OPERA EN LIGNE. Fragments, part I : TEODOR CURRENTZIS JOUE DES EXTRAITS DE LA TRAVIATA DE VERDI

currentzis confinement audio video TRAVIATA fragments critique annonce classiquenews opera critique reviewOPERA EN LIGNE. TEODOR CURRENTZIS JOUE DES EXTRAITS DE LA TRAVIATA DE VERDI. PUDEUR mortuaire et ciselée de Currentzis et de la soprano Nadezhda Pavlova. Pour conjurer les effets asphyxiants du confinement (et la fermeture des maisons d’opéras), le chef Teodor Currentzis et son orchestre MusicAeterna enregistrent plusieurs séquences intitulées « Fragments », à Saint-Petersbourg, dédiées à quelques scènes marquantes de l’opéra ; la première est révélée le 4 déc 20 sur youtube et incarne les derniers instants de La Traviata sur scène… Finesse, pudeur du prélude de l’acte III, aux vibrations arachnéennes qui expriment les attentes d’un cœur éprouvé, celui de la jeune courtisane Violetta Valery. Currentizs joue l’ouverture, puis la dernière scène (« Addio del Passato bei sogni ridenti ») , celle de la femme sacrifiée qui appelle dans son appartement parisien, sa servante « Annina » : malade, aux portes de la nuit, la jeune âme expirante est prête à mourir sur l’autel de la pensée hypocrite bourgeoise. Elle a dû renoncer au seul amour sincère qu’elle connut jamais, celui du jeune Rodolfo qu’elle a quitté à la demande du père de ce dernier, Germont.

 

 

 

NOIR tragique et romantique
La Traviata par Teodor Currentzis et Nadezhda Pavlova

 

 

 

Traviata-currentzis-pavlova-addio-del-passato-critique-opera-review-opera-critique-classiquenewsLa séquence est courte (18mn), filmée en noir et blanc, ralentis, effets d’ombre, serrant de près les instrumentistes et les chanteurs (jamais de face), du chef aux gestes amples, suspendus, dans des ténèbres persistantes et vaporeuses (pas d’issue pour la pêcheresse). Dans une atmosphère d’étuve, presque suffocante, Violetta et sa servante dialoguent comme deux aveugles dans le noir de la solitude et de la souffrance. Currentzis ralentit les tempi ; la prise valorise surtout le chant incarné, tragique « è tardi !… attendo, attendo… » de la soprano aux portes de la mort ; les phrasés sont ciselés, chaque mesure énoncée jusqu’au bout du souffle. La prière « Addio del passato » est comme syncopée (avec hautbois obligé), conçue comme l’ultime respiration d’une mourante (timbre clair et filigrané de la cantatrice Nadezhda Pavlova qui cependant gagnerait à articuler davantage l’italien), rêvant à sa dernière étreinte avec l’être qu’elle aurait jamais aimé vraiment.

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FRAGMENTS / Part I : La Traviata
Teodor Currentzis, MusicAeterna
Avec Nadezhda Pavlova (Violetta Valery, La Traviata) et Julia Saifulmuliukova (Annina)

 

 

 


VOIR la séquence vidéo LA TRAVIATA

/ « Addio del Passato bei sogni ridenti »
par Teodor Currentzis et Nadezhda Pavolova
https://teodorcurrentzis.lnk.to/traviata

 

 

 

 

 

 

COMPTE-RENDU, opéra. PARIS, Garnier, le 12 sept 2019. VERDI: La Traviata. Yende, Bernheim, Mariotti / Stone.

Traviata opera garnier paris critique opera classiquenews 600x337_charles_duprat_opera_national_de_paris-la-traviata-19-20-charles-duprat-onp-22-_1Compte rendu, opĂ©ra. Paris. OpĂ©ra Garnier, 12 septembre 2019. La Traviata, Verdi. Pretty Yende, Benjamin Bernheim, Ludovic TĂ©zier… Orchestre de l’opĂ©ra. Michele Mariotti, direction. Simon Stone, mise en scène. Nouvelle production du chef-d’œuvre verdien, La Traviata, Ă  l’affiche pour la rentrĂ©e 2019 2020 de l’OpĂ©ra National de Paris. L’australien Simon Stone signe une transposition de l’intrigue Ă  notre Ă©poque, avec la volontĂ© Ă©vidente de parler Ă  la jeunesse actuelle. La soprano Pretty Yende dans le rĂ´le-titre fait une prise de rĂ´le magistrale, entourĂ©e des grandes voix telles que celles du tĂ©nor Benjamin Bernheim et du baryton Ludovic TĂ©zier. L’orchestre maison est dirigĂ© par le chef italien Michele Mariotti. Une nouveautĂ© riche en paillettes et perlimpinpin, bruyante et incohĂ©rente parfois, malgrĂ© la beautĂ© plastique indĂ©niable de la soprano, les nĂ©ons, les costumes hautes en couleur… le bijou reste invisible aux yeux.

 

 

La Traviata 2.0…
en frivolité stylisée

 

 

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La Traviata est certainement l’un des opĂ©ras les plus cĂ©lèbres et jouĂ©s dans le monde entier. Le livret de Francesco Maria Piave d’après La Dame aux camĂ©lias d’Alexandre Dumas fils n’y est pas pour rien. Le grand Verdi a su donner davantage de consistance et d’humanitĂ© aux personnages mis en musique. Si l’histoire archiconnue de Violetta ValĂ©ry, « courtisane », est un produit de son Ă©poque, inspirĂ© d’ailleurs de faits rĂ©els, seule la musique fantastique de Verdi cautionne l’indĂ©niable popularitĂ© inĂ©puisable de l’opus. Si le public contemporain europĂ©en est de moins en moins friand d’histoires tragiques oĂą les femmes sont condamnĂ©es Ă  la victimisation par une sociĂ©tĂ© Ă  la misogynie conquĂ©rante, nous aimons toujours ĂŞtre conquis par les sopranos qui s’attaquent au rĂ´le, et qui malgrĂ© la mort tragique sur scène, gagnent nĂ©anmoins Ă  la fin de la performance, par la force de leur talent et leur insigne compĂ©tence.

Dans la transposition du metteur en scène, M. Stone, nous avons droit à un première acte qui frappe l’oeil par l’usage ingénieux de la vidéo (signée Zakk Hein), avec les références contemporaines d’Instagram et Whatsapp. Violetta a donc des milliers de « followers », va faire la fête dans un célèbre club privé parisien, s’achète un #kebab en fin de soirée, etc.. Ca interpelle, c’est surprenant, c’est agréable, c’est cool, c’est fugace… C’est souvent anti musical. Regardons ce qu’il se passe sur scène au moment le plus connu du grand public de cet acte, la chanson à boire (le Brindisi)… Rien. Cela pourrait être presque intéressant, de faire d’un morceau choral et dansant un moment de tension dramatique apparente… Mais pourquoi ? Et comment ? Personne ne sait. La musique est dansante et légère, mais personne ne bouge. Si les interprètes n’avaient pas tourné le dos au public à certains moments, nous aurions pu dire qu’il s’agissait d’une mise en scène d’inspiration baroque, du fait de l’aspect profondément conventionnel de la proposition.
A un moment au 2e acte, nous avons droit à des néons tout à fait orgiaques, c’est audacieux et c’est kitsch. On adore. Immédiatement après vient une procession des choristes déguisés en plusieurs personnages des fantasmes érotiques, il y a du cuir, du latex, des godemichets… et sagement se forment des couples tout à fait hétéronormés, qui sagement regardent le public de face, sans bouger, pendant qu’ils chantent leur chœur puis quittent la scène. Il y a aussi pendant cet acte un bovidé sur scène. A la fin de l’acte la salle fut inondé d’applaudissements… et de quelques huées. Au troisième acte, le plus sobre, dans un contexte médical, plus ou moins explicite, l’espace scénique est constamment « pollué » par des mécanismes qui font marcher la scénographie, produisant d’insupportables bruits.

Heureusement les performances vocales sont salvatrices. Il y a un travail d’acteur indéniable, surtout de la part des protagonistes, mais également chez quelques seconds rôles. Ils sont habités par le drame, même si la proposition est étrangement moins dramatique que ce que nous en attendions.

 

 

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Pretty Yende dans le rôle-titre est une force discrète. Nous savons qu’elle a longtemps attendu avant d’incarner le rôle, malgré les propositions depuis de nombreuses années. Elle a bien fait ! Elle a le physique qui correspond au personnage et surtout elle est tout particulièrement juste dans la caractérisation, qui peut facilement sombrer dans l’excès de pathos. Si son jeu d’actrice est génial, le bijou est dans la voix. Sa performance est resplendissante, son souffle coupe le souffle et son legato ensorcelle, tout simplement. Le timbre est beau et touchant, et ses coloratures, bien que virtuoses, ne sont jamais frivoles. Son interprétation ultime, l’«addio del passato » à la fin de l’opéra est un moment inoubliable, où seul les frissons nous rappellent que le temps n’était pas vraiment suspendu. Une prise de rôle magistrale !

Dans le triumvirat des protagonistes, les rôles masculins d’Alfredo et de Giorgio Germont, fils et père, sont tout aussi brillamment interprétés. La performance de Ludovic Tézier dans le rôle du père est une Master Class de chant lyrique et de style. Le ténor Benjamin Bernheim est tout panache ! Il est vaillant dans les limites de la proposition scénique, mais a surtout une force expressive remarquable dans l’instrument. Le timbre est charmant ; sa voix remplit la salle et touche les coeurs.

Le choeur de l’Opéra sous la direction de José Luis Basso est à la hauteur des autres éléments de la production. La direction musicale du chef Michele Mariotti est tout à fait intéressante. Si dans l’ensemble tout paraît correcte, la performance des vents est tout à fait hors du commun. Si les voix de la Yende et de Bernheim, lors du duo du 1er acte « Un di, felice, eterea » sont ravissantes, les vents sont quant à eux, …sublimes.

 

 

 

 

 
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Nouvelle Traviata à l’Opéra National de Paris, avec un trio de protagonistes qui cautionnent entièrement le déplacement, une mise en scène pétillante et légère qui ne laisse pas indifférent. A l’affiche au Palais Garnier les 18, 21, 24, 26 et 28 septembre ainsi que les 1, 4, 6, 9, 12 et 16 octobre 2019, avec deux distributions. Illustrations : © Charles Duprat / OnP

 

 
 

 

Carmen, Violetta, Mimi… 3 visages de l’Ă©ternel fĂ©minin au XIXè

puccini-giacomo-portrait-operas-classiquenews-dossier-special-HOMEPAGE-classiquenewsARTE, Dim 7 juillet 2019. CARMEN, VIOLETTA, MIMI, ROMANTIQUES ET FATALES
« Mimi, Carmen, Violetta » compose un triptyque lyrique pour un film choral consacré aux héroïnes des trois opéras romantiques les plus joués dans le monde aujourd’hui : Carmen, La Traviata et La Bohême. Mais alors Mozart n’existe pas dans cette (pseudo) statistique ? Et Don Giovanni, et La Flûte enchantée ? Et Elvira, Anna, Zerlina, Pamina ? Quelle omission.
Selon la présentation de l’éditeur, voici donc « Trois grandes figures d’émancipation féminine : Carmen, cet obscur objet de désir, qui paie de sa vie son indomptable liberté… Violetta, la courtisane adulée qui, en sacrifiant son amour, devient une sorte de sainte laïque… Et enfin la douce et pauvre Mimi, la petite brodeuse dont la jeunesse est fauchée par la tuberculose ». Mais alors que dire de Mimi, digne et misérable, fauchée avant d’avoir pu cultiver et affirmer son maour (pour Rodolfo le poète). On peut rêver mieux comme modèle d’émancipation féminine. Mimi est quand même une victime de la Bohème parisienne, entre pauvreté, misère, indigence…
Qui sont-elles ? Et d’où viennent-elles ? A travers un montage d’archives baigné de musique et « aussi savant que sensible », le film part en quête des personnages, qui apparaissent à Paris, quasiment en même temps, au milieu du 19ème siècle, sous la plume de 3 écrivains (Alexandre Dumas Fils, Prosper Mérimée, Henry Murger). Des écrivains qui font évoluer la littérature en puisant dans leur propre vie la matière de leurs histoires.
A l’origine des mythes, on découvre avant tout 3 femmes de chair et de sang : muse, amante ou héroïne de fait divers, … comme la matière de Madame Bovary : elles viennent de la réalité, en rien de l’histoire antique ou de la fable héroïque.
Tout le mérite revient aux compositeurs d’avoir su enrichir leur psychologie jusqu’à parvenir à des personnages devenus des archétypes, des symboles, autant de visages de l’éternel féminin…

En suivant leur parcours, c’est aussi tout le 19ème siècle, romantique, réaliste, naturaliste, qui est suggéré : ses modes, sa littérature, sa musique, l’essor bourgeois né de la révolution industrielle… La musique baigne entièrement le film qui permet de faire entendre les pages les plus célèbres des 3 opéras de Giuseppe Verdi, Georges Bizet, Giacomo Puccini.

arte_logo_2013ARTE, Dim 7 juillet 2019, 18h15 CARMEN, VIOLETTA, MIMI, ROMANTIQUES ET FATALES. Auteurs : Cyril Leuthy et Rachel Kahn / RĂ©alisation : Cyril Leuthy – Coproduction : ARTE France/ ET LA SUITE PRODUCTIONS / INA avec la participation de France TĂ©lĂ©visions (2018-52mn) / illustration

Webserie. INSTAGRAM : INSTRAVIATA, la Traviata 2.0… (1er-30 mars 2019).

instragram-elsa-dreisig-arte-concert-actus-infos-musique-classique-opera-par-classiquenews-concerts-festival-operaINSTAGRAM : INSTRAVIATA, la Traviata 2.0… (1er-30 mars 2019). ELSA DREISIG, la plus jeune Traviata depuis La Callas… L’annonce est aguicheuse et demande Ă  ĂŞtre approfondie. En rĂ©alitĂ© Arte diffuse une sĂ©rie de petits clips qui compose une BD animĂ©e, soit 30 Ă©pisodes sous pour expliquer l’opĂ©ra de Verdi : La Traviata, d’après Dumas fils. La jeune soprano Elsa Dreisig, diva consacrĂ©e par classiquenews (son dernier et premier cd Miroirs a réçu notre CLIC de classiquenews en dĂ©cembre 2018), a chantĂ© pour la première fois le personnage de Violetta Valery au Staatsoper de Berlin (la bande son des Ă©pisodes dessinĂ©s utilise l’interprĂ©tation d’Elsa Dreisig Ă  Berlin et sa Traviata de 2017) . Les Ă©pisodes sont diffusĂ©es sur instagram, chaque jour Ă  midi, composant une BD 2.0 oĂą l’histoire de Violetta croise la vie artistique de la soprano franco-danoise. A voir sur Arteconcert. INSTRAVIATA, Ă  dĂ©couvrir sur Arte concert : 30 Ă©pisodes en BD pour dĂ©couvrir autrement le mĂ©tier d’Elsa Dreisig Ă  travers son interprĂ©tation de la Traviata de Verdi… Du vendredi 1er au samedi 30 mars 2019. Dessin : LĂ©on Maret – rĂ©alisation : Claire Albry et TimothĂ©e Magot.
Au moment de publier cette info, nous n’avons pas visionné les épisodes. Quelle est au juste l’interaction entre le dessin l’histoire de la Traviata (epxliquée) et la vie et le chant d’Elsa Dreisig ? A suivre…

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VISITER le site officiel d’Elsa Dreisig
https://www.elsadreisig.fr

Elsa Dreisig chante en 2019 : Zerlina (OpĂ©ra de Paris : 11 – 13 juillet 2019)

 

 

 

LIRE aussi notre critique complète du cd MIROIRS d’Elsa Dreisig (1 cd warner classics / CLIC de classiquenews novembre 2018)

500x500-ELSA-DREISIG-miroirs-cd-critique-clic-de-classiquenews-la-nouvelle-diva-francaise-par-classiquenewsCD, critique. MIROIR(S). ELSA DREISIG, soprano (1 cd ERATO). Déjà la prise de son est un modèle du genre récital lyrique : la voix de la soliste se détache idéalement sur le tapis orchestral, détaillé et enveloppant. Le programme de la soprano Pretty Yende enregistré chez SONY ne bénéficiait pas d’un tel geste orchestral ni d’une telle prise de son. Dans cet espace restitué avec finesse, la voix somptueuse de la jeune mezzo française affirme un beau tempérament, sensuel, épanoui, naturel, et aussi espiègle (sa Rosina qui l’avait révélé au Concours de Clermont Ferrand : voir notre entretien avec la jeune diva, alors non encore distingué par son prix Operalia 2016) : du chien, une finesse enjouée, et donc un talent belcantiste naturel. Sa comtesse, quoiqu’on en dise trouble malgré une couleur qui manque de profondeur, mais la justesse de l’intonation, le souci de la ligne, indique là aussi, aux côtés de la rossinienne, l’excellente mozartienne

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COMPTE RENDU, opéra. MARSEILLE, le 26 décembre 2018. VERDI : Car, Janot… La Traviata. Abbassi, Auphan

thumbnail_3 IMG_4482 photo Christian DRESSE 2018COMPTE RENDU, opéra. MARSEILLE, le 26 décembre 2018. VERDI : Car, Janot… La Traviata. Abbassi, Auphan. « Ô Dieu, mourir si jeune… », s’écrie la malheureuse phtisique dans l’un de ses derniers spasmes. La chance des morts, c’est qu’ils ne vieillissent pas. Palme de martyre et privilège des Mozart, Schubert, fixés dans la jeunesse d’une œuvre éternelle, tels James Dean, Marylin Monroe qu’une fin prématurée fixe dans l’éternité de leur jeune beauté, ou même une Greta Garbo, admirable Marguerite Gautier, qui sut rompre à temps le miroir par sa mort publique pour se conserver éternellement belle dans la mémoire par la perfection de son image de cinéma.
Une héroïne sans futur pour une œuvre qui ne vieillit pas dans une réalisation déjà ancienne de Renée Auphan, réalisée par Emma Martin, mais qui n’a pas pris une ride. L’Opéra de Marseille finissait et commençait une année par le pathos de la pathologie romantique.

 

 

L’œuvre : sources
Faut-il encore raconter l’aventure de cette « Dévoyée », sortie de la bonne voie, de cette Violetta Valéry verdienne tirée du roman autobiographique La Dame aux camélias (1848) d’Alexandre Dumas fils ? Il en fera un mélodrame en 1851, qui touchera Verdi. Alexandre Dumas fils était l’amant de cœur de la courtisane Marie Duplessis qui inspire le personnage de Marguerite Gautier, maîtresse un temps de Liszt, morte à vingt-cinq ans de tuberculose.

 

 

 

HEURTS ET MALHEURS DES COURTISANES

 

 

thumbnail_2 P1030553 photo Christian DRESSE 2018

 

 

Le jeune et alors pauvre Alexandre, offrira plus tard à Sarah Bernhardt, pour la remercier d’avoir assuré le triomphe mondial de sa pièce qui fait sa richesse, sa lettre de rupture avec celle qu’on appelait la Dame aux camélias, dont il résume l’un des aspects cachés du drame vécu :
 « Ma chère Marie, je ne suis pas assez riche pour vous aimer comme je voudrais, ni assez pauvre pour être aimé comme vous voudriez… »
Noble mais fausse rupture comme il y a de fausses sorties au théâtre, puisque Armand Duval, dans le roman, s’accommodera assez aisément du vieux duc, qui loue même la maison de campagne qui abriteront ses amours non tarifées avec la courtisane amoureuse qui l’embrasse triomphalement :
« Ah, mon cher, vous n’êtes pas malheureux, c’est un millionnaire qui fait votre lit. »
Car le roman est d’une cruelle crudité financière sans fard. C’est l’entremetteuse et profiteuse Prudence, cocotte sur le retour, de ces amies « dont l’amitié va jusqu’à la servitude mais jamais jusqu’au désintéressement », qui énonce longuement au jeune amoureux idéaliste les exigences du train de vie fastueux d’une courtisane : trois ou quatre amants sont au moins nécessaires pour en entretenir une seule. Marguerite, fort cotée, en a deux officiels, le Comte G… et le vieux Duc richissime pour subvenir à ses immenses besoins : l’amant de cœur en est d’abord réduit à guetter qu’ils sortent de chez elle pour y entrer la retrouver. Ce seront d’ailleurs les seuls à son enterrement.

