CD, événement, critique. Johan Farjot : Childhood (1 cd Klarthe records). Jazzman, féru de culture américaine, Johan Farjot a réuni dans ce programme plusieurs amis et partenaires instrumentistes ; entre autres des complices familiers de son propre ensemble Contraste. Pour ce premier cd monographique, le compositeur présente 13 pièces plutôt courtes en un plan équilibré où la pensée musicale se révèle économe, opérant par formes condensées et sans dilution. Farjot offre plusieurs solos aux instruments, leur réservant pour chacun de superbes fenêtres expressives et lyriques, d’un essor digital non feint, qui permet une acuité assumée, heureuse… c’est le cas du solo pour clarinette (« Skyscapers »: belle vivacité crépitante), de « Carmen d’Escale » pour violon, et surtout « Nuit d’Adieu » pour alto, méditation qui accompagne la mort d’un ami, tout d’une plénitude assagie, suspendue (dernier épisode du programme).
Réfléchi et riche en climats intimes, le programme est une sorte d’introspection personnelle, un arrêt sur image au mi temps d’une vie, d’où le titre de la plage 7, emblématique… : « nel mezzo del cammin » / au milieu du chemin ; d’après les premiers vers de la Divine comédie de Dante (Chant 1 de l’Enfer), c’est une exaltation à deux voix, comme deux fées qui proclament, sereines mais déterminées. Les 3 haikus témoignent eux aussi d‘un goût sûr pour le développement mesuré, la connaissance de chaque timbre et l’ambitus expressif que l’association de plusieurs, permet d’explorer. Ils sont tous constitués de 44 mesures… référence discrète à l’âge même du compositeur.
Pas à pas ce dernier y affirme une fascination pour ce temps et ce sentiment de l’enfance, insouciance, innocence qui inscrivent son travail dans le sillon des Français (Debussy, surtout Maurice Ravel…), d’où le titre de l’album ( » Chilhood » » / enfance). Il le dit lui-même : alors que nous vivons en permanence hyperconnectés, dans un flux divertissant continu, le temps musical renoue avec l’essence de l’âme, un temps psychologique sans enjeux où le temps suspendu, retrouvé, renoue avec cet ennui primordial (du temps de l’enfance) porteur d’une quête infinie, laquelle inspire aujourd’hui le compositeur. Mais c’est une nostalgie heureuse et intime qui s’accomplit ici. Et justement « Childhood 1 » (en ouverture), avec le pianiste et compositeur Karol Beffa convoque ce temps suspendu de l’enfance vécue, à nouveau espérée.
Le Quatuor s’invite aussi, dans « Molly’s Song » pour violon, alto, violoncelle et piano, alternant des plages d’un dramatisme mordant, âpre, et courtes pauses d’un oubli plus apaisé. L’écriture se joue de ce rapport contrasté de séquences, fort en oppositions, quand tout s’achève dans un murmure énigmatique, interrogatif. Pour ensemble de saxophones (ici l’ensemble Saxo Voce sous la direction du compositeur), « New York City » déroule comme des rubans riches en échos et vagues suaves, les timbres voluptueux des cuivres en une évocation bienheureuse de la City.
D’un spectre plus dense encore et pour un large effectif, « Sea Shanties » permet à Johan Farjot de diriger son ensemble Contrastes, explorant des zones d’ombres, de demi teintes d’où émerge le chant comme décalé du piano, du violoncelle, de la clarinette. Et comme un formidable baisser de rideau, pour conclure en suggestion ténue, « Nuit d’adieu » superbement investi par l’alto d’Arnaud Thorette, un complice de longue date, touche en son dénuement viscéral et sincère.
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CD événement, critique. JOHAN FARJOT : CHILDHOOD (1 cd Klarthe records)
https://www.klarthe.com/index.php/fr/enregistrements/childhood-detail
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programme du cd « Chilhood » :
Childhood 1
Karol Beffa, piano
Haïku 1
Karine Deshayes, mezzo-soprano / David Bismuth, piano
Molly’s Song
Hugues Borsarello, violon / Arnaud Thorette, alto
Antoine Pierlot, violoncelle / Jérôme Ducros, piano
Pater Noster
Paco Garcia et Martin Candela, ténors
Igor Bouin et Olivier Gourdy, barytons
New York City
Ensemble Saxo Voce / Johan Farjot, direction /
Thibaut Canaval et Kévin Le Mareuil, saxophones soprano
Mary Osborn et Zephania Lascony, saxophones alto
Anne-Cornélia Détrain et Stéfane Laporte, saxophones ténor
Christophe Boidin et Malo Lintanf, saxophones baryton
Carmen d’escale
Geneviève Laurenceau, violon
Nel mezzo del cammin
Amélie Raison, soprano / Ambroisine Bré, mezzo-soprano
Mathilde Borsarello, violon 1 / Bleuenn Le Maitre, violon 2
Arnaud Thorette, alto / Antoine Pierlot, violoncelle
Haïku 2
Ambroisine Bré, mezzo / Arnaud Thorette, alto
Skyscrapers
Pierre Génisson, clarinette
Childhood 2
Raphaël Imbert, saxophone / Guillaume Cornut, piano
Sea Shanties
Ensemble Contraste
Arnaud Thorette, alto / Jean-Luc Votano, clarinette / Johan Farjot, piano
Haïku 3
Paco Garcia et Martin Candela, ténors / Igor Bouin et Olivier Gourdy, barytons
Johan Farjot, piano et direction
Nuit d’Adieu
Arnaud Thorette, alto
VIDÉO
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Johan Farjot joue Chilhood 1 (piano) :