complete recordings (10 cd RCA Sony classical. 1964-1969)

martinon-jean-complete-recordings-chicago-symphony-orchestra-1964---1969-10-cd-box-CLIC-de-classiquenews-mars-2015-compte-rendu-critiqueCD. Jean Martinon (1910-1976) : Chicago Symphony Orchestra. The complete recordings (10 cd RCA Sony classical. 1964-1969). Le coffret Sony classical regroupe quelques unes de perles inestimables du Martinon amĂ©ricain alors au sommet de sa vibrante sensibilitĂ© orchestrale, comprenant la fin de son engagement Ă  la direction musicale du Chicago Symphony Orchestra soit 10 albums, Ă©ditĂ©s dans leurs pochettes et prĂ©sentations recto / verso d’origine, entre 1964 et 1969 (avec toutes les notices originelles). Le chef qui devait ensuite (1969 Ă  1973) se dĂ©dier au National de France, laisse ici une empreinte forte de son hĂ©ritage symphonique. A ceux qui pensent que son activitĂ© Ă  Chicago ne fut qu’un passage, l’Ă©coute des bandes tĂ©moignent d’une finesse d’approche irrĂ©sistible, Martinon opĂ©rant par clartĂ©, mesure, Ă©quilibre, transparence, rĂ©ussissant dès le premier album (Ravel et Roussel, les piliers de son rĂ©pertoire) une plĂ©nitude de son et une profondeur dans l’approche, idĂ©ales. La suite n°2 de Bacchus et Ariane saisit par sa langueur Ă©lĂ©gantissime, aux rĂ©sonances de l’ombre, une lecture introspective d’une infinie poĂ©sie qui fouille jusqu’Ă  la psychanalyse le dialogue du dieu et de son aimĂ©e enivrĂ©e….

 

 

 

Eteint en 1976, le Français Jean Martinon réalise une carrière mirifique qui passe par la direction du Chicago Symphony Orchestra

Miroitant symphonisme de Martinon

 

Martinon Jean 4CLIC_macaron_2014Trop courte approche qui prolonge ses excellentes gravures pour Philips de 1954 : fragilitĂ© palpitante, agogique murmurĂ©e, le chef semble Ă©tirer le temps et recrĂ©er l’oeuvre en creusant chaque mesure, lui apportant une rĂ©sonance Ă©nigmatique et spirituelle d’une incroyable puissance suggestive. Que ce chef a Ă  nous dire, laissant contradictoirement, la partition respirer par elle-mĂŞme, dĂ©voilant d’insondables richesses sonores, d’imprĂ©visibles failles mystĂ©rieuses qui alternent avec des frĂ©missements Ă©chevelĂ©s d’insectes conquĂ©rants… De l’ombre Ă  la transe, la traversĂ©e bouleverse par son intelligence, sa sensualitĂ©, sa prĂ©cision et sa dĂ©licatesse rythmique.Ce Roussel est l’enregistrement le plus ancien du legs Sony (il s’agit des archives RCA), remontant Ă  novembre 1964 (mais Martinon connaĂ®t son Roussel depuis au moins 10 ans dĂ©jĂ !). Le Ravel (Daphnis et ChloĂ©) dĂ©ploie une opulence flamboyante, exploitant toutes les ressources de l’orchestre en combinaisons sonores et instrumentales, en nuances millimĂ©trĂ©es. Du grand art.

 

CT  CTH ARTS CSOSymphoniste scintillant et dramatique, Martinon domine très largement aussi l’interprĂ©tation de Varèse (Arcana) et Frank Martin (Concerto pour 7 instruments Ă  vent, Chicago mars 1966) ; de mĂŞme Nielsen (et sa Symphonie n°4 “inextinguible”, octobre 1966), L’ArlĂ©sienne, Suites 1 et 2 (avril 1967) ; l’Ă©blouissant Mandarin merveilleux (Suite de concert, avril 1967) ; très intĂ©ressant, le programme du cd 6 qui regroupe la Symphonie n°4 de Martinon (Le jardin vertical : Adagio misterioso : un Ă©cho du christianisme sincère et hautement spirituel de l’auteur qui fut aussi un alpiniste assidu – la partition lui a Ă©tĂ© commandĂ©e pour les 75 ans de l’Orchestre de Chicago), et la n°7 en un mouvement (mais 8 sĂ©quences caractĂ©risĂ©es) de Peter Mennin (1923-1983), l’un des plus europĂ©ens des compositeurs amĂ©ricains (ses 9 symphonies sont composĂ©es avant 30 ans). Le cd 8 est un enchantement ravĂ©lien (Rapsodie espagnole et surtout, manifeste d’intelligence et de raffinement Ă©quilibrĂ©, Ma Mère l’Oye, Chicago, avril 1968). L’Ă©nergique et lumineuse Symphonie n°1 de Bizet (douĂ©e d’un tension ciselĂ©e aux cordes ce dès le premier mouvement) comme le Songe d’une nuit d’Ă©tĂ© de Mendelssohn respectivement enregistrĂ©s en avril 1968 et mai 1967, attestent de la maturitĂ© artistique de l’orchestre nĂ©e de sa complicitĂ© avec le chef Français. Ce legs de l’intĂ©grale enregistrĂ© Ă  Chicago montre le degrĂ© d’accomplissement et d’approfondissement artistique auquel un maestro hexagonal a su mener l’un des meilleurs orchestres amĂ©ricains : l’Ă©largissement du rĂ©pertoire, la culture de la musique de son temps, le retour rĂ©gulier tel un ressourcement salutaire, aux impressionnistes français dĂ©notent une claire conscience musicale qui savait jouer et penser la musique : ici se situe sa proximitĂ© avec Furtwängler qu’il apprĂ©cia etpu observer, plus que tout autre… Après Martinon, parfait continuateur de son prĂ©dĂ©cesseur Fritz Reiner, c’est Solti qui recueillera les fruits du Français menant la phalange jusqu’Ă  l’incandescence, au dĂ©but des annĂ©es 1970.