 

 

 

Histoire d’argent
La vénalité amoureuse, juste présente dans l’opéra par la scène de jeu du second tableau de l’acte III, est thème essentiel du roman, L’argent est le cœur de l’histoire d’amour. Le père de son amant exige le sacrifice de la courtisane car il redoute que les amours scandaleuses de son fils avec une poule de luxe ne compromettent le mariage de sa fille dans une famille où on ne sait si la morale ou l’argent fait loi. On y craint surtout que le fils prodigue ne dilapide l’héritage familial en cette époque où le ministre Guizot venait de dicter aux bourgeois leur grande morale : « Enrichissez-vous ! » Bourgeoisie triomphante, pudibonde côté cour mais dépravée côté jardin, jardin même pas très intérieur, cultivé au grand jour des nuits de débauche officielles avec des lionnes, des « horizontales », des hétaïres, des courtisanes affectées (et infectées) au plaisir masculin que les messieurs bien dénient à leur femme légitime. Sans compter le menu fretin inférieur des grisettes, des lorettes,racoleuses de Notre-Dame-des-Lorettes.
En tous les cas, ni l’amie Prudence, ni même Marguerite, ne cachent au jeune amant de cœur la nécessité des amis de portefeuille : Marguerite dépense 100 000 fr (de l’époque) par an, en a 30 000 de dettes ; le duc lui en octroie annuellement 70 000 (somme qu’elle refuse honnêtement d’augmenter), et l’on peut supposer que le comte G. pourvoie au reste, mais le compte n’y est pas dans la fuite en avant des dépenses. Alors, le malheureux Armand avec ses 7 000 ou 8 000 fr de rente par an peut se rhabiller, pauvre et nu…Fière de son plan campagnard, sa cure d’amour et d’air frais avec le jeune amant, Marguerite fait financer la location de la maison de campagne par le duc, refusant tout de même, par élégance morale, de lui faire assumer les frais du séjour à l’auberge voisine d’Armand, qu’elle paie elle-même, pour préserver les apparences et la dignité du vieil amant. Elle ne l’invite à demeure un certain temps que parmi d’autres de ses amis, causant la rupture avec le duc qui s’en scandalise en arrivant de manière inopinée au milieu d’un repas où il fait figure de barbon grincheux trouble-fête.

Demi-monde fastueux
Alexandre Dumas, digne fils de son géniteur, qui disait tout fier de son rejeton marchant sur ses pas qu’il « usait les vieilles chaussures et les vieilles maîtresses de son père », tous deux ayant la même « pointure », s’était fait une spécialité de scandale de la description du monde de la galanterie parisienne. C’est sans doute à sa pièce Le Demi-Monde(1855) que l’on doit le terme de demi-mondaine pour définir ces prostituées de haut vol, pratiquement toutes issues du peuple mais que leur luxe et souvent leur raffinement final feront arbitres des élégances, imposant même leur mode aux femmes du monde les plus huppées, aux aristocrates, courtisanes anoblies souvent par des mariages prestigieux.
Qu’on songe, pour ne s’en tenir qu’aux strictement contemporaines, à Lola Montès, l’Irlandaise fausse danseuse espagnole, sans doute amante, entre autres, des Dumas père et fils, parcourant toute l’Europe, multipliant scandales et mariages, bigame, séduisant Wagner, Liszt (contraint de fuir ses fureurs), des princes, devenue comtesse de Lansfeld, entraînant à Munich émeutes, révolution en 1848 et la chute de Louis 1erde Bavière, son amant protecteur, contraint d’abdiquer, avant de finir, après avoir écumé les États-Unis et même l’Australie d’une pièce à sa gloire, ruinée et confite en dévotion.
Sans allonger la liste des horizontales finissant bien debout plus titrées que maltraitées comme la pauvre Marguerite/Violetta, on croit rêver à lire la vie de la Païva, de sa lointaine et misérable Russie, épousant et divorçant d’aristocrates allemand, anglais, et gardant son nom du titre de marquise portugaise qu’elle conserve après la ruine de cet autre malheureux époux. De ses immenses et innombrables propriétés, on peut juger par le somptueux hôtel particulier du 25 Champs-Élysées, aux grilles noires et dorées, dont Dumas père disait sarcastiquement, lors de sa construction :
« C’est presque fini, il manque le trottoir ».
Demeure vite appelée par les rieurs non payeurs, jouant sur son nom :
« Qui paye y va ».
Même Napoléon III.
La chair est chère, dirait-on. Mais sûrement rentable, chacun y trouvant son compte, en banque pour la courtisane entretenue, en prestige social, précieuse monnaie d’échange pour l’homme dont le train de vie se mesure à celui qu’il offre à sa maîtresse officielle, affichant par-là, pour les affaires autres que d’amour, qu’il est solvable et fiable. D’où la surenchère avec les concurrents, et le triomphe des amours-propres et non de l’amour. Marguerite Gautier, avec une amertume lucide, l’explique à son jeune amant, fauché à cette échelle de valeurs monétaires vertigineuses :
« Nous avons des amants égoïstes qui dépensent leur fortune non pas pour nous comme ils disent, mais pour leur vanité. […] Nous ne nous appartenons plus. Nous ne sommes plus des êtres mais des choses. Nous sommes les premières dans leur amour propre, les dernières dans leur estime. »
Un amant de cœur, une fleur à la main, une larme à l’œil comme dit Marguerite, faisant secrètement antichambre tandis que le « payeur » (comme disait déjà Ninon de Lenclos) est encore dans la chambre, c’est donc comme une revanche de l’amour sur l’amour-propre épidermique.
Il faut dire aussi que la jeune Marie Duplessis, prise en mains par son premier amant aristocrate, en reçut éducation et manières (elle joue au piano l’Invitation à la valsede Weber, même si elle avoue buter sur un passage en dièse), alors que, six ans auparavant, elle ne savait pas écrire son nom comme elle le confesse sans fard à Armand. Elle est spirituelle, lit Manon Lescaut, et ne rate pas une première à l’Opéra ou au théâtre, terrain de chasse certes, où elle ne passe jamais inaperçue malgré son élégante discrétion : un noble amant se doit aussi d’être fier de la femme qu’il affiche à son bras. Elle tiendra un salon littéraire et politique. D’ailleurs, le fidèle Comte de Perregaux l’épouse à Londres, la faisant comtesse même si lassée, elle rentre à Paris, reprend son ancienne vie et meurt l’année suivante, après un an d’amour avec Alexandre Dumas fils qui l’immortalise en Marguerite Gautier.
Elle habitait Boulevard de la Madeleine, mais Dumas fils lui donne un « magnifique appartement » Rue d’Antin.
Le rideau se lève sur un vaste salon digne d’elle.

 

 

 

Réalisation
« Pour être moderne, soyons classique ! » s’exclamait Jean Cocteau au début des années 20 pour protester contre certaines dérives artistiques. Depuis un demi-siècle déjà, on redoute, au lever de rideau d’une œuvre classique, le traitement, souvent affligeant que va lui infliger un metteur en scène en mal d’originalité, qui se sentirait déshonoré de respecter l’œuvre pour ce qu’elle est. Austères en ligne, n’était-ce la sombre beauté du ronce de noyer aux délicates veinures fondues de marron, ces murs lisses tissent une élégante et sobre harmonie sur laquelle affleure l’efflorescence de robes floues des femmes, des dames, en délicates teintes pastels, parme, vaguement rose, bleu pâle, paille, délivrées du carcan des crinolines ou raides cerceaux mortificateurs qui auraient signé, avec des coiffures datées, une époque précise. Les habits des hommes sont aussi des smokings libérés d’un temps figé, celui des courtisanes célèbres ayant eu pour butoir la Grande Guerre.
La scène n’est pas encombrée de meubles : tentures dorées sur le miel ambiant, candélabres, ce canapé noir déjà funèbre qui, à la couleur près, pourrait être Récamier, sauf que les dames, avec la nonchalance des Femmes au jardinde Monet ou autres peintres, préfèrent s’assoir souplement par terre, fleurs écloses épanouies sur les pétales étales de leur robe, qui ont toute l’élégance raffinée de costumes de Katia Duflot.
Ce beau monde semble plus le monde que le demi-monde, sans doute assez juste historiquement pour Marie Duplessis qui tenait salon mondain, littéraire et politique, les amants protecteurs pouvant aussi, recevant chez leur maîtresse, y recevoir des gens d’un autre monde qui n’auraient jamais été reçus dans le leur, pour brasser officieusement des affaires impossibles à étaler au grand jour officiel. Mais cette élégance, c’est sans doute aussi une façon pour la metteur en scène à l’origine, puis sa réalisatrice, sa décoratrice et sa costumière, beau quatuor de dames, de dignifier ces femmes souvent décriées et réprouvées par la morale ambiante de surface de leur société corsetée dans les préjugés. On rappellera que, par la volonté d’Audrey Hepburn de faire porter à son héroïne, une humble call girl, une robe noire de Givenchy et de magnifiques chapeaux, la modeste Holly de Diamants sur canapé, atteint à une sorte de mythe de l’élégance féminine. C’est justement au nom de ces belles manières dont devaient faire montre en public les courtisanes, pour racheter par la forme le jour l’informalité de leurs nuits, qu’on s’étonne de la familiarité de ces bises prodiguées dans la première scène.
On apprécie le même décor varié, contraste vif avec le salon canaille de Flora, olé olé précisément avec ces toréros de mauvais goût, ces bohémiennes. Le regard complice mais égrillard de Flora à son amie au premier acte en était déjà une aguicheuse annonce et sa danse affriolante, robe et jambes fendues, affolant ses invités et le public, est une élégante bacchanale de la sculpturale Laurence Janot, qui nous émerveille toujours en artiste complète, jouant ici, de crédible façon, l’envers, le revers de Violetta : ludique et non pudique, dominatrice même avec son marquis, bien campé par le mince, juvénile et joyeux Frédéric Cornille. C’est aussi un contraste bien vu avec le sombre baron bourru, bourré sans doute, de Violetta, incarné solidement par Jean-Marie Delpasqui, dès sa première apparition, préfigure la meurtrière jalousie frustrée puisque c’est lui qui sera blessé dans le duel qui l’opposera à Alfredo. Carl Ghazarossian est le Gaston qui complète au mieux et ferme la trilogie des fêtards particularisés. Dans ces rôles secondaires, forcément nécessaires, la révélation, c’est Carine Séchaye en Annina, voix claire et figure touchante, plus de suivante confidente que de chambrière et garde-malade de la courtisane. À l’acte II, c’est une juste attitude de reproche qu’elle manifeste envers l’inconscience d’Alfredo qui n’a pas l’air de voir que quelque chose cloche dans le pied sur lequel il vit.
Cette subtile attention à tous les personnages est comme une signature de Renée Auphan qui a toujours rendu l’opéra au théâtre, à un théâtre qui n’ignore ni le cinéma ni la télévision, par un travail d’acteurs qui bannit toute outrance du jeu qui y deviendrait insupportable dans les gros plans. Heureuse idée, justement, de faire vivre une de ces silhouettes, c’est le cas du Docteur Grenvil, incarné en de trop brèves phrases par la sombre voix d’Antoine Garcin, mais qui existe ici, même muet, dans l’acte II puisque, belle trouvaille, visiteur dans l’heureuse campagne de Violetta et Alfredo, il en signifie certes et qu’elle va mieux mais que la maladie est toujours là, devenant le confident privilégié du jeune amant enthousiaste, donnant une vérité à un air monologue en général adressé au vent.
Dans cet acte, l’intelligente et belle structure unique du décor de Christine Marest, permet, avec les éclairages expressifs et différenciés de Roberto Venturi, sans hiatus, le changement, le passage du I à l’acte II campagnard : des plantes d’agrément, un canapé et un fauteuil beige clair, plus marqués néo Louis XV Second Empire ou 1900, et des vêtements intemporels d’Alfredo, sur les mêmes parois marrons allégées de lumière, des camaïeux de bis, bistre, crème, miel glacé.
Un univers Ă  la paix retrouvĂ©e que vient troubler, avec le crĂ©puscule puis la nuit tombante des rĂŞves de Violetta, l’intrusion douce mais violente de Germont, père d’Alfredo. En costume strict, noir, la raideur d’un col ecclĂ©sial lui donne l’air sĂ©vère d’un pasteur qui n’est pas un bon berger, oiseau moralisateur de mauvais augure pour la jeune femme rĂ©dimĂ©e par l’amour, par la clĂ©mence de Dieu, mais condamnĂ©e par les hommes. Cependant, Étienne Dupuis, dans cette mise en scène, n’en fait pas un personnage odieux. La voix est belle, Ă©gale, bien conduite, toute en nuances expressives. Certes, il y a la culpabilisante image de la fille angĂ©lique Ă  la fille perdue, l’inĂ©vitable chantage aux larmes (â€Piangi, piangi, o misera… ») pour les Marie Madeleine repenties ; il Ă©bauche des gestes de tendresse, hĂ©site Ă  embrasser Violetta qui le lui demande, mais cela devient plus pudeur que froideur. Ă€ son fils, son air fameux « Di Provenza il mare, il sol… », devient une tendre berceuse murmurĂ©e oĂą le legato, le phrasĂ©, sont d’une Ă©motion qu’il nous fait partager.

 

 

 

thumbnail_4 MG_4307 photo Christian DRESSE 2018

 

 

 

Et c’est sans doute aussi la marque de cette production musicale menée souplement et fermement par Nader Abassi : les airs les plus connus semblent redéfinis de l’intérieur, leur rythmique, souvent savonnée, retrouvée, met en valeur chaque mot, en polit le sens, nous émerveillant de la subtilité verdienne parfois gommée par des excès vocaux. On trouve ces qualités dès les premières strophes d’Enea Scala, un Alfredo que sa virilité vocale n’empêche pas de ciseler avec une impeccable aisance précise les triolets de son « Brindisi » que peu de ténors réussissent dans leur finesse, détaillant avec ivresse son bonheur ou proférant de convaincante façon sa douleur et son remords de l’insulte publique à la femme aimée.
Nicole Car, par sa silhouette élégante, sa grâce, son sourire, la finesse de son jeu expressif, est une digne Violetta, de grande classe. Elle se tire parfaitement de ses répliques désinvoltes aux compliments du jeune amoureux ; son récitatif méditatif, dans la tradition baroque des affects opposés comme ceux d’une Donna Elvira, est touchant mais, vite, la voix s’assèche dans les aigus, raidit. On sent l’effort dans la vocalise la plus haute qui monte au ré bémol avant d’amorcer la cabalette vertigineuse qu’elle couronnera d’un aigu tenté, effleuré, mais prudemment glissé à la note inférieure. Cependant dans sa grande scène de l’acte II avec le père, dans une tessiture moins tendue, elle bouleverse de bout en bout : tout est exprimé dans une douloureuse douceur, piano ou pianissimo, et son partenaire y répondant par un art consommé, c’est bien un sommet émotionnel rare, pathétique sans pathos, que nous donnent ces deux grands artistes.
Nader Abassi, d’entrée, fait naître la nostalgique brume de l’ouverture, comme un rêve évanescent, gommant les « zim-boum-boum » percussifs de l’accompagnement un peu forain, qui contrastera avec l’éclat brillant de la fête. Ilsemble parfois tirer de l’ombre de la fosse des couleurs instrumentales qu’on entend rarement, notamment dans le récitatif de Violetta. Même la joyeuse cohue des chœurs (Emmanuel Trenque) est exempte de débordements autres que festifs, et réglés par la mise en scène. Un grand raffinement.

 

 

 

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COMPTE RENDU, opéra. MARSEILLE, le 26 décembre 2018. VERDI : Car, Janot… La Traviata. Abbassi, Auphan

LA TRAVIATA (1853)
de Giuseppe Verdi,
livret de Francesco Maria Piave,
d’après La Dame aux camélias(1852),
drame d’Alexandre Dumas fils tirĂ© de son roman Ă©ponyme (1848) – Production OpĂ©ra de Marseille

Opéra de Marseille,
23 décembre 2018 14:30
26 décembre 2018 20:00
28 décembre 2018 20:00
31 décembre 2018 20:00
02 janvier 2019 20:00

 

 

 

Direction musicale : Nader ABBASSI
Mise en scène :  Renée AUPHAN
Réalisée par Emma MARTIN

Violetta : Nicole CAR
Flora : Laurence JANOT
Annina : Carine SÉCHAYE
Alfredo : Enea SCALA
Germont : Étienne DUPUIS
Baron Douphol : Jean-Marie DELPAS
Gastone : Carl GHAZAROSSIAN
Marquis d’Obigny : Frédéric CORNILLE
Docteur Grenvil : Antoine GARCIN
Le Commissionnaire : Florent LEROUX-ROCHE
Giuseppe : Wladimir-Jean-Irénée BOUCKAERT
Un Domestique : Tomasz HAJOK

Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille
Photos : Christian Dresse

1. Le Docteur et Alfredo (Garcin, Scala) ;
2. Une Violette parme (Car);
3. La danse affriolante de Flora (Janot).

COMPTE-RENDU, opéra. VICTORIA (Gozo, Malte), le 25 oct 2018. VERDI : La Traviata. Cauchi, Aniskin, Stinchelli, Walsh.

COMPTE RENDU, opéra. GOZO (Malta), Teatru Astra, le 25 oct 2018. VERDI : La Traviata. L’OPERA comme expérience collective et populaire. Ce n’est rien d’écrire que l’opéra à Gozo, à travers l’offre de ses 2 théâtres lyriques à Victoria rayonne d’un éclat particulier. Ainsi dans la salle du théâtre (Teatru) Astra : le genre est unanimement adopté par tous. Immédiatement ce qui saisit le mélomane amateur d’opéras, habitués des salles européennes, c’est l’ambiance bon enfant et ce goût partagé naturellement par tous pour l’expérience lyrique. L’implication est au cœur de chaque représentation car à l’occasion de ce « festival d’opéras » (festival méditerranéen / Festival Mediterranea à Victoria, sur l’île de Gozo, la seconde de l’archipel maltaise) qui a lieu chaque mois d’octobre dans la ville de Victoria, le nombre de bénévoles, incluant une grande communauté de locaux, reste constant, en ferveur, en générosité, en participation surtout : nombre d’habitants sont figurants, choristes, personnel de salle… autant d’initiatives qui contribuent à renforcer ce lien social qui manque tant en France. Et qui fait du concert, de l’opéra : une célébration du collectif. La culture, ciment du vivre-ensemble et de la curiosité vers les autres, voilà une vertu que l’on redécouvre dans l’Hexagone, mais qui est depuis l’après-guerre à Victoria, une activité naturelle défendue avec passion.

De fait, nul ne s’étonne dans la salle, Ă  quelques minutes avant le spectacle, de la ferveur d’un public très passionnĂ© qui applaudit spontanĂ©ment Ă  chaque fin d’air et de tableau collectif. La chaleur se transmet du parterre Ă  la scène ; un encouragement permanent pour les solistes qui chantent leur duo sur un praticable devant la fosse d’orchestre et Ă  quelques centimètres des premiers spectateurs. Cette proximitĂ© ajoute Ă  l’intensitĂ© de la reprĂ©sentation.

 
 

 
 

L’opĂ©ra Ă  Gozo (Malte)

La fièvre du lyrique intacte au Teatru Astra de Victoria

 

 

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D’emblée, le cadre intime du Teatru ASTRA, offre une bonne acoustique qui permet de beaux équilibres entre solistes, orchestre et chœur.

Ce soir sur les terres du tĂ©nor vedette, vĂ©ritable trĂ©sor national vivant et ambassadeur de la culture maltaise, Joseph Calleja, c’est une soprano native qui chante le rĂ´le-titre : Miriam Cauchi. La cantatrice maltaise n’a certes pas des trilles prĂ©cises mais la chaleur du timbre et la justesse de l’intention font une Violetta particulièrement digne et Ă©mouvante. Elle n’a pas le physique ni la jeunesse du personnage (du reste qui pourrait chanter Ă  17 ans un rĂ´le qui exige tant de la chanteuse comme de l’actrice?), mais Miriam Cauchi sait soigner un chant crĂ©dible, incarnĂ©, qui reste, vertu de plus en plus, mesurĂ© (combien d’autres divas en mal d’effets dĂ©monstratifs, cultive un vĂ©risme hors sujet chez Verdi).

Face Ă  elle, Alfredo ne manque pas d’aplomb ; le tĂ©nor italien Giulio Pelligra a de la vaillance Ă  revendre trop peut ĂŞtre car dans ses duos avec sa partenaire, davantage d’Ă©coute de l’autre, plus de dolcezza suave auraient mieux rĂ©ussi ce qui doit exprimer la magie enivrĂ©e de leur première rencontre (au I, par exemple, pour le Brindisi final)…

 

 

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Reste l’excellent Germon père du baryton russe Maxim Aniskin qui est la vedette de la soirĂ©e tant sa prestation suscite bien des Ă©loges ; le style, la noblesse humaine, la finesse vocale de sa caractĂ©risation illustrent idĂ©alement le type du baryton verdien (il a la voix et la couleur pour chanter Boccanegra) ; l’acteur clarifie l’évolution du personnage Ă  travers sa prĂ©sence Ă  l’acte II : il est d’abord conquĂ©rant, sĂ»r et inflexible, puis au contact de la pĂ©cheresse qu’il est venu sermonner et vĂ©ritablement sacrifier (pour l’honneur familial), père Ă©mu, âme noble et compatissante, saisi par la dignitĂ© sacrificielle de Violetta, cette courtisane magnifique, qui accepte de rompre avec Germont fils.

