TOURCOING. La Clémence de Titus, ce soir, mardi 5, puis jeudi 7 fév 2019

titus-clemence-mozart-1791-opera-tourcoing-atelier-lyrique-de-tourcoing-fevrier-2019-annonce-dossier-presentationTOURCOING. La Clémence de Titus, ce soir et jeudi 7 fév 2019. Encore 2 soirées pour La Clémence de Titus, dernier opéra seria de Mozart (1791), au verbe ciselé, porté par un orchestre incandescent (l’incendie du Capitole)… L’empereur Titus fait l’expérience amère de la trahison et de la solitude, mais sait pardonner à tous ceux qui l’ont trahi ; sa clémence devient l’emblème du politique vertueux. L’Atelier Lyrique de Tourcoing poursuit son exploration de l’opéra mozartien avec l’engagement que l’on sait. Avant de mourir Mozart nous laisse un message de fraternité éloquente à travers l’exemple de l’empereur Titus, homme loyal et moralement admirable qui fut «  le délice du genre humain »… Nouvelle production événement. Ce soir, mardi 5 février 2019, 20h, puis dernière jeudi 7 février 2019, 20h, Théâtre Municipal Raymond Devos

 

INFOS, présentation & RESERVATIONS
http://www.classiquenews.com/tourcoing-mozart-la-clemence-de-titus-par-latelier-lyrique-3-7-fevrier-2019/

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Publio et Titus (Marc Boucher / Jérémy Duffau) / Photo : Atelier Lyrique de Tourcoing 2019

 


Tito / Titus : Jérémy Duffau, ténor
Vitellia : Clémence Tilquin, soprano
Sesto : Amaya Dominguez, mezzo-soprano
Annio : Ambroisine Bré, soprano
Servilia : Juliette Raffin Gay, soprano
Publio : Marc Boucher, baryton-basse

Chœur de l’Atelier Lyrique de Tourcoing
La Grande Écurie et la Chambre du Roy
Direction musicale : Emmanuel Olivier

Mise en scène : Christian Schiaretti
Chef de chant : Flore Merlin

 

TOURCOING, La Clémence de Titus par l’Atelier Lyrique de Tourcoing

MOZART wolfgang vienne 1780 1790 classiquenews 1138381-portrait-wolfgang-amadeus-mozartTOURCOING, 3-7 février 2019. MOZART : La Clémence de Titus. Créé au Théâtre National de Prague le 6 septembre 1791, sur le livret de Caterino Mazzolà d’après Pietro Metastasio, l’opéra « La Clémence de Titus » est l’ultime « opera seria » de Mozart, commandé l’année de sa mort, pour le couronnement de Léopold II sacré roi de Bohème. L’œuvre de circonstance devient par le génie mozartien, chef d’oeuvre absolu, encore mésestimé, et qui illustre l’idéal du politique vertueux, une vision influencée par l’esprit des Lumières, Leopold, alors qu’il était Grand-Duc de Toscane, décide la fin des pratiques de torture et abolit la peine de mort.  Sur le métier de son autre chef d’oeuvre, la Flûte enchantée, Mozart voulait composer La Titus en allemand comme La Flûte, mais le théâtre destinataire (l’opéra de Prague) a été construit pour produire des opéras italiens (il y a créé Don Giovanni).
Mozart imagine à Rome, Titus, vertueux, est promis à Bérénice, (la princesse orientale lui a transmis les valeurs morales les plus hautes…). Or dans la capitale impériale, l’empereur est la proie d’une trahison et d’un complot contre sa personne. Vitellia qui aime Titus, manipule le meilleur ami de Titus, Sextus (d’auant plus facilement que ce dernier aime Vitellia).
Dans ce nœud passionnel et politique, Titus révèle sa valeur : la responsabilité, la justice, la clémence. A son contact, même la perfide et haineuse Vitellia se transforme et évolue. En associant émotion, sentiment et devoir, Mozart réalise un sommet de l’inspiration seria. La Clémence de Titus est un opéra à réévaluer d’urgence.
Le compositeur qui écrit aussi le Requiem (laissé inachevé), conçoit des ensembles qui annonce le final à la Rossini : synthèse dramatique et réunion des personnages qui dans ce temps suspendu, expriment chacun leur propre pensée et sentiments.
Parmi les instruments choisis qui colorent la partition, la clarinette de basset pour Sextus, le cor de basset pour le grand air de Vitellia au II (où l’intrigante bascule en une révélation intime qui la rend enfin plus humaine et compatissante). Pour écrire les parties de chacun de ces instruments, Mozart profite de sa proximité avec son frère de loge, Anton Stadler (1753-1812), joueur virtuose de cor de basset et clarinettiste… il a inventé la clarinette de basset avec l’aide du fabricant Theodor Lotz. Toute l’action mène à la scène finale, éloquente manifestation des vertus du pouvoir : la clémence de Titus avec laquelle l’empereur accepte de pardonner à tous ceux qui ont voulu le tuer. Avant de mourir, Mozart nous laisse un message humaniste et profondément fraternel.

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Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : La Clémence de Titus
Opéra en deux actes
3 représentations, Du 3 au 7 février 2019

OPÉRA, CRÉATION, dès 10 ans
2h45
ITALIEN SURTITRE FRANÇAIS

Dimanche 3 février 2019 15h30
Mardi 5 février 2019 20h
Jeudi 7 février 2019 20h

TOURCOING, Théâtre Municipal Raymond Devos
de 6 à 45€
RÉSERVEZ
http://www.atelierlyriquedetourcoing.fr/spectacle/la-clemence-de-titus/

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Tito / Titus : Jérémy Duffau, ténor
Vitellia : Clémence Tilquin, soprano
Sesto : Amaya Dominguez, mezzo-soprano
Annio : Ambroisine Bré, soprano
Servilia : Juliette Raffin Gay, soprano
Publio : Marc Boucher, baryton-basse