 

 

Jean Martinon (1910-1976) : Chicago Symphony Orchestra. The complete recordings (10 cd RCA Sony classical. 1964-1969). Parution annoncée le 16 mars 2015.

 

 

Benjamin Millepied prĂ©sente Daphnis et ChloĂ© Ă  l’OpĂ©ra Bastille

millepied benjamin opera paris danse cocteau balanchine daphnis chloeParis, Opéra Bastille. Daphnis et Chloé : Millepied, Ravel, 10mai>8 juin 2014.  A 36 ans, le danseur et chorégraphe Benjamin Millepied new yorkais depuis 20 ans,  se voit offrir un pont d’or : prenant en octobre 2014, ses fonctions de directeur de la danse de l’Opéra de Paris en succession de Brigitte Lefèvre, directrice depuis 1995. L’époux à la ville de l’actrice sublimissime Natalie Portman, rencontrée sur le tournage de Black Swan dont il a signé la chorégraphie (2012), Benjamin Millepied propose en mai et juin 2014, comme un avant-goût de ses aptitudes pour Paris, un baptême précédant son entrée officielle dans la Maison parisienne.

L’ex principal dancer du New York City Ballet (2002) signe une première chorégraphie désormais très attendue : Daphnis et Chloé d’après Maurice Ravel créée à partir du 10 mai 2014 à l’Opéra Bastille. Le nouveau ballet s’inscrit au programme d’une  série couplée avec Balanchine (14 représentations au total). La soirée du 3 juin est diffusée en direct depuis l’Opéra Bastille dans les salles de cinéma.

Comme en 1913, Stravinsky compose une œuvre atypique, inclassable, visionnaire et aussi prophétique (en ce sens qu’elle annonce la modernité), Daphnis et Chloé bénéficie de la musique de Maurice Ravel l’une des plus éblouissantes qui soit, véritable défi pour l’orchestre et aussi, terreau fertile pour l’imaginaire des chorégraphes.  L’intention de Benjamin Millepied est d’écarter le déroulement chorégraphique du prétexte strictement narratif (livret et texte de Longus), pour tenter une nouvelle divagation suggestive en lumières, couleurs, formes, proche de l’infini de la musique.

Soirée George Balanchine / Benjamin Millepied

Etoiles, premiers danseurs et corps de Ballet

Orchestre de l’Opéra national de Paris

Philippe Jordan, direction

LE PALAIS DE CRISTAL

NOUVELLE PRODUCTION

GEORGES BIZET, musique (Symphonie en ut majeur)

GEORGE BALANCHINE, Chorégraphie (Opéra de Paris, 1947)

CHRISTIAN LACROIX Costumes

DAPHNIS ET CHLOÉ

CRÉATION

MAURICE RAVEL Musique (Versionintégrale) 

BENJAMIN MILLEPIED, chorégraphie

DANIEL BUREN, décors

Le programme de l’Opéra Bastille met en regard deux chorégraphes ayant travaillé pour le NY City Ballet, George Balanchine, son fondateur, et Benjamin Millepied, qui y suivi toute sa formation de danseur et de chorégraphe. Sur une œuvre de jeunesse de Bizet, La Symphonie en ut majeur (gorgée de saine juvénilité), George Balanchine signe, en 1947, sa première création pour le Ballet de l’Opéra, Le Palais de cristal, épure formelle frappante par sa proposition à relire et renouveler aussi l’art de la mesure, l’équilibre de la danse française, hommage à la Compagnie et au style français.

Avec Daphnis et Chloé, Benjamin Millepied signe sa troisième création pour le Ballet de l’Opéra de Paris. Prologeant le geste et la pensée balanchiniens, le jeune chorégraphe, directeur de la danse de l’Opéra de Paris, s’inspire des rythmes et des couleurs de la « symphonie chorégraphique » pour orchestre et chœur de Ravel. Les deux ballets sont dirigés par Philippe Jordan, qui accompagne, pour la première fois, les danseurs du Ballet de l’Opéra.

14 représentations du 10 mai au 8 juin 2014 à l’Opéra Bastille

INFORMATIONS / RÉSERVATIONS

Téléphone : 08 92 89 90 90 (0,337€ la minute) -  téléphone depuis l’étranger : +33 1 71 25 24 23

Internet : www.operadeparis.fr

Aux guichets : au Palais Garnier et à l’Opéra Bastille
- de 11h30 à 18h30 le premier jour d’ouverture des réservations de chaque spectacle.  De 14h30 à 18h30 tous les jours de la semaine sauf dimanche et jours fériés.