Dans le duo avec Violetta, lui troublĂ©, Ă©mu, compassionnel / elle, Ă©perdue, blessĂ©e-, le chanteur arrondit les angles, caresse chaque nuance de sa partie, s’enlace vĂ©ritablement au chant de la soprano; sans jamais la couvrir trop ; une telle musicalitĂ© accordĂ©e Ă  l’autre est exemplaire et donne enfin Ă  entendre ce chant chambriste si fin et nuancĂ© ; proche du théâtre et qui doit beaucoup au bel canto bellinien.
Puis son grand air où il sermonne cette fois son fils en le rappelant à plus de maîtrise et de sagesse est légitimement plébiscité : le soliste est un immense interprète, dans le style, la nuance. Un régal lyrique.

De son cĂ´tĂ©, l’Orchestre Symphonique de Malte, sous la direction de Philip Walsh, veille Ă  la couleur et au caractère de chaque acte : brillant au I ; plus contrastĂ© au II (entre le sacrifice et le renoncement de Violetta, et son humiliation publique Ă  Paris) ; tragique, intimiste, crĂ©pusculaire au III. C’est au final une production nouvelle (commande du Teatru Astra) qui rĂ©alise alors un spectacle prenant, poĂ©tiquement juste avec des solistes de haut vol, plutĂ´t convaincants. Il n’y a aucun doute : la tradition de l’opĂ©ra est flamboyante Ă  Gozo, et ses manifestations, comme en cet automne 2018, particulièrement sĂ©duisantes. Rendez-vous est dĂ©jĂ  pris pour l’automne 2019.

 

 

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COMPTE-RENDU, opéra. VICTORIA (Gozo, Malte), le 25 oct 2018. VERDI : La Traviata. Cauchi, Aniskin, Stinchelli, Walsh.

distribution

Violetta Valéry : Miriam Cauchi (Soprano)
Alfredo Germont : Giulio Pelligra (Tenor)
Giorgio Germont : Maxim Aniskin (Baritone)
Flora Bervoix : Oana Andra (Mezzo-soprano)
Philip Walsh, direction. Enrico Stinchelli, mise en scène.
Orchestre Philharmonique de Malte / MPO Malta Philharmonic Orchestra, choeurs du Festival Méditerranée de Gozo.

 

  

 

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GOZO (Victoria), LA TRAVIATA, 25, 27 octobre 2018

GOZO-ASTRA-traviata-opera-annonce-evenement-lyrique-par-classiquenews-octobre-2018-UNE-HOMEPAGEGOZO (MALTE), LA TRAVIATA, les 25, 27 oct 2018. GOZO, FOYER LYRIQUE FLORISSANT. L’île sœur de Malte, GOZO, confirme en octobre 2018, sa vocation lyrique en programmant dans les deux théâtres d’opéra gozitains, situés à Victoria, deux productions désormais à suivre et à vivre sur place : occasion idéale pour se familiariser avec le sens de l’accueil et l’hospitalité des maltais. Deux fleurons du répertoire romantique italien tiennent le haut de l’affiche : TOSCA au Théâtre AURORA (Teatru AURORA ou AURORA Opera House) ) le 13 octobre 2018 ; puis l’inusable opéra de Verdi, son chef d’oeuvre de réalisme bouleversant d’après La dame aux camélias de Dumas fils, LA TRAVIATA, les 25 et 27 octobre 2018 au Teatro ASTRA.

 

 

 

TOSCA et LA TRAVIATA Ă  GOZO
GOZO, saison lyrique 2018
des deux théâtres d’opéra
AURORA et ASTRA

 

 

 

ÎLE ET VILLE D’OPÉRA… La tradition lyrique est une passion naturelle à Gozo, île de l’archipel maltais, 2è île des sept que compte le chapelet miraculeux baignant en Méditerranée (au sud de la Sicile). On sait la carrière internationale que mène le ténor verdien Joseph Calleja, gloire maltaise du chant actuel. La Valette a désormais son festival international de musique baroque (chaque mois de janvier / VOIR notre reportage dédié au Festival international de musique baroque à La VALETTE / MALTE - édition 2016). GOZO cultive la passion de l’opéra comme en témoignent ses 2 théâtres d’opéras, toujours bien actifs et qui comptent chacun, son orchestre, ses équipes, offrant plusieurs productions majeures par saison. Le charme de leur salle respective, à échelle humaine, leur acoustique qui préserve la proximité et l’acuité sonore ajoutent à la réussite de chaque production lyrique. Cette année, en octobre 2018, les 2 sites offrent deux visages de femmes : l’une forte, combattante, loyale jusqu’à la mort : TOSCA (de Puccini) au Théâtre AURORA ; la seconde, en quête de salut et de rédemption au terme d’une vie dissolue et factive : La TRAVIATA (de Verdi), au Théâtre Astra. AURORA, ASTRA : deux visages d’une même passion pour le lyrique et qui vie son essor dans la même de Victoria (comme la souveraine britannique).

 

 

 

 

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PUCCINI : TOSCA
Teatru Aurora / AURORA Opera House
Le 13 octobre 2018
Réservation en ligne sur www.teatruaurora.com

 

 

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pucciniTOSCA, CANTATRICE PIEUSE MAIS FELINE JUSQU’A LA MORT… Le Théâtre Aurora présente Tosca, le classique intemporel de Giacomo Puccini. Tosca est une cantatrice pieuse qui a toujours honoré l’autel de la Vierge, pourtant le destin s’acharne contre elle et son aimé, Mario, peintre fier et républicain, qui est arrêté et torturé par l’infâme préfet de Rome, le baron Scarpia. En réalité, l’intrigue est aussi politique… qu’amoureuse car Scarpia dévore des yeux la belle Tosca : il marchande les faveurs de la cantatrice pour accepter de libérer Mario. Mais si Floria Tosca sait manipuler, séduire et croit tromper le Préfet, jusqu’à le tuer en une scène saisissante, Scarpia se venge au delà de la mort, provocant aussi, le suicide de la chanteuse. Au final, 3 morts. Puccini réinvente totalement le trio fatal de l’opéra : soprano, ténor, baryton. S’inspirant de la pièce de Victorien Sardou, il réinvente le langage lyrique car aux côtés du relief des 3 protagonistes affrontés, le compositeur cisèle aussi un opéra climatique où Rome, ses trois lieux (une église, un palais, la terrasse du château Saint-Ange) compose une éblouissante toile de fond, riche en paysages sonores à couper le souffle. Si La Traviata (lire ci après l’opéra de Verdi à l’affiche du Théatre Astra) est une femme soumise qui accepte son sacrifice, Tosca est une louve, revendicatrice et combattante… comme Carmen, jusqu’à la mort.

La production présentée par les équipes artistiques et techniques du Théâtre Aurora, est magnifiée par l’écrin de la salle, conçue pour les drames passionnels. Le Théâtre Aurora à Victoria, est un magnifique espace dédié au spectacle situé à l’intérieur d’une villa royale du XIXe siècle. La structure a été dessinée par l’architecte Louis Naudi, puis richement décorée par le Chevalier Emvin Cremona. Le Théâtre Aurora n’a cessé de programmer chaque saison, plusieurs productions mémorables, depuis son inauguration il y a 42 ans, en 1976. Ici même, ont été réalisées les productions de Carmen de Georges Bizet (2016), Aida de Verdi (même année) ou de Madame Butterfly de Giacomo Puccini. Tosca est le spectacle majeur de l’année 2018 au Théâtre Aurora, nouvelle expérience pour le spectateur, promis à un cocktail d’émotions et de sensations inoubliables.

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GOZO-theatre-teatru-ASTRA-opera-La-Traviata-par-classiquenews-coup-de-coeur-de-classiquenews-octobre-2018VERDI : LA TRAVIATA
Les 25 et 27 octobre 2018
Teatru ASTRA
Dans le cadre du Festival Maditerranea 2018

 

GOZO-ASTRA-traviata-opera-annonce-evenement-lyrique-par-classiquenews-octobre-2018-UNE-HOMEPAGE

 

 

GOZO-theatre-teatru-ASTRA-opera-La-Traviata-par-classiquenews-coup-de-coeur-de-classiquenews-octobre-2018VIOLETTA AMOUREUSE SACRIFIÉE… Le Théâtre Astra invite le metteur en scène Enrico Stinchelli pour proposer une nouvelle production de La Traviata qui se veut mĂ©morable. Comment paraĂ®tra la courtisane Ă  Paris, Violetta Valery que ses frasques et une vie dissipĂ©e, malgrĂ© son jeune âge, – pas mĂŞme 20 ans, mènent aux portes de la mort. CondamnĂ©e par la maladie, la jeune prostituĂ©e dĂ©couvre cependant le vĂ©ritable amour, pur, sincère en la personne du jeune Alfredo. Elle qui monnaye son corps et son cĹ“ur, ouvre son âme Ă  une passion qui finit par la terrasser. Car comblĂ©e au delĂ  de tout, la jeune femme doit renoncer Ă  cet amour absolu au nom de la morale bourgeoise, qu’incarne le père d’Alfredo, Germont, lequel lui demande de se retirer pour ne pas « perdre » l’honneur de la famille. Dans un sacrifice ultime, la dĂ©voyĂ©e maudite gagne son salut.
TEATRU-ASTRA-GOZO-la-traviata-opera-lirical-event-25-27-oct-2018-annonce-critiqueopera-par-classiquenewsEt la morale est sauve. Le drame juste, droit, bouleversant de Dumas fils trouve dans la musique de Verdi, une seconde existence. Et toutes les sopranos dignes de ce nom, lyrique et coloratoure, un rôle taillé pour les plus grandes cantatrices, autant chanteuses qu’actrices. L’équipe artistique de la nouvelle production présentée à Gozo est dirigée par le chef Joseph Vella.

Les réservations en ligne et les informations sur l’opéra et le Festival sont disponibles sur www.teatruastra.org.mt

Modalités de réservation via le numéro d’assistance +356 21550985 ou par email info@mediterranea.com.mt

ORGANISEZ votre séjour à Gozo à l’occasion des représentations de TOSCA et de LA TRAVIATA, 13, 25 et 27 octobre 2018
sur le site www.visitgozo.com

https://www.visitgozo.com/fr/quoi-faire/profiter/evenements-annuels/les-operas/

 

 

TEATRU-ASTRA-GOZO-la-traviata-opera-lirical-event-25-27-oct-2018-annonce-critiqueopera-par-classiquenews

 

 

distribution :

 

Violetta Valéry : Miriam Cauchi (Soprano)

Alfredo Germont : Giulio Pelligra (Tenor)

Giorgio Germont : Maxim Aniskin (Baritone)

Flora Bervoix : Oana Andra (Mezzo-soprano)

 

 

 

 

 

 

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DOCUMENTAIRE : voir le teaser du documentaire dédié aux 2 théâtres d’opéra à Victoria, sur l’île de Gozo (Archipel maltais)
https://www.berlin-producers.de/project/saengerkrieg-im-mittelmeer/

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 Approfondir

Lyrique, la tradition musicale Ă  Malte est aussi baroque car chaque dĂ©but d’annĂ©e est marquĂ© par le festival international de musique baroque de La Valette….

 

la-valette-malte-vignette-carreGrand reportage Ă  La Vallette pour le Festival baroque international (Janvier 2016). Depuis 2013, La Vallette capitale de Malte (le plus petit Ă©tat de l’Union EuropĂ©enne) et bientĂ´t capitale europĂ©enne de la culture (en 2018) propose son festival de musique baroque, une programmation enivrante sur deux semaines, en Ă©troite fusion avec les lieux et sites remarquables de la ville, en grande partie Ă©difiĂ©e dans les annĂ©es 1560 par le Chevalier français La Vallette. Le temps du festival maltais, les spectateurs goĂ»tent la finesse et l’engagement d’interprètes triĂ©s sur le volet, tout en explorant les multiples offres culturelles, touristiques et gastronomiques de l’île de Malte. Entre Orient et Occident… VOIR notre REPORTAGE VIDEO 

 

 

 

GOZO (Victoria), LA TRAVIATA, 25, 27 octobre 2018

GOZO-ASTRA-traviata-opera-annonce-evenement-lyrique-par-classiquenews-octobre-2018-UNE-HOMEPAGEGOZO (MALTE), LA TRAVIATA, les 25, 27 oct 2018. GOZO, FOYER LYRIQUE FLORISSANT. L’île sœur de Malte, GOZO, confirme en octobre 2018, sa vocation lyrique en programmant dans les deux théâtres d’opéra gozitains, situés à Victoria, deux productions désormais à suivre et à vivre sur place : occasion idéale pour se familiariser avec le sens de l’accueil et l’hospitalité des maltais. Deux fleurons du répertoire romantique italien tiennent le haut de l’affiche : TOSCA au Théâtre AURORA (Teatru AURORA ou AURORA Opera House) ) le 13 octobre 2018 ; puis l’inusable opéra de Verdi, son chef d’oeuvre de réalisme bouleversant d’après La dame aux camélias de Dumas fils, LA TRAVIATA, les 25 et 27 octobre 2018 au Teatro ASTRA.

 

 

 

TOSCA et LA TRAVIATA Ă  GOZO
GOZO, saison lyrique 2018
des deux théâtres d’opéra
AURORA et ASTRA

 

 

 

ÎLE ET VILLE D’OPÉRA… La tradition lyrique est une passion naturelle à Gozo, île de l’archipel maltais, 2è île des sept que compte le chapelet miraculeux baignant en Méditerranée (au sud de la Sicile). On sait la carrière internationale que mène le ténor verdien Joseph Calleja, gloire maltaise du chant actuel. La Valette a désormais son festival international de musique baroque (chaque mois de janvier / VOIR notre reportage dédié au Festival international de musique baroque à La VALETTE / MALTE - édition 2016). GOZO cultive la passion de l’opéra comme en témoignent ses 2 théâtres d’opéras, toujours bien actifs et qui comptent chacun, son orchestre, ses équipes, offrant plusieurs productions majeures par saison. Le charme de leur salle respective, à échelle humaine, leur acoustique qui préserve la proximité et l’acuité sonore ajoutent à la réussite de chaque production lyrique. Cette année, en octobre 2018, les 2 sites offrent deux visages de femmes : l’une forte, combattante, loyale jusqu’à la mort : TOSCA (de Puccini) au Théâtre AURORA ; la seconde, en quête de salut et de rédemption au terme d’une vie dissolue et factive : La TRAVIATA (de Verdi), au Théâtre Astra. AURORA, ASTRA : deux visages d’une même passion pour le lyrique et qui vie son essor dans la même de Victoria (comme la souveraine britannique).

 

 

 

 

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PUCCINI : TOSCA
Teatru Aurora / AURORA Opera House
Le 13 octobre 2018
Réservation en ligne sur www.teatruaurora.com

 

 

AURORA-teatru-gozo-victoria-theatre-aurora-gozo-pour-tosca-opera-annonce-par-classiquenews-faccata-kazin-1

 

 

pucciniTOSCA, CANTATRICE PIEUSE MAIS FELINE JUSQU’A LA MORT… Le Théâtre Aurora présente Tosca, le classique intemporel de Giacomo Puccini. Tosca est une cantatrice pieuse qui a toujours honoré l’autel de la Vierge, pourtant le destin s’acharne contre elle et son aimé, Mario, peintre fier et républicain, qui est arrêté et torturé par l’infâme préfet de Rome, le baron Scarpia. En réalité, l’intrigue est aussi politique… qu’amoureuse car Scarpia dévore des yeux la belle Tosca : il marchande les faveurs de la cantatrice pour accepter de libérer Mario. Mais si Floria Tosca sait manipuler, séduire et croit tromper le Préfet, jusqu’à le tuer en une scène saisissante, Scarpia se venge au delà de la mort, provocant aussi, le suicide de la chanteuse. Au final, 3 morts. Puccini réinvente totalement le trio fatal de l’opéra : soprano, ténor, baryton. S’inspirant de la pièce de Victorien Sardou, il réinvente le langage lyrique car aux côtés du relief des 3 protagonistes affrontés, le compositeur cisèle aussi un opéra climatique où Rome, ses trois lieux (une église, un palais, la terrasse du château Saint-Ange) compose une éblouissante toile de fond, riche en paysages sonores à couper le souffle. Si La Traviata (lire ci après l’opéra de Verdi à l’affiche du Théatre Astra) est une femme soumise qui accepte son sacrifice, Tosca est une louve, revendicatrice et combattante… comme Carmen, jusqu’à la mort.

La production présentée par les équipes artistiques et techniques du Théâtre Aurora, est magnifiée par l’écrin de la salle, conçue pour les drames passionnels. Le Théâtre Aurora à Victoria, est un magnifique espace dédié au spectacle situé à l’intérieur d’une villa royale du XIXe siècle. La structure a été dessinée par l’architecte Louis Naudi, puis richement décorée par le Chevalier Emvin Cremona. Le Théâtre Aurora n’a cessé de programmer chaque saison, plusieurs productions mémorables, depuis son inauguration il y a 42 ans, en 1976. Ici même, ont été réalisées les productions de Carmen de Georges Bizet (2016), Aida de Verdi (même année) ou de Madame Butterfly de Giacomo Puccini. Tosca est le spectacle majeur de l’année 2018 au Théâtre Aurora, nouvelle expérience pour le spectateur, promis à un cocktail d’émotions et de sensations inoubliables.

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GOZO-theatre-teatru-ASTRA-opera-La-Traviata-par-classiquenews-coup-de-coeur-de-classiquenews-octobre-2018VERDI : LA TRAVIATA
Les 25 et 27 octobre 2018
Teatru ASTRA
Dans le cadre du Festival Maditerranea 2018

 

GOZO-ASTRA-traviata-opera-annonce-evenement-lyrique-par-classiquenews-octobre-2018-UNE-HOMEPAGE

 

 

GOZO-theatre-teatru-ASTRA-opera-La-Traviata-par-classiquenews-coup-de-coeur-de-classiquenews-octobre-2018VIOLETTA AMOUREUSE SACRIFIÉE… Le Théâtre Astra invite le metteur en scène Enrico Stinchelli pour proposer une nouvelle production de La Traviata qui se veut mĂ©morable. Comment paraĂ®tra la courtisane Ă  Paris, Violetta Valery que ses frasques et une vie dissipĂ©e, malgrĂ© son jeune âge, – pas mĂŞme 20 ans, mènent aux portes de la mort. CondamnĂ©e par la maladie, la jeune prostituĂ©e dĂ©couvre cependant le vĂ©ritable amour, pur, sincère en la personne du jeune Alfredo. Elle qui monnaye son corps et son cĹ“ur, ouvre son âme Ă  une passion qui finit par la terrasser. Car comblĂ©e au delĂ  de tout, la jeune femme doit renoncer Ă  cet amour absolu au nom de la morale bourgeoise, qu’incarne le père d’Alfredo, Germont, lequel lui demande de se retirer pour ne pas « perdre » l’honneur de la famille. Dans un sacrifice ultime, la dĂ©voyĂ©e maudite gagne son salut.
TEATRU-ASTRA-GOZO-la-traviata-opera-lirical-event-25-27-oct-2018-annonce-critiqueopera-par-classiquenewsEt la morale est sauve. Le drame juste, droit, bouleversant de Dumas fils trouve dans la musique de Verdi, une seconde existence. Et toutes les sopranos dignes de ce nom, lyrique et coloratoure, un rôle taillé pour les plus grandes cantatrices, autant chanteuses qu’actrices. L’équipe artistique de la nouvelle production présentée à Gozo est dirigée par le chef Joseph Vella.

Les réservations en ligne et les informations sur l’opéra et le Festival sont disponibles sur www.teatruastra.org.mt

Modalités de réservation via le numéro d’assistance +356 21550985 ou par email info@mediterranea.com.mt

ORGANISEZ votre séjour à Gozo à l’occasion des représentations de TOSCA et de LA TRAVIATA, 13, 25 et 27 octobre 2018
sur le site www.visitgozo.com

https://www.visitgozo.com/fr/quoi-faire/profiter/evenements-annuels/les-operas/

 

 

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distribution :

 

Violetta Valéry : Miriam Cauchi (Soprano)

Alfredo Germont : Giulio Pelligra (Tenor)

Giorgio Germont : Maxim Aniskin (Baritone)

Flora Bervoix : Oana Andra (Mezzo-soprano)

 

 

 

 

 

 

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DOCUMENTAIRE : voir le teaser du documentaire dédié aux 2 théâtres d’opéra à Victoria, sur l’île de Gozo (Archipel maltais)
https://www.berlin-producers.de/project/saengerkrieg-im-mittelmeer/

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 Approfondir

Lyrique, la tradition musicale Ă  Malte est aussi baroque car chaque dĂ©but d’annĂ©e est marquĂ© par le festival international de musique baroque de La Valette….

