vendredi 19 avril 2024

COMPTE-RENDU, critique, opéra. METZ, Opéra, le 16 juin 2019. BIZET : Carmen. J M Pérez-Sierra / P-E Fourny

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bizet-jeune-compositeurCOMPTE-RENDU, critique, opéra. METZ, Opéra, le 16 juin 2019, Carmen (Bizet) / José Miguel Pérez-Sierra – Paul-Emile Fourny. D’une vie dramatique intense, c’est la version opéra-comique qui nous est offerte, privée des dialogues comme des amputations de Guiraud. Cette nouvelle Carmen a fait l’objet d’une réécriture dramatique, assortie de quelques modifications qui affectent surtout les passages parlés. Nous sommes transportés dans les années 50, avec une transposition des fonctions qui n’altère ni la psychologie des personnages, ni les ressorts du drame. Paul-Emile Fourny nous offre un début en forme de polar, qui éclaire l’ouvrage d’un jour nouveau.

 

 

La Carmen d’un chef

 

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Carmen est habilleuse d’un théâtre, où l’on joue Carmen. Don José est inspecteur de police. Le flash-back du début surprend, au premier abord. Mais on intègre vite ce dépaysement singulier, pour l’oublier ensuite. Les dialogues modifiés ou ajoutés sont savoureux et nous valent des moments de beau théâtre, où le sourire comme l’émotion ont leur place. Ainsi, lorsque Lilas Pastia commence à dire « je suis le Ténébreux… » (sonnet de Nerval) on est partagé entre étonnement et admiration.

La production sera reprise pour la fin d’année à Jesi (dans les Marches), puis à Massy, Reims, Avignon et Clermont-Ferrand. Pour autant, la nécessité d’adapter les décors à tant de cadres scéniques ne se ressent pas : Simples, valorisées par des lumières de bon goût, les différentes scènes s’enchaînent pour nous ménager de beaux tableaux, avec une économie de moyens. Le défilé, de l’acte IV, animé par les choristes et leurs masques, prend ici une vie singulière : le regard mobile de tous, ou d’un groupe, suffit à renouveler l’intérêt de cette page spectaculaire. Le dénouement « C’est toi ? C’est moi », concis, sobre, revêt ici toute sa puissance dramatique, l’émotion est au rendez-vous.

Carmen est une heureuse découverte. Bien qu’elle l’ait chantée à Prague, Mireille Lebel, jeune mezzo canadienne, n’est apparue que ponctuellement en France, particulièrement à Metz où l’on se souvient de sa Charlotte, de Werther. Avec la plus large palette expressive, elle nous vaut une belle Carmen. La voix est sonore, timbrée, égale jusque dans les registres extrêmes. Le jeu dramatique est abouti. Le chant de Sébastien Guèze, Don José, peut être séduisant, lyrique, lorsqu’il ne force pas son émission. On regrette que la voix s’engorge fréquemment, y compris dans les moments où une puissante projection ne s’impose pas (« Ma mère, je la vois… »). L’aisance devrait venir, c’était la première, avec la concentration afférente. Gabrielle Philiponet est familière de Micaëla, qu’elle chantait il y a peu à l’Opéra Bastille. Une belle voix, dont on regrette que la séduction soit parfois altérée par un vibrato large et une projection appuyée. Des autres solistes, aucun ne démérite. Benjamin Mayenobe, baryton puissant, a l’autorité requise pour imposer son remarquable Moralès, aux aigus bien projetés. Il en va de même pour le Zuniga de Jean-François Setti, imposant, et l’Escamillo de Régis Mengus. Les diablesses, complices de Carmen, Frasquita (Capucine Daumas) et Mercédès (Cécile Dumas) sont savoureuses tant par leur chant parfaitement accordé que par leurs qualités de comédiennes. Les ensembles et les chœurs emportent l’adhésion, vifs, clairs, sonores et intelligibles y compris dans des tempi rapides.

 

 

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Le geste ample, démonstratif, de José Miguel Pérez-Sierra lui vaut un engagement collectif où l’Orchestre national de Metz se distingue par des qualités peu communes. Précis, à la plus large dynamique, chacun écoutant l’autre, avec de superbes phrasés, des couleurs idéales, dans un discours construit, qui s’accorde au chant et au drame, cette formation donnerait bien des leçons à des ensembles prestigieux. Sous la baguette de ce chef (qui aborde Carmen pour la première fois), les entractes, particulièrement les deux derniers, sont magnifiés, aux tempi justes, avec toute la caractérisation attendue. Enfin, les talents de Bizet symphoniste, avec ses rythmes, ses couleurs, son élégance et sa force, sont servis magistralement.

 

 

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COMPTE-RENDU, critique, opéra. METZ, Opéra, le 16 juin 2019, Carmen (Bizet) / José Miguel Pérez-Sierra – Paul-Emile Fourny / Illustrations : © Luc Bertau – Opéra-Théâtre de Metz Métropole

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