Chœur de l’Atelier Lyrique de Tourcoing
La Grande Écurie et la Chambre du Roy
Direction musicale : Emmanuel Olivier

Mise en scène : Christian Schiaretti
Chef de chant : Flore Merlin

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TOURCOING. Nouvelle Clémence de Titus par l’Atelier Lyrique

MOZART wolfgang vienne 1780 1790 classiquenews 1138381-portrait-wolfgang-amadeus-mozartTOURCOING, 3-7 février 2019. MOZART : La Clémence de Titus. Créé au Théâtre National de Prague le 6 septembre 1791, sur le livret de Caterino Mazzolà d’après Pietro Metastasio, l’opéra « La Clémence de Titus » est l’ultime « opera seria » de Mozart, commandé l’année de sa mort, pour le couronnement de Léopold II sacré roi de Bohème. L’œuvre de circonstance devient par le génie mozartien, chef d’oeuvre absolu, encore mésestimé, et qui illustre l’idéal du politique vertueux, une vision influencée par l’esprit des Lumières, Leopold, alors qu’il était Grand-Duc de Toscane, décide la fin des pratiques de torture et abolit la peine de mort.  Sur le métier de son autre chef d’oeuvre, la Flûte enchantée, Mozart voulait composer La Titus en allemand comme La Flûte, mais le théâtre destinataire (l’opéra de Prague) a été construit pour produire des opéras italiens (il y a créé Don Giovanni).
Mozart imagine à Rome, Titus, vertueux, est promis à Bérénice, (la princesse orientale lui a transmis les valeurs morales les plus hautes…). Or dans la capitale impériale, l’empereur est la proie d’une trahison et d’un complot contre sa personne. Vitellia qui aime Titus, manipule le meilleur ami de Titus, Sextus (d’auant plus facilement que ce dernier aime Vitellia).
Dans ce nœud passionnel et politique, Titus révèle sa valeur : la responsabilité, la justice, la clémence. A son contact, même la perfide et haineuse Vitellia se transforme et évolue. En associant émotion, sentiment et devoir, Mozart réalise un sommet de l’inspiration seria. La Clémence de Titus est un opéra à réévaluer d’urgence.
Le compositeur qui écrit aussi le Requiem (laissé inachevé), conçoit des ensembles qui annonce le final à la Rossini : synthèse dramatique et réunion des personnages qui dans ce temps suspendu, expriment chacun leur propre pensée et sentiments.
Parmi les instruments choisis qui colorent la partition, la clarinette de basset pour Sextus, le cor de basset pour le grand air de Vitellia au II (où l’intrigante bascule en une révélation intime qui la rend enfin plus humaine et compatissante). Pour écrire les parties de chacun de ces instruments, Mozart profite de sa proximité avec son frère de loge, Anton Stadler (1753-1812), joueur virtuose de cor de basset et clarinettiste… il a inventé la clarinette de basset avec l’aide du fabricant Theodor Lotz. Toute l’action mène à la scène finale, éloquente manifestation des vertus du pouvoir : la clémence de Titus avec laquelle l’empereur accepte de pardonner à tous ceux qui ont voulu le tuer. Avant de mourir, Mozart nous laisse un message humaniste et profondément fraternel.

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Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : La Clémence de Titus
Opéra en deux actes
3 représentations, Du 3 au 7 février 2019

OPÉRA, CRÉATION, dès 10 ans
2h45
ITALIEN SURTITRE FRANÇAIS

Dimanche 3 février 2019 15h30
Mardi 5 février 2019 20h
Jeudi 7 février 2019 20h

TOURCOING, Théâtre Municipal Raymond Devos
de 6 à 45€
RÉSERVEZ
http://www.atelierlyriquedetourcoing.fr/spectacle/la-clemence-de-titus/

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Tito / Titus : Jérémy Duffau, ténor
Vitellia : Clémence Tilquin, soprano
Sesto : Amaya Dominguez, mezzo-soprano
Annio : Ambroisine Bré, soprano
Servilia : Juliette Raffin Gay, soprano
Publio : Marc Boucher, baryton-basse

Chœur de l’Atelier Lyrique de Tourcoing
La Grande Écurie et la Chambre du Roy
Direction musicale : Emmanuel Olivier

Mise en scène : Christian Schiaretti
Chef de chant : Flore Merlin

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TOURCOING, nouvelle La Clémence de Titus de Mozart

MOZART wolfgang vienne 1780 1790 classiquenews 1138381-portrait-wolfgang-amadeus-mozartTOURCOING, 3-7 février 2019. MOZART : La Clémence de Titus. Créé au Théâtre National de Prague le 6 septembre 1791, sur le livret de Caterino Mazzolà d’après Pietro Metastasio, l’opéra « La Clémence de Titus » est l’ultime « opera seria » de Mozart, commandé l’année de sa mort, pour le couronnement de Léopold II sacré roi de Bohème. L’œuvre de circonstance devient par le génie mozartien, chef d’oeuvre absolu, encore mésestimé, et qui illustre l’idéal du politique vertueux, une vision influencée par l’esprit des Lumières, Leopold, alors qu’il était Grand-Duc de Toscane, décide la fin des pratiques de torture et abolit la peine de mort.  Sur le métier de son autre chef d’oeuvre, la Flûte enchantée, Mozart voulait composer La Titus en allemand comme La Flûte, mais le théâtre destinataire (l’opéra de Prague) a été construit pour produire des opéras italiens (il y a créé Don Giovanni).
Mozart imagine à Rome, Titus, vertueux, est promis à Bérénice, (la princesse orientale lui a transmis les valeurs morales les plus hautes…). Or dans la capitale impériale, l’empereur est la proie d’une trahison et d’un complot contre sa personne. Vitellia qui aime Titus, manipule le meilleur ami de Titus, Sextus (d’auant plus facilement que ce dernier aime Vitellia).
Dans ce nœud passionnel et politique, Titus révèle sa valeur : la responsabilité, la justice, la clémence. A son contact, même la perfide et haineuse Vitellia se transforme et évolue. En associant émotion, sentiment et devoir, Mozart réalise un sommet de l’inspiration seria. La Clémence de Titus est un opéra à réévaluer d’urgence.
Le compositeur qui écrit aussi le Requiem (laissé inachevé), conçoit des ensembles qui annonce le final à la Rossini : synthèse dramatique et réunion des personnages qui dans ce temps suspendu, expriment chacun leur propre pensée et sentiments.
Parmi les instruments choisis qui colorent la partition, la clarinette de basset pour Sextus, le cor de basset pour le grand air de Vitellia au II (où l’intrigante bascule en une révélation intime qui la rend enfin plus humaine et compatissante). Pour écrire les parties de chacun de ces instruments, Mozart profite de sa proximité avec son frère de loge, Anton Stadler (1753-1812), joueur virtuose de cor de basset et clarinettiste… il a inventé la clarinette de basset avec l’aide du fabricant Theodor Lotz. Toute l’action mène à la scène finale, éloquente manifestation des vertus du pouvoir : la clémence de Titus avec laquelle l’empereur accepte de pardonner à tous ceux qui ont voulu le tuer. Avant de mourir, Mozart nous laisse un message humaniste et profondément fraternel.