 

la-valette-malte-vignette-carreGrand reportage Ă  La Vallette pour le Festival baroque international (Janvier 2016). Depuis 2013, La Vallette capitale de Malte (le plus petit Ă©tat de l’Union EuropĂ©enne) et bientĂ´t capitale europĂ©enne de la culture (en 2018) propose son festival de musique baroque, une programmation enivrante sur deux semaines, en Ă©troite fusion avec les lieux et sites remarquables de la ville, en grande partie Ă©difiĂ©e dans les annĂ©es 1560 par le Chevalier français La Vallette. Le temps du festival maltais, les spectateurs goĂ»tent la finesse et l’engagement d’interprètes triĂ©s sur le volet, tout en explorant les multiples offres culturelles, touristiques et gastronomiques de l’île de Malte. Entre Orient et Occident… VOIR notre REPORTAGE VIDEO 

 

 

 

Compte rendu, opéra. Luxembourg, le 12 oct 2018. Verdi : La Traviata. Teodor Currentzis / Robert Wilson

Compte rendu, opéra. Luxembourg, Grand-Théâtre de la Ville de Luxembourg, le 12 octobre 2018. Giuseppe Verdi : La Traviata. Teodor Currentzis / Robert Wilson

currentzis toedor maestroEtrange chef, toujours surprenant, dĂ©routant par ses approches singulières, Teodor Currentzis  prend cette saison la direction du nouvel orchestre  de la SWR. Ce soir, c’est celui qu’il a fondĂ© Ă  Novossibirsk, puis entraĂ®nĂ© Ă  Perm – dont il dirige l’opĂ©ra – qu’il conduit. L’adagio vaporeux qui ouvre l’opĂ©ra, retenu Ă  souhait, est Ă  la limite de l’audible, Le premier thème, au pathos soulignĂ©, voire outrĂ© dans l’appui du rythme par les basses, contraste avec le galop, molto vivace du second. La lecture scrupuleuse de Teodor Currentzis rompt avec les fausses traditions et rend sa vitalitĂ© dramatique Ă  l’ouvrage, ce qui paraĂ®t d’autant mieux venu que son illustration scĂ©nique en est totalement dĂ©pourvue. Tendre, dramatique, toujours ductile et clair, avec de splendides solistes (le hautbois, la flĂ»te etc.) l’orchestre adhère totalement Ă  la direction expressive de son chef. A plus d’un moment, les contrastes accentuĂ©s d’intensitĂ©, de tempo, la dynamique extraordinaire qu’il imprime font penser Ă  une musique de film.
Le projet de Bob Wilson remonte à 1993  : après avoir vu sa Madama Butterfly, Gérard Mortier avait demandé au metteur en scène de préparer une Traviata. Il lui aura fallu rencontrer Teodor Currentzis pour que le projet se réalise,  à Linz, il y a trois ans, puis à Perm.

Jeux de mains, jeux de vilains

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InchangĂ©e depuis des dĂ©cennies,  la grammaire  des conventions de Bob Wilson est connue.  Cette Traviata n’échappe pas Ă  la règle, stylisĂ©e, Ă©purĂ©e, dĂ©barrassĂ©e de toute rĂ©fĂ©rence anecdotique au Paris mondain de la Restauration.  Commune aux mises en scènes de l’AmĂ©ricain, la gestique imposĂ©e Ă  tous, y compris Violetta, aurait convenu pour que CoppĂ©lia, la poupĂ©e aux yeux d’émail, chante « les oiseaux sous la charmille »… Nul  besoin d’acteurs pour Bob Wilson, des paraplĂ©giques font l’affaire, sauf pour les choristes-figurants bondissants et Annina trottinante. Ici, en dehors du dĂ©but de l’acte III, oĂą l’immobilitĂ© de la mourante est naturelle, l’Ă©trangetĂ© constante des postures, oĂą seuls les bras et la tĂŞte des chanteurs sont animĂ©s, nous entraĂ®ne dans une dimension onirique. Le statisme ne leur laisse que leur expression vocale, puisque les gestes codifiĂ©s, totalement impersonnels, individuels ou collectifs, minimalistes, relèvent d’une grammaire scolaire.  Les dĂ©placements sont le plus souvent lents, de prĂŞtres durant la cĂ©lĂ©bration d’un office. Y Ă©chappent le trottinement d’Annina et les bonds des hommes durant le bal.

Musique et lumières sont associĂ©es en permanence.  Si beaux soient les Ă©clairages, leur plĂ©onasme avec la musique, qu’ils doublent ou soulignent, gĂŞne et contredit les intentions affichĂ©es par Wilson. Le rĂ©sultat est toujours d’une rĂ©elle sĂ©duction esthĂ©tique, mais sent bien vite le procĂ©dĂ© dans son caractère systĂ©matique. Les fonds de scène, oĂą la lumière stratifiĂ©e semble perçue en haute altitude au travers d’un hublot, font partie de la panoplie de Wilson. Les effets de contre-jour, les tons le plus souvent estompĂ©s, ces silhouettes qui se dĂ©coupent en arrière-plan sĂ©duisent toujours, mais ne font pas une action. Les costumes, mĂŞme immobiles, apportent une touche esthĂ©tique bienvenue, les robes XIXe siècle des femmes tout particulièrement. Quant aux structures indĂ©finissables, abstraites, qui Ă©voluent depuis les cintres ou au sol, leur intĂ©rĂŞt est purement esthĂ©tique, mĂŞme si le metteur en scène parle de symbolisme. Comment ne pas faire le lien avec la lanterne magique, ou le théâtre d’ombres de Georges Fragerolle et de son scĂ©nographe Henri Rivière, tous deux  un peu oubliĂ©s ? La parentĂ© semble Ă©vidente, le figuralisme en moins.  Les scènes s’y enchaĂ®nent Ă  l’identique, composant de beaux tableaux, dont les acteurs (passeurs conviendrait mieux) sont figĂ©s dans des attitudes hiĂ©ratiques, le visage aussi inexpressif que s’ils portaient un masque du théâtre nĂ´.

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N’Ă©tait son italien, aux accents d’Europe orientale, Violetta est extraordinaire. Un peu en retrait au premier acte, la voix de Nadeja Pavola s’épanouira progressivement pour atteindre des sommets au dernier. Puissante, mais montant avec aisance et lĂ©gèretĂ© au contre-rĂ© dans les nuances les plus subtiles, d’une virtuositĂ© Ă  couper le souffle, sans ostentation aucune, le seul pouvoir de sa voix nous Ă©meut, Ă  chaque intervention, et plus particulièrement durant tout ce dernier acte, sur lequel plane la mort et la rĂ©demption. Alfredo, Airam Hernandez, se distingue par l’aisance de la projection, la beautĂ© du timbre, et la sĂ»retĂ© du chant. Nous tenons lĂ  un grand tĂ©nor verdien. Nous n’en dirons pas autant de Germont, chantĂ© par Dimitris Tiliakos. Ce soir la voix paraĂ®t grise, sans ligne ni noblesse,  le souflle court. Oublions. Aucun des chanteurs des rĂ´les secondaires ne déçoit, l’équipe est homogène et totalement soumise Ă  la direction exigeante de Teodor Currentzis. Tout juste pourrait-on obtenir une meilleure expression italienne, ce qui s’applique Ă©galement au chĹ“ur.
Les longues ovations d’un public enthousiaste qui se lève comme un seul homme pour saluer cette production tĂ©moignent de l’efficacitĂ© et de la rĂ©ussite d’une singulière rĂ©alisation.

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Compte rendu, opéra. Luxembourg, Grand-Théâtre de la Ville de Luxembourg, le 12 octobre 2018. Giuseppe Verdi : La Traviata. Teodor Currentzis / Robert Wilson

Compte-rendu, opéra. Toulouse, Capitole. Les 2 et 7* oct 2018. Verdi : La Traviata. Capitole de Toulouse. Pierre Rambert / George Petrou.

Compte-rendu Opéra. Toulouse, Théâtre du Capitole. Les 2 et 7* octobre 2018. Verdi : La Traviata. Capitole de Toulouse. Pierre Rambert. George Petrou.  Somptueuse ouverture de Saison au Capitole : 9 représentations, une salle debout aux saluts lors de la dernière.

Cette production de Traviata en ouverture de la saison lyrique 2018 – 2019 au Capitole a fait sensation au point que France 3 l’a filmĂ©e. Il s’agit de la première saison entièrement construite par le nouveau directeur Christophe Gristi. Sachant quel homme de passion il est, nous attendions tous quelque chose de beau. Et il faut le reconnaĂ®tre le succès public considĂ©rable fait honneur Ă  une production qui frĂ´le la perfection sur bien des plans.
 

 

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 Pastirchak et Amiel

 

 

Qu’attendre en réalité, en 2018, d’un chef d’œuvre incontournable, vu et revu ? Pierre Rambert a su respecter la fine musicalité de l’œuvre, garder en mémoire l’époque de composition, tout en mettant habilement en lumière l’intemporalité du sujet. Il s’est adjoint un costumier de grand talent en Franck Sorbier. Tous les costumes, y compris ceux du chœur, sont superbes. Mais ils ont aussi une dimension psychologique en mettant la puce à l’oreille du spectateur. Les personnages en habits XIXème siècle représentent ceux dont la mentalité date du passé, les  conformistes et bien pensants, pleins de bons sentiments. Germont est le prototype du bourgeois moyen, pur produit XIXème. Alfredo lorsqu’il repasse sous l’emprise de son père également. Alfredo et Violetta dans leur nid d’amour sont nos contemporains au bord de leur belle piscine, lui en pantalon, espadrilles et chemise ouverte; elle lorsqu’elle quitte son long manteau et son chapeau géant porte une robe noire souple toute simple tout à fait actuelle. Ainsi la fête luxueuse chez Flora semblant d’un autre âge fait XIXème, même si elle arbore une robe fourreau lamée de toute splendeur en marge du bon goût.
Un autre élément donne au drame son intemporalité : les somptueux décors d’Antoine Fontaine car ils sont également très intelligents.  Le loft de Violetta au premier acte se situe dans un immeuble de style Pompier, contemporain de Verdi, avec un étage intérieur style année 50 et éléments modernes. C’est très élégant et beaucoup plus stylé que chez Flora. L’action du début de l’acte 2 «  à la campagne », nous offre une splendide vue sur une crique méditerranéenne, avec un bord de piscine. Les éléments de costumes d’aujourd’hui nous suggèrent que nous sommes à l’époque des Navettes Air France, permettant le retour des héros dans le demi journée…

Un autre Ă©lĂ©ment d’intemporalitĂ© vient de la mort de Violetta chauve comme après une chimio. Le cancer remplace ainsi la tuberculose ce qui touche encore d’avantage le public. Les lumières d’HervĂ© Gary sont contrastĂ©es entre la lumière aveuglante du dĂ©but de l’acte 2  et les scènes d’intĂ©rieur nocturnes très rĂ©ussies.  L’Orchestre du Capitole est royalement dirigĂ© par George Petrou. Le chef sait donner au chef d’œuvre de Verdi une profondeur et un drame de tous les instants. La prĂ©cision qu’il obtient de l’orchestre en terme de nuances et de couleurs est magnifique. Les instruments solistes sont d’une musicalitĂ© remarquable (les bois avec Violetta au 2, le violon au 3). Les violons fragiles et très Ă©mouvants dans les deux prĂ©ludes sublimes et la chaleur ambrĂ©e des violoncelles font merveille. On sait combien Verdi en cherchant une grande simplicitĂ© apparente demande Ă  l’orchestre de soutenir tout le drame.

George Petrou tient sous sa baguette admirablement le grand concertato du 2 mais c’est à main nue qu’il dirige le dernier acte avec une délicatesse extraordinaire. Les chœurs sont admirables vocalement et scéniquement. Le ballet chez Flora est interprété avec beaucoup d’humour et de puissance par les deux danseurs, Sophie Célikoz et François Auger, maîtres de cérémonie représentant la mort.

 

 

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 Pastirchak et Amiel

 

 

 

Pour cette production le Capitole peut s’enorgueillir d’avoir su trouver deux distributions au sommet. Trouver une superbe Violetta est rare mais deux ! Il est impossible de départager les deux dames. Anita Hartig a une allure noble, une voix somptueuse de tenue, et une homogénéité parfaite sur toute son étendue. Son léger vibratello donne comme une aura à son superbe timbre. Les vocalises sont parfaitement  réalisées et le legato est souverain. Les phrasés sont nobles et toujours élégants, le souffle large. Anita Hartig a tout d’une grande Traviata. Polina Pastirchak est tout aussi crédible vocalement dans ce rôle écrasant dont elle ne fait qu’une bouchée. Si dans l’acte 1 sa voix met un peu de temps à se déployer dès son duo avec Alfredo le jeu émouvant et l’engagement de chaque instant font merveille. L’agilité et la beauté des cascades de vocalises dans le « sempre libera » donnent le frisson et l’air est couronné par un contre mi de toute beauté. La sincérité de son jeu à l’acte deux, la tenue vocale, les nuances piano de son chant de douleur arrachent des larmes. Le travail de mise en scène trouve dans ce tableau un véritable aboutissement tant la vérité du jeu se calque sur la musique. La puissance vocale dans le concertato du 2 est un grand moment d’opéra. Et nous l’avons dit la direction de George Petrou est de première grandeur. C’est là que le travail d’équipe prend tout son sens.

Le dernier acte atteint les sommets d’émotions attendus avec des sons pianissimi de toute délicatesse et un jeu poignant. De part son engagement scénique et vocal toute la soirée et surtout ce dernier acte admirable, Polina Pastirchak sera notre Violetta préférée.  Pour Alfredo la comparaison des deux ténors est sans appel. Airam Hernández est un ténor au timbre agréable mais sans personnalité et le ténor malhabile semble jouer l’opéra façon années 50. La manière dont il se comporte au dernier acte est désolante. Il s’installe aux pieds de Violetta mourante en cherchant à se placer confortablement !

Le tout jeune Kévin Amiel avec la fougue de la jeunesse et un vrai travail d’acteur est tout simplement Alfredo. Le timbre solaire et clair, immédiatement reconnaissable, a une séduction irrésistible. Il abuse de notes tenues aiguës mais elles sont si belles… qu’il est impossible d’y résister. Son jeu au dernier acte est bouleversant. Voilà un jeune ténor promu à une belle carrière.
Tout oppose les deux Germont. Nicola Alaimo a une voix de stentor et une technique belcantiste de haut vol. Son personnage est tout d’une pièce : celui qui persuadé de son bon droit et sûr de son fait ne soupçonne même pas le mal qu’il fait. André Heyboer est un Germont plus tourmenté et un acteur plus nuancé. Vocalement il n’a pas les atouts de son aîné mais il s’approprie bien ce rôle avec prestance.
Les petits rôles sont admirablement tenus y compris par les chanteurs sortis du chœur du Capitole. Tenir son rang à coté de tous ces chanteurs de premier plan est encourageant.  La dernière représentation était une session supplémentaire organisée devant le succès des réservations. La salle comble jusqu’aux places avec très peu de visibilité, a fait un triomphe à cette magnifique production : standing ovation. Et il avait fallu refouler du monde …. Toulouse est bien l’une des villes qui aime le plus l’opéra. L’ère de Christophe Gristi s’annonce excellente.

 

 
 

 

 

 

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Compte-rendu OpĂ©ra. Toulouse, Théâtre du Capitole. Les 2 et 7* octobre 2018. Giuseppe Verdi (1813-1901) : La Traviata, opĂ©ra en trois actes sur un livret de Francesco Maria Piave d’après La Dame aux camĂ©lias d’Alexandre Dumas fils ; CrĂ©ation le 6 mars 1853 au Teatro la Fenice Ă  Venise ; Nouvelle coproduction Théâtre du Capitole / OpĂ©ra National de Bordeaux . Pierre Rambert, mise en scène ; Antoine Fontaine, dĂ©cors ; Frank Sorbier, costumes ; HervĂ© Gary, lumière ; Laurence Fanon, collaboratrice artistique. Avec : Anita Hartig / Polina Pastirchak*, Violetta ValĂ©ry ; Airam Hernández / KĂ©vin Amiel*, Alfredo Germont ; Nicola Alaimo / AndrĂ© Heyboer*, Giorgio Germont ; Catherine Trottmann, Flora Bervoix ; Anna Steiger, Annina ; Francis Dudziak, Docteur Grenvil ; François Piolino, Gaston de Letorières ; Marc Scoffoni, Baron Douphol ; Ugo Rabec Marquis d’Obigny ; Danseurs : Sophie CĂ©likoz et François Auger ; Orchestre National du Capitole ; ChĹ“ur du Capitole – Alfonso Caiani direction ; Direction musicale: George Petrou.

 

 

 

 

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Prochaine production lyrique à l’affiche du Capitole de TOULOUSE : La Ville morte de Korngold, du 22 nov au 4 décembre 2018.
https://www.theatreducapitole.fr/web/guest/affichage-evenement/-/event/event/5565445

 

 

 

 

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VOIR notre reportage La Ville Morte de Korngold, les clĂ©s de comprĂ©hension, production dĂ©jĂ  prĂ©sentĂ©e par Angers Nantes OpĂ©ra (en mars 2015) – entretien avec Philippe Himmelmann…
http://www.classiquenews.com/reportage-video-la-ville-morte-de-korngold-1920-au-theatre-graslin-de-nantes-jusquau-17-mars-2015/

Compte rendu, opéra. Saint Céré. Château de Castelnau Bretenoux, le 11 août 2016. Verdi : La Traviata. Desbordes, Moreau, Uyar, Brécourt.

Compte rendu, opĂ©ra. Saint CĂ©rĂ©. Château de Castelnau Bretenoux, le 11 aoĂ»t 2016. Verdi : La Traviata, opĂ©ra en trois actes sur un livret de Fancesco Maria Piave. Burcu Uyar, Violetta, Julien Dran, Alfredo, Christophe Lacassagne, Germont … choeur et orchestre OpĂ©ra EclatĂ©, Gaspard BrĂ©court, direction. Olivier Desbordes et Benjamin Moreau, mise en scène, Patrice Gouron, dĂ©cors et costumes, ClĂ©ment ChĂ©bli, vidĂ©o. En cette troisième soirĂ©e de festival, nous nous retrouvons au château de Castelnau Bretenoux, situĂ© Ă  quelques encablures de Saint CĂ©rĂ©. Si le soleil est au rendez-vous, la fraĂ®cheur aussi; nĂ©anmoins le temps permet de jouer en plein air ce qui n’avait pas vraiment Ă©tĂ© le cas en 2015. Pour cette nouvelle production de La Traviata de Giuseppe Verdi (1813-1901), Olivier Desbordes a sollicitĂ© le concours de son jeune collègue Benjamin Moreau avec lequel il cosigne dĂ©jĂ  la mise en scène de La PĂ©richole.

 

 

 

Traviata étonnante mais séduisante

Le duo Desbordes/Moreau fait encore des siennes

 
 
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Pour cette production, nous nous retrouvons dans un Paris intemporel, plus vraiment au XIXe siècle, pas non plus complètement au XXe siècle. Le public rentre aisĂ©ment dans le spectacle, dès le dĂ©but de la soirĂ©e, qui n’a pourtant rien de choquant puisque dès le dĂ©but de l’oeuvre, Violetta se sait gravement malade. Et d’ailleurs le premier fil rouge de la mise en scène est la maladie et l’agonie de la malheureuse Violetta. Dans cette optique, le placement de la scène entre Violetta mourante et le docteur Grenvil au tout dĂ©but de l’oeuvre, avant le dĂ©but de la fĂŞte chez la demi mondaine ne surprend pas : «La tisi non le accorda che poche ore» («La phtisie ne lui laisse plus que quelques heures») rĂ©pond Grenvil Ă  Anina qui le questionne. Le second fil conducteur concerne le «volet» des conventions sociales et le dĂ©ni de la maladie; pour accentuer ce point de vue, les deux hommes ont invitĂ© une comĂ©dienne qui incarne Violetta jusqu’Ă  la fĂŞte chez Flora. Et pour parachever cette idĂ©e de douleur, d’agonie, de sociĂ©tĂ© bien pensante (le monde des courtisanes contre la bourgeoisie guindĂ©e et pĂ©trie de certitudes), la Violetta de Burcu Uyar est filmĂ©e de bout en bout de la reprĂ©sentation, son visage apparaissant sur un grand Ă©cran installĂ© en fond de scène. Si l’idĂ©e de ce film est bonne, – du moins peut-elle est dĂ©fendue, nous comprenons nettement moins les rĂ©fĂ©rences cinĂ©matographiques des deux metteurs en scène mĂŞme si elles semblent ĂŞtre en accord avec les fils rouges dĂ©finis par les deux hommes. Les images de guerre en revanche, notamment les bombes explosant en pleine campagne, sont de trop dans une production dĂ©jĂ  très rĂ©ussie.