CD. HJ LIM, piano. Sonates et Valses de Scriabine et Ravel (2012)

HJ_LIM_cd erato ravel scriabineCD. HJ LIM, piano. Sonates et Valses de Scriabine et Ravel (2012). Fougue, vitalitĂ©, profondeur : le piano roi de HJ Lim. Paris, aoĂ»t 2010, elle donnait une intĂ©grale des Sonates de Beethoven, d’une verve et d’un panache dĂ©jĂ  ahurissant (lire notre compte rendu du Beethoven par HJ Lim). La revoici pour Erato après avoir enregistrĂ© cette intĂ©grale Beethoven rayonnante et Ă©nergique Ă  l’Ă©poque chez Emi et l’avoir redonnĂ© en concert en octobre 2012, la toujours jeune pianiste corĂ©enne (moins de 30 ans en 2014), revient en France ce 10 mars 2014 Ă  Paris pour un rĂ©cital Ă©vĂ©nement et sort simultanĂ©ment un nouveau disque dĂ©diĂ© aux valses et Sonates de Ravel et Scriabine, pertinente Ă©vocation de la fougue poĂ©tique du Paris des annĂ©es 1900-1920. (La Valse de Ravel est jouĂ©e en quatre mains devant Diaghilev au printemps 1920). Le feu digital  de HJ Lim est toujours aussi ardent voire audacieusement percussif (bel allant du “très franc” des Valses nobles et sentimentales de 1911), puis toucher liquide et perlĂ© quasi Debussyste, c’est Ă  dire d’une immatĂ©rielle suggestivitĂ©, de la dernière valse ravĂ©lienne (Épilogue), vrai Ă©coute aux univers suspendus et Ă©nigmatiques. L’enchaĂ®nement avec la Sonate n°4 de Scriabine est parfaite : mĂŞme suggestivitĂ© tendue, mystĂ©rieuse d’un mouvement Ă  l’autre, oĂą le pianiste compositeur enfin libĂ©rĂ© de sa charge de professeur au conservatoire de Moscou peut exprimer ici (1903) une fièvre autobiographique surdimensionnĂ©e : du dĂ©miurgique divin dans une très vive sensibilitĂ© humaine (envol tourbillonnant, rhapsodique, lisztĂ©en du Prestissimo volando final)…

Piano envoûtant

CLIC D'OR macaron 200La finesse et la subtilitĂ© de la pianiste très inspirĂ©e se dĂ©voilent ici sans retenue mais avec une pensĂ©e infaillible qui assure au tempĂ©rament en verve, l’unitĂ© organique entre chaque sĂ©quence très caractĂ©risĂ©e (rubato captivant des deux Poèmes de Scriabine). EnchaĂ®ner la Sonate n°5 de Scriabine (un condensĂ© de jaillissement vaporeux) puis la Valse de Ravel montre d’Ă©tonnantes similitudes compositionnelles, une fraternitĂ© d’univers personnels troublants. MĂŞme leur inventivitĂ© classique ou passionnĂ©ment romantique paraĂ®t interchangeable : classicisme de la Sonatine de Ravel, foudroiement des Sonates de Scriabine… mais chiasme rĂ©vĂ©lateur ici, concernant les Valses, les caractères s’inversent : Ravel est bien un visionnaire inclassable et Scriabine, quĂŞteur d’infini, un classique mais si subtil et sensuel facĂ©tieux… La Valse est le point d’orgue d’un rĂ©cital oĂą triomphent le goĂ»t et le tempĂ©rament d’une musicienne de haute voltige : son clavier est vaporeux, vĂ©neneux, d’une transe superlative. C’est peu dire.

Ravel, Scriabine, comme beaucoup ont aimĂ© en peinture affronter dans leur pĂ©riode cubiste, Braque et Picasso : un mĂŞme gĂ©nie Ă  … quatre mains. De tout Ă©vidence ce jeu des confrontations, affinitĂ©s, allusions miroitantes distingue d’abord le toucher funambule, arachnĂ©en de la pianiste corĂ©enne HJ LIM. La syncope fĂ©erique, l’ivresse intĂ©rieure, la cabrure Ă©nigmatique (dĂ©cidĂ©ment le premier des deux Poèmes opus 32 de Scriabine reste notre prĂ©fĂ©rĂ©, plage 16)… Il y a une Ă©vidente parentĂ© de ton, de style, de caractère entre les deux compositeurs : c’est toute la valeur de ce programme magnifiquement conçu, subtilement emportĂ© par une pianiste au talent très original. Dans l’arène des grands du piano, au registre fĂ©minin, les vrais talents sont rares : aux cĂ´tĂ©s des Alice Sara Ott et surtout Yuja Wang chez DG, HJ LIM fait figure de challenger.

Prochain concert de HJ LIM à Paris, le 10 mars 2014 au Théâtre du Palais Royal (Ravel, Chopin, Beethoven). Réservations : 01 42 97 40 00 ou www.theatrepalaisroyal.com

HJ LIM, piano. Sonates et Valses de Scriabine et Ravel. 1 cd Erato. Enregistrement réalisé en avril 2012 à Liverpool.