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Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : La Clémence de Titus
Opéra en deux actes
3 représentations, Du 3 au 7 février 2019

OPÉRA, CRÉATION, dès 10 ans
2h45
ITALIEN SURTITRE FRANÇAIS

Dimanche 3 février 2019 15h30
Mardi 5 février 2019 20h
Jeudi 7 février 2019 20h

TOURCOING, Théâtre Municipal Raymond Devos
de 6 à 45€
RÉSERVEZ
http://www.atelierlyriquedetourcoing.fr/spectacle/la-clemence-de-titus/

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Tito / Titus : Jérémy Duffau, ténor
Vitellia : Clémence Tilquin, soprano
Sesto : Amaya Dominguez, mezzo-soprano
Annio : Ambroisine Bré, soprano
Servilia : Juliette Raffin Gay, soprano
Publio : Marc Boucher, baryton-basse

Chœur de l’Atelier Lyrique de Tourcoing
La Grande Écurie et la Chambre du Roy
Direction musicale : Emmanuel Olivier

Mise en scène : Christian Schiaretti
Chef de chant : Flore Merlin

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La Bérénice abstraite de Michelle Jarrell

logo_francemusiquexl_berenice-onp-2018-barbara-hannigan-bo-skovhusFRANCE MUSIQUE, Mer 5 déc 18. JARRELL: Bérénice. Que vaut cette Bérénice du compositeur genevois Michael Jarrell, présentée ainsi en création mondiale fin septembre 2018 ? Après Cassandre (monodrame créé au Châtelet en 1994, depuis joué puis défendu par hier Marthe Keller, aujourd’hui Fanny Ardant), Galilée (Genève, 2006), voici Bérénice (d’après Racine : Titus et Bérénice de 1670) qui bénéficie sur la scène parisienne de chanteurs-acteurs, capables de répondre au défi surtout physique que leur impose la vision du metteur en scène, direct, épurée, Claus Guth. Certes le miroitement ténu, envoûtant parfois de la partition fait son oeuvre (avec des parties aiguës pour le rôle féminin, souvent vertigineuses), mais force est de constater l’insuffisance en intelligibilité d’un texte français qui pourtant pèse de toute sa puissance, ainsi étouffée. La diffusion sur France Musique (donc sans les surtitres en salle) devrait souligner ce manque de lisibilité du livret. En Bérénice, la soprano incandescente Barbara Hannigan (- qui fut ici même à Garnier, une fabuleuse “ELLE” dans la Voix humaine de Poulenc, déc 2015), exprime les tourments d’une âme traversée par l’effroi d’un amour / passion impossible car la politique s’en mêle. Même, ivresse de l’impuissance chez le Titus impérial mais démuni de Bo Skovhus. Un rite de l’impossibilité amoureuse qui tourne en rond, jusqu’au vide de l’obsession et de la répétition, d’autant que les seconds rôles, Ivan Ludlow (Antiochus), Alastair Miles (Paulin), Julien Behr (Arsace) colorent eux aussi un opéra finalement tissé comme un râle à deux voix éperdues, errantes entre réalité et cauchemard. On est loin de la vision d’un Albéric Magnard, sensuelle et absolu, sur le même thème (VOIR notre reportage vidéo BERENICE de Magnard, à l’Opéra de Tours, 2014). Princesse orientale, Bérénice aura quand même façonné la personnalité de l’Empreur romain Titus, au point d’en faire « le délice du genre humain », figure emblématique, « iconique » diraient les ados contemporains, du politique vertueux, touché par la grâce – celui compassionnel et bienveillant que dépeint Mozart, dans sa « Clémence de Titus » (1791). Chez Jarrell, rien de tel : mais la terreur éveillée d’un amour maudit. Son opéra aurait pu s’appeler Roméo et Juliette, ou Tristan et Yseult.

L’Opéra de Paris s’engage dans un cycle de créations inspirées par les grands noms de la littérature française. Après Trompe-la-Mort de Luca Francesconi en 2017, d’après Balzac, – opéra rude, barbare, cynique, finalement très parisien, et avant Le Soulier de satin de Marc-André Dalbavie d’après Claudel, cette Bérénice, osons le dire, n’a pas la force ni la violence rentrée de Trompe-la-Mort. Pour nous c’est une oeuvre abstraite qui ne sert pas totalement son sujet. Dommage car Jarrell est l’auteur du livret, fruit de coupes opéras sur la pièce de Racine. Il a souhaité surtout s’éloigner de l’alexandrin, parfois répétitif du XVIIè, pour s’intéresser surtout à une réflexion sur l’enfermement d’un drame sans action : la confrontation de deux âmes, qui s’aiment mais doivent se séparer. La musique dit tout ce que les mots précisent et finalement tuent. Elle déploie ce possible ineffable dont l’expression libère les héros. Pourtant malgré cette invention envisagée, le compositeur ne s’intéresse qu’à la situation de blocage, sans développer l’arrière plan philosophique, ni ouvrir les plis et replis, failles et secrets de chaque personnalités, obligés de rompre et donc de renoncer…

