mardi 29 avril 2025

Versailles. Opéra Royal, le 19 octobre 2012. Sacchini : Renaud ou la suite d’Armide. Les Talens Lyriques. Christophe Rousset, direction.

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Versailles, opéra en version de concert. Renaud de Sacchini. Compte rendu rédigé par notre envoyé spéciale Monique Parmentier

Comme à chaque automne, le Centre de Musique Baroque de Versailles (CMBV), organise une saison qui depuis l’année dernière est couplée avec celle de Château de Versailles spectacles. Elle reste toutefois ciblée sur l’époque baroque, le cœur même de sa mission de redécouverte d’un répertoire oublié ou peu donné par les autres institutions. Trois thèmes sont au programme cette année, dont les Opéras français au temps des lumières. Ce qui d’une certaine manière fait sortir le CMBV du cadre baroque, mais qui s’explique par sa coopération extrêmement féconde avec le Palazzetto Bru Zane de Venise.

L’année dernière, lors de la saison Dauvergne des extraits de l’opéra de Sacchini donné ce soir Renaud ou la suite d’Armide, avait été donné par Hervé Niquet et ses troupes du Concert Spirituel, nous faisant redécouvrir cette œuvre qui semble tout à la fois annoncer Mozart et certains pré-romantiques.

C’est à son arrivée en France en 1781, qu’Antonio Sacchini qui n’a plus que cinq ans à vivre et est au sommet de sa gloire, compose cet opéra qui doit en somme arbitrer la querelle entre gluckistes et piccinistes. Marie-Antoinette, reine musicienne, qui aime à découvrir et soutenir le talent, lui permet de déjouer les cabales et lui apporte le succès qui tout au long de la préparation de cet opéra fut loin d’être assuré.
Souhaitant reprendre l’histoire d’Armide, là où Lully l’avait laissé, il va en fait s’inspirer d’une part d’un opéra de Desmarets qui porte le titre de Renaud ou la suite d’Armide datant de 1722 et qui n’avait connu aucun succès. Il demande à un jeune librettiste du nom de Jean-Joseph Leboeuf, secondé dans sa tâche par Nicolas-Etienne Framery de reprendre de livret de l’Abbé Pellegrin. Sacchini s’inspirera d’autre part d’une Armida qu’il avait lui même composé alors qu’il vivait encore à Milan en 1772.
Tiré des chants XVII à XX de la Jérusalem délivrée du Tasse, l’histoire est donc celle du chevalier Renaud qui combat les musulmans commandés par Hidraot le père d’Armide, la magicienne. Celle ci tombe amoureuse du chevalier chrétien après l’avoir un temps combattu et prise au piège entre sa pitié filiale et son amour hésite un temps, pendant que son père poursuit la guerre. Fait prisonnier après que son armée ait été décimée par Renaud, Hidraot accepte pour sa fille la demande en mariage de Renaud. Les deux amants s’unissent et les deux peuples vont désormais connaître la paix.
Ce soir, c’est le chœur, les Chantres du Centre de Musique Baroque de Versailles, Julie Fuchs, Jean-Sébastien Bou et l’orchestre qui nous auront le plus marqué.
D’abord le chœur, triomphant c’est le moins que l’on puisse dire, tant il fut splendide du début à la fin, dans chacune de ses interventions. Une diction parfaite, y compris dans les moments les plus difficiles et les plus virtuoses, lui permet de marquer les instants les plus dramatiques ou les plus pathétiques avec une émotion d’une grande intensité. Ensuite, et parce qu’elle n’intervient quasiment qu’à la fin, dans une aria virtuose « Que l’éclat de la victoire !», Julie Fuchs, qui une fois de plus nous a véritablement enchanté par la virtuosité de ses vocalises et son timbre étincelant. Parmi les interprètes masculins seul Jean-Sabastien Bou, dans le rôle du père d’Armide, Hidraot a relevé le défi de cette diction parfaite si essentiel à la tragédie lyrique française. Son timbre sombre et son engagement en impose.

Enfin l’orchestre. Si la direction élégante et très attentive à ses chanteurs de Christophe Rousset pêche parfois par un manque d’héroïsme, il parvient à des nuances extrêmement subtiles et les couleurs de l’orchestre – hormis l’absence de justesse des trompettes sont somptueuses. Les flûtes élégiaques et si enchanteresses de Jocelyn Daubigney et Stéphanie Troffaes méritent ici d’être citées.
Pour le reste de la distribution, assez égale, on ne peut que regretter une diction bien souvent imprécise pour ne pas parfois nous faire regretter l’absence de surtitre. Si dans la première partie Marie Kalinine semble hésitante, son très beau timbre et son engagement en font une Armide attachante plus que guerrière. En revanche le Renaud de Julien Dran ne nous convainc pas.
Au bout du compte le public de l’Opéra Royal aura passé une jolie soirée, manquant certes parfois de panache mais qui grâce à Julie Fuchs dans l’air final, au chœur et à l’orchestre, n’aura certainement pas manqué certains instants de beauté.

Versailles. Opéra Royal, le 19 octobre 2012. Antonio Sacchini (1730 –
1786) : Renaud ou la suite d’Armide; Tragédie Lyrique en 5 actes sur un
livret de Jean-Joseph Leboeuf. Renaud, Julien Dran ; Armide, Marie
Kalinine ; Mélisse, Julie Fuchs ; Doris, Katia Velletaz ; Antiope,
Chantal Santon ; Iphise, Jennifer Borghi ; Tisiphone, Cyrille Dubois ;
Alecton, Pascal Bourgeois ; Hidraot, Jean-Sébastien Bou ; Adraste,
Arcas, Mégère, Tissapherne, Pierrick Boisseau. Chœur, les Chantres du
Centre de Musique Baroque de Versailles ; direction artistique, Olivier
Schneebeli. Les Talens Lyriques. Christophe Rousset, direction. Compte rendu rédigé par notre envoyé spéciale Monique Parmentier
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