Ravel en compositeur lyrique

Ravel et l’Ă©criture lyrique
De l’Heure espagnole
Ă  l’Enfant et les sortilèges

(2007, 70 ans de la mort de Maurice Ravel)

A la diffĂ©rence du piano qui n’inspire plus le compositeur Ă  partir de 1920, la voix et son prolongement dramatique, occupent sa vie durant, l’auteur de l’Enfant et les sortilèges. C’est une passion continue, dĂ©clarĂ©e, qui par perfectionnisme, ne trouvant pas tout de suite, une forme nouvelle capable de renouveler un genre qui n’a guère changĂ©, et mĂŞme qui n’a pas “Ă©voluĂ© d’un pouce”, ne se concrĂ©tise que sur le tard, Ă  l’Ă©poque de la pleine maturitĂ©. Certes il y eut les cycles courts, exercices plutĂ´t qu’aboutissements, tous expressions d’une passion Ă  demi assouvie: ShĂ©hĂ©razade dès 1898, puis, entre autres, ses trois cantates pour le Prix de Rome: Myrrha (1901), d’après le Sardanapale de Byron, Alcyone (1902) d’après Ovide, Alyssa (1903), soit trois essais lyriques qui n’eurent coup sur coup, aucun effet sur le jury du Prix.

Une Heure exquise
Ravel pense surtout Ă  fusionner action et musique, dans le sens d’une parfaite fluiditĂ©, et d’un accomplissement immĂ©diat. Pas de contraintes, aucune pression du cadre, quel qu’il soit. Le compositeur fut-il comme on l’a dit, convaincu par le cinĂ©ma, au point d’y reconnaĂ®tre un moment “la forme” tant recherchĂ©e? Peut-ĂŞtre.
Quoiqu’il en soit, les premières mentions autographes de L’heure espagnole, indiquent cet esprit allant de la partition, portĂ©e par une action non contrainte, “lĂ©gère et bon enfant”. Pauvre Ravel: quand il propose son oeuvre Ă  l’OpĂ©ra-Comique, les censeurs crient tout d’abord, Ă  la vulgaritĂ© devant un sujet oĂą il est question d’amant cachĂ© dans une horloge et que l’on transporte jusqu’Ă  la chambre de l’Ă©pouse. Mais la première a lieu le 19 mai 1911. Ravel s’est longuement expliquĂ©. Après le scandale des Histoires naturelles dont la prosodie prĂ©pare directement celle de L’heure espagnole, et le quiproquo sur ses rĂ©elles intentions, le compositeur a prĂ©cisĂ© l’objet de sa première oeuvre théâtrale. C’est une relecture du buffa italien, dans le style d’une conversation, oĂą le chant est proche d’un parlando expressif, souvent ironique voire sarcastique: d’une finesse inaccessible et redoutablement pertinente, le compositeur aime souligner le “mĂ©lange de conversation familière et de lyrisme ridicule”. Ravel parle d’une fantaisie burlesque qui prolonge l’expĂ©rience du Mariage de Moussorsgki, un compositeur dont il se sent proche. Les lignes vocales ondulent, se cabrent avec Ă©lĂ©gance, favorisant les portamentos; l’articulation s’autorisent des contractions de syllabes, des prĂ©cipitĂ©s dĂ©clamatoires expressifs. Ici, l’Ă©pouse, Conception, aussi sĂ©duisante qu’infidèle,  mariĂ©e Ă  Torquemada, l’horloger de Tolède, Ă©reintĂ©e par les beaux parleurs Inigo et Gonzalve, qui ne concrĂ©tisent jamais, minaude et se fixe sur le muletier Ă  l’allure chaloupĂ©e, Ramiro, un costaud pudique Ă  son goĂ»t.
L’humour ravĂ©lien, dĂ©licat et subtil qui jubile Ă  jouer des registres et des degrĂ©s du comique, enchante Koechlin et FaurĂ© mais exaspère Lalo que le style pincĂ© et raide de Ravel, agace comme d’ailleurs bon nombre de critiques dĂ©contenancĂ©s: il parle d’un style qui serait un nouveau PellĂ©as, “Ă©troit, menu, Ă©triquĂ©”. D’ailleurs, l’inimitiĂ© de Lalo Ă  l’endroit du musicien fixe une idĂ©e souvent reprise après lui, sensibilitĂ© de Debussy, insensibilitĂ© de Ravel.  Quant aux vers de Franc-Nohain, ils sont tout autant critiquĂ©s, assassinĂ©s pour leur “platitude”. Et mĂŞme les amateurs conscients des dons de Ravel, sont aussi fatiguĂ©s de les voir gâchĂ©s dans un amusement de placard, quand, selon les mots de Vuillermoz, le musicien est “un magicien créé pour se mouvoir dans le rĂŞve et la fĂ©erie”. Jugement juste mais sĂ©vère. Pour Ravel, L’heure espagnole constitue un point d’aboutissement auquel il n’avait cessĂ© de rĂ©flĂ©chir.