France Musique, mercredi 5 décembre 2018. JARRELL : Bérénice.
Concert donné le 29 septembre 2018 à 20h au Palais Garnier à Paris

Michael Jarrell : Bérénice
Opéra en quatre séquences sur un livret du compositeur d’apès Jean Racine
Création mondiale / Commande de l’Opéra national de Paris

Bo Skovhus, baryton, Titus
Barbara Hannigan, soprano, Bérénice
Ivan Ludlow, basse, Antiochus
Alastair Miles, basse, Paulin
Julien Behr, ténor, Arsace
Rina Schenfeld, Phénice (rôle parlé)
Julien Joguet, basse, voix parlée (enregistrée)

Choeurs et Orchestre de l’Opéra de Paris
Philippe Jordan, direction.

Illustration / Bérénice (c) Monika Rittershaus / ONP

Titus mozartien à Saint-Etienne et à Strasbourg

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)Saint-Etienne,Strasbourg. Mozart : La Clémence de Titus. 6>27 février 2015. Crépuscule éblouissant. Après Lucio Silla, Idomeneo, Mozart revient à la fin de sa courte existence au genre seria : la Clémence de Titus incarne les idéaux moins politiques qu’humanistes du compositeur qui écrit aussi simultanément en un tourbillon vertigineux son autre chef d’Å“uvre, mais sur le mode comique et popualire, La Flûte enchantée, en 1791. Au soir d’une fabuleuse carrière où le génie des Lumières pressent les prochaines pulsations de l’esthétique romantique, Titus reste l’opéra le moins connu et le moins estimé du catalogue mozartien. A torts.

 

 

 

Crépuscule éblouissant

 

 

titusLa musique y est d’un raffinement crépusculaire sublime aux enchaînements remarquables…  A l’acte I par exemple, tout s’enchaîne magnifiquement dans sa phase conclusive du N° 9 au N° 12 : servitude aveugle de Sesto, hystérie désemparée de Vitellia (trio « Vengo » N°10), remord de Sesto (recitativo accompagnato N°11) et chÅ“ur de l’incendie du Capitole, marche funèbre révélant la mort supposée de Titus (finale en quintette N°12). On n’a guère entendu de pages aussi sublimes que les trois dernières scènes de l’acte I. Mozart y mêle en génial dramaturge, la solitude des coupables (Sesto/Vitellia), le tableau de la Rome incendiée, et le chÅ“ur de déploration pleurant la mort de l’Empereur. Cette double lecture annonce déjà le XIXème siècle : intimité des héros souffrant, clameur du chÅ“ur qui restitue le souffle de l’épopée et du mythe antique.
A l’acte II, même parfaite gestion du renversement dans l’évolution du personnage de Vitellia par exemple et que nous avons précédemment évoqué. Jusque-là insensible, froide manipulatrice, intéressée et politique. Il faut qu’elle entende l’air « S’altro che lagrime » de Servillia qui tout en prenant la défense fervente de son frère Sextus, reproche à Vitellia sa « cruauté ». C’est la prière d’une sÅ“ur (Servilia est la sÅ“ur de Sesto), exhortant celle qui maltraite son frère à le défendre qui est la clé dramatique de l’Acte II. Après avoir entendu Servillia, Vitellia n’est plus la même : dans le grand air qui suit (sans ici l’artifice du secco), la transformation s’opère dans son cÅ“ur. Renversement et transformation. Voyant la mort, elle éprouve enfin compassion et culpabilité accompagné par l’instrument obligé, un sombre et grave cor de basset. Elle avouera tout à Titus :  comment elle feignit d’aimer Sesto pour le manipuler ; son désir de vengeance et le complot qui devait tuer l’Empereur.
Avant cette confrontation avec Servillia qui lui renvoie sa propre image, elle était une autre. L’on serait tenté de dire, étrangère à elle-même. Et cette transformation est d’autant plus profonde que l’air qui l’a suscité (S’altro che lagrime déjà cité) est court. Autre fulgurance.
Et plus encore : Mozart fait succéder à cette transformation miraculeuse, l’entrée de l’Empereur dont chacun attend la sentence quant au sort de Sesto. Marche d’une grandeur solennelle, là encore d’une sublime romanité, l’apparition de l’autorité impériale fait contraste avec le monologue de Vitellia où l’on pénétrait dans l’intimité, jusqu’au tréfonds de son âme, coupable et compatissante.

 

titus250L’artiste épouse les idéaux les plus modernes et retrouve même l’insolence de Figaro. Dix jours avant la création de l ‘œuvre, le 27 août 1791, Leopold II signe avec le Roi de Prusse, la « déclaration de Pillnitz » qui est un engagement d’intervention militaire immédiate en cas d’action inspirée par l’esprit de la Révolution et par le jacobinisme ambiant. Dans ce contexte où les souverains de l’Europe désirent renforcer leur autorité et donner une image positive de la monarchie, l’opera seria Titus apporte une illustration plus qu’opportune. La preuve éloquente de la dignité du prince, magnanime et clément. Une sorte de manifeste a contrario de la Révolution, qui atteste de la grandeur et des vertus du pouvoir monarchique.  Toute la poésie de Métastase sert cet idéal politique.
Or Mozart donne sa propre vision de la grandeur politique. La romanité sublime de son opéra, en particulier le final des deux actes (l’incendie du Capitole au I ; l’arrivée de l’Empereur après le rondo de Vitellia au II), ne laisse en vérité aucun doute sur la fragilité des êtres, qu’il soit prince ou simple individu. Il a fait éclater le carcan d’un art de servitude, seulement attaché à la propagande monarchique. C’est pourquoi sa dramaturgie transcende le seul cadre politique. Son propos est plus universel, il est humaniste. En chaque personnage, il voit son double : son frère, en proie aux doutes, terrifié par la mort, soumis aux lois de la Vérité pour laquelle tout homme libre est celui qui pardonne, et finalement renonce. Il fait des hommes, les proies d’un jeu d’équilibre précaire où la folie menace toujours la raison. Rien avant lui n’avait été dit avec autant de clarté : il peint l’homme et la femme tels qu’en eux-mêmes : immatures, impulsifs, contradictoires, solitaires. Tout ce que leurs rôles héroïques, leur stature, leur rang empêcheraient de voir. Le paradoxe et la grandeur de l’opéra seria tiennent à cela, avec ce que Mozart apporte de génie : des êtres qui se désireraient divins et sages mais qui ne sont que faibles et pulsionnels.

