Don Carlo, version de 1867
en direct de Salzbourg
Arte, le 16 août 2013, 20h50
A Salzbourg, l’attente se focalise sur le ténor Jonas Kaufmann, au chant embrasé, fauve, de velours… le diseur, indiscutable chez Schubert ou Wagner (meilleur Sigmund depuis des années), entend marquer le rôle-titre : ardeur juvénile d’un prince empêché de vivre sa vie : Don Carlo, futur Charles Quint, apprend très tôt le cynisme politique et la fragilité des sentiments amoureux quand le pouvoir se dresse contre eux… C’est une incarnation fugace en vérité, dont les airs très courts sont fulgurants, comme embrasés, défendu par un être tiraillé et décalé dans un milieu où il n’ a plus sa place. Son père épouse la jeune femme dont il était épris et qu’il devait épouser ; ainsi Elisabeth de Valois, de fiancée désignée devient sa … belle mère : à jamais inaccessible sous peine d’un effroyable inceste … on sait quelle violence est produite d’une telle situation depuis l’exemple de Phèdre, amoureuse de son gendre, Hippolyte …
Don Carlo, version Bologne 1867
Aux côtés du jeune Infant terrassé, la figure noble et tendre du marquis de Posa, Rodrigue, incarne l’idéal humain du héros schillérien : proche de Carlo, Posa est une âme généreuse, pénétrée par un humanisme ardent qui s’oppose (vainement et tragiquement) au Roi sombre, mélancolique et violent, Philippe II. Posa et Carlo, frères politiques, tentent vainement d’infléchir le pouvoir du roi concernant les Flandres en rébellion contre l’Espagne… le premier sera assassiné, le second échappera in extremis à un guet-appens …
Verdi analyse la Cour d’Espagne : froide, cynique, violente ; pas de répit pour les deux coeurs amoureux ; rien ne résiste au pouvoir du Roi, lui-même totalement inféodé à l’emprise spirituel du Grand Inquisiteur, instance terrifiante et diabolique …
La production choisie à Salzbourg est loin d’être respectueuse de la version souhaitée par Verdi : l’opéra créé en français pour l’Opéra de Paris (Don Carlos, mars 1867) est ici présentée dans sa version italienne, pour Bologne en octobre 1867, avec la Stolz entre autres … le travail du chef Pappano et du metteur en scène Peter Stein restitue la version de la création italienne que Verdi a de très loin validée (coupures, genèse difficile …). Dévoilement de cette production contestée le 16 août en direct sur Arte partir de 20h50 …
Don Carlo à Salzbourg
Musique de Giuseppe Verdi (1813-1901)
Livret français original de Joseph Méry (1797–1866) et Camille Du Locle (1832–1903) d’après le drame Don Karlos, Infant von Spanien de Friedrich Schiller (1759–1805)
Antonio Pappano, direction
Matti Salminen, Filippo II
Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor
Illustration : Portrait du jeune Carlo futur Charles Quint par Sanchez Coello, vers 1558. Le ténor Jonas Kaufmann (DR)