jeudi 18 avril 2024

Yannick Simon: « Composer sous Vichy » Editions Symétrie

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Composer sous Vichy

Composer sous Vichy: écrire de la musique devient un acte fort ici selon que l’on résiste, ou que l’on se soumette et pactise avec l’occupant. L’apport de ce livre ouvre de nouvelles perspectives dans une période que l’on commence à peine à étudier avec scrupule et recul (car il en faut nécessairement pour demeurer crédible). Or l’auteur sait justement trouver la voie idéale, en historien et en musicologue: ni partisan, ni instructeur partial: il reporte les faits, rien que les faits afin d’alimenter une photographie très précise de la vie musicale dans l’Hexagone, pendant les quatre années concernées, de 1940 à 1944. Voici donc la vie musicale en France sous l’Occupation.

Yannick Simon lève le voile sur un période « honteuse ». Quels sont les
compositeurs hexagonaux qui pendant le régime de Vichy, ont fait acte
d’allégeance, sans scrupule morale ni éthique, à l’occupant nazi? Quels
sont ceux qui ont à l’inverse écrit et fait de composer, un acte de
résistance?

Henri Rabaud oeuvre pour transférer dans la France occupée, une organisation de la musique calquée sur l’organisation de la musique dans l’Allemagne hitlérienne. Honneur et grandeur morale, en revanche, en ces temps de terreur et de soumission à Francis Poulenc, ou aux interprètes tels Irène Joachim et Roger Désormière pour qui entrer dans la Résistance, est un devoir.

Agent officialisé du rapprochement franco-allemand du début des années 1940, le groupe « Collaboration » est par exemple totalement dévolu aux intentions de l’occupant (plus de 40 000 membres en mai 1944!). L’organigramme comprend Florent Schmitt, né en 1870, (président d’honneur) – qui est probablement le compositeur le plus joué alors-, Max d’Ollone (président), aristocrate, de plus en plus antibolchévique et qui tout en prônant un nouvel ordre européen, faisant siennes les valeurs de sentiment et d’humanité, ne compose aucune oeuvre de 1940 à 1944 (!).

Vichy exerce un contrôle strict et sévère sur la création et le choix des répertoires (comité national de propagande pour la musique,…). Or les oeuvres nouvelles ne font pas défaut dans la période 1940-1944: c’est donc aussi une histoire du goût musical en France qui se dégage alors. Néoclaccissime de rigueur mais aussi manières contemporaines plus tranchées et expérimentales d’Olivier Messiaen, Arthur Honneger et André Jolivet.

Allégeance ou Résistance…

Sur la scène des théâtres de la Réunion des théâtres lyriques nationaux, les opéras de Richard Strauss s’imposent (Le Chevalier à la rose avec Germaine Lubin et Janine Micheau, puis Ariane à Naxos, en 1943 à l’Opéra-Comique, aux côtés des ouvrages de Pfitzner et Egk… L’épuration sévit (exit Meyerbeer, Halévy, Dukas, Hahn et Milhaud, quoique Gisèle d’Adam se maintient au répertoire), et si Wagner revient en force, une rareté pour nous aujourd’hui, où La Tétralogie, bientôt affichée à partir du 4 mars 2010 (L’Or du Rhin, dans la mise en scène de Günter Krämer) fait figure d’événement dans la nouveauté… , on aurait tort d’y relever une manière d’exclusive car les opéras wagnérien ne représentent que très peux de représentations au total (moins de 8%).

L’auteur reste donc factuel et énonce toute une série de créations en particulier à l’Opéra-Comique dont d’Ollone devient directeur. Révélation: il existe bel et bien une veine française défendue continûment de 1939 à 1944… La grande affaire est la commémoration à Vienne, cité du Reich nazi, du 150ème de la mort de Mozart (juillet 1941) auquel tout un chacun veut participer en serrant les rangs pour se faire valoir: ainsi, les zélés Arthur Honegger, Alfred Bachelet, Marcel Delannoy.

Composer ici signifie aussi faire avec, s’accommoder… pactiser. Comment a fonctionné la musique en France et quels ont été les acteurs de l’activité musicale? Voici les faits en évidence: seuls les actes parlent pour ceux qui les commettent ou en savent réserver l’audace au nom d’une morale préservée coûte que coûte… Au lecteur d’en tirer les justes conclusions et les bons codes de compréhension. En rendant accessibles des informations de première main, l’auteur nous permet de dresser un bilan édifiant des actes commis en collaboration, ou défendus en résistance. Lecture évidemment majeure.

Yannick Simon: « Composer sous Vichy ». Collection Perpetuum mobile. 242 pages.

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