 

Il est temps de réestimer le dernier seria de Mozart. C’est l’enjeu des productions présentées en ce début d’année, en février 2015 à Strasbourg et à  Saint-Etienne, soit deux productions distinctes qui relancent la question de la réhabilitation d’un opéra majeur méconnu…

 

Opéra de Saint-Etienneboutonreservation
Les 25, 27 février, 1er mars 2015
Reiland, Podalydès
Allemano, Hache, Bridelli, Savastano, Brull, Palka

Opéra national du Rhin, Strasbourgboutonreservation
Les 6,8, 17,19,21 février 2015
Spering, McDonald
Bruns, J. Wagner, d’Oustrac, Skerath, Radziejewska, Bizic

 

 

LIRE nos dossier sur La Clémence de Titus, le dernier seria de Mozart (1791).
Un opéra humaniste

Discographie de La Clemenza di Tito (Kertesz, Gardiner, Harnoncourt, Jacobs, Mackerras…)
Illustrations : Mozart ; portrait de Titus ; Joseph II et son frère Léopold, futur empereur et commanditaire de l’opéra La Clémence de Titus de Mozart (DR)

Jérémie Rhorer dirige La Clémence de Titus de Mozart

mozart-portrait-xixParis, TCE. Mozart: La Clémence de Titus: 10>14 décembre 2014. Avec La Clémence de Titus (1791) Mozart signe son dernier opera seria, composé simultanément à La Flûte enchantée, féerie maçonnique mais surtout grand opéra popualire en langue allemande. Avec Titus, Wolfgang nous laisse l’un de ses opéras les plus crépusculaires, d’un symphonisme nouveau qui dévoile combien l’auteur à la fin de sa vie, est capable d’un renouvelement spectaculaire de la forme théâtrale. La performance est d’autant plus impressionnante qu’elle répond à un cadre officiel… Une commande contraignante n’entame en rien l’inspiration artistique. En écrivant son nouveau sedia pour le nouvel Empereur, le compositeur veut aussi renouveler le genre lyrique. Il était tout à fait naturel que dans cette voie réformatrice, Mozart traite avec régularité la « grande machine », le genre noble et officiel, parfaitement structuré, trop peut-être. Et quand lui échoit la commande impériale de surcroît sur le registre seria, la tentation est trop forte. L’esprit de la revanche aussi car la Cour et l’Empereur, c’est-à-dire le goût viennois d’alors, n’a guère applaudi son talent depuis l’Enlèvement au Sérail (1782). Et c’est essentiellement Prague qui a célébré à juste titre la réussite de ses derniers opéras, Les Noces et Don Giovanni…  En ne se maintenant qu’à peine quinze soirées, Cosi, créée au Burgteater de Vienne, est un échec amer.
Tout indique contre ce que l’on pense et ce que l’on ne cesse d’écrire, que le genre seria l’intéressait depuis toujours et ce au plus haut point. Avec Titus, Mozart tout en abordant une forme « difficile », retrouve un thème qui lui est cher : celui de la clémence, de la générosité, du pardon et du renoncement (valeur maçonnique inspirée des Lumières). Certes il y redéfinit la structure, adapte sa propre dramaturgie tissée dans l’étoffe de la vérité humaine. Il offre à nouveau une réforme du seria, déjà abordée dans Idoménée ; une reconsidération personnelle qui romperait avec conventions et contraintes pour rétablir le naturel.
D’ailleurs, le public d’opéra depuis le XVII ème siècle, applaudit sans faiblir les drames vivants mêlant comique et héroïque, passion amoureuse et tragédie selon la formule déjà révolutionnaire en son temps qu’a élaboré le père de l’opéra, Claudio Monteverdi dans ses ouvrages vénitiens (Ulisse et Poppea).  C’est l’une des raisons qui a fait le succès du buffa dont les chefs-d’œuvre ne sont pas exempts de leçon philosophique, parfois très cynique sur le genre humain. Doublant l’héroïsme souvent tragique des protagonistes, les seconds plans commentent l’action principale avec une ironie voire un cynisme décapant.
Un siècle plus tard, sur la voie tracée par Monteverdi, Mozart incarne une exigence semblable. Il partage le même idéal, alliant bouffon et sérieux, qui permet une alliance harmonique entre le texte et la musique, entre la vraisemblance et l’expression édifiante, et toujours merveilleuse des caractères. Or dans Titus, il doit aborder un genre où toute situation comique est bannie. Seul l’héroïsme édifiant des caractères et des situations sont de mise. Paradoxe du propos, la fin doit être selon la tradition du lieto finale, heureuse, morale, rassurante. Le seria est dont un défi pour le compositeur.

 

 

 

 

Mozart : La Clémence de Titus
opera seria, 1791
Paris, TCE. Les 10,12, 14,16 18 décembre 2014
Jérémie Rhorer, direction
Denis Podalydès, mise en scène
Avec Kurt Streit, Karina Gauvin, Julie Fuchs, Kate Linsay, Julie Boulianne, Robert Gleadow… Le Cercle de l’Harmonie

Lire notre dossier spécial La Clémence de Titus

Mozart : les enchaînements de génie

Mozart: enjeux de Titus

Mozart: Titus, une modernité faite seria

Mozart: Titus, l’opéra du futur ?

