jeudi 28 mars 2024

William Kraft: création du Concerto pour timbales n°2 Lyon, auditorium. ONL. Les 4 et 6 décembre 2008

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Timbales en concerto
Des concertos pour timbales, il n’y en a pas des dizaines au répertoire…L’ONL avec le soliste B.Cambreling propose la création européenne du 2nd Concerto du compositeur américain W.Kraft, sous la direction de Gabriel Chmura qui fait aussi entendre la 7e de Dvorak et la 7e (Le Midi) de Haydn.

Coups et roulements de timbales
« Il est parti pour l’Aquitaine Comme timbalier, et pourtant On le prend pour un capitaine, Rien qu’à voir sa mine hautaine, / Et son pourpoint d’or éclatant ! ». Cette fière image, Victor Hugo la chante dans ses juvéniles Odes et ballades.. Mais à en croire un timbalier dans quelque orchestre symphonique d’aujourd’hui, le rôle de ce percussionniste-pas-comme-les-autres n’est pas si ouvertement glorieux. Et même correspond à une mise en retrait psychologique sinon sonore, même si l’histoire de la musique européenne porte témoignage d’une importance réellement accordée par les compositeurs à ces « gros instruments en forme de chaudrons, le plus souvent en cuivre, avec des membranes tendues circulairement, accordables sur différentes notes par un système de pédalier ». Les grandes timbales sont venues du Moyen-Orient en Occident à la fin du Moyen-Age, d’abord pour accompagner les trompettes dans les fanfares à cheval, puis ont été « installées » en orchestre à l’époque baroque. Dès le XVIIIe, des compositeurs comme Graupner ou Haendel les utilisent – par six, voire par huit ou seize– au cœur d’une oeuvre, et Haydn dans sa 94e (Paukenschlag, coup de timbale) et surtout sa 103e (roulement de timbale, à découvert dans l’Introduction solennelle) leur donnent de très belles lettres de noblesse. Plus loin, Berlioz en exige également seize dans son Requiem. Mais de là au rôle soliste dans le concerto, il y a plusieurs pas qui ont été rarement franchis, un peu au XIXe (un certain Peranzorina…), et au XXe, par N.Tchérepnine (une sonate pour deux timbaliers)…(B.Cambreling recommande l’audition de disques Naxos et Timpani pour des pièces de Fischzer, Graupner et Druschetzky). Sans doute faut-il être soi-même à l’instrument pour surmonter le complexe d’infériorité du « scandeur » : c’est ce que, plus près de notre XXIe débutant, ont accompli un autre Berlioz (Gabriel-Pierre, en 1950) puis l’Américain William Kraft qui en 1994 écrit un 1er Concerto pour timbales, fort de son expérience en orchestre (30 ans au Symphonique de Los-Angeles…), et persuadé qu’au milieu de l’océan des percussions la timbale peut constituer un archipel d’essence bien plus mélodique.

Une magnifique rencontre
A Lyon, c’est le soliste Benoît Cambreling (en Orchestre lyonnais depuis 1972, poly-concertiste et pédagogue), passionné de son instrument, qui est le chantre de l’œuvre « kraftienne » : il a créé ici même sous la direction de David Robertson le 1er concerto, en 2004, et quatre ans plus tard, le voici soliste et chef de son pupitre pour le 2e Concerto. Il présente avec enthousiasme cet instrument – loué à l’étranger pour la circonstance – qui l’encercle, six grandes timbales « au rez-de-chaussée », avec leurs neuf doubles (plus petits) « à l’étage », et dont la technique fort sophistiquée permet, au delà d’une virtuosité certainement très appréciée par le public, la mise en valeur d’une écriture harmonique et rythmique non seulement séduisante mais aussi « en recherche », avec son étendue de deux octaves et une sixte et une possibilité grandiose de polyphonie. Ainsi, non seulement le soliste vient au premier plan de l’orchestre – de toute façon B.Cambreling apprécie davantage, pour des raisons esthético-acoustiques dans le vécu orchestral, de « descendre d’estrade au fond et d’aller se mettre à côté des bois et des cordes » – , mais cela lui semble symbolique d’une légitimité retrouvée par rapport aux percussions (comme il le dit en citant un proverbe chinois : « deux tigres ne peuvent pas être sur la même branche »), et conforte « l’éminente dignité du pauvre » (timbalier) jusque dans la composition. Ce n’est pas pour rien que cet obstiné a créé à Lyon un « concours international » pour son instrument, unique en son genre, et dont les 2 premières éditions ont mobilisé participants instrumentaux actifs, auditeurs spécialistes ou de grand public, critiques, et surtout musiciens assez motivés pour composer « sur cet instrument-roi ». A l’extérieur, Elliott Carter a déjà écrit 8 pièces solistes qui sont entrées au répertoire des concerts, mais aussi Helmut Lachenmann, Jean-Pierre Drouet et Heinz Holliger (des pièces pour le Concours de Lyon), Pierre-Alain Jaffrennou qui la mélange avec l’électronique… Et puis B.Cambreling se réjouit de voir qu’à 85 ans William Kraft va faire le voyage en avion pour assister à la création en Europe de ce 2e concerto. W.Kraft dit lui-même « voir deux forces majeures qui m’ont poussé vers la composition : atteindre un niveau d’expressivité qui mette la famille percussions-timbales dans une position d’égalité avec d’autres familles instrumentales, et s’opposer par la musique à la guerre et à l’injustice sociale ».W.Kraft – qui fut au Los Angeles créateur d’œuvres de Krenek, Stravinsky, Varèse, Stockhausen et Boulez – a inscrit bon nombre de ses partitions – où les percussions jouent en concerto avec le saxophone, le violon ou la harpe – sous le titre significatif de Rencontres, le 2e Concerto s’appelant au sommet « La Magnifique Rencontre ».

Le lyrisme de Haydn et de Dvorak
L’Orchestre est dirigé dans cette œuvre de presque une demi-heure par Gabriel Chmura, chef polonais fréquemment invité de l’ONL, qui travailla avec Hans Swarowski, et dirige le National de la Radio Polonaise, spécialiste au disque du plus rare Schubert (l’Oratorio Lazarus) et des symphonies de Haydn. C’est justement avec Haydn qu’a lieu une autre « magnifique rencontre » dans la 7e Symphonie (1761), une partition du jeune compositeur en livrée chez les Esterhazy, proche de l’esprit de la symphonie concertante pour cordes et illustrant avec ses deux voisines ( la 6e, le Matin, et la 8e, le Soir) un cycle du jour à la fois naturaliste et lyrique. Quant au grand lyrisme, on le rencontrera totalement dans la 8e Symphonie de Dvorak, elle aussi toute bruissante du chant de la campagne tchèques, une de ces partitions où l’on est invité à s’embarquer sur le long fleuve pas toujours si tranquille de l’émotion romantique ultime.

Concerts de l’ONL, dir. G.Chmura, Auditorium de Lyon, jeudi 4 décembre 2008, 20h30 et samedi 6, 18h. J.Haydn (1732-1809), 7e Symphonie ; A.Dvorak (1841-1904), 7e Symphonie ; W.Kraft (né en 1923), 2e Concerto pour timbales (soliste B.Cambreling). Information et réservation : T. 04 78 95 95 95 ; www.auditorium-lyon.com

Illustration: William Kraft (DR)

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