jeudi 28 mars 2024

Versailles. Opéra Royal, le 10 novembre 2012. Ballet des Fées des Forêts de Saint-Germain. Le Shlemil Théâtre. Les Pages et les Symphonistes du Centre de musique baroque de Versailles. Olivier Schneebeli, direction.

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Compte rendu rédigé par notre envoyée spéciale, Monique Parmentier

Il serait impossible aujourd’hui d’offrir aux spectateurs une « reconstitution » à l’identique des ballets de cour qui ont fait les plus belles heures de la Cour de France de la seconde partie du XVIe siècle à la première partie du XVIIe siècle. Et ce, à la fois parce que leurs sources en sont bien souvent lacunaires, mais aussi parce que les moyens mis en œuvre pour satisfaire le Roi qui en était tout à la fois le commanditaire et l’un des acteurs, seraient financièrement inaccessibles aujourd’hui.

Toutefois, leur fantasmagorie enchanteresse, dont les livrets et les dessins des costumes et décors, nous sont bien souvent parvenus, nous font toujours autant rêver. Dans le cadre de sa saison d’automne, le Centre de Musique Baroque de Versailles en partenariat avec Château de Versailles spectacles et d’autres partenaires, nous en offre trois.


Un jardin extraordinaire !

Le premier a été confié début octobre à Béatrice Massin et Christophe Rousset, il s’agissait de Terpsichore de Haendel. Le dernier sera confié à Geneviève Massé et Hervé Niquet en décembre, Médée et Jason & Renaud et Armide de Jean-Georges Noverre et Jean-Joseph Rodolphe (13 et 15 décembre 2012).

Alors que tous deux évoquent la danse au XVIIIe siècle, celui de ce soir, nous offrait peut être celui qui ouvre le plus de possibilité au merveilleux, le Ballet des fées des forêts de Saint-Germain.

Créé le 11 février 1625, à l’occasion du Carnaval, le Ballet des fées des forêts de Saint-Germain,
nous est parvenu presque dans son intégralité. Son livret et les dessins de ses costumes réalisés par Daniel Rabel ont été conservés. Ce que l’on sait moins c’est que d’autres sources, dont celles concernant sa musique, permettent en fait de se faire une idée assez exacte de ce qu’il fût à l’origine.

La partie instrumentale fut composée par Jacques de Belleville, tandis qu’Antoine Boësset, le compositeur favori de Louis XIII en réalisait lui, les récits.
Il a donc fallu beaucoup d’imagination à Julien Lubek et Cecile Roussat (photo ci dessus) pour rendre la féerie burlesque de ce ballet à entrées sans décevoir un public qui en attendait beaucoup. Et du point de vue de la mise en scène, ces artistes qui du Carnaval Baroque avec le Poème Harmonique en passant par Musennâ avec Chimène Seymen et Françoise Enock, nous ont toujours fait rêver, ce spectacle se révèle une jolie réussite.

Le tendre onirisme dont ils ont toujours fait preuve est bien présent ici. Ils revisitent ce spectacle qui à l’origine était plutôt destiné à des adultes, et par leurs choix esthétiques réveillent en nous notre âme d’enfant.
Le décor de jardin dans lequel s’installe la fête est une invitation à la lecture d’un livre magique dans un cadre enchanteur. Dans ce domaine où vivent les fées que nul ne voit plus, un enfant (un jeune page de la maîtrise du Centre de Musique Baroque) leur permet de reprendre le pouvoir sur l’univers le temps du spectacle. Les musiciens sont installés comme dans Musennâ dans des galeries/bosquets sur les deux côtés de la scène. Si esthétiquement ce choix est réellement d’une grande beauté, musicalement il s’avère préjudiciable aux musiciens. Les autres éléments de décors étant des buissons mouvants où se cachent des personnages étranges qui surgissent au gré des entrées. Les costumes très colorés des acrobates du Shlemil Théâtre réalisés par Sylvie Skinazi participent à la sensation de douceur joyeuse et magique qui fait oublier le monde réel. Ils permettent à des animaux, des farfadets et autres personnages de conte de surgir de l’invisible tout naturellement et de nous donner envie de nous joindre à leurs jeux et à leur folie.

Si l’on peut regretter la quasi absence de la danse pour un ballet, si ce n’est quelques pas de Belle danse réalisés par une danseuse toute de mousseline blanche vêtue dans la dernière entrée qui lui est réservée, reconnaissons que les acrobates du Shlemil Théâtre accomplissent des numéros d’une rare virtuosité. Des simples jongleurs à des funambules danseurs sur cerceaux ou grands draps blancs, tous par leur élégance nous font participer à une fête réellement … extraordinaire.
L’un des pages du Cmbv réalise tout à la fois un numéro de voltige sur une mappemonde en mouvement tout en chantant : sa sereine virtuosité nous laisse éblouis par le sang froid et la technique dont il fait preuve. Le ténor Jean-François Novelli tient à lui tout seul les rôles de quatre des cinq fées : Guillemine- la Quinteuse, fée de la musique, Gillette-la-Hazardeuse, fée des joueurs, Jacqueline-l’Entendue, fée des Estropiées de la Cervelle, Alizon-la-Hargneuse, fée des vaillants combattants. Seule Macette-la-Cabrioleuse, fée de la danse revenant à une danseuse, mais qu’il annonce toutefois.

Il le fait avec grande énergie et un réel plaisir qui permet d’effacer un tant soit peu l’absence d’éléments reconnaissables comme à l’origine (costumes et pages) de chacune de ces fées.

Les symphonistes du Centre de musique baroque
nous font entendre la musique originale d’Antoine Boësset, mais également d’autres pièces du même compositeur et de ses contemporains, tels François de Chancy, ou Louis Constantin. Si le talent des musiciens ne peut être mis en doute, on regrettera les soucis de justesse dus à leur séparation en deux groupes.

D’autant plus que la structure qui les enserre étouffe le son. Olivier Schneebeli à leur direction a su malgré tout préserver l’essentiel.
Il est merveilleux de pouvoir ressentir cet étrange et fascinant pouvoir que les œuvres du premier baroque, tel le Ballet des fées des Forêt de Saint-Germain ont sur nous et de s’y abandonner, celui d’abolir le temps et l’espace et de nous permettre de partager un peu de ce passé rêvé.

Versailles. Opéra Royal, le 10 novembre 2012. Ballet des Fées des Forêts de Saint-Germain. Jean-François Novelli, taille. Artistes du Shlemil Théâtre. Compagnie de théâtre visuel le Shlemil Théâtre. Cécile Roussat et Julien Lubek, mise en scène ; Elodie Monet, scénographie ; Sylvie Skinazi, costumes. Les Pages et les Symphonistes du Centre de musique baroque de Versailles. Olivier Schneebeli, direction. Compte rendu rédigé par notre envoyée spéciale, Monique Parmentier

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