Un enfant pas sage sur le chemin de la compassion
Avec L’enfant et les sortilèges, l’Ă©criture de Ravel Ă©volue; du moins change-t-elle de registre. Après la fine ironie, la mordante satire, Ă  peine appuyĂ©e, le compositeur empreinte un chemin oĂą on l’attendait davantage, celui de l’onirisme et de la fĂ©erie. Qui plus est, sous le sceau de l’enfance. Avant d’occuper le poste de directeur de l’OpĂ©ra de Paris, en juillet 1914,  Jacques RouchĂ© avait demandĂ© Ă  Colette d’Ă©crire le livret d’une fĂ©erie-ballet, tout en pressentant Ravel comme compositeur. Mais lorsque le compositeur reçoit le texte en 1916, il est soldat volontaire, peu enthousiasmĂ© par cette intrigue anecdotique.  Deux annĂ©es passent, pas de retour de flamme. Ravel semble indiffĂ©rent. Entre temps, Colette a adressĂ© le livret Ă  Stravinsky.
Or, brutalement en fĂ©vrier 1919, Ravel se manifeste auprès de l’Ă©crivain et lui demande s’il est toujours possible de composer la musique. Le travail peut commencer. Dès le dĂ©but de son travail, Ravel songe Ă  la figure de l’Ă©cureuil (absent dans le premier texte de Colette qui accepte de l’intĂ©grer); le musicien de plus en plus inspirĂ© par son sujet, affine l’Ă©pisode des chats et surtout le duo swingant de la tasse et de la thĂ©ière. Le Music-hall et l’esprit de la comĂ©die amĂ©ricaine dĂ©poussièrent le vieux genre opĂ©ra. Colette enthousiaste, encourage le musicien qui orfèvre sa partition jusqu’au printemps 1920.
Puis viennent des semaines et des mois de dĂ©pressive inactivitĂ©. Mais sous la pression du directeur de l’OpĂ©ra de Monte-Carlo, Raoul Gunsbourg qui souhaite faire crĂ©er l’ouvrage dans sa salle, Ravel doit poursuivre. Finalement, l’oeuvre tant attendue est créée le 21 mars 1925: pas moins de cinq ans pour achever une oeuvre qui dans son projet initial n’avait rien de stimulant. Au moment de sa crĂ©ation parisienne Ă  l’OpĂ©ra-Comique, le 1er fĂ©vrier 1926, le parterre resta de marbre. Arthur Honegger prit la dĂ©fense de la partition. AndrĂ© Messager de son cĂ´tĂ©, fustigea ce que Lalo avait exĂ©crĂ© de la mĂŞme façon dans L’heure espagnole: son insensibilitĂ©. Et tous les critiques s’entendirent pour ne trouver aucune entente entre le texte de Colette et la musique de Ravel.
L’intĂ©rĂŞt et la nouveautĂ© de l’oeuvre viennent principalement du relief des voix. Pas moins de 31 rĂ´les aux couleurs et aux intonations spĂ©cifiques, qui composent une brillante mosaĂŻque de tonalitĂ©s, en particulier animales (huit rĂ´les d’animaux au total!). Mais la force de la partition ne rĂ©side pas uniquement dans sa capacitĂ© d’invention et de timbres. Le sujet suit une gradation Ă©motionnelle extrĂŞmement subtile lĂ  encore. Effets lyriques, action contrastĂ©e dans la première partie, puis, hymne Ă  la compassion, Ă  l’humanitĂ© quand l’enfant cruel et barbare, sadique et capricieux rĂ©vèle son essence innocente, pure, compatissante. En dĂ©finitive, l’accord, texte/musique se dĂ©voile dans cette ultime partie dont la tendresse et l’appel au pardon atteignent des sommets d’Ă©motions.

Illustrations
Vuillard, Intérieur et scène domestique (DR)
Portrait de Colette (DR)
A propos de Ravel, Cocteau parlait de “chef des petits maĂ®tres de l’impressionnisme”, remarquable par la texture extrĂŞment raffinĂ©e de sa palette et de ses couleurs. Un commentaire qui pourrait tout aussi convenir s’agissant des toiles de Vuillard.

Ravel par Jean Echenoz (Editions de Minuit)

Vertiges du vide. Tout en étant scrupuleusement fidèle à la réalité, l’art de l’écrivain a ce don rare de réinventer la trame du réel… Quoi de plus prodigieux et finalement de plus proche à la musique ?

