La facilité des musiciens de Pasticcio Barocco menés par l’hyperactif oboïste David Walter savent tirer profit de l’écriture flamboyante de Zelenka, tout en éclairant aussi la multiplicité inclassable d’une oeuvre de bout en bout exceptionnelle: à la dextérité volubile des trois protagonistes répond l’activité d’un continuo complice et chatoyant, tout en nuances…
Vitalité rayonnante aux modulations harmoniques surprenantes (allegro initial du N°5); agilité plus délicate et même inquiète (allegro final de la même Sonate N°5 comprenant une partie virtuosissime pour le basson), andante presque grave et nostalgique (N°4), souffle déjà mozatien de l’adagio qui suit, d’une sereine et éloquente nonchalance (égale en cela à la suprême douceur presque tendre de l’adagio de la N°6), où comme toujours, le jeu dialogué des deux hautbois et du basson complice tisse une conversation chambriste d’une éloquence énergique et enjouée… Pasticcio Barocco signe ici l’une de leurs meilleures gravures discographiques.
Même sur instruments modernes, les musiciens démontrent un sens conquérant de l’articulation et de l’intonation, dévoilant tour à tour, dans chaque sonate qui est d’une versatilité redoutable, une sensibilité mûre, souvent remarquable par leur sens du coloris, et de la sonorité (ciselant en contraste bondissant entre le grave rayonnant de la contrebasse complice du basson, avec le babil des hautbois), leurs atmosphères ténus, un raffinement dynamique qui précise ce en quoi le style de Zelenka est bien digne du meilleur Haendel et du plus grand Bach. A Vienne, Fux ne le retient pas: estimant après un an qu’il lui avait déjà tout appris; Zelenka fit-il ensuite le voyage en Italie, apprenant auprès de Lotti… rien de moins sûr! Et pourtant écoutez cette prodigieuse richesse mélodique: comme plus tard Campra s’exprimant à propos de l’Hippolyte ramiste, on aurait pu déclarer face aux Sonates qu’il y a bien un matériau musical pour 10. Tout le geste des instrumentistes se distingue par cette facilité certes virtuose, mais aussi grâce à la profondeur qu’ils savent exprimer et subtilement incarner, avec un tact souverain.
Figure mystérieuse que celle de Zelenka qui à plus de 50 ans, malgré ses bons et loyaux services à la Cour de Dresde, se voit devancé par Hasse qui lui souffle le poste de maître de Chapelle en 1731. « Z » avait pourtant démontré une inspiration d’une rare inspiration en matière sacrée pour nourrir la ferveur de sa protectrice la princesse Maria-Josepha, belle fille d’Auguste II, comme il avait montré une pureté de ton inouïe dans la tenue de ses Sonates en trio, écrites probablement entre 1720 et 1722. Les amateurs, lirons pour mieux connaître l’étendue d’une oeuvre rare et superbe, la biographie « Jan Dismas Zelenka » parue chez Bleu Nuit.
Le contexte de commande des Sonates demeure inconnu, mais il se pourrait que les destinataires des partitions d’une difficulté réelle aient pu être les instrumentistes de l’orchestre de la Cour dresdoise, alors l’un des plus remarquables d’Europe comptant entre autres plusieurs interprètes chevronnés dont les hautboïstes Le Riche et Richter, les bassonistes Böhme ou Cadet, Pisendel pour la partie de violon et bien sûr, option vraisemblable mais non documentée, Zelenka lui-même au violone… ainsi s’adoucit et s’humanise même le profil d’un musicien singulier, à part, solitaire, qui semble dévoré par un feu intérieur tenu secret… culpabilité tenace liée à sa probable homosexualité? Qu’importe … si les détails de sa vie réelle restent hypothétiques, sa musique fait foi d’une profonde créativité, d’une invention flamboyante dont Pasticcio Barocco souligne les crépitements jubilatoires.
Zelenka: Sonates en trio (N°4, 5 et 6) pour 2 hautbois, basson et continuo. Pasticcio Barocco: David Walter, Hélène Gueret, hautbois. Fany Maselli, basson. Esther Brayer, contrebasse. Rémi Cassaigne, théorbe. Mathieu Dupouy, clavecin.
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expriment l’énergie exaltée et la passion continue des Sonates en trio de Jan Dismas Zelenka, génie oublié du baroque dresdois… Le disque
Zelenka de Pasticcio Barocco paraît en février 2011 chez le label Hérisson. Reportage vidéo exclusif