Concernant le plateau vocal, c’est une distribution française de haute volĂ©e qui a Ă©tĂ© invitĂ©e Ă  chanter cette nouvelle production de La Traviata. La soprano Burcu Uyar, que nous avions dĂ©jĂ  saluĂ©e en 2014 pour de Lucia di Lammermoor (rĂ´le titre), campe une Violetta Ă©mouvante et très en voix. Dès l’air d’entrĂ©e «E strano … A forse lui», l’interprète donne le ton de la soirĂ©e : la voix est parfaitement tenue, la ligne de chant impeccable, le mĂ©dium superbe, les aigus flamboyants; le contre mi bĂ©mol final, sorti après que l’aria ait Ă©tĂ© intĂ©gralement interprĂ©tĂ©, est non seulement juste mais tenu sans la moindre faiblesse. Face Ă  cette superbe Violetta, le jeune Julien Dran incarne un Alfredo qui apparaĂ®t, du moins en première partie, plus terne que sa partenaire; si le Brindisi est interprĂ©tĂ© très honorablement, il manque le petit grain de folie qui en aurait fait un grand moment de chant. Avec l’air et la cabalette du deuxième acte «De miei bollenti spiriti … O rimorso» , le tĂ©nor prend plus d’assurance et la voix est plus belle, plus puissante qu’en dĂ©but de soirĂ©e.
C’est Christophe Lacassagne qui chante Germont père; le baryton effectuait, lors de cette production, une prise de rĂ´le qu’il redoutait. Car comme, il nous le confiait peu après la reprĂ©sentation : «C’est un rĂ´le pas forcĂ©ment très long mais dense et tendu vers l’aigu.». Cependant, Lacassagne prend le personnage de Germont sans sourciller ; il campe un vieil homme de très belle tenue; s’il est pĂ©tri de certitudes et d’a prioris nĂ©gatifs Ă  l’Ă©gard de Violetta, il n’en n’est pas moins Ă©mu par la grandeur d’âme de la jeune femme : «Ciel ! che veggo ? D’ogni vostro aver, or volete spoliarvi ?» (Ciel ! que vois-je ? Vous voulez vous dĂ©pouiller de tous vos biens ?»).

Chez Flora, le Germont de Lacassagne est un homme très en colère; les sentiments contradictoires du vieil homme sont parfaitement visibles chez ce comĂ©dien nĂ© qui fait de ce personnage si marquant, malgrĂ© le peu de scènes que Verdi lui accorde, un homme Ă©mouvant, balançant entre les dictats de la morale bourgeoise et ce que lui dicte son cĹ“ur. SurvoltĂ©s par la prĂ©sence du vĂ©tĂ©ran Eric Vignau (Gaston inĂ©narrable), infatigable puisqu’il chante tous les soirs en cette fin de festival, les comprimari sont en grande forme Ă  commencer par Flore Boixel (qui chante dans les trois productions du festival) et Laurent Arcaro (Douphol). Pour terminer Ă©voquons la comĂ©dienne Fanny Aguado qui incarne cette Violetta muette, prisonnière des conventions sociales qui vont finir par prĂ©cipiter sa chute pendant presque toute la soirĂ©e. La jeune femme fait montre d’une assurance remarquable ; elle s’est parfaitement intĂ©grĂ©e Ă  l’Ă©quipe et au spectacle donnant le meilleur d’elle mĂŞme et faisant presque oublier que tout près d’elle, il y a une chanteuse qui lui prĂŞte sa voix. Visuellement la trouvaille fonctionne admirablement.

A la tĂŞte de l’orchestre d’OpĂ©ra EclatĂ©, placĂ© sur le cĂ´tĂ© gauche du plateau, le jeune chef Gaspard BrĂ©court dirige avec vigueur et fermetĂ©. Si nous avions apprĂ©ciĂ© sa performance dans Lucia di Lammermoor en 2015, BrĂ©court nous surprend agrĂ©ablement en 2016; le jeune homme a mĂ»ri, la gestuelle est plus sĂ»re ; il est plus attentif Ă  ce qui se passe sur le plateau. Du coup, pendant toute la soirĂ©e, la musique de Verdi vibre de vie, Ă©clatant tel le bouquet final d’un feu d’artifices.

Cette nouvelle production de La Traviata ne manque pas de faire rĂ©flĂ©chir le public sur les multiples dĂ©nis et conventions qui rĂ©gissent la sociĂ©tĂ© du XIXe siècle, -hypocrisie sociale et lâchetĂ© collective qu’a Ă©pinglĂ© non sans raison Verdi, et que nous retrouvons de nos jours sous des formes assez peu diffĂ©rentes. Si nous regrettons des images de guerre pas toujours appropriĂ©es, l’utilisation de la vidĂ©o, notamment pour focuser sur la Violetta mourante en gros plan s’avère ĂŞtre une excellente idĂ©e. Pour dĂ©fendre cette nouvelle Traviata, les responsables du festival de Saint CĂ©rĂ© ont fait confiance Ă  une distribution de très belle tenue Ă  commencer par Burcu Uyar qui Ă©tait en grande forme. Et mĂŞme si Christophe Lacassagne en Germont semblait quelque peu sur la dĂ©fensive, il n’en a pas moins parfaitement rendu justice Ă  Verdi. Saluons Ă©galement la superbe performance de Fanny Aguado qui incarne la Violetta muette avec beaucoup de panache. VoilĂ  donc une Traviata, nouvelle rĂ©ussite du Saint-CĂ©rĂ© 2016, Ă  voir et Ă  Ă©couter sans modĂ©ration.

 

 

 

Saint CĂ©rĂ©. Château de Castelnau Bretenoux, le 11 aoĂ»t 2016. Giuseppe Verdi (1813-1901) : La Traviata, opĂ©ra en trois actes sur un livret de Fancesco Maria Piave. Burcu Uyar, Violetta, Julien Dran, Alfredo, Christophe Lacassagne, Germont, Sarah Lazerges, Flora, Eric Vignau, Gaston, Matthieu Toulouse, Docteur Grenvil, Laurent Arcaro, Baron Douphol, Yassine Benameur, Marquis d’Obigny, Nathalie Schaaf, Anina, Fanny Agaudo, Violetta muette, choeur et orchestre OpĂ©ra EclatĂ©, Gaspard BrĂ©court, direction. Olivier Desbordes et Benjamin Moreau, mise en scène, Patrice Gouron, dĂ©cors et costumes, ClĂ©ment ChĂ©bli, vidĂ©o.

 

 

 

Compte-rendu Opéra ; Orange, Chorégies 2016 ; Théâtre Antique, le 6 aout 2016 ; Giuseppe Verdi (1813-1901) : La Traviata, Mise en scène : Louis Désiré ; Violetta Valery, Ermonela Jaho ; Direction musicale : Daniele Ruston

Compte-rendu Opéra ; Orange, Chorégies 2016 ; Théâtre Antique, le  6 aout 2016 ; Giuseppe Verdi (1813-1901) : La Traviata, Mise en scène : Louis Désiré ;  Violetta Valery, Ermonela Jaho ; Direction musicale : Daniele Ruston. La Traviata au festival d’Orange, cela suffirait à remplir les 8000 places du Théâtre Antique tant cet opéra est aimé du public. La démocratisation de l’opéra passe par Orange car la télévision lui est fidèle sans défections depuis les origines. Le public d’Orange est unique car beaucoup plus jeune et décontracté qu’ailleurs, très amateur de belles voix également. Les Chorégies doivent se renouveler pour offrir des versions captivantes des éternels chefs d’œuvre, toujours repris en boucle. Mais la magie du lieu ne se dément jamais ou si rarement que le mauvais temps devient simple broutille. Ce soir a été venteux, très venteux, mais a été un grand soir d’opéra, un grand soir pour les Chorégies qui signent leur meilleure Traviata et l’un de leurs meilleurs spectacles. Et je n’ai pas été avare les autres étés dans mes descriptions des belles soirées sous les étoiles. Ma voisine qui comme moi n’en est pas à sa première dizaine de Traviata, amoureuse de l’ouvrage et comme critique en a été d’accord : c’est la plus belle Traviata jamais vue ! Et pourtant celle de Ponnelle, Malfitano et Lombard  n’a été détrônée que de justesse…

 

 

 

Orange, Chorégies 2016 : la sublime Traviata d’Ermonela Jaho

 

 

Violetta Valery est un personnage sublime et inoubliable. Mais hélas trouver une très belle femme, fine et gracieuse évoquant la fragilité des phtisiques est rarissime. Et la plupart des Traviata vocalement acceptables ne le sont pas du tout physiquement… Et quand l’actrice bouscule tout (Natalie Dessay), la voix n’est pas là dans chacun des trois actes. Dirons nous que nous avons tout gagné avec la défection de Diana Damrau ? Ce serait une muflerie mais cela pourrait être vrai…
Si la voix d’Ermonela Jaho n’a pas la rondeur et la beauté de certaines (Georghiu avec Solti ou Caballe au firmament avec Prêtre), si elle n’a pas l’angélisme dans la rédemption

 

 

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que certaines parviennent à suggérer (De Los Angeles, Stratas, Cotrubas ), si le brillant n’a pas le pur diamant des soprano agiles (Gruberova, Moffo, Sutherland, Damrau), ce soir Ermolena a tout, absolument tout pour le rôle. La beauté de la femme, avec des bras d’une grâce inouïe, la franchise de l’actrice, la mélancolie sous les atours de la fête : tout cela tient de l’incarnation majeure. La désolation rendue par un jeu minimaliste, la maigreur du visage et l’oeil vide à l’acte trois avec la transe finale est d’un génie qui n’est pas sans évoquer Callas. Cette Traviata ne peut se quitter des yeux et son absolu zénith est à l’acte dernier qui est tout simplement anthologique.
L’évolution du personnage relève une grande actrice aux facettes multiples. Femme de vie brillante mais désespérée au prologue, amoureuse apaisée et digne à l’acte un, femme du monde détruite a l’acte deux et femme faite Amour à l’acte trois.

Vocalement Ermonela Jaho a les trois voix de la Traviata. Vocalises et trilles prĂ©cis avec aigus mais sans l’inutile contre-mi pour le prologue. Mais ce sont surtout les couleurs, les nuances et le phrasĂ© qui sont de grande classe belcantiste. Son slancio verdien, fait d’un phrasĂ© ample et souple sur un souffle infini rĂ©siste ce soir au mistral Ă  l’acte un. Son « Amami Alfredo » nous glace le sang. La manière royale dont elle domine sans efforts le grand final de l’acte deux appartient aux grands sopranos verdiens. Puis Ă  l’acte trois, c’est le drame fait voix, le jeux avec les voiles blancs et le vent, la fusion avec le chef et l’orchestre qui atteignent au sublime. Des sons filĂ©s aĂ©riens, ceux qui faisaient se pâmer les callassiens du paradis de la Scala, une longueur de souffle qui fait se distendre les phrases, abolissant le temps et l’espace. « Se una pudica vergine » est un moment magique, sous la nuit Ă©toilĂ©e avec un vent enfin apaisĂ©. Le piano flotte jusque sur la colline, et envahit le cĹ“ur de la plus noire tristesse, inouĂŻe sensation de beautĂ© sublime…
Le travail pourtant très court (8 jours !) avec le chef a du être un coup de foudre musical tant maestro Rustoni a porté au firmament du beau son d’orchestre pour cette Traviata là.

Le dernier acte, et je le redis, tient du miracle. L’orchestre de Bordeaux-Aquitaine a été magnifique en tout. Il se pourrait bien en effet que ce très jeune chef, que l’opéra de Lyon va s’attacher à la rentrée, ait des qualités de brillant et de sérieux, un enthousiasme proche de la transe qui en fasse le meilleur chef verdien à venir. Dirigeant pas cœur, ce qui est bien utile dans le tempête venteuse de ce soir,  il dit toutes les paroles, a l’œil sur chaque instrumentiste, ne semble pas lâcher un seul instant les chanteurs ou le chœur. L’élégance de sa direction et son charisme, sont ceux d’une très grand chef. Son sens du tempo exact avec toute la liberté à donner au chant, mais sans aucune complaisance ou mollesse, la manière dont il chauffe les nuances au plus loin, celle dont il obtient de l’orchestre des couleurs d’une richesse incroyable. Tout cela  très loin, de la grande guitare que de pauvres fous entendent dans le verdi de jeunesse. Il obtient une tension dramatique toujours entretenue et un rythme impeccable. Une Traviata de chef et de soprano au sommet aurait déjà suffi à notre plus grand bonheur. Il faut bien dire pourtant que tout le reste a été à cette hauteur.

La mise en scène de Louis Désiré est intelligente et sobre, les costumes de Diego Méndez Casariego  sont de toute beauté ; ils prennent bien le vent. L’unique décor représente un grand miroir symbole dans lequel Violetta se cherche un avenir et miroir de ses sentiments. Les projections sont pleines de symboles et peu nombreuses. Des gouttes d’eau comme des larmes pour la fin, un arbre tout feuillu qui meurt après l’intervention de Germont père et des lustres pour le luxe des fêtes mondaines.
Francesco Meli  est un Alfredo Ă©lĂ©gant et bien chantant, capable de tendresse comme d’emportements sans brutaliser son beau timbre. Annina, Anne-Marguerite Werster, Ă©meut par une belle compassion ainsi que le docteur Grendvilles de Nicolas Teste d’une très belle prĂ©sence vocale et scĂ©nique. Placido Domingo a toujours le mĂŞme plaisir Ă  chanter ; il a une formidable prĂ©sence sur scène. Lui qui a Ă©tĂ© un Alfredo de rĂŞve est un Germont-père singulier. Il en remontre Ă  bien des barytons tout en gardant la lumière de son timbre. Dans les ensembles, le brillant lui permet de faire entendre très clairement sa ligne. Troublante Ă©coute car le père Germont est très proche d’Alfredo. Il incarne une parole populaire : l’enfer est pavĂ© de bonnes intentions. Il est en effet un père plus qu’un bourreau mais accĂ©lère le drame sans sâ€en rendre compte. Placido Domingo obtient un succès personnel très important de son public. Son charisme reste intact.
Les chœurs sont beaux tant scéniquement que vocalement. Ce qui est toujours impressionnant à Orange, c’est l’homogénéité obtenue par le mélange de trois chœurs, Avignon, Nantes et Marseille, et l’absence de décalage sur toute la largeur de cette immense scène.

Un très beau spectacle avec en vedette une Traviata proche de l’idéal vocal et surtout scénique en la sensationnelle Ermonela Jaho, portée par un grand chef, Daniele Rustoni.
Signalons qu’Ermonela Jaho a été la Diva Assoluta des Chorégies 2016. Sa Butterfly ayant ravi tous les cœurs au mois de juillet qui a précédé. Vivement l’été prochain à Orange !

Compte-rendu Opéra ; Orange, Chorégies 2016 ; Théâtre Antique, le  6 aout 2016 ; Giuseppe Verdi (1813-1901) : La Traviata, opéra en trois actes et un prologue sur un livret de Francesco Maria Piave d’après le roman d’Alexandre Dumas fils, la Dame aux camélias ; Mise en scène, Louis Désiré  ; Assistants à la mise en scène, Jean-Michel Criqui et Didier Kersten ; Scénographie et costumes, Diego Méndez Casariego ; Assistants à la scénographie et aux costumes, Nicolo Cristiano ; Eclairages, Patricc Méeüs ; Avec : Violetta Valery, Ermonela Jaho ; Flora Bervoix, Ahlima Mhamdi ; Annina, Anne-Marguerite Werster ; Alfredo Germont, Francesco Meli ; Giorgo Germon, Placido Domingo ; Gastone di Letorières, Christophe Berry ; Il Barone Duphol, Laurent Alvaro ; Il Marchese d’Obigny, Pierre Doyen ; Il Dottore Grenvil, Nicolas Teste ; Guiseppe, Remy Mathieu ; Chœur d’Angers-Nantes Opéra, chef de chœur : Xavier Ribes ; Chœur de l’Opéra Grand Avignon, chef de chœur : Aurore Marchand ; Chœur de l’Opéra de Marseille, chef de chœur : Emmanuel Trenque ; Orchestre National Bordeaux-Aquitaine ; Direction musicale : Daniele Rustoni.

Compte rendu, opéra. Orange, Chorégies, le 3 août 2016. Verdi : La Traviata par Ermonela Jaho. Triomphe de la soprano albanaise au Théâtre Antique d’Orange…

Compte rendu, opéra. Orange, Chorégies, le 3 août 2016. Verdi : La Traviata par Ermonela Jaho. Triomphe de la soprano albanaise au Théâtre Antique d’Orange…

TENDRE ET TRAGIQUE … Comme dans le cas de Butterfly ou Tosca, c’est toujours la musique qui fixe dans l’imaginaire collectif une œuvre tirée du roman ou du théâtre, ici, des deux. Remarquons que, même avec Greta Garbo et Robert Taylor, le film de George Cukor, Le Roman de Marguerite Gautier, de 1936, considéré comme un chef-d’œuvre, n’est plus qu’une curiosité pour cinéphiles. En revanche, le fameux air du champagne, « Libiam ! » et l’air de Violetta « Sempre libera… » sont sûrement connus même de gens ne mettant jamais les pieds à l’opéra. Puissance de la musique qui a donné une forme définitive au drame humain de la fille de joie à grand prix achetée, perdue et sauvée, rachetée par l’amour.

 

 

 

La courtisane historique

 

 

VERDI_402_Giuseppe-Verdi-9517249-1-402FatalitĂ© des reprises des Ĺ“uvres phare du rĂ©pertoire lyrique, nous voilĂ  encore Ă  reprendre, mais enrichie, l’aventure de cette traviata, ‘dĂ©voyĂ©e’, sortie de la voie’, de la bonne voie s’entend, de cette Violetta ValĂ©ry verdienne tirĂ©e du roman autobiographique La Dame aux camĂ©lias (1848) d’Alexandre Dumas fils : il en fera un mĂ©lodrame en 1851, qui touchera Verdi. C’est sa musique qui fixe dans l’imaginaire collectif le drame humain de la courtisane rĂ©dimĂ©e par l’amour. De son vrai nom Rose Alphonsine Plessis dite Marie Duplessis (1824-1847),puis tout de mĂŞme comtesse de PerrĂ©gaux par son mariage Ă  Londres, un an avant sa mort, avec un jeune amant noble qui ne l’abandonnera jamais, et lui offrira mĂŞme, arrachant son corps Ă  la fosse commune des indigents, le tombeau, toujours fleuri, que l’on peut voir au cimetière de Montmartre, inspire Ă  Dumas fils, amant de cĹ“ur, le personnage de Marguerite Gautier qu’il fait entrer dans la lĂ©gende. Après une enfance misĂ©rable et divers petits mĂ©tiers, dĂ©jĂ  cĂ©lèbre Ă  seize ans, contrairement Ă  tant d’autres de ses consĹ“urs, elle avait appris Ă  lire et Ă  Ă©crire, s’Ă©tait Ă©duquĂ©e mondainement et cultivĂ©e et tenait mĂŞme un salon frĂ©quentĂ© par des artistes et des Ă©crivains, dont Gautier et pas moins que Liszt, elle fut sa maĂ®tresse, il envisageait de vivre avec elle : dans une lettre elle le supplie de la prendre avec lui dans une de ses tournĂ©es qui l’amenait en Turquie. Par sa grâce et ses grâces, c’Ă©tait une maĂ®tresse que l’on pouvait afficher sans honte dans le demi-monde sinon le monde, entretenue luxueusement par des amants qui se la disputaient, arborant dans ses cheveux dans sa loge au théâtre ou en calèche au Bois, dit-on, le fameux camĂ©lia blanc, signal des jours « ouvrables » pour les clients et rouge pour les jours d’indisposition fĂ©minine, ou pour les amateurs. Elle meurt Ă  vingt-trois ans de tuberculose, criblĂ©e de dettes, et le roman de Dumas fils commence par la vente aux enchères de ses biens, ses meubles (il lui en restait assez) pour dĂ©frayer ses crĂ©anciers. Le jeune et (relativement) pauvre Alexandre, son amant durant un an, offrira plus tard Ă  Sarah Bernhardt, pour la remercier d’avoir assurĂ© le triomphe mondial de sa pièce, sa lettre de rupture avec celle qu’on appelait la Dame aux camĂ©lias, dont il rĂ©sume l’un des aspects cachĂ©s du drame vĂ©cu :

«  Ma chère Marie, je ne suis pas assez riche pour vous aimer comme je voudrais, ni assez pauvre pour être aimé comme vous voudriez… »

Ne pouvant ni l’entretenir, ni être entretenu par elle, il deviendra célèbre et riche avec son drame qui raconte le sacrifice de la courtisane ruinée, exigé par le père de son amant, redoutant que les amours scandaleuses de son fils avec une poule de luxe ne compromettent le mariage de sa fille dans une famille où la morale fait loi. Et l’argent : on craint que le fils prodigue ne dilapide l’héritage familial en cette époque, où le ministre Guizot venait de dicter aux bourgeois leur grande morale : « Enrichissez-vous ! » Bourgeoisie triomphante, pudibonde côté cour mais dépravée côté jardin, jardin même pas très intérieur, cultivé au grand jour des nuits de débauche officielles avec des « horizontales », des hétaïres, des courtisanes ou de pauvres grisettes ouvrières, affectées (et infectées) au plaisir masculin que les messieurs bien dénient à leur femme légitime.

 

 

 

RÉALISATION

 

 

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DĂ©jĂ  « vĂ©riste », naturaliste par un sujet contemporain qui fit scandale, rĂ©aliste donc par le thème mais dĂ©rĂ©alisĂ©e par une musique belcantiste virtuose et une langue littĂ©raire dont les tournures concises et recherchĂ©es frĂ´lent la prĂ©ciositĂ© baroque, bourrĂ©e d’hyperbates, des renversements de l’ordre syntaxique naturel (« D’Alfredo il padre in me vedete », ‘D’Alfred en moi le père voyez’ , « Dunque in vano trovato t’avró », ‘Donc, en vain trouvĂ© je t’aurai’, « Conosca il sacrifizio/ Ch’io consumai d’amore », ‘Qu’il connaisse le sacrifice/ Que je consommai d’amour’, etc), La traviata, malgrĂ© deux scènes de fĂŞte, est un opĂ©ra intimiste et semble s’opposer aux grands dĂ©ploiements exigĂ©s par le gigantisme du théâtre antique. Diego MĂ©ndez Casariego qui, avec de sobres et funèbres costumes noirs, en signe la scĂ©nographie, s’en tire par une Ă©lĂ©gante solution : un miroir, symbole de l’intime, de l’interrogation sur soi, de l’introspection, d’autant plus chez une femme dont les appas sont le fonds de commerce, est portĂ© ici Ă  l’Ă©chelle du lieu, immense, occupe sans encombrer le fond de la scène, le fameux mur. BrisĂ© comme un rĂŞve trop grand dont les dĂ©bris jonchent le sol, avec un centre obscur pour une traversĂ©e des apparences, un passage symbolique de l’autre cĂ´tĂ© du miroir, de la vie, il a un cadre dorĂ© Ă©galement ruinĂ©, dont des morceaux, en perspective de fuite, figurent une scène dans la scène, théâtre du monde, du demi-monde et sa vanitĂ© des vanitĂ©s : des lustres luxueux projetĂ©s sur la glace et les murs sont la mesure des fastueuses fĂŞtes, juste des reflets donc, mais, Ă  jardin, un vrai lustre Ă©croulĂ© au milieu de chaises Second Empire dorĂ©es au siège de velours rouge occupĂ©es par des hommes en noir et, Ă  cour, un massif, un parterre de fleurs blanches (des camĂ©lias?), est comme une tombe future autour de laquelle tournoient des femmes aussi en noir. Au milieu du plateau trĂ´ne une mĂ©ridienne noire, lit de repos dĂ©jĂ  Ă©ternel : cercueil. Cet ensemble Ă©purĂ© et symbolique semble, Ă  l’Ă©chelle près, un allĂ©gorique dĂ©cor d’austère autocramental espagnol, une VanitĂ© baroque. Des projections d’arbres allègeront la charge funèbre globale pour l’acte II et le rĂŞve de survie de la fin. De simples Ă©charpes rouges pour les dames et des Ă©ventails Ă©gayeront la fĂŞte de l’acte III, Ă©vacuant avec Ă©lĂ©gance le ridicule habituel de la scène des grotesques toreros. C’est d’un raffinement d’Ă©pure.

La mise en scène de Louis DĂ©sirĂ© s’y glisse, s’y coule, avec la beautĂ© sans surcharge d’une Ă©lĂ©gance noble, sans simagrĂ©es ni gestes outrĂ©s, qui joue avec une Ă©motion contenue, sur la tendresse qui lie les personnages, mĂŞme le père odieux en gĂ©nĂ©ral, ici Ă©mouvant d’affection filiale pour elle qui pourrait ĂŞtre sa fille. Leur comprĂ©hension mutuelle est touchante, humainement vraie dans un juste jeu d’acteurs, comme la caresse et la gifle au fils.

Dès l’ouverture animĂ©e, la foule noire se presse et oppresse Violetta seule dans « ce populeux dĂ©sert appelĂ© Paris », singularisĂ©e par sa robe rouge, dĂ©signĂ©e victime d’un sacrifice Ă  venir. MĂŞme le fameux et joyeux « brindisi » enserre les hĂ©ros qui ne semblent jamais Ă©chapper, hors la parenthèse de la campagne, Ă  l’omniprĂ©sent et pesant regard du monde sur leur intimitĂ©. Le monologue troublant de Violetta, « à strano… », devant le seuil de ce miroir brisĂ©, le passage Ă  l’acte de la rupture avec l’ancienne vie, est finement figurĂ© par l’abandon respectif des amants dont elle refuse cette toujours prĂ©sente fleur au profit de celle offerte Ă  Alfredo qu’il rapportera fanĂ©e mais florissante de l’Ă©closion de l’amour.

 

 

 

INTERPRÉTATION

 

 

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Dès le prĂ©lude, cette douce et poignante brume qui semble se lever et ne devoir jamais finir, est Ă©tirĂ©e vers un infini insondable, tissĂ©e comme une douce soie par le jeune chef Daniele Rustioni. Pour la première fois aux ChorĂ©gies, il ne cède pas au piège du grossissement dans le gigantisme du lieu : d’entrĂ©e on sent qu’on est dans une direction musicale d’une qualitĂ© supĂ©rieure. Il estompe avec dĂ©licatesse les « zin-zin /boum-boum » d’un accompagnement de facile fĂŞte foraine de Verdi dans la deuxième partie de cette ouverture. Ă€ la tĂŞte des remarquables ChĹ“urs des OpĂ©ras d’Angers-Nantes, Avignon et Marseille, dirigeant avec ardeurl’Orchestre National Bordeaux-Aquitaine, il en transcende avec finesse les pupitres, exaltant la palette des timbres et attache une attention que l’on dirait amoureuse aux solistes, les accompagnant en finesse sans jamais les mettre en danger, tout adonnĂ©, engagĂ© en actions physiques expressives dans la musique, la mimique et le jeu. Il faudrait rĂ©entendre comme il enfle le son au grĂ© de la messa di voce de l’exceptionnelle Ermonela Jaho qui augmente le volume passionnel de sa voixdans son dĂ©chirant « Amami Alfredo ! » : c’est une vague, une houle musicale et Ă©motionnelle qui dĂ©ferle sans noyer l’interprète oĂą tant d’autres se perdent.

Ă€ l’Ă©vidence, il y a eu beaucoup d’intelligence et de travail entre le plateau et la fosse pour donner Ă  cette Ĺ“uvre tragique toute la tendresse humaine dont elle ne dĂ©borde pas Ă  première vue dans ce monde cynique et cruel d’un plaisir pas toujours très raffinĂ©. Tout est traitĂ©, scĂ©niquement et musicalement, dans la nuance. Tous les personnages, mĂŞme Ă©phĂ©mères, sont bien campĂ©s (Giuseppe, RĂ©my Matthieu, Annina, la fidèle et douce servante, Anne-Marguerite Werster, le fidèle aussiGrenvil Ă  belle voix sombre de Nicolas TestĂ©) ; Flora et le Marquis ne sont pas seulement un couple de comĂ©die, mais des amis attentifs aux leurs, Ă  Violette et Alfredo (Ahlima Mhandi , Christophe Berry)
; mĂŞme le Baron (Laurent Alvaro), le protecteur officiel de Violetta, s’il empoche (pour elle, pour lui?) l’argent qu’Alfredo lui a gagnĂ© au jeu et n’a pas jetĂ© au visage de son amante mais plus Ă©lĂ©gamment remis entre ses doigts, paraĂ®t ĂŞtre solidaire de celle qui l’avait pourtant abandonnĂ© et pour laquelle il sera blessĂ© en duel.

Dans cette prestigieuse distribution, la dĂ©couverte, ce fut le tĂ©nor Francesco Meli en Alfredo, amant choisi, heureux mais se croyant trahi, fils potentiellement prodigue puis contrit, homme entretenu sans le savoir et dĂ©sespĂ©rĂ© de le savoir. La voix est large, passant aisĂ©ment la rampe orchestrale et la distance, le timbre chaud et, malgrĂ© un vibrato très vite corrigĂ©, il cisèle tout en douceur les nuances de ce rĂ´le, semblant se chanter Ă  lui-mĂŞme et non triomphalement tonitruer son air ardent mais intĂ©rieur comme une confidence d’un jeune homme Ă©lu, Ă©merveillĂ© par l’amour d’une femme que tous dĂ©sirent. C’est du grand art au service non du chanteur mais d’un rĂ´le.

On ne dĂ©couvre pas Plácido Domingo, lĂ©gende vivante du monde lyrique que cinĂ©ma, tĂ©lĂ©vision ont popularisĂ© mondialement et « divinisé », s’il n’Ă©tait si attentivement humain aux jeunes talents qu’il favorise, par ailleurs directeur d’OpĂ©ras, chef d’orchestre en plus de demeurer le grand tĂ©nor aux cent-cinquante rĂ´les qu’il a tous marquĂ©s et qui, en Espagnol fidèle au rĂ©pertoire populaire hispanique trop mĂ©connu, comme Kraus, CaballĂ©, Berganza, los Ăngeles, Carreras et autres grands interprètes espagnols, a portĂ© aux quatre coins du monde les charmes de la zarzuela ibĂ©rique, dont il a mĂŞme imposĂ© certains airs comme passage obligĂ© des tĂ©nors d’aujourd’hui. CrĂ©ateur donc autant qu’interprète exceptionnel. On le retrouvait en baryton, tessiture de ses dĂ©buts, et qu’il a toujours frĂ©quentĂ©e de près dans les grands rĂ´les de fort tĂ©nor au mĂ©dium corsĂ© comme Othello ou Canio, oĂą sa couleur et puissance faisaient merveille. Ici, en baryton verdien tirant vers l’aigu, il Ă©tait un Germont père, dĂ©marche lourde sous le poids autant de l’âge que de l’expĂ©rience, dĂ©cidĂ© Ă  rĂ©gler une affaire mais vite freinĂ© par les scrupules, la compassion et mĂŞme la complicitĂ© avec son interlocutrice : il s’attend Ă  trouver une courtisane vulgaire et avide et trouve cette jeune femme fragile et forte aux bonnes manières, amoureuse d’un fils qu’il aime et quelque chose passe entre eux. Tout cela est sensible dans le jeu, les hĂ©sitations, les gestes Ă©bauchĂ©s (remarquable travail d’acteur). S’il donne aux fioritures de son air sur la beautĂ© Ă©phĂ©mère de Violetta le tranchant cruel des Ă©vidences, il fait des appoggiatures de la sorte de berceuse Ă  son fils, « Di Provenza, il mare il sol… », de vĂ©ritables sanglots dans le passage  « Ah , tuo vecchio genitor, tu non sai quanto sofri ! »

On ne cesse de dĂ©couvrir Ermonela Jaho : Micaela, Butterfly, dĂ©jĂ  Ă  Orange, Mireille, Manon, Marie Stuarda, Anna Bolena, ailleurs, etc, elle m’a toujours confondu d’admiration par ce qui semblait l’identification exacte, vocale, physique et scĂ©nique Ă  un rĂ´le. Or, les rĂ´les changent et le mĂŞme bonheur d’adĂ©quation s’impose Ă  l’Ă©couter, la voir. Sa Butterfly paraissait unique et bouleversait par son sacrifice intime et grandiose. En Violetta, dans la première partie de l’acte I, courtisane adulĂ©e, brillante, lĂ©gère, coquette, la voix brille, s’Ă©lève, badine, cocotte, cascade de rires face Ă  Alfredo avec une joliesse irrĂ©sistible, l’Ă©mission facile farde dĂ©licatement toute la technique : l’art, cachĂ© par l’art semble tout naturel. GagnĂ©e par l’amour enveloppant des phrases du jeune homme, elle change de tessiture en apparence, plonge dans le grave du soprano dramatique, mĂ©dium moelleux, mallĂ©able de l’introspection et bondit dans le vertige virtuose de la frivolitĂ©. Elle nous Ă©pargne le faux contre mi bĂ©mol inutilement surajoutĂ© Ă  la partition par des voix trop lĂ©gères et s’en tient aux quatre contre rĂ© bĂ©mols vocalisants vraiment voulus par Verdi, vraie couleur du morceau et vĂ©ritĂ© d’une femme qui n’est pas un rossignol mĂ©canique, mais un tendre oiseau Ă  l’envol vite brisĂ©. Nous sommes au théâtre, Ă  l’opĂ©ra : tout y est vrai et tout est faux. Mais Ermonela Jaho, sans rien sacrifier de la beautĂ© de la voix expressive, est tellement crĂ©dible, si douloureusement vraie en mourante que, pris par l’intensitĂ© de son jeu, on s’Ă©tonne ensuite, aux bravos, qu’elle rĂ©apparaisse si vivante.

Sauvant la production en remplaçant au pied levĂ© Diana Damrau souffrante, après son inoubliable aussi Butterfly, elle est sacrĂ©e Reine des ChorĂ©gies 2016 dont le succès couronne sans faille le flair de l’autre triomphateur qui les aura programmĂ©es : Raymond Duffaut.

Compte rendu, opéra. Orange, Chorégies, le 3 août 2016.  VERDI : La Traviata par Ermonela Jaho. Daniele Rustioni, direction

A l’affiche des ChorĂ©gies d’Orange, les 3 et 6 aoĂ»t 2016

Orchestre National Bordeaux-Aquitaine, ChĹ“urs des OpĂ©ras d’Angers-Nantes (Xavier Ribes), Avignon (Aurore Marchand) et Marseille (Emmanuel Trenque) – Direction musicale : Daniele Rustioni
Mise en scène : Louis Désiré ; Scénographie et costumes : Diego Méndez Casariego ; Lumières : Patrick Méuüs.

Distribution :

Violetta Valéry : Ermonela Jaho ;
Flora Bervoix : Ahlima Mhandi  ;

Annina : Anne-Marguerite Werster.

Alfredo Germont : Francesco Meli ; Giorgio Germont : Placido Domingo ;
Gastone di Letorières : Christophe Berry
:Il barone Douphol ; Laurent Alvaro :Il marchese d’Obigny : Pierre Doyen ; Il Dottore Grenvil : Nicolas Testé ; Giuseppe, RĂ©my Matthieu.

Illustrations : © Philippe Gromelle, sauf première photo : Anne-MargueriteWerster (Annina) au chevet de Ermonela Jaho (Violetta) / © Abadie Bruno & Cyril Reveret

Diana Damrau chante La Traviata aux ChorĂ©gies d’Orange 2016

france3 logo 2014France 3. Verdi : La Traviata, mercredi 3 août 2016,21h30. En direct d’Orange, Diana Damrau se confronte au plein air et à l’immensité du Théâtre Antique pour exprimer l’intimité tragique d’un destin sacrifié : celui de la jeune courtisane parisienne Alphonsine Duplessis, devenue d’Alexandre Dumas fils à Verdi à l’opéra, Violetta Valéry. La diva germanique a déjà chanté à maintes reprises le rôles écrasant de La Traviata (la dévoyée) : à la Scala, et récemment dans la mise en scène finalement très classique et sans poésie de Benoît Jacquot, sur les planches de l’Opéra Bastille : un dvd en témoigne (ERATO, live de juin 2014 : lire notre critique du dvd La Traviata avec Diana Damrau).

GLEYRE-dessin-academiqueTRAVIATA, UN MYTHE SACRIFICIEL… Verdi construit le drame par étape, chacune accablant davantage la prostituée qui entretient son jeune amant Alfredo. L’acte I est toute ivresse, à Paris, dans les salons dorés de la vie nocturne : c’est là que Violetta se laisse séduire par le jeune homme ; au II, le père surgit pour rétablir les bienséances : souhaitant marier sa jeune fille, le déshonneur accable sa famille : Violetta doit rompre avec Alfredo le fils insouciant. A Paris, les deux amants qui ont rompu se retrouvent et le jeune homme humilie publiquement celle qu’il ne voit que comme une courtisane (il lui jette à la figure l’argent qu’il vient de gagner au jeu) ; enfin au III, mourante, au moment du Carnaval, retrouve Alfredo mais trop tard : leur réconciliation finale scelle le salut et peut-être la rédemption de cette Madeleine romantique. En épinglant l’hypocrisie de la morale bourgeoise, Verdi règle ses comptes avec la lâcheté sociale, celle qu’il eut à combattre alors qu’il vivait en concubinage avec la cantatrice Giuseppina Strepponi : quand on les croisait dans la rue, personne ne voulait saluer la compagne scandaleuse. La conception de l’opéra suit la découverte à Paris de la pièce de Dumas en mai 1852. L’intrigue qui devrait se dérouler dans la France baroque de Mazarin, porte au devant de la scène une femme de petite vertu mais d’une grandeur héroïque bouleversante. Figure sacrificielle, Violetta est aussi une valeureuse qui accomplit son destin dans l’autodétermination : son sacrifice la rend admirable. Le compositeur réinvente la langue lyrique : sobre, économe, directe, et pourtant juste et intense. La grandeur de Violetta vient de sa quête d’absolu, l’impossibilité d’un amour éprouvé, interdit. Patti, Melba, Callas, Caballe, Ileana Cotrubas, Gheorghiu, Fleming, récemment Annick Massis ou Sonya Yoncheva ont chanté les visages progressifs de la femme accablée mais rayonnante par sa solitude digne. L’addio del passato au II, qui dresse la sacrifiée contre l’ordre moral, est le point culminant de ce portrait de femme à l’opéra. Un portrait inoubliable dans son parcours, aussi universel que demeure pour le genre : Médée, et avant elle Armide et Alceste, puis Norma. Femme forte mais femme tragique.

damrau-diana-traviata-bastille-575Le timbre rond et agile de la coloratoure doit ici exprimer l’intensitĂ© des trois actes qui offre chacun un Ă©pisode contrastĂ© et caractĂ©risĂ©, dans la vie de la courtisane dĂ©voyĂ©e : l’ivresse insouciante du premier acte oĂą la courtisane dĂ©jĂ  malade s’enivre d’un pur amour qui frappe Ă  sa porte (Alfredo); la douleur ultime du sacrifice qui lui est imposĂ© au II (Ă  travers la figure Ă  la fois glaçante et paternelle de Germont père); enfin sous une mansarde du Paris romantique, sa mort misĂ©rable et solitaire au III. Soit 3 visages de femme qui passent aussi par une palette de sentiments et d’affects d’un diversitĂ© vertigineuse. C’est pour toutes les divas sopranos de l’heure, – et depuis la crĂ©ation de l’opĂ©ra Ă  la Fenice de Venise en mars 1853, un dĂ©fi autant dramatique que vocale, dĂ©voilant les grandes chanteuses comme les grandes actrices. La distribution des ChorĂ©gies d’Orange 2016 associe Ă  Diana Damrau dans le rĂ´le-titre, Francesco Meli (Alfredo), Placido Domingo (Germont père). Daniele Rustioni, direction musicale. Louis DĂ©sirĂ©, mise en scène.

En direct sur France 3 et culturebox, mardi 3 août 2016 à 21h30. A l’affiche du Théâtre Antique, également le 6 août 2016 à 21h30.

Compte-rendu, opéra. Liège, Opéra Royal de Wallonie, le samedi 21 mai. Giuseppe Verdi : La Traviata. Stefano Mazzonis di Pralafera, mise en scène. Francesco Cilluffo, direction musicale.