ravel par Jean EchenozRetisser les fragiles et presque insignifiants détails vécus, produire une tenture recomposée qui, dans l’écriture des fils nouvellement associés, exprime au plus juste l’essence des choses et des sentiments… En réécrivant Ravel, en particulier ses dix dernières années (de décembre 1927 à décembre 1937), Jean Echenoz apporte un éclairage particulier : il sait réinventer les faits, réenchanter le fil vécu pour en distiller, fidèle à l’esprit des œuvres du compositeur, fidèle à sa personnalité secrète autant que discrète, l’esprit évanescent et la subtilité trompeuse.
Ravel est donc le dixième roman de l’écrivain, né à Orange en 1947, prix Médicis en 1983, pour Cherokee ; prix Goncourt en 1999, pour Je m’en vais.
L’apport de l’écrivain renouvelle le genre biographique. C’est que, ce qui nous est donné à lire, plutôt qu’une narration documentée s’apparente pleinement au genre du roman. Pas une évocation précise de dates, ni un catalogue d’œuvres scrupuleusement énumérées mais le fruit d’une vision subjective qui met en lumière une partie de la vie, plutôt que d’aborder la totalité de la carrière (pour découvrir la vie entière du musicien, se reporter à la biographie de Marcel Marnat, chez Fayard). La sensibilité de la plume ajoute ce soupçon de poésie en choisissant précisément d’accompagner le compositeur dans son dernier voyage, achevé avec son décès dans une clinique d’Auteuil, le 28 décembre 1937. Au départ, l’auteur, auditeur régulier de Ravel et intéressé par les années 1930, souhaitait tisser une fiction où la figure de Valéry Larbaud et de Ravel, se seraient croisées…
Mais au final, c’est la personne de Ravel qui devient centrale. Témoin, documentaliste aussi, Echenoz se familiarise avec l’homme. S’abreuver de la matière historique pour rompre la fadeur des faits, des successions d’événements.
Analyste, Echenoz traque au plus juste les manies du musicien : chaussures impeccables, costumes tirĂ©s Ă  quatre Ă©pingles, gauloises, voitures… figure de la musique française, surtout après la mort de Debussy, Ravel travaille son image Ă  la façon d’une incarnation cinĂ©matographique oĂą chaque attitude fait signe. Le portrait est millimĂ©trĂ© et ne laisse place Ă  aucune fantaisie ni dĂ©tente. Le dandy aimait la vie mondaine sans rien dĂ©masquer de sa vie propre. C’est un quinquagĂ©naire comblĂ© par le succès et une tournĂ©e –harassante- aux Etats-Unis qui l’attend au dĂ©but du livre, en 1927. Rien n’est omis dans l’évocation de cette tournĂ©e triomphale aux AmĂ©riques, en 1928. A son retour, Ravel apparaĂ®t dans sa grandeur solitaire, aux bords de l’angoisse et du malaise : « … le sentiment de solitude lui serre la gorge plus douloureusement que le nĹ“ud de sa cravate Ă  pois. »
La plume assemble et redirige les éléments réels comme pour mieux traquer sa proie. Ravel parle de ses journées à ne rien faire, habité par l’idée d’un vide inéluctable. Il semble souffrir : insomnies incontrôlables, insatisfaction profonde quant à son œuvre. Il semble nous dire : « qu’ai-je réellement dit ? Quel est le sens de tout ce que j’ai écrit et composé ? ». Il y a un fossé et un décalage de plus en plus oppressants entre l’œuvre du compositeur et les sentiments de l’homme. L’écriture d’Echenoz reconstruit aussi des parallèles fascinants : entre Ravel et Faulkner, qui avaient la même taille (1,61m) et jusqu’à Conrad, dont le compositeur était lecteur et qui conclue son œuvre quand Ravel recueille palmes et lauriers que la sienne suscite…
Plus la machine romanesque avance, plus le portrait s’affine et le style est affûté : le musicien semble accablé par le poids d’un secret trop lourd à porter seul. Et la musique ? Le miroir torturant de sa propre impuissance, pas une délivrance ni un baume. Une mécanique déshumanisée : « Bref c’est une chose qui s’autodétruit, une partition sans musique, une fabrique orchestrale sans objet, un suicide dont l’arme est le seul élargissement du son. »
Jusqu’à ce jour de 1932, où un accident décide définitivement de cette course à l’abîme : en vérité infiniment plus qu’une narration historique ou compassée, le regard de l’écrivain opère par un jeu de distanciation mesurée et parfaitement conscient, le dévoilement des enjeux, ce qui est pour chaque nouvelle partition, à l’œuvre dans l’œuvre.
Ce Ravel est d’abord un objet littéraire ; ni biographie, ni fiction ; un texte médian, époustouflant et délectable. Que les mélomanes, ravéliens avertis ou amateurs, y retrouvent leur Ravel tel qu’en lui-même, dans la succession des détails de la vraie vie, au demeurant très/trop rares (l’homme est demeuré volontairement à l’écart de la scène médiatique), ajoute à la valeur de ce texte marquant.

 

Jean Echenoz : Ravel (Editions de Minuit), parution : avril 2006, 128 pages

Lorin Maazel et Alice Sara Ott jouent Ravel

arte_logo_175Concert Ravel par Maazel et AS Ott. Arte, le 2 juin 2013, 19h   …   Lorin Maazel a pris les rĂŞnes de l’Orchestre philharmonique de Munich en septembre 2012. Ă€ 82 ans, son dynamisme, son goĂ»t de l’aventure, sa curiositĂ© rayonnent. Depuis trois ans, il porte une attention particulière aux artistes Ă©mergents.
Alice Sara Ott était soliste pour l’un de ses premiers concerts à la tête de la Philharmonie de Munich. La jeune pianiste germano-japonaise a déjà remplacé des stars comme Lang Lang ou Hélène Grimaud. Son jeu fluide, naturel, a un petit côté espiègle, sans rien de surfait, qui a impressionné le public autant que la critique. Un talent qui n’a pas échappé à Lorin Maazel.