Mozart: nouvelle estimation de Titus

Voir notre discographie de la Clémence de Titus de Mozart

 

CD, annonce : Gluck, La Clemenza di Tito (Ehrhardt, 2013, 3 cd DHM)

gluck-clemenza-tito-ehrhardt-werner-arte-del-mundo-dhmCD, annonce : Gluck, La Clemenza di Tito (Ehrhardt, 2013, 3 cd DHM). GLUCK AVANT GLUCK… D’emblée la vitalité brillante et frénétique de l’écriture, malgré son côté lumineux, fait quand même entendre des formules classiques européennes standardisées ; mais l’énergie dramatique de Gluck, grand réformateur de l’opéra à Paris dans les années 1770, inféodant les options du langage musical à la seule cohérence de l’action, porte ici un projet qui frappe donc convainc par le tempérament général du plateau vocal, entre ardeur et ciselure verbale, finesse imaginative du continuo, élégance et expressivité. Ayant dans l’oreille le chef d’oeuvre absolu (et toujours mésestimé selon nous) signé Mozart sur le même sujet (1791 : de 20 ans plus tardif que le présent ouvrage), l’ouvrage de Gluck surprend par sa coupe ardente, l’ambition de ses récitatifs (du vrai théâtre lyrique : toute la première scène d’ouverture est du pur théâtre) et ici, une très fine caractérisation des protagonistes : Vitellia, Sesto, Titus, Servillia, c’est à dire le  quatuor embrasé des amours éprouvées, en souffrance dont la couleur spécifique fait passer du classicisme au préromantisme… évolution ténue que Mozart incarne à merveille.

Dans cet enregistrement réalisé en novembre 2013, l’équipe de chanteurs et des instrumentistes réunie par Werner Ehrhardt défend avec conviction et subtilité l’une des partitions méconnues du chevalier Gluck, constellé de pépites lyriques. Un ouvrage qui remontant à 1752 (créé à Naples) et sur le livret de Métastase incarne les valeurs humanistes et éclairées de l’Europe intellectuelle et savante. Et qui sous la plume du compositeur passionné de vertus comme de passion, saisit par la volonté de caractérisation de chaque profil : voyez le formidable Sesto à l’allure carnassier et martial par exemple… On y relève les ficelles du milieu napolitain dans lequel Gluck évolue, celui des Tratetta et Jommelli. Mais le fiévreux démiurge se distingue déjà, 20 ans avant sa révolution parisienne, par son muscle rebelle, sa tension continue… En somme Gluck avant Gluck. Parmi les solistes brillent en particulier : Laura Aikin (Vitellia), Raffaella Milanesi (dans le rôle travesti de Sesto, relevant les défis acrobatiques d’un caractère très fort ici), surtout l’éclat hautement dramatique du haute contre Valer Sabadus (fragile et très intense Annio)… Prochaine grande critique de La Clemenza di Tito de Gluck par Werner Ehrhardt dans le mag cd de classiquenews.com

Gluck :  La Clemenza di Tito (1752). Aikin, Trost, Milanesi, Ezenarro, Sabadus, Ferri-Benedetti, L`arte del mondo. Werner Ehrhardt. 3 cd DHM Deutsche Harmonia Mundi  (Sony classical)

Compte rendu, opéra. Nancy. Opéra National de Lorraine, le 29 avril 2014. Wolfgang Amadeus Mozart : La Clemenza di Tito. Bernard Richter, Sabina Cvilak, Franco Fagioli, Yuriy Mynenko, Bernarda Bobro, Miklos Sebesteyen. Kazem Abdullah, direction musicale. John Fulljames, mise en scène

NANCY : Opera national de Lorraine,Pre-generale, La Clemence de TitusLa Clémence aujourd’hui … L’Opéra National de Lorraine frappe un grand coup en proposant au public nancéen cette Clémence de Titus mozartienne.
Venue d’Opera North, la production sombre et grave imaginée par John Fulljames fonctionne merveilleusement, explorant les rapports entre les personnages grâce à une direction d’acteurs d’une intensité poignante, cherchant l’humain derrière la royauté, traquant l’âme et la palpitation sous les codes de l’opera seria. Une mise en scène à la fois moderne par sa forme et intemporelle par son fond, révélant toutes les forces de ce drame conventionnel en apparence seulement. Pour servir ce propos, il fallait une distribution suffisamment à l’aise avec l’impitoyable écriture de Mozart pour chercher l’émotion juste au-delà de la technique, c’est chose faite, et avec un rare éclat.
La curiosité de cette série de représentation, et ce qui en faisait l’unicité, c’était le retour à une vocalité d’origine, ou presque, celle qui fait l’identité des deux rôles travestis. Dévolus originellement à des castrats – et devenus depuis la propriété des mezzos –, ils ont été confiés ici à deux contre-ténors, qu’on retrouve avec plaisir après l’Artaserse de Vinci dans lequel ils ont triomphé.
Franco Fagioli réalise une prise de rôle saisissante avec la figure de Sesto, qu’il sert avec une probité vocale et une intégrité stylistique à saluer bien bas, de telle sorte que jamais on ne regrette l’absence d’une voix féminine dans ce rôle. L’instrument, puissant et corsé, se plie à la ligne de chant avec délectation et l’émotion affleure à chaque instant, rendant perceptible la torture du jeune homme, déchiré qu’il est entre son amour aveugle et son amitié fidèle.
A ses côtés, Yuriy Mynenko impressionne tout autant en Annio, véritable sopraniste à l’impact irrésistible, emplissant sans effort tout le théâtre, et à la présence scénique d’une belle aisance.
Carton plein pour Bernard Richter, à l’occasion de son premier Titus. On suit avec beaucoup de plaisir la carrière de ce ténor, qui correspond pour nous à un certain idéal sonore. Solaire et éclatante, sa voix répond pleinement aux exigences royales demandées par le rôle-titre. Néanmoins, au fur et à mesure de la soirée, il laisse exister son personnage dans tous ses doutes, colérique et désespéré à la fois, sans jamais pourtant sacrifier la splendeur vocale. Ce qui nous vaut un « Se all’impero » virtuose et percutant, à la projection enthousiasmante, un des grands moments de la soirée.
Belle révélation également que la Vitellia de Sabina Cvilak, soprano slovène dont entendra sans doute beaucoup parler dans les années à venir. La technicienne impose le respect, instrument étendu et riche, se déployant avec aisance et dotés de belles couleurs. Seule la vocalisation pourrait s’assouplir encore, mais on tient d’ors et déjà une superbe chanteuse. La musicienne peut ainsi prendre son essor, ciselant finement ses airs, dangereuse séductrice aux charmes vénéneux, et éclatant littéralement dans un « Non più di fiori » de haute école, presque scène de folie, d’une sincérité bouleversante.
Pour compléter cette distribution sans faiblesse, la Servilia de Bernarda Bobro, pourtant plutôt discrète, éclaire le drame par son air, rayon de lumière au milieu des tourments ; et Miklos Sebesteyen incarne un fier Publio, parfaitement en situation.
Massé dans les loges d’avant-scène et invisible aux yeux du public, le chœur maison offre, fidèle à lui-même, une prestation remarquable de cohésion. Dirigé avec une belle justesse dans les tempi et les phrasés par Kazem Abdullah, l’Orchestre Symphonique et Lyrique de Nancy démontre une fois de plus sa versatilité stylistique, toujours excellent et à l’équilibre jamais pris en défaut.
Une grande soirée d’opéra, qui démontre ce que l’écriture mozartienne gagne à être servie généreusement et avec soin.

