Compte rendu rédigé par notre envoyée spéciale, Monique Parmentier.
Quoi de plus doux pour affronter la rentrée qu’une invitation au voyage ? Celle – ci nous était adressée par le Poème Harmonique. Invité du Théâtre Jean Vilar à Vitry, pour fêter ses 40 ans, les musiciens nous ont offert un programme qui n’avait encore été donné jusqu’à aujourd’hui qu’une seule fois en France, à Beaune : » Aux Cours du Monde « .
Aux cours du monde : un pur moment de plaisir
Au XVIIe siècle, les rêves d’un autre monde se nourrissaient des récits de
voyages, riches en chimères des explorateurs et des poètes. Ainsi
l’exotisme influença-t-il également les compositeurs. Comment cela se
traduisait-il ? Par l’usage d’un sabir pseudo-turque comme dans les
Chansons Turquesques de Charles Teissier ou la cérémonie Turque du
Bourgeois Gentilhomme, par des couleurs instrumentales riches et variées, par des costumes et des mises en scènes fantaisistes.
Construit autour de ce thème, le programme de ce soir, diffuse les subtiles saveurs et parfums d’un tour du monde, tel que le rêvait les hommes au XVIIe siècle.
Et malgré l’absence des costumes et dans l’acoustique difficile du Théâtre
de Vitry, le Poème Harmonique nous a, une fois de plus, enchanté.
L’ouverture de Cadmus et Hermione, nous emportant dans son tourbillon,
l’exploration des routes de la soie fut avant tout une joyeuse expédition.
Peu d’instants de mélancolie, car heureux qui comme Ulysse fit un beau
voyage. Tout est bonheur ici. Les sourires et les oeillades complices
entre les chanteurs et musiciens, l’enthousiasme et le sens de la scène de
certains des chanteurs. En très grande forme vocale, Arnaud Marzorati et
Serge Goubioud, se et nous régalent des mots comme de la musique.
Entre bruitages comiques, forte présence scénique, nos deux compères
que ce soit dans la Cérémonie Turque de Lully pour le premier et dans l’air du Juif errant de Teissier pour le second, jouent avec et pour la plus grande joie du public. Claire Lefilliâtre est rayonnante ce soir. Taquine à l’occasion avec ses camarades, si bouleversante dans l’air des adieux extrait de Cadmus et Hermione et si éblouissante dans « Di
rigori armata il seno » extrait de l’entrée des Italiens du Bourgeois
Gentilhomme.
Vincent Dumestre propose une palette orchestrale aux couleurs et
nuances somptueuses. Le Poème Harmonique est composé de musiciens dont la virtuosité est véritablement envoûtante. De la vingtaine de musiciens réunis ce soir autour de leur directeur artistique, nous retiendrons tout particulièrement la délicatesse de Massimo Moscardo au luth. Il accorde non seulement au continuo des teintes sensibles, mais c’est aussi un soliste raffiné. Aux percussions, Joël Grare a fait de l’étape en Chine, un instant particulièrement onirique en faisant chanter, vibrer, respirer les cloches, tout en apportant une formidable énergie et beaucoup d’humour dans ses interventions dans le Bourgeois Gentilhomme ou les pièces de Teissier.
Tous mériteraient d’être cités. Des cordes aux hautbois en passant par le
basson: ils donnent à cet ensemble sa lumière unique.
Ce soir, c’est un Poème Harmonique moins mélancolique et plus romanesque et excentrique qui nous a promené de rivages en rivages, au loin vers des horizons qui se sont ouvert pour nous le temps d’une soirée. Ludique et festive, la soirée s’est terminée sur le bis idéal enregistré sur le CD Carnets de Voyage consacré à Charles Teissier: » Chansons Turcquesques « , avec un brio et une folie, qui donnent à la vie et aux songes un certain goût d’éternité.
Vitry-sur Seine. Théâtre Jean Vilar. Le 28 septembre 2012. Concert » Aux Cours du Monde « . Jean-Baptiste Lully (1632-1687) : Ouverture, chaconne des africains, scène des adieux extraits de Cadmus et Hermione ; Ballet des Nations : “Ballet des gens”, Entrée des Italiens, Cérémonie Turque, Entrée des Espagnols, Extraits du Bourgeois Gentilhomme ; Entrée des Suisses, extrait du Ballet de l’Impatience ; La marche des Grecs et Canaries extraits du Ballet des Muses. Charles Tessier (ca 1550 – ?) : Chanson suissesse : Etienne Moulinié (1559-1676) : Air du juif errant ; Joseph-Marie Amiot (1718-1793) : “See hoang sien Tsou Yo ling yu Tien” Hymne en l’honneur des ancêtres. Claire Lefilliâtre, dessus. Marcel Beekman, haute-contre. Serge Goubioud, Taille. Jean-Gabriel Saint Martin, basse-taille. Arnaud Marzorati, basse-taille. Le Poème Harmonique. Vincent Dumestre, théorbe et direction. Compte rendu rédigé par notre envoyée spéciale, Monique Parmentier.
Illustration: © S.Cochet