lundi 24 mars 2025

Venise. Scuola di San Giovanni Evangelista, samedi 3 octobre 2009. Jadin, Onslow, Hérold. Concerto Köln. Andreas Spering, direction. Alain Planès, pianoforte.

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Jadin, Onslow, Hérold, pionniers romantiques

Jadin, Onslow, Hérold… trois noms révélés en ce soir du 3 décembre 2009 à Venise, et avec lesquels il faut désormais compter pour comprendre le romantisme, précisément pour remonter « aux sources du romantisme français », selon le titre générique du premier festival musical proposé à Venise par le nouveau Centre de musique romantique française qui a son siège dans le flambant neuf Palazetto Bru-Zane.
Le concert est d’autant plus « historique » qu’il inaugure aussi l’activité du Centre Français à Venise. D’autant plus que précédemment donné dans le cadre de la Biennale de musique romantique en Moselle, le programme met en avant la riche collaboration internationale qui caractérise les ambitions de la nouvelle institution musicale.

Centre de recherche certes. Et naturellement producteur et diffuseur de concerts, dédié au spectacle vivant: car l’application de la recherche musicale est l’écoute vivante des oeuvres. Rien de mieux que de faire entendre les musiciens français romantiques à Venise, en France… partout dans le monde. Demain, le Palazetto Bru-Zane exportera aux quatre coins du monde, en Chine et jusqu’aux Amériques, les fleurons de notre patrimoine musical, surtout ces joyaux oubliés qui en marge de Berlioz ou de Debussy, ont fait évoluer la notion d’un romantisme à la française…

Lors du premier jour de programmation musical, ce samedi 3 octobre 2009, après un récital de piano (sur un Erard 1902, propriété du Palazetto), diffusé en direct sur France Musique et qui mettait en perspective Ravel, Liszt, Franck sous les doigts inspirés du jeune Bertrand Chamayou, le Palazetto a présenté son premier concert « d’envergure », « osant » programmer les premiers romantiques français, une trilogie désormais fondatrice qui a pour nom, Hyacinthe Jadin (1769-1802), George Onslow (1784-1852), Louis-Ferdinand Hérold (1791-1833).

Convié pour faire entendre les accents furieux ou tendres de ces pionniers romantiques, le Concerto Köln (créé en 1985) dirigé par l’excellent Andreas Spering, se chauffe tout d’abord en abordant l’Ouverture et l’Hiver des Saisons de Haydn… Rages et éclairs déjà beethovéniens, emportés avec une fougue nerveuse et expressive qui montre combien Hérold, avec la Symphonie n°2 en ré majeur qui suit immédiatement, s’inscrit directement dans la tradition du Viennois. Elève à Paris de Méhul, puis Prix de Rome en 1812 (à 21 ans), Hérold a le choc de l’Italie, en oublie ses dons prodigieux pour le piano et se consacre sans compter pour le théâtre. De fait, c’est bien sur les planches qu’il connaît ses premiers succès: opéras et ballets, dont Zampa (1831), créé, 2 ans avant sa mort en 1833. En génie et dramaturge sûr de ses effets, Hérold sait développer et colorer dans sa 2è symphonie de 1814: l’écriture y démontre un feu juvénile qui reçoit la grâce de l’Italie. C’est une fausse badinerie, à l’apparence aimable dont l’expressivité continue et la franchise sans effets superflus, rappellent évidemment Haydn.

Avec le Concerto pour piano n°2 de Jadin (1796), toute l’exubérance parfois bavarde d’un créateur proche de Mozart et de Beethoven se dévoile sous la nef dans la salle haute de la Scuola di San Giovanni Evangelista. Aisance, fluidité, expressivité et énergie caractérisent là aussi une écriture épanouie, celle d’un virtuose pour le piano qui débute sa carrière au Concert Spirituel en 1789, remporte d’éclatants succès au Théâtre Feydeau (1796). Jadin fut aussi professeur de piano au Conservatoire jusqu’à sa mort en 1802 et son Concerto souligne son inspiration profuse et libre. L’oeuvre met en lumière, sous les doigts d’Alain Planès, un pur tempérament romantique, proche aussi de Schubert, qui en plus de ses oeuvres pour le piano, a laissé aussi de nombreuses oeuvres de musique de chambre (trios, quatuors à cordes). Autre filon à réexhumer.

Autre temps fort de ce programme riche en découvertes, la symphonie n°1 de George Onslow (1784-1852)… Si le Minuetto est un bavardage qui n’apporte pas grand chose de neuf au développement général, quelle découverte que celle des mouvements autres de cet opus dont la vitalité, saine et communicative, évoque évidemment Beethoven. A la puissance et la fièvre de tous les pupitres, Onslow ajoute le raffinement d’une orchestration somptueuse qui sait ciseler et nuancer la fureur et l’emportement. Le second mouvement –adagio espressivo est tout autant riche et trouble: son climat méditatif (avec la mélodie offerte aux violoncelles) approche le funèbre le plus tragique avec une coloration amère et sombre, saisissante de justesse. Le Concerto Köln sait exprimer ce sentiment profond d’abandon et aussi, la volonté d’en finir avec un monde révolu (celui du XVIIIème?): d’emblée, la fougue et la passion beethovénienne marquent l’écriture d’Onslow (que l’on appela très vite, le « Beethoven français »). Le compositeur a parfaitement compris l’enjeu des symphonies de son maître ultramontin: l’énergie déployée et les forces décuplées sont bien celles d’un désir neuf pour une nouvelle ère, celle de la modernité. Aucun doute là-dessus, auvergnat d’origine anglaise (par son père), Onslow qui fut l’élève comme Berlioz de Reicha, éblouit par sa furià conquérante et dominatrice. A l’aune de cette symphonie électrique, le compositeur qui meurt en 1852 non sans honneurs (il succède en 1842 à Cherubini à l’Académie des Beaux-Arts), nous a laissé aussi un corpus impressionnant de musique de chambre dont 70 quatuors et quintettes à cordes, et 10 trios avec piano… autant de passionnantes découvertes qui se profilent à l’horizon.

Venise. Scuola di San Giovanni Evangelista, samedi 3 octobre 2009.
Jadin, Onslow, Hérold. Concerto Köln. Andreas Spering, direction. Alain
Planès, pianoforte.

Illustrations: George Onslow, Hérold (DR). Photos du concert à la Scuola San Giovanni Evangelista 2009 © Michele Crossera

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