Créée en 2009 Ă  l’OpĂ©ra Royal de Wallonie, reprise en 2012, cette production de La Traviata de Giuseppe Verdi – signĂ©e par Stefano Mazzonis di Pralafera, Ă©galement directeur artistique et gĂ©nĂ©ral de l’institution liĂ©geoise – est redonnĂ©e in loco avec une distribution entièrement diffĂ©rente.

 

 

Traviata

 

 

La soprano d’origine roumaine Mirella Gradinaru est une Violetta très convaincante, affrontant sans sourciller les coloratures de l’acte I, malgrĂ© quelques notes stridentes. Mais c’est face Ă  Germont que cette Traviata se rĂ©vèle, intelligente et Ă©mouvante, comĂ©dienne et chanteuse accomplie : « Dite alla giovine », attaquĂ© sur le fil de voix, sera un moment d’exception, de mĂŞme que son « Adddio del passato », longuement saluĂ© par la salle.

Dans le rĂ´le d’Alfredo, le jeune tĂ©nor espagnol Javier TomĂ© Fernandez a pour lui un timbre plutĂ´t sĂ©duisant et d’incontestables moyens naturels, mais l’assise technique doit encore ĂŞtre travaillĂ©e car des soucis rĂ©currents de justesse se font jour, ainsi que des problèmes de souffle perceptibles notamment dans le fameux air « De’ miei bollenti spititi ». Le Germont du baryton italien Mario Cassi est plus faible, avec un fâcheuse tendance Ă  chanter « vĂ©riste » et Ă  faire « du son », au mĂ©pris le plus Ă©lĂ©mentaire du style et du phrasĂ© verdiens. Il se montre Ă©galement incapable d’exprimer – que ce soit vocalement ou scĂ©niquement – la moindre empathie ou compassion que son personnage est censĂ© Ă©prouvĂ© Ă  la fin de la scène du duo avec Violetta. Dommage…

Dans la mise en scène de Stefano Mazzonis di Pralafera, la critique sociale est plus fĂ©roce que jamais. Mais, contrairement Ă  d’habitude, le sommet de la cruautĂ© n’est pas atteint par avec la diabolique intervention de Germont père. C’est ici beaucoup plus l’inhumanitĂ© d’une sociĂ©tĂ© tout entière qui est en cause, que les mesquines dĂ©marches d’un bourgeois soucieux de considĂ©ration. Pour le reste, nous renvoyons le lecteur vers les judicieux commentaires de notre confère Adrien de Vries qui avait rendu compte de la reprise du spectacle en 2012. (Compte rendu critique, opĂ©ra : La Traviata de Verdi à l’OpĂ©ra royal de Wallonie, Liège, 2012)

Le jeune chef italien Francesco Cilluffo allie rigueur musicale et sens du théâtre, Ă  la tĂŞte d’un excellent Orchestre de l’OpĂ©ra Royal de Wallonie, et d’un très bon chĹ“ur. L’enthousiasme de ce dernier Ă  jouer les intermèdes des gitanes et des matadors et la soliditĂ© des rĂ´les de complĂ©ment achèvent de faire de ce spectacle un succès auprès du public liĂ©geois.

 

 

Compte-rendu, opĂ©ra. Liège, OpĂ©ra Royal de Wallonie, le samedi 21 mai. Giuseppe Verdi : La Traviata. Violetta Valery : Mirela Gradinaru ; Alfredo Germont : Javier TomĂ© Fernández ; Giorgio Germont : Mario Cassi ; Flora Bervoix : Alexise Yerna ; Gastone de Letorières : Papuna Tchuradze ; Barone Douphol : Roger Joakim ; Marchese d’Obigny : Patrick Delcour ; Dottor Grenvil : Alexei Gorbatchev ; Annina : Laura Balidemaj. Mise en scène : Stefano Mazzonis di Pralafera ; DĂ©cors : Edoardo Sanchi ; Costumes : Kaat Tilley ; Lumières : Franco Marri. Francesco Cilluffo, direction musicale.

 

 

PARIS, MONTFERMEIL. TRAVIATA des villes et des champs…

galerie-dame-aux-camelias-12-e1444309149441PARIS, MONTFERMEIL. TRAVIATA des villes et des champs : 23 mai-2 juillet 2016. Deux productions totalement distinctes tant du point de vue artistique que sociĂ©tal et mĂŞme politique occupent simultanĂ©ment l’affiche de ce printemps et presque Ă©tĂ© 2016 : l’une, production luxueuse occupant les planches de l’OpĂ©ra Bastille avec dans le rĂ´le-titre, fidèle Ă  la programmation mĂ©diatique, une tĂŞte d’affiche prometteuse, rien de moins que la diva du moment, Sonya Yoncheva, qui des terres baroques (en apprentissage Ă  Ambronay pilotĂ©e alors par Leo Garcia Alarcon) s’affirme en diva dramatique, dans le chef d’oeuvre intimiste et tragique de Verdi… du 23 mai au 29 juin 2016 . Mais voilĂ  que pour le grand malheur des amateurs qui auront payĂ© le prix fort, la Yoncheva chante le rĂ´le pour quelques reprĂ©sentations (du 23 mai au 7 juin 2016) a annulĂ© ses engagements parisiens pour raisons familiales : elle est remplacĂ© par Maria Agresta, le 20 mai, puis du 11 au 29 juin 2016. Un cran plus bas quand mĂŞme.
C’est Ă  quelques km de Paris, dans le 93 : une autre expĂ©rience qui fusionne art lyrique et aventure collective Ă  l’Ă©chelle d’une ville : Montfermeil, oĂą depuis quelques annĂ©es, la municipalitĂ© propose aux citoyens rĂ©sidents et de façon bĂ©nĂ©vole, l’expĂ©rience d’une production chaque Ă©tĂ©, en un “son et lumière” qui rassemble, regroupe, fĂ©dère les Ă©nergies locales. Le vivre ensemble s’organise de façon exemplaire et la culture surtout la musique, orchestrale et comme ici opĂ©ratique, par les disciplines aussi variĂ©es que complĂ©mentaires qu’elle engage, offre un Ă©crin des plus stimulants…

Giuseppe VerdiMONTFERMEIL : LA VILLE OPERA… A l’OpĂ©ra Bastille, La Traviata se dĂ©ploie dans la mise en scène très conforme du rĂ©alisateur BenoĂ®t Jacquot (les parisiens habituĂ©s aux grandes divas en crinolines, y ont dĂ©jĂ  applaudi Diana Damrau, dans cette scĂ©nographie qui est une reprise) ; les habitants de Montfermeil (300 personnes sur scène et en coulisses) jouent “la Dame aux camĂ©lias”, en costumes historiques avec ballets de cavaliers et d’attelages… soulignant ainsi tout ce que Verdi doit au gĂ©nie d’Alexandre Dumas fils, en particulier Ă  son roman, paru en 1852, et quasi historique, inspirĂ© de la vie trop fugace d’une jeune courtisane aussi belle et irrĂ©sistible que condamnĂ©e (par la phtisie) : Alphonsine Duplessis qui meurt Ă  l’âge canonique de… 23 ans en 1847.
A Paris comme Ă  Montfermeil, les auditeurs assisteront Ă  un vĂ©ritable spectacle lyrique, dĂ©fendu avec engagement par des interprètes impliquĂ©s. A Paris, la routine pourrait gagner certains esprits musiciens enchaĂ®nant les soirĂ©es de reprĂ©sentation ; Ă  Montfermeil, rien de tel : l’idĂ©e de participer Ă  une expĂ©rience singulière et unique (une fois par an, aux portes de l’Ă©tĂ©), citoyenne et sociĂ©tale, – soulignant combien la culture doit ĂŞtre investie par chacun de nous pour redĂ©finir le vivre ensemble, pourrait galvaniser davantage les esprits rĂ©unis dans une aventure sans Ă©quivalent en France.

PARIS, Opéra Bastille
Verdi : La Traviata
reprise de la mise en scène de Benoît Jacquot
Jusqu’au 23 mai au 29 juin 2016
RESERVEZ

MONTFERMEILgalerie-dame-aux-camelias-12-e1444309149441
La Dame aux camĂ©lias d’après La Traviata de Verdi
Les 23, 24, 25, 30 juin puis 1er et 2 juillet 2016
01 41 70 10 60
RESERVEZ

http://www.la-dame-aux-camelias.fr/

Devant la façade côté jardin du château des Cèdres, demeure historique des XVIIè et XVIIIè. Le son & lumière de Montfermeil existe depuis 1995.

Opéra, compte-rendu critique. Tours, Grand Théâtre, le 26 mai 2015. Giuseppe Verdi : La Traviata. Eleonore Marguerre, Sébastien Droy, Kristian Paul. Jean-Yves Ossonce, direction musicale. Nadine Duffaut, mise en scène

Cette Traviata qui clôt la saison de la maison tourangelle, c’est avant tout une histoire d’amour entre un chef et sa Violetta. Rarement on aura vu une baguette à ce point se mettre au service d’une chanteuse, la soutenir autant, suivre la moindre de ses inflexions pour lui permettre d’aller au bout de ses sons et de ses mots. C’est le miracle opéré ce soir par Jean-Yves Ossonce et Eleonore Marguerre, pour les premiers pas de la soprano allemande dans ce rôle mythique.

 
  

Triomphe pour Eleonore Marguerre dans le rôle de Violetta Valéry

Un chef amoureux de sa très grande Violetta

 

traviatat2Un coup d’essai, véritable coup de maître, qui nous fait traverser toute la représentation des larmes aux coins des yeux.  On se souvenait d’Eleonore Marguerre en Fée dans la Cendrillon de Massenet à l’Opéra du Rhin voilà plus de dix ans, on l’avait aperçue furtivement dans le rôle de Ghita à Nancy au cours d’un mémorable Nain de Zemlinsky il y a deux ans, quelle évolution depuis ! Ce que l’instrument a perdu dans le suraigu, il l’a acquis dans un médium somptueux qui conduit à un aigu aussi riche qu’aisé, de superbes notes hautes n’empêchant en rien un grave habilement poitriné. Mais plus encore que la technicienne, d’une sécurité totale, c’est devant l’artiste, immense, qu’il convient de s’incliner bien bas. Le rôle semble avoir été pensé et mûri depuis bien longtemps, tant l’incarnation frappe avec évidence par sa justesse et sa sincérité. Dès les premières notes de « E strano », chantées dos au public, le regard perdu au milieu des flocons qui tombent le long des vitres du décor, on pressent que cette Violetta sera de celles qui comptent. « Ah fors’è lui » bouleverse : le phrasé est déployé avec une élégance, une grâce de mozartienne ; les mots sont ciselés comme rarement, chaque syllabe empreinte de sa propre force, presque recitar cantando, et pourtant chaque son demeure pleinement chanté, vibrant et pleinement incarné. Les couleurs se succèdent, toujours très proches, jamais vraiment identiques, au gré des strophes et des affects, jusqu’à une reprise de « Sempre libera » à la tendresse inédite, comme finalement conquise par l’amour tant redouté.

 

Le deuxième acte met en valeur la tragédienne, toute de douleur contenue, culminant avec un « Dite alla giovine » à fleur de lèvres et de cœur, et un « Amami Alfredo » débordant d’amour.

Le troisième acte achève en apothéose ce portrait déjà pleinement abouti de la courtisane verdienne. La lecture de la lettre, presque murmurée – y compris le funeste « E tardi » qu’elles sont trop nombreuses à jeter au silence dans un cri de désespoir –, amène naturellement à un « Addio del passato » comme éclairé par la lumière du Dieu dont elle implore la clémence, et achevé sur une messa di voce infinie, du très grand art. Jusqu’au bout, on souffre avec cette Violetta ivre de vie et pourtant fragile comme un oiseau tombé d’une branche.

 
 

CR TRAVIATA

 
 

Mais pareille réussite n’aurait pas été possible sans Jean-Yves Ossonce, qui couve sa Violetta comme un trésor.  Il faut l’entendre tisser un véritable tapis sonore sous les pas de sa chanteuse, lui tendre ses notes, guider l’orchestre au milieu de ses soupirs.  Un exemple entre mille : dans le duo « Parigi o cara », lorsque la soprano reprend le thème, qu’il est bon de voir le chef ralentir sensiblement sa battue et ajuster son tempo afin de lui permettre ses plus beaux pianissimi, dans une osmose musicale totale.

 

traviatat5Face Ă  cette communion, le reste de la distribution demeure quelque peu en retrait, malgrĂ© d’excellentes performances. SĂ©bastien Droy incarne un Alfredo très attachant, excellent musicien et semblant avoir gagnĂ© en aisance dans l’aigu, mais dont l’émission audiblement très couverte et un rien engorgĂ©e manque de rayonnement. Il faut attendre le dernier duo et la dĂ©licatesse dans les piani qu’il permet pour profiter pleinement d’un chant simple et naturel de la part du tĂ©nor français. A ses cĂ´tĂ©s, Kristian Paul – remplaçant Enrico Marrucci initialement prĂ©vu – ne fait qu’une bouchĂ©e du rĂ´le de Germont grâce Ă  sa voix aussi imposante que sa stature de gĂ©ant. Si le mĂ©dium apparaĂ®t parfois charbonneux, l’aigu en revanche est d’une aisance totale, et l’interprète ose de très belles nuances, peignant un portrait finalement touchant du terrible patriarche. Tous les seconds rĂ´les sont bien tenus, de la Flora veloutĂ©e de Pauline Sabatier au docteur percutant de Guillaume Antoine, en passant par l’omniprĂ©sente Annina de la sonore Blandine Folio Peres. La mise en scène bien connue de Nadine Duffaut fonctionne toujours, depuis sa crĂ©ation Ă  Massy en 2006. Situant l’action au cĹ“ur de l’HĂ´tel Lutetia durant l’Occupation, Violetta expirant, le crâne tondu, Ă  la LibĂ©ration, cette scĂ©nographie vaut surtout par ses somptueux dĂ©cors et ses beaux costumes, le talent des solistes et la musique de Verdi faisant le reste. Le maĂ®tre de Busseto est superbement servi ce soir, grâce aux chĹ“urs maison, toujours impeccablement prĂ©parĂ© par Emmanuel Trenque – dont c’était la dernière production Ă  Tours, la suite de sa carrière se dĂ©roulant dĂ©sormais Ă  Marseille –, et Ă  l’Orchestre Symphonique RĂ©gion Centre – Tours en pleine forme, distillant de remarquables soli, notamment un superbe hautbois.

Le chef galvanise ses troupes, offrant une partition très complète, incluant toutes les strophes des airs, y compris cabalettes et reprises, un vrai régal.

Une grande soirée durant laquelle l’émotion nous aura pris par surprise, grâce à la découverte d’une nouvelle Violetta, d’ors et déjà une très grande Violetta.

 

 

 

 

Tours. Grand Théâtre, 26 mai 2015. Giuseppe Verdi : La Traviata. Livret de Francesco Maria Piave d’après Alexandre Dumas. Avec Violetta : Eleonore Marguerre ; Alfredo : SĂ©bastien Droy ; Germont : Kristian Paul ; Flora : Pauline Sabatier ; Annina : Blandine Folio Peres ; Gastone : Yvan Rebeyrol ; Baron Douphol : Ronan NĂ©dĂ©lec ; Marquis d’Obigny : François Bazola ; Docteur Grenvil : Guillaume Antoine. ChĹ“urs de l’OpĂ©ra de Tours ; Chef de chĹ“ur : Emmanuel Trenque. Orchestre Symphonique RĂ©gion Centre – Tours. Jean-Yves Ossonce, direction musicale ; Mise en scène : Nadine Duffaut. Assistante mise en scène : Patricia Horvarth ; Emmanuel Favre ; Costumes : GĂ©rard Audier ; Lumières : Jacques Chatelet ; Assistant lumières : Olivier Verecchia ; ChorĂ©graphie : Tatiana Gomez ; Chef de chant ; Vincent Lansiaux

 

Illustrations: © François Berthon / Opéra de Tours 2015

 
 

Nouvelle Traviata Ă  Tours

verdi La TraviataTours, OpĂ©ra. Verdi : La Traviata. Les 20,22,24,26 mai 2015. InspirĂ©e de La Dame aux CamĂ©lias (Alexandre Dumas Fils), La Traviata est avant tout une histoire d’amour bouleversante et rĂ©aliste, dans laquelle le rĂ´le principal, -focus scandaleux-, est rĂ©servĂ©, pour la première fois, Ă  une courtisane. Elle est jeune, jolie, surtout malade donc condamnĂ©e. Dumas fils doit faire mourir son hĂ©roĂŻne pour qu’elle expie ses fautes commises par irrĂ©vĂ©rence des convenances, au mĂ©pris de la morale bourgeoise…
Sobre et essentiellement intimiste, c’est Ă  dire huit clos Ă  3 personnages : la soprano amoureuse, le tĂ©nor “trahi”, le baryton (père la morale) -, La Traviata (la fourvoyĂ©e en italien), bouleverse par le sacrifice consenti par la pècheresse, soucieuse de se sacrifier pour sauver l’honneur de la famille Germont, le fils qu’elle a aimĂ©, et le père qui le lui demande.

 

 

 

Reprise de La Traviata Ă  l’OpĂ©ra de Tours

Violetta, mythe sacrificiel

 

Vague verdienne en juin 2014Verdi construit le drame par Ă©tape, chacune accablant davantage la prostituĂ©e qui entretient son jeune amant Alfredo. L’acte I est toute ivresse, Ă  Paris, dans les salons dorĂ©s de la vie nocturne : c’est lĂ  que Violetta se laisse sĂ©duire par le jeune homme ; au II, le père surgit pour rĂ©tablir les biensĂ©ances : souhaitant marier sa jeune fille, le dĂ©shonneur accable sa famille : Violetta doit rompre avec Alfredo le fils insouciant. A Paris, les deux amants qui ont rompu se retrouvent et le jeune homme humilie publiquement celle qu’il ne voit que comme une courtisane (il lui jette Ă  la figure l’argent qu’il vient de gagner au jeu) ; enfin au III, mourante, au moment du Carnaval, retrouve Alfredo mais trop tard : leur rĂ©conciliation finale scelle le salut et peut-ĂŞtre la rĂ©demption de cette Madeleine romantique. LIRE notre dossier spĂ©cial La Traviata Ă  Tours

 

 

 

boutonreservationLa Traviata de Verdi Ă  l’OpĂ©ra de Tours
Nadine Duffaut, mise en scène
Jean-Yves Ossonce, direction

Reprise d’une production reprĂ©sentĂ©e Ă  Avignon en 2002

Mercredi 20 mai 2015 – 20h
Vendredi 22 mai 2015 – 20h
Dimanche 24 mai 2015 – 15h
Mardi 26 mai 2015 – 20h

Opéra en quatre parties
Livret de Francesco Maria Piave, d’après Alexandre Dumas Fils
Création le 6 mars 1853 à Venise
Editions Salabert-Ricordi (édition critique)

Direction : Jean-Yves Ossonce
Mise en scène : Nadine Duffaut

Violetta Valéry : Eleonore Marguerre *
Flora Bervoix : Pauline Sabatier
Annina : Blandine Folio Peres *
Alfredo Germont : Sébastien Droy
Giorgio Germont : Enrico Marrucci
Baron Douphol : Ronan Nédelec
Docteur Grenvil : Guillaume Antoine *
Gastone : Yvan Rebeyrol
Le Marquis : François Bazola

Orchestre Symphonique Région Centre-Tours
Choeurs de l’OpĂ©ra de Tours et Choeurs SupplĂ©mentaires

*débuts à l’Opéra de Tours

 

 

Reprise de La Traviata Ă  Tours

verdi La TraviataTours, OpĂ©ra. Verdi : La Traviata. Les 20,22,24,26 mai 2015. InspirĂ©e de La Dame aux CamĂ©lias (Alexandre Dumas Fils), La Traviata est avant tout une histoire d’amour bouleversante et rĂ©aliste, dans laquelle le rĂ´le principal, -focus scandaleux-, est rĂ©servĂ©, pour la première fois, Ă  une courtisane. Elle est jeune, jolie, surtout malade donc condamnĂ©e. Dumas fils doit faire mourir son hĂ©roĂŻne pour qu’elle expie ses fautes commises par irrĂ©vĂ©rence des convenances, au mĂ©pris de la morale bourgeoise…
Sobre et essentiellement intimiste, c’est Ă  dire huit clos Ă  3 personnages : la soprano amoureuse, le tĂ©nor “trahi”, le baryton (père la morale) -, La Traviata (la fourvoyĂ©e en italien), bouleverse par le sacrifice consenti par la pècheresse, soucieuse de se sacrifier pour sauver l’honneur de la famille Germont, le fils qu’elle a aimĂ©, et le père qui le lui demande.

 

 

 

Reprise de La Traviata Ă  l’OpĂ©ra de Tours

Violetta, mythe sacrificiel

 

Vague verdienne en juin 2014Verdi construit le drame par Ă©tape, chacune accablant davantage la prostituĂ©e qui entretient son jeune amant Alfredo. L’acte I est toute ivresse, Ă  Paris, dans les salons dorĂ©s de la vie nocturne : c’est lĂ  que Violetta se laisse sĂ©duire par le jeune homme ; au II, le père surgit pour rĂ©tablir les biensĂ©ances : souhaitant marier sa jeune fille, le dĂ©shonneur accable sa famille : Violetta doit rompre avec Alfredo le fils insouciant. A Paris, les deux amants qui ont rompu se retrouvent et le jeune homme humilie publiquement celle qu’il ne voit que comme une courtisane (il lui jette Ă  la figure l’argent qu’il vient de gagner au jeu) ; enfin au III, mourante, au moment du Carnaval, retrouve Alfredo mais trop tard : leur rĂ©conciliation finale scelle le salut et peut-ĂŞtre la rĂ©demption de cette Madeleine romantique.
En Ă©pinglant l’hypocrisie de la morale bourgeoise, Verdi règle ses comptes avec la lâchetĂ© sociale, celle qu’il eut Ă  combattre alors qu’il vivait en concubinage avec la cantatrice Giuseppina Strepponi : quand on les croisait dans la rue, personne ne voulait saluer la compagne scandaleuse. La conception de l’opĂ©ra suit la dĂ©couverte Ă  Paris de la pièce de Dumas en mai 1852. L’intrigue qui devrait se dĂ©rouler dans la France baroque de Mazarin, porte au devant de la scène une femme de petite vertu mais d’une grandeur hĂ©roĂŻque bouleversante. Figure sacrificielle, Violetta est aussi une valeureuse qui accomplit son destin dans l’autodĂ©termination : son sacrifice la rend admirable. Le compositeur rĂ©invente la langue lyrique : sobre, Ă©conome, directe, et pourtant juste et intense. La grandeur de Violetta vient de sa quĂŞte d’absolu, l’impossibilitĂ© d’un amour Ă©prouvĂ©, interdit. Patti, Melba, Callas, Caballe, Ileana Cotrubas, Gheorghiu, Fleming, rĂ©cemment Annick Massis ont chantĂ© les visages progressifs de la femme accablĂ©e mais rayonnante par sa solitude digne. L’addio del passato au II, qui dresse la sacrifiĂ©e contre l’ordre moral, est le point culminant de ce portrait de femme Ă  l’opĂ©ra. Un portrait inoubliable dans son parcours, aussi universel que demeure pour le genre : MĂ©dĂ©e, et avant elle Armide et Alceste, puis Norma.

 

 

 

boutonreservationLa Traviata de Verdi Ă  l’OpĂ©ra de Tours
Nadine Duffaut, mise en scène
Jean-Yves Ossonce, direction

Reprise d’une production reprĂ©sentĂ©e Ă  Avignon en 2002

Mercredi 20 mai 2015 – 20h
Vendredi 22 mai 2015 – 20h
Dimanche 24 mai 2015 – 15h
Mardi 26 mai 2015 – 20h

Opéra en quatre parties
Livret de Francesco Maria Piave, d’après Alexandre Dumas Fils
Création le 6 mars 1853 à Venise
Editions Salabert-Ricordi (édition critique)

Direction : Jean-Yves Ossonce
Mise en scène : Nadine Duffaut

Violetta Valéry : Eleonore Marguerre *
Flora Bervoix : Pauline Sabatier
Annina : Blandine Folio Peres *
Alfredo Germont : Sébastien Droy
Giorgio Germont : Enrico Marrucci
Baron Douphol : Ronan Nédelec
Docteur Grenvil : Guillaume Antoine *
Gastone : Yvan Rebeyrol
Le Marquis : François Bazola

Orchestre Symphonique Région Centre-Tours
Choeurs de l’OpĂ©ra de Tours et Choeurs SupplĂ©mentaires

*débuts à l’Opéra de Tours

 

 

Compte rendu, opĂ©ra. Paris. OpĂ©ra National de Paris, le 9 juin 2014. Verdi : La Traviata. Diana Damrau, Ludovic TĂ©zier, Francesco Demuro, Cornelia Oncioiu… Orchestre et choeur de l’OpĂ©ra National de Paris. Daniel Oren, direction. BenoĂ®t Jacquot, mise en scène.

damrau-diana-traviata-bastille-575Nouvelle Traviata après l’annĂ©e Verdi Ă  l’OpĂ©ra National de Paris ! Une Traviata nouveau cru qui profite de la performance choc de la soprano Diana Damrau dans le rĂ´le-titre, pour ses dĂ©buts Ă  Paris. La mise en scène est de BenoĂ®t Jacquot, dont nous gardons l’agrĂ©able souvenir d’un Werther rĂ©ussi La direction musicale est assurĂ© par le chef italien Daniel Oren. L’opĂ©ra le plus jouĂ© dans le monde, parfois mĂŞme une carte de prĂ©sentation des grandes divas ne laisse toujours pas indiffĂ©rent. Raconter l’histoire peut paraĂ®tre redondant, l’intrigue respectant plutĂ´t fidèlement le cĂ©lèbre roman d’Alexandre Dumas Fils, oĂą une courtisane de luxe se sacrifie par amour et (re)devient victime de la sociĂ©tĂ©. C’est peut-ĂŞtre aussi la plus saisissante Ă©tude psychologique de tout le théâtre lyrique romantique, créée par Verdi en 1853 sur le livret de Francesco Maria Piave d’après La Dame aux CamĂ©lias.

 

 

Non italienne, une inoubliable Traviata

 

Que faire avec une telle crĂ©ature ? Le pari, payant, de l’OpĂ©ra de Paris en embauchant BenoĂ®t Jacquot et son Ă©quipe artistique pour la nouvelle production et sans doute celui du « retour aux origines ». La Traviata est une Ĺ“uvre italienne, certes, mais son esprit est français. L’inspiratrice du drame se nommait Maire Duplessis, maĂ®tresse d’un Liszt et d’un Dumas Fils. Giuseppe Verdi a mis en musique les mĹ“urs et valeurs de la France de la monarchie de juillet. On a tendance Ă  l’oublier, voire Ă  l’ignorer dans certaines mise en scènes transposĂ©es parfois de façon trop Ă©sotĂ©rique, touchant le snobisme sans fond ni intention. Dans le cas Jacquot, les intentions ne sont pas les plus explicites, et tant mieux. Nous acceptons rapidement l’aspect cinĂ©matographique de sa production, toujours avec deux plans diffĂ©rents sur le plateau, dans les dĂ©cors esthĂ©tiques de Sylvain Chauvelot, avec les riches costumes de Christian Gasc et les lumières pertinentes d’AndrĂ© Diot. IdĂ©alement, le cinĂ©aste metteur en scène a voulu rompre, en toute dĂ©licatesse, avec certaines conventions… Notamment avec les chĹ“urs les plus statiques que nous ayons jamais vu dans une Traviata. Si nous aimons les chansons Ă  boire animĂ©es et dansantes, le fameux Brindisi devient ici un mini-concert de Violetta et d’Alfredo. C’est moins une approche psychologique qu’une rĂ©presentation très juste des codes et mĹ“urs de la sociĂ©tĂ© d’alors. L’Ă©lĂ©gance, le raffinement, les nons-dits, l’isolement et la dĂ©solation dansent ensemble dans les tĂ©nèbres pendant que deux amoureux cĂ©lèbrent la joie et la voluptĂ©. Cela ne peut pas ĂŞtre plus français, ni plus beau dans sa vĂ©racitĂ©.

Quel profil pour Violetta ValĂ©ry ? Diana Damrau, soprano allemande, offre une prestation rare par l’excellence de son chant. N’oublions pas qu’il s’agĂ®t d’un rĂ´le très exigeant pour l’interprète d’un point de vue vocal. Les talents propres Ă  la soprano, avec sa formation acadĂ©mique mozartienne font de sa Violetta une tragĂ©dienne plus française qu’italienne, avec une ligne de chant impeccablement soignĂ©e, des piani et pianissimi dans les sommets et les profondeurs du rĂ´le qui font ravir les cĹ“urs. « Addio del passato » au dernier acte est l’un des nombreux moments forts, la salle respire et soupire Ă  l’unisson devant la perfection sonore des adieux de la Violetta mourante. A ses cĂ´tĂ©s, Ludovic TĂ©zier dans le rĂ´le de Giorgio Germont, père d’Alfredo, est aussi excellent. Il incarne le rĂ´le avec un air hautain qui va très bien dans cette production. Sa performance est une vĂ©ritable master class, peut-ĂŞtre trop vaillant et hĂ©roĂŻque pour le rĂ´le, mais puissamment crĂ©dible quoi qu’il en soit.

 

Daniel Oren dirigeant l’Orchestre de l’OpĂ©ra National de Paris dĂ©fend aussi le parti-pris de faire une Traviata rĂ©solument non italienne. Si sa baguette manque parfois de clartĂ©, il arrive souvent Ă  obtenir un son frĂ©missant, sensuel et sans excès. Pourquoi ĂŞtre libre quand nous sommes si bien dans nos prisons ? Soit, mais nous l’aurions prĂ©fĂ©rĂ© libĂ©rĂ©. Ne manquer pas cette Traviata française, si brillante et raffinĂ©e Ă  l’affiche de l’OpĂ©ra Bastille les 12, 14, 17 et 20 juin 2014.

Compte rendu, opĂ©ra. Paris. OpĂ©ra Bastille. Verdi : La Traviata. Diana Damrau (Violetta), Francesco Demuro (Alfredo, Germont fils), Ludovic TĂ©zier (Germont père), Anna Pennisi, Cornelia Oncioiu. BenoĂ®t Jacquot, mise en scène. Orchestre et chĹ“ur de l’OpĂ©ra national de Paris. Daniel Oren, direction.

Paris, OpĂ©ra Bastille. La lumineuse Traviata de Diana Damrau… On se souvient de l’ancienne production en piste Ă  Garnier, hĂ©ritage de l’ère Mortier, entre dĂ©calage et misĂ©rabilisme atterrant (signĂ© en 2007 par Christoph Marthaler qui imaginait alors une Traviata extĂ©nuĂ©e au pays des soviets usĂ©s, corrompus, exsangues). Voici venu le sang neuf du nouveau BenoĂ®t Jacquot, signature prometteuse depuis son Werther créé ici mĂŞme en 2010 dans des tableaux Ă©purĂ©s, gigantesques, Ă©conomes, maniant le motif comme autant de symboles signifiants sur la scène. Car le théâtre, c’est aussi du sens ! On a trop souvent l’impression que cette Ă©vidence est Ă©cartĂ©e, oubliĂ©e, sacrifiĂ©e. C’est pourtant le motif d’une espĂ©rance ressuscitĂ©e pour chaque nouvelle production : qu’allons nous voir ? Qu’allons nous comprendre … et peut-ĂŞtre dĂ©couvrir ?

MĂŞme grand vide suggestif ici traitĂ© en aplat de couleur/lumière, avec quelques pointes d’époque : comme le tableau de l’Olympia de Manet, hommage du peintre rĂ©aliste au nu fĂ©minin, au corps de la courtisane qui fait commerce de ses charmes. Pour le reste, pas de lecture ou d’idĂ©e conceptuelle qui architecture et structure une vision marquante. C’est joli, pas gĂŞnant – ce qui est dĂ©jĂ  beaucoup. Le vrai enjeu de cette nouvelle production demeure le choix des voix choisies pour un spectacle qui s’est d’emblĂ©e affichĂ© comme l’évĂ©nement de la fin de saison de l’OpĂ©ra de Paris.

 

 

 

Lumineuse Violetta de Diana…

 

Sur le plateau immense de Bastille, règne la vocalité irréprochable des chanteurs réunis pour ce point d’orgue de la saison 13-14 qui s’achève : Diana Damrau (en Violetta), Ludovic Tézier et Francesco Demuro (nouveau venu dans l’auguste maison comme c’est le cas de sa consoeur allemande), respectivement dans les rôles des Germont, père et fils.
Elle, diva désormais adulée sur toutes les planches du monde ensorcelle de facto par sa voix déchirante, directe, musicalement très raffinée, en une incarnation aussi réussie que sa précédente prestation à La Scala de Milan pour son ouverture en décembre 2013. La lumière du timbre, sa grâce angélique, son intensité font mouche (au moment du sacrifice imposé au II, au moment de la mort sacrificielle au III). DU très (trop) beau chant… qui pourra laisser de marbre les admirateurs d’un chant plus corsé, incarné, expressif.
C’est exactement le cas du ténor wagnérien Klaus Florian Vogt chez Wagner : son Lohengrin ou son Parsifal souffrent d’une clarté lisse du timbre que beaucoup trouve inexpressive. Question de goût. Le beau chant et la qualité du timbre font quand même la différence… et notre admiration.

 

 

 

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Face Ă  elle, le tĂ©nor sarde nouveau venu donc Ă  Paris, Francesco Demuro peine parfois en un chant moins articulĂ©, moins abouti dramatiquement. Dommage. Face aux jeunes, le Germont de TĂ©zier s’impose lĂ  encore par la force souple du chant, un modèle de jaillissement intense et poĂ©tiquement juste. Quel baryton ! Une chance pour Paris dĂ©cidĂ©ment. L’orchestre habituellement parfait de finesse, de suggestion sous la direction de son directeur musical – divin mozartien, Ă©tonnant wagnĂ©rien, Philippe Jordan, semblait dĂ©possĂ©dĂ© de ses moyens sans la conduite de son pilote prĂ©fĂ©rĂ©. Le chef Daniel Oren navigue souvent Ă  vue, sans architecture une lecture cohĂ©rente et claire.  Pour une fois que la fosse fait dĂ©faut, il nous fallait le signaler. Dans l’immensitĂ© de la salle de Bastille, le beau chant de Damrau continue encore de nous hanter, comme ce fut le cas Ă  Milan en dĂ©cembre dernier : pour nous aucun doute, Diana Damrau a bien choisi le moment de chanter sa Violetta : courrez Ă  Bastille applaudir Ă  ce grand moment. Damrau et TĂ©zier valent largement le dĂ©placement.

Paris. OpĂ©ra Bastille. Verdi : La Traviata. Diana Damrau (Violetta), Francesco Demuro (Alfredo, Germont fils), Ludovic TĂ©zier (Germont père), Anna Pennisi, Cornelia Oncioiu. BenoĂ®t Jacquot, mise en scène. Orchestre et chĹ“ur de l’OpĂ©ra national de Paris. Daniel Oren, direction. A l’affiche de l’OpĂ©ra Bastille, jusqu’au 20 juin. TĂ©l. : 08-92-89-90-90. De 5 € Ă  195 €. Operadeparis.fr.  Diffusion sur France Musique le 7 juin, dans les cinĂ©mas UGC le 17 juin 2014.

 

 

 

Diana Damrau chante sa nouvelle Traviata Ă  l’OpĂ©ra Bastille

verdi_582_face_portrait_boldiniParis, Opéra Bastille. Verdi : La Traviata. Diana Damrau: 2>20 juin 2014. Après un Werther clair et lisible, Benoît Jacquot met en scène La Traviata, tragédie parisienne de Verdi qui au moment de sa création à Venise sur les planches de La Fenice (1853), suscita un scandale notoire : comment accepter dans un opéra, de voir les amours sulfureuses d’une courtisane et d’un jeune bourgeois (Germont fils) prêt à saborder l’honneur de sa famille ? Verdi alors en ménage avec Giuseppina Strepponi, cantatrice à la réputation elle aussi scandaleuse, qu’il n’épousera que sur le tard, dénonce dans La Traviata l’hypocrisie de son temps. Inspiré par le roman de Dumas fils, La dame aux camélias (1852), le compositeur portraiture la société du Second Empire non sans une pointe satirique ; il brosse surtout de Violetta Valéry, la courtisane sublime léguée par Dumas, un portrait bouleversant, celui d’une âme sensible, romantique qui alors qu’elle se sent condamnée, usée par les excès de sa vie sans morale, rencontre en croisant le regard d’Alfredo, le pur amour. En traitant un mythe littéraire contemporain, Verdi transpose à l’opéra, un vrai sujet qui pourrait être d’actualité. Liszt a laissé un témoignante bouleversant sur la vraie Dame aux camélias : Alphonsine Duplessis, morte tuberculeuse en 1847, petit être fragile et sensuel d’une passivité déjà maudite.
verdi La TraviataD’une rare justesse émotionnelle, l’écriture de Verdi bannit ici toute virtuosité démonstrative : il touche directement le cœur. Jamais les options expressives n’ont à ce point fusionner avec les accents de la nécessité poétique et dramatique. Chaque air de Violetta, saisie, consumée par le grand vertige de la vie, s’impose à nous comme autant de confessions introspectives, miroir de son état psychique : l’abandon de ses rêves, les élans de ses désirs perdus, la faiblesse d’un corps qui perd peu à peu le goût de vivre, sous la pression sociale, face aux épreuves que lui impose le père de son jeune amant… Trop de vérité et de sincérité dans ce drame sentimental d’une irrésistible cohérence : à la création, la censure exigea que les rôles soient chantés en costumes Louis XIV. Des robes modernes auraient souligné la modernité insupportable de l’ouvrage. Reprise un an plus tard après le fiasco de La Fenice, en 1854 au Teatro San Benedetto de Venise, La Traviata défendue par une meilleure distribution, suscita le triomphe que l’ouvrage méritait.
La nouvelle production de La Traviata à l’Opéra Bastille réunit une distribution prometteuse : Diana Damrau qui vient d’ouvrir la saison actuelle de La Scala avec cette prise de rôle exceptionnellement intense et juste ; Ludovic Tézier habitué du rôle paternel, sacrificateur et protecteur à la fois, Germont père… ajoute au tableau, sa droiture vocale qui sied parfaitement au rôle paternel, un rien moralisateur et rigide. 8 dates événements, du 2 au 20 juin 2014. Diffusion en direct sur France Musique, le 7 juin 2014, 19h. En direct dans les cinémas le 17 juin 2014.

Verdi : La Traviata à l’Opéra Bastille

Daniel Oren (2, 5, 7, 9 et 20 juin)
Francesco Ivan Ciampa (12, 14, 17 juin)
direction musicale

Benoît Jacquot
Mise en scène

Diana Damrau, Violetta Valéry
Anna Pennisi, Flora Bervoix
Cornelia Oncioiu, Annina
Francesco Demuro, Alfredo Germont
Ludovic Tézier, Giorgio Germont
Kevin Amiel, Gastone
Fabio Previati, Il Barone Douphol
Igor Gnidii, Il Marchese d’Obigny
Nicolas Testé, Dottore Grenvil

Orchestre et Choeur de l’Opéra national de Paris

Réservations, informations sur le site de l’Opéra national de Paris

Diana Damrau chante Violetta Ă  la Scala

Diana Damrau est Violetta … Verdi: La Traviata. Du 7 au 31 dĂ©cembre 2013. En direct sur Arte, le 7 dĂ©cembre. Diana Damrau chante Violetta., sous la direction de Daniele Gatti pour l’ouverture de la nouvelle saison de la Scala de Milan. Prise de rĂ´le attendue et certainement aussi convaincante que sa Gilda (Rigoletto, sa rĂ´le verdien d’envergure prĂ©cĂ©dent) … Le théâtre scaligène rend ainsi hommage Ă  Giuseppe Verdi pour l’annĂ©e de son centenaire. Nouvelle production de la Scala, avec aux cĂ´tĂ©s de Diana Damrau, Piotr Beczala (Alfredo Ă©lĂ©gantissime), Zelijko Lucic (Germont père)… Mise en scène : Dmitri Tcherniakov

Milan, Teatro alla Scala, Verdi: La Traviata. Du 7 au 31 décembre 2013. Nouvelle production

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La Traviata Ă  la Scala

Verdi: La Traviata. Du 7 au 31 dĂ©cembre 2013. En direct sur Arte, le 7 dĂ©cembre. Diana Damrau chante Violetta., sous la direction de Daniele Gatti pour l’ouverture de la nouvelle saison de la Scala de Milan. Prise de rĂ´le attendue et certainement aussi convaincante que sa Gilda (Rigoletto, sa rĂ´le verdien d’envergure prĂ©cĂ©dent) … Le théâtre scaligène rend ainsi hommage Ă  Giuseppe Verdi pour l’annĂ©e de son centenaire. Nouvelle production de la Scala, avec aux cĂ´tĂ©s de Diana Damrau, Piotr Beczala (Alfredo Ă©lĂ©gantissime), Zelijko Lucic (Germont père)… Mise en scène : Dmitri Tcherniakov

Milan, Teatro alla Scala, Verdi: La Traviata. Du 7 au 31 décembre 2013. Nouvelle production

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