Pour leur premier concert ensemble, ils interprètent le Concerto en sol majeur de Ravel, composé dans l’esprit de Mozart et de Saint-Saëns. Alice Sara Ott en apprécie tout particulièrement les accents jazzy et l’approche chambriste du seul concerto que Ravel ait écrit pour piano à deux mains. Lorin Maazel a lui-même interprété toutes les œuvres du compositeur français, en tant que violoniste et chef d’orchestre. De brefs extraits montrent Lorin Maazel, Alice Sara Ott et l’orchestre lors des répétitions à Munich.
Pour le rappel, Lorin Maazel et l’Orchestre philharmonique de Munich, jouent La Valse, autre partition irrésistible de Maurice Ravel.
Enregistré le 26 septembre 2012 à la Philharmonie im Gasteig, à Munich
Maurice Ravel , Concerto en sol majeur, La Valse
Direction : Lorin Maazel
Piano : Alice Sara Ott
Orchestre philharmonique de Munich

CD. Stravinsky: Le sacre du printemps (Jordan, 2012)

CD. Philippe Jordan fĂŞte avec voluptĂ© les 100 ans du Sacre de Stravinsky   …   EnregistrĂ© en mai 2012 Ă  l’OpĂ©ra Bastille, ce nouvel album (le 2è dĂ©jĂ ) de Philippe Jordan avec l’Orchestre de l’OpĂ©ra national de Paris confirme les prĂ©ludes amorcĂ©s entre chef et musiciens : une entente Ă©vidente, un plaisir supĂ©rieur pour vivre la musique ensemble. Depuis leur Symphonie Alpestre de Strauss, montagne philharmonique d’une prodigieuse narration sonore frappĂ©e du sceau de l’imagination climatique, les interprètes se retrouvent ici en mai 2012 pour deux autres sommets de la musique symphonique française et spĂ©cifiquement parisienne. Dans l’histoire des Ballets Russes, le PrĂ©lude comme le Sacre du printemps indiquent clairement un point d’accomplissement pour les deux compositeurs : l’ivresse Ă©rotique et l’enchantement semi conscient s’impose Ă  nous dans un PrĂ©lude d’une dĂ©licatese infinie; quant au Sacre, voilĂ  longtemps que l’on n’avait pas Ă©coutĂ© direction aussi parfaite et Ă©quilibrĂ©e entre prĂ©cision lumineuse (dĂ©tachant la tenue caractĂ©risĂ©e et fortement individualisĂ©e de chaque instrument protagoniste) et expressionnisme symboliste !

Le Sacre enchanté de Philippe Jordan

stravinsky_debussy_prelude_faune_sacre_printemps_naive_cd_philippe_jordan_opera_de_parisLa baguette de Philippe Jordan aime ciseler dans la suggestion mais aussi ici, mordre dans l’ivresse libĂ©rĂ©e des timbres associĂ©s d’une infinie inventivitĂ© ; le chef s’appuie sur la manière et le style supraĂ©lĂ©gant des instrumentistes parisiens dont les prĂ©dĂ©cesseurs en mai 1913 dans la fosse du TCE avaient fait la rĂ©ussite rĂ©volutionnaire de la partition. Jordan ajoute une prĂ©cision Ă©lectrique et incandescente, une vision de poète architecte aussi qui sait unifier, structurer, dĂ©velopper une dramaturgie supĂ©rieurement aboutie… et frappante par son relief, sa vivacitĂ©, comme des teintes plus dĂ©licatement nimbĂ©es et voilĂ©es.
Fureur et ivresse des timbres associĂ©s. ComparĂ©e Ă  tant d’autres versions soit rutilantes, soient sèches, soit littĂ©ralement narratives, Philippe Jordan apporte aussi le mystère et l’enchantement, toute la poĂ©sie libre des instruments sollicitĂ©s. Quelle maestria ! Quelle conviction dans la tension progressive… La voluptĂ© de chaque Ă©pisode est nourrie d’un onguent magicien ; l’expĂ©rience lyrique du chef, directeur musical de l’OpĂ©ra, en est peut-ĂŞtre pour beaucoup et l’on se dit que Nicolas Joel n’aura pas tout rater Ă  Paris: nommer le fils du regrettĂ© Armin Jordan, capable de vrais miracles Ă  Paris, Philippe Ă  la tĂŞte de l’orchestre maison aura Ă©tĂ© un acte convaincant qui porte aujourd’hui des fruits Ă©clatants.  Voici du Sacre du printemps et pour le centenaire de l’oeuvre, une nouvelle version de rĂ©fĂ©rence sur instruments modernes. Le champion et pionnier dans le domaine s’agissant de la partition de Stravinsky demeurant Ă©videmment le geste du français François-Xavier Roth, d’une maĂ®trise incomparable sur instruments parisiens d’Ă©poque (1913) et rĂ©vĂ©lateur en ce sens des formats sonores et des timbres instrumentaux originels… après la tournĂ©e 2013, le disque devrait sortir fin 2013/printemps 2014.

Sur instruments modernes, le chant des instruments fait tout ici, et renforce la réussite magistrale de cet enregistrement dont on ne saurait trop souligner avec admiration le miracle de la volupté instrumentale.

Inscrire enfin le BolĂ©ro ravĂ©lien après les deux chefs d’oeuvre Debussyste et Stravinskien est de la meilleure inspiration : une claire confirmation que l’orchestre et leur chef se montrent très inspirĂ© par la lyre symphonique française postromantique : Du PrĂ©lude au Sacre en passant par le BolĂ©ro, soit de Debussy, Stravinsky Ă  Ravel se joue ici tout le dĂ©lirant apanage, bruyant et millimĂ©trĂ© du symphonisme français. Lecture rĂ©jouissante.

Debussy: PrĂ©lude Ă  l’après-midi d’un faune. Stravinsky: le Sacre du printemps. Ravel : BolĂ©ro. Orchestre de l’OpĂ©ra national de Paris. Philippe Jordan, direction. 1 cd NaĂŻve, enregistrĂ© Ă  Paris, OpĂ©ra Bastille en mai 2012. DurĂ©e : 57mn. NaĂŻve V 5332.

CD. Teodora Gheorghiu chante l’Art Nouveau (1 cd ApartĂ©)

CD.Teodora Gheroghiu: Art Nouveau. 1 cd Aparté
Teodora Gheorghiu chnate l'Art NouveauPassionnĂ©e par la subtilitĂ© caressante des lieder de Strauss, la soprano roumaine Teodora Gheorghiu est-elle pour autant une straussienne accomplie ? Le soprano tĂ©nu, d’une fragilitĂ© arachnĂ©enne de soprano colorature cisèle chaque Ă©pisode du premier recueil Mädchenblumen opus 22, oĂą pourtant la voix dans l’articulation du texte floral, incarne l’extrĂŞme sophistication musicale avec une grâce indiscutable, mais qui parfois paraĂ®t un rien… tendue. L’Ă©trangetĂ© flottante des 3 suivants, OphĂ©liens, lui sied peut-ĂŞtre mieux mĂŞme si l’enchantement purement straussien (Wasserrose), qui clĂ´t le dernier du cycle prĂ©cĂ©dent opus 22, Ă©tait proche du sublime (c’est son lied prĂ©fĂ©rĂ©). Mais la langueur Ă©tale, elle aussi d’une pâle et morne complainte de Sie trugen ihn auf der Bahre bloĂź, s’apparente sans effort ni appui Ă  la petite sĹ“ur de… Zerbinette ? L’Ă©clat sans maniĂ©risme d’aucune sorte, le soin du verbe, l’agilitĂ© sur le souffle, l’abattage d’une fine Ă©lĂ©gance confirment aussi l’art de la diseuse.

Il y a comme une douce et tendre blessure dans le timbre, proche parfois par son grain serrĂ© d’une Anne-Catherine Gillet, elle aussi diseuse hors pair et rĂ©cente Juliette chez Gounod, inoubliable. Parfaite ainsi pour les âmes angĂ©lique et pure de l’opĂ©ra romantique par exemple (candeur enfantine du 12: Blaues Sternlein), Teodora Gheorghiu sait aussi nuancer et colorer avec gravitĂ© et profondeur une voix qui n’aurait Ă©tĂ© rien que… sans saveur. C’est pourquoi la ciselure des connotations si explicites et d’une remarquable finesse dans les 6 Zemlinsky nous paraissent majeures (Fensterlein, nacht bist du zu, puis Ich geh’des Nachts, francs et flexible car plus dans le medium).

Teodora Gheorghiu chante l’Art Nouveau

Classe roumaine d’une nouvelle diseuse

MĂŞme puretĂ© Ă  la fois embrasĂ©e et tragique pour les Cinq mĂ©lodies populaires grecques de Maurice Ravel: très belle entrĂ©e avec Le RĂ©veil de la MariĂ©e, intimitĂ© tragique de “LĂ -bas, vers l’Ă©glise”... Dans les mĂ©lodies  harmonisĂ©es par le compositeur français, la diva capte toute l’activitĂ© intĂ©rieure souvent douloureuse des textes sans affectation, retrouvant l’Ă©pure, la simplicitĂ© du trait d’un Ravel très inspirĂ© par le souffle des mĂ©lodies rurales et populaire. Certes on objectera que la voix est petite, parfois serrĂ©e et le français pas toujours idĂ©alement articulĂ©e ni brillant dans les aigus notamment (Ă©cueil ordinaire des sopranos lĂ©gers), mais l’Ă©nergie et l’intensitĂ© ciselĂ©e font la rĂ©ussite de ce rĂ©cital Art Nouveau aussi riche que techniquement et stylistiquement redoutable. Le timbre est idĂ©al pour le climat de langueur nacrĂ©e et blanche de la ” Ballade de la reine morte d’aimer “… Suggestive, d’une musicalitĂ© rentrĂ©e et introspective, Teodora sculpte de la mĂŞme manière, avec une distinction sincère, sophistication naturelle (divin oxymore et signe d’un accomplissement) les derniers lieder de Respighi, Ă  l’archaĂŻsme lui aussi riche en connotations et images. antiquisantes entre autres… et d’une profondeur picturale (enchantement funambule d’Acqua). Très beau rĂ©cital.

Teodora Gheorghiu, soprano. Art Nouveau: mélodies et lieder de Ricahrd Strauss, Zemlinsky, Ravel, Respighi. Jonathan Aner, piano. 1 cd Aparté AP054. Enregistré en Suisse, décembre 2012.