Nancy. Opéra National de Lorraine, 29 avril 2014. Wolfgang Amadeus Mozart : La Clemenza di Tito. Livret de Caterino Mazzolà d’après Metastasio. Avec Titus : Bernard Richter ; Vitellia : Sabina Cvilak ; Sesto : Franco Fagioli ; Annio : Yuriy Mynenko ; Servilia : Bernarda Bobro ; Publio : Miklos Sebesteyen. Chœur de l’Opéra National de Lorraine. Orchestre Symphonique et Lyrique de Nancy. Kazem Abdullah, direction musicale ; Mise en scène : John Fulljames ; Décors et costumes : Conor Murphy ; Lumières : Bruno Poet ; Vidéo : Finn Ross ; Continuo : Giulio Zappa

REPORTAGE vidéo : Bérénice de Magnard à l’Opéra de Tours (4,6,8 avril 2014)

Bérénice de Magnard (1909) ressuscite à l'Opéra de ToursREPORTAGE vidéo : Bérénice de Magnard à l’Opéra de Tours. Jean-Yves Ossonce engage toutes les forces vives de l’Opéra de Tours pour offrir une nouvelle production de l’opéra oublié d’Albéric Magnard, Bérénice, composé en 1909, créé en 1911 à l’Opéra Comique. Wagnérien et pourtant d’une inventivité inédite, puissante et originale, Magnard renouvelle la figure antique traitée avant lui par Racine et Corneille : le compositeur réussit le portrait du couple amoureux que la politique défait malgré eux. C’est pourtant leur profondeur morale et émotionnelle qui intéresse Magnard : son opéra est une épure dramatique et psychologique, conçu comme un huit clos théâtral, qui atteint au sublime à l’égal des tragédies raciniennes mais désormais enrichi et comme réchauffé par le flamboiement raffiné de l’orchestre. Grand Reportage vidéo avec Catherine Hunold (Bérénice), Jean-Sébastien Bou (Titus), Jean-Yves Ossonce (directeur musical de l’Opéra de Tour), Alain Garichot (mise en scène)…. Reportage exclusif © CLASSIQUENEWS.COM 2014

CLIP vidéo. Bérénice de Magnard à l’Opéra de Tours

BERENICE Opéra de Tours avril 2014 © François Berthon  6145CLIP vidéo : Bérénice de Magnard à Tours. Recréation majeure à l’Opéra de Tours : la nouvelle production de l’opéra Bérénice d’Albéric Magnard (1911) créée l’événement les 4,6 et 8 avril 2014. D’une grandeur humaine raffinée, ciselée comme une épure tragique, l’écriture de Magnard assimile et Wagner et Massenet avec une sensibilité instrumentale et une vitalité rythmique, originales, souvent inouïes. Dans la fosse, Jean-Yves Ossonce, détaillé, dramatique, réunit un plateau idéal : Catherine Hunold et Jean-Sébastien Bou, dans les rôles principaux : Bérénice et Titus, offrant aux figures antiques, une intensité poétique très convaincante.

Ayant perdu sa mère alors qu’il n’avait que 4 ans, Magnard peint dans le portrait de Bérénice, une figure de femme admirable, mesurée, loyale, d’une intégrité morale exemplaire qui laisse la place peu à peu au renoncement ultime après avoir été passionnément amoureuse. Saisi par Tristan und Isolde de Wagner, découvert à Bayreuth en 1886, Magnard se destine à la musique, devenant l’élève de Dubois, le proche de Ropartz. La pulsation rythmique rappelle Roussel, les raffinements harmoniques, Dubois ; et le caractère langoureux extatique, le Wagner de Tristan et de la Walkyrie. Bérénice est une Isolde française, un hommage personnel et puissamment original à l’Å“uvre wagnérienne.

