COMPTE-RENDU, opĂ©ra. GAND, OpĂ©ra flamand, le 11 janvier 2019. Dvorak : Rusalka. GiedrÄ Ć lekytÄ / Alan Lucien Ăyen. Nouveau directeur artistique de lâOpĂ©ra flamand / Opera Ballet Vlaanderen, depuis le dĂ©but de la saison 2019-2020, Jan Vandenhouwe sâest fait connaĂźtre en France comme dramaturge, notamment Ă lâoccasion de son travail avec Anne Teresa de Keersmaeker pour le Cosi fan tutte prĂ©sentĂ© Ă lâOpĂ©ra de Paris (voir notre compte-rendu dĂ©taillĂ© en 2017- https://www.classiquenews.com/cosi-fan-tutte-sur-mezzo/). Avec cette nouvelle production de Rusalka (1901), câest Ă nouveau Ă un chorĂ©graphe quâest confiĂ©e la mission de renouveler notre approche de lâun des plus parfaits chefs dâĆuvre du rĂ©pertoire lyrique : en faisant appel au norvĂ©gien Alan Lucien Ăyen, artiste en rĂ©sidence au Ballet national Ă Oslo, Vandenhouwe ne rĂ©ussit malheureusement pas son pari, tant lâimaginaire visuel minimaliste ici Ă lâoeuvre, rĂ©duit considĂ©rablement les possibilitĂ©s dramatiques offertes par le livret.
Ăyen choisit en effet de circonscrire lâaction dans un dĂ©cor unique pendant toute la reprĂ©sentation, qui Ă©voque une sorte de monumental double paravent en bois, proche dâune Ă©lĂ©gante sculpture contemporaine. Les interstices laissent entrevoir des jeux dâĂ©clairage intĂ©ressants, dont les couleurs dĂ©voilent alternativement les univers humains et marins, sans toutefois apporter de rĂ©elle valeur ajoutĂ©e Ă la comprĂ©hension des enjeux. On constate trĂšs vite quâĂyen manque dâidĂ©es et se contente dâune illustration dĂ©corative, mettant au premier plan les danseurs qui doublent les chanteurs (trop statiques), Ă la maniĂšre du travail rĂ©alisĂ© par Pina Bausch dans OrphĂ©e et Eurydice Ă lâOpĂ©ra de Paris (https://www.classiquenews.com/tag/pina-bausch/). LĂ oĂč Bausch nous avait Ă©merveillĂ© en restant au plus prĂšs des intentions musicales et dramaturgiques de lâouvrage, Ăyen sâenlise dans des mouvements trop rĂ©pĂ©titifs, aux ondulations nerveuses et dĂ©sarticulĂ©es, au centre de gravitĂ© trĂšs bas. Si lâanimalitĂ© qui en dĂ©coule peut convenir Ă lâĂ©vocation du merveilleux (ondine et sorciĂšre rĂ©unis), on est beaucoup moins convaincu en revanche sur le travail peu diffĂ©renciĂ© rĂ©alisĂ© avec le Prince et ses courtisans.
Le plateau vocal rĂ©uni permet de retrouver la Rusalka de Pumeza Matshikiza, entendue rĂ©cemment Ă Strasbourg (https://www.classiquenews.com/compte-rendu-critique-opera-strasbourg-onr-le-20-oct-2019-dvorak-rusalka-antony-hermus-nicola-raab/). On avoue ne pas comprendre lâenthousiasme du public pour cette chanteuse trĂšs inĂ©gale, au timbre rocailleux, Ă lâĂ©mission souvent trop Ă©troite, hormis lorsque la voix est bien posĂ©e en pleine puissance. Peu Ă son aise dans les accĂ©lĂ©rations, la Sud-Africaine ne convainc pas non plus au niveau interprĂ©tatif, Ă lâinstar du pĂąle Prince de Kyungho Kim qui semble rĂ©citer son texte. Si le tĂ©nor corĂ©en sĂ©duit par ses phrasĂ©s souples, naturels, bien placĂ©s dans lâaigu, il manque de graves pour convaincre totalement au niveau vocal. On perçoit le mĂȘme dĂ©faut de tessiture chez Goderdzi Janelidze qui donne toutefois Ă son Ondin des intentions plus franches, Ă la voix gĂ©nĂ©reuse dans lâĂ©clat. Maria Riccarda Wesseling incarne quant Ă elle une Jezibaba Ă la technique propre et sans faille, un rien timide dans les possibilitĂ©s dramatiques de son rĂŽle, tandis que Karen Vermeiren donne Ă sa Princesse Ă©trangĂšre la soliditĂ© vocale requise. La satisfaction vient davantage des seconds rĂŽles, Ă lâinstar du truculent Daniel Arnaldos (Le garde forestier), Ă lâexpression haute en couleur admirable de justesse, ou des parfaites et homogĂšnes trois nymphes.
Mais câest peut-ĂȘtre plus encore la direction constamment passionnante de la Lituanienne GiedrÄ Ć lekytÄ (nĂ©e en 1989) qui surprend tout du long par son Ă -propos dans la conduite du discours narratif : on aura rarement entendu une telle attention aux nuances, une construction des crescendos aussi criante de naturel, le tout en des tempi vifs, Ă lâexception notable des pianissimi langoureux. LâĂ©tagement des pupitres, comme lâallĂšgement des textures, est un rĂ©gal de subtilitĂ©, mĂȘme si on aurait aimĂ© davantage de noirceur dans les parties dĂ©volues Ă lâOndin ou Ă la sorciĂšre. Cette baguette talentueuse devrait trĂšs vite sâimposer comme lâune des interprĂštes les plus recherchĂ©es de sa gĂ©nĂ©ration. A suivre.
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COMPTE-RENDU, critique, opĂ©ra. Gand, OpĂ©ra flamand, le 11 janvier 2019. Dvorak : Rusalka. Pumeza Matshikiza ou Tineke Van Ingelgem (Rusalka), Goderdzi Janelidze (LâOndin), Maria Riccarda Wesseling (Jezibaba), Kyungho Kim ou Mykhailo Malafii (Le Prince), Karen Vermeiren (La Princesse Ă©trangĂšre), Daniel Arnaldos (Le garde forestier), Justin Hopkins (le chasseur), RaphaĂ«le Green (Le garçon de cuisine), Annelies Van Gramberen (PremiĂšre nymphe), Zofia Hanna (DeuxiĂšme nymphe), RaphaĂ«le Green (TroisiĂšme nymphe), ChĆur de lâOpĂ©ra national de Lorraine, Merion Powell (chef de chĆur), Opera Ballet Vlaanderen, Symfonisch Orkest Opera Ballet Vlaanderen, GiedrÄ Ć lekytÄ (direction musicale) / Alan Lucien Ăyen (mise en scĂšne et chorĂ©graphie). A lâaffiche de lâOpĂ©ra flamand, Ă Gand, jusquâau 23 janvier 2020.
Illustrations :
La cheffe dâorchestre GiedrÄ Ć lekytÄ  © Filip Van Roe
Production Opéra des Flandres © Opera Ballet Vlaanderen 2020