vendredi 19 avril 2024

CD événement, critique. HAENDEL : MESSIAH, Le Messie – Jordi Savall (2 cd ALIA VOX, déc 2017)

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critique-582-haendel-savall-le-messie-messiah-oratorio-hwv-56-savall-chapelle-royale-de-versailles-critique-review-critique-cd-opera-concert-classiquenews-alia-vox-dec-2019CD événement, critique. HAENDEL : MESSIAH, Le Messie – Jordi Savall (2 cd ALIA VOX, déc 2017) – enregistrée sous la voûte de la chapelle royale de Versailles, cette lecture du Messie de Haendel, chef d’œuvre incontestable du Saxon baroque dans le genre de l’oratorio anglais (1742), ravira les plus exigeants. Arguments de poids de cette production sous la direction du catalan Jordi Savall, parmi les solistes, le très subtil soprano de l’écossaise Rachel Redmond (habituée des Arts Flo et lauréate du Jardin des Voix), mais aussi le formidable baryton Matthias Winckhler, nuancé, élégant, souple et naturel… sans omettre le geste choral palpitant des chanteurs de la Capella Reial de CatalunyaLe Concert des Nations et son « concertino » Manfredo Kraemer assurent le relief et le souffle d’une partition irrésistible dans ses évocations naturalistes et spirituels.
La partition tel un miracle inespéré, lumineux surgit après l’année noire 1737 quand le théâtre d’opéra qu’il avait fondé fait faillite, que surmené, et trop productif, il est foudroyé par une paralysie (du bras droit, en avril), que meurt le 20 nov, sa seule protectrice la plus fervente et amicale, la Reine Caroline (épouse de Georges II), honorée dans le sublime Funeral Anthem. Pourtant Haendel au fond du gouffre ressuscite. De ce traumatisme intime naît un nouveau genre l’oratorio anglais dont il fait un écrin spirituel d’une exceptionnelle intensité. La renaissance de Haendel passe ainsi : après une cure de vapeur à Aix la Chapelle, on le pensait fini, il enchaîne ressuscité, une nouvelle carrière qui le mène directement vers la gloire. Le Messie / The Messiah raconte cela surtout : la sublimation et le salut d’une âme donnée pour perdue. Dont la partition du Messie exprime l’inflexible espoir, l’inaltérable foi en Dieu. Les textes des trois parties sont invitation à la méditation, dans la confrontation de ce qu’a réalisé le Christ.

à Versailles,
Majesté et méditation du Messie
par Jordi Savall

A Versailles, Jordi Savall offre une lecture pleine de panache et de ferveur, selon l’expérience personnelle de Haendel à l’époque de la composition de la partition du Messie. Le chef catalan en construit l’architecture méditative, telle la confession sincère d’un homme miraculé qui rend grâce et remercie dans la joie.  Jordi Savall souligne la profondeur des textes qui citent et évoquent la grandeur morale du Christ sans le portraiturer directement mais l’exposent continument comme source d’admiration. Le chœur participe intensément à la suggestion et les solistes soulignent la nécessité de méditer cet exemple de vertu inlfexible et de volonté tragique.

Passons sur les petites faiblesses de cette lecture globalement superlative (en réalité qui concernent 2 solistes éreintés). Le ténor Nicholas Mulroy plafonne ; voix fatigué et trop lisse, il n’empêche pas son medium d’être voilé, ce qui l’écarte d’une réelle brillance du timbre (en particulier dans la seconde partie où le ténor est le plus sollicité ; ses airs manifestent l’autorité belliqueuse divine ; le timbre est sans aucun éclat ; dommage). Même triste constat pour un Damien Guillon en déça de ce que nous connaissons : voix faible et intensité comme justesse en fragilité. C’était pour le chanteur français, un soir sans âme ni éclat.

Par contre le choeur final de la partie centrale (II) « Allelujah » confirme l’excellente tenue des choristes ; aussi racés, exaltés, dramatiques mais sans épaisseur, détaillés, articulés que les chanteurs des Arts Flo : c’est dire. Dans cette conclusion de la seconde partie,- la plus virtuose et éclatante, à la fois majestueuse et volontaire de Haendel (rappelant Zadok), le collectif choral se montre nerveux ; il confirme l’excellente préparation de la Cappela Real de Catalunya et une évidente intelligence haendélienne. Associé à l’orchestre et aux autres solistes, le chœur ainsi convaincant, demeure le pilier de cette lecture sur le vif. La vivacité de chaque pupitre renforce la clarté de la polyphonie (fugue finale), ainsi que le geste dramatique de chaque section chorale. Voici un chant habité, incarné : celui des fervents illuminés à la fin, et auparavant chœur des anges, des brebis égarées, chœur de haine, de violence, selon l’exhortation des solistes et les épisodes bibliques qu’ils évoquent ; la justesse expressive des choristes est indiscutable ; elle réussit à déployer le souffle spirituel et l’ardente aspiration dans l’espérance.  Le choeur, la soprano, la basse associé au geste impétueux, éclatant mais nuancé de l’orchestre réalisent un sans faute.

La présence rayonnante, son angélisme pour le coup lui aussi, lumineux et sûr de Rachel Redmond, son émission naturelle, sa couleur tendre et déterminée, reste le second pilier de cette lecture ; son air de ferveur apaisé et accomplie, (d’après Job), « I know that my Redeemer… » qui ouvre les lumières de la Partie III – évoquant surtout la Résurrection, atteste de cette certitude de Haendel, ce miraculé terrassé, à jamais confirmé. La succession de ces deux séquences – chœur exultant, soprano en lévitation-, demeure très convaincant.
Même tenue exemplaire, autant dramatique qu’inspirée, du baryton Matthias Winckhler qui affirme tout autant une sureté naturelle, ronde et magnifiquement timbrée – expression du fervent touché par la grâce qu’il reçoit peu à peu (son dernier air solo avec trompette « the trumpet shall sound » rayonne littéralement, à la fois sobre, flexible, libre).
CLIC_macaron_2014D’ailleurs, toute la troisième partie, confirmation du miracle de la Résurrection et de la défaite de la mort – grâce aux airs pour soprano, pour basse (avec trompette) et dans le duo ténor / alto, exprime la profondeur et l’activité de la méditation à laquelle Haendel nous invite : il a vu comme une révélation, – après sa guérison miraculeuse, Dieu dans le ciel dans une vision spectaculaire et éblouissante ; ce témoigne nous est offert à travers la musique, vivante, fragile, vibrante sous la direction très fraternelle de Jordi Savall. Magnifique lecture qui mérite bien cet enregistrement mémorable. CLIC de CLASSIQUENEWS de décembre 2019.

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CD événement, critique. HAENDEL : MESSIAH, Le Messie – Redmond, Winckhler, Capella Real de Catalunya… Jordi Savall (2 cd ALIA VOX, Versailles déc 2017)  –   CLIC de CLASSIQUENEWS de décembre 2019.

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Approfondir 

visiter le site du baryton mozartien / haendélien :
https://www.matthiaswinckhler.de/en/oper

celui de la soprano Rachel Redmond
http://rachelredmondsoprano.com/fr/accueil/

voir Rachel Redmond dans le Messie de Haendel,
autre production 2015  –  Le Concert d’Anvers
/ Bart Van Reyn
https://www.youtube.com/watch?time_continue=834&v=xSWreIkLM3E&feature=emb_logo

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