Nouvelle production événement. CLIP vidéo exclusif CLASSIQUENEWS.COM

Lire notre compte rendu critique de Bérénice d’Albéric Magnard à l’Opéra de Tours avec Catherine Hunold et Jean-Sébastien Bou

Bérénice de Magnard

berenice_titus_Racine_magnardTours, Opéra. Magnard : Bérénice, 1911. Les 4,6,8 avril 2014. En s’inspirant très librement de Racine, Magnard compose son chef-d’oeuvre lyrique entre 1905 et 1909. Le symphoniste révélé et magnifiquement servi par Jean-Yves Ossonce, tourne le dos à l’opéra à la mode à son époque. Inflexible et exigeant, Magnard, élève de D’Indy, revendique la souveraineté de la “musique pure”, la modernité du “style wagnérien”, tout en reconnaissant l’idéal classique et romantique de Gluck et de Berlioz.
Dans la partition où règne l’orchestre, Magnard cisèle le profil austère et grave des deux protagonistes : Titus et Bérénice, ici Jean-Sébastien Bou, baryton et Catherine Hunold.
La nouvelle production portée par l’Opéra de Tours rend hommage à Magnard dont 2014 marque le centenaire.
Outre Bérénice, les concerts de musique de chambre proposent son Trio et sa Sonate pour violoncelle et piano (2 février 2014). Une page rare de César Franck (Rédemption) est programmée dans la saison symphonique, avec le 2e Concerto de Saint-Saëns (15 et 16 février 2014). Enfin, la Neuvième Symphonie de Mahler, contemporaine de Bérénice, clôturera la saison symphonique (12 et 13 avril 2014).  

Bérénice (née vers 28 après JC) est une figure illustre de l’histoire romaine : multiple épouse au rang prestigieux, elle rejoint finalement son frère Agrippa II à Jérusalem et exerce le pouvoir à ses côtés comme reine.
En Galilée, elle se rapproche de Titus (30 ans), futur empereur alors qu’il mate la résistance des juifs (66-70) et devient sa maîtresse (elle en a 40).
Telle Esther devant Assuerus, Bérénice prend la défense du peuple juif et tente d’adoucir la répression des romains.  En 70, le temple de Jérusalem est réduit en cendres et la Judée devient province romaine. L’union de Titus et Bérénice est mentionnée et commentée par Suétone et Tacite.

 

 

aimer ou régner …

 

De retour à Rome Titus rappelle Bérénice (75), promet de l’épouser, mais face au scandale de leur mariage, renonce à elle et la renvoie auprès de son frère en Galilée en 79, alors qu’il est devenu empereur. Fière et digne, politicienne et patricienne fortunée, Bérénice incarne une figure féminine forte mais humaine que l’amour a blessé et profondément marqué. Titus renonçant à celle qu’il aime devient lui aussi célèbre, frappant les esprits par son sens du devoir au mépris de l’amour…  Titus et Bérénice donne à réfléchir sur l’antagonisme entre politique et amour.  Racine et Corneille ont traité son histoire, devenu un mythe théâtral avant que Magnard ne la choisisse pour son unique opéra.
Racine choisit de fixer son action à Rome alors que le vainqueur de Judée, ayant ramené avec l’étrangère, veut recevoir l’hommage du Sénat. Mais il se confronte à l’hostilité des sénateurs quant à son mariage avec Bérénice. D’un épisode psychologique assez peu dramatique, Racine réussit un tour de force : écrire une tragédie en 5 actes dont la langue définit le modèle de la grandeur classique néo antique. Racine ajoute le personnage d’Antiochus, le meilleur ami de Titus, qui lui aussi aime mais en vain la belle Bérénice. L’empereur a déjà fait son choix mais timide, il préfère que se soit Antiochus qui annonce à la Reine de Palestine, qu’empereur il ne peut l’épouser…  L’acte IV est celui où l’amoureuse se dévoile à sa tristesse : elle songe au suicide tant il lui est difficile voire insurmontable d’imaginer la vie sans Titus. A la fin de la tragédie, Racine brosse le portrait de trois solitaires qui aiment et souffrent résignés ; c’est là la grandeur tragique de la pièce. L’homme fût-il empereur ou prince n’est pas le maître de son destin : il doit sacrifier ce qu’il aime et régner sans bonheur. On est loin ici des amours scandaleuses mais victorieuses de Néron et Poppée qui dans le célèbre opéra de Monteverdi (1642) infléchissent tous les pouvoirs : Amor vincit omnia (l’amour vainc tout). Le thème de Titus et Bérénice en serait l’antithèse la plus frappante. Quand il écrit sa tragédie en 1670, Racine se serait inspiré des amours sans lendemains de Louis XIV et de sa maîtresse Marie Mancini.

 

720px-Salon_de_Vénus-TITUS_ET_BERENICEBérénice. Tragédie en musique en trois actes
Livret d’Albéric Magnard, d’après Racine
Création le 15 décembre 1911 à Paris
Editions Salabert
Présenté en français, surtitré en français

Direction : Jean-Yves Ossonce
Mise en scène : Alain Garichot
Décors : Nathalie Holt
Costumes : Claude Masson
Lumières : Marc Delamézière

Bérénice : Catherine Hunold
Titus : Jean-Sébastien Bou
Lia : Nona Javakhidze
Mucien : Antoine Garcin

Orchestre Symphonique Région Centre-Tours
Choeurs de l’Opéra de Tours et Choeurs Supplémentaires
Nouvelle production

Tours, Opéra
Vendredi 4 avril 2014 – 20h
Dimanche 6 avril 2014 – 15h
Mardi 8 avril 2014 – 20h

 

 

boutonreservation

 

 

Samedi 22 mars à 14h30 • Grand Théâtre de Tours – Salle Jean Vilar
Entrée gratuite dans la limite des places disponibles

Illustration : Versailles, angle du plafond du salon de Vénus. Titus et Bérénice ; carton de Lebun, peinture de Houasse, vers 1678.

Titus et Bérénice
Albéric Magnard

De l’aveu du compositeur lui-même, humble serviteur de la musique qui osa mettre en musique le sujet inspiré par Racine, Bérénice a été composé dans le style wagnérien. Ni dramatise exacerbé, ni huit clos étouffant, Bérénice est un opéra classique et équilibré qui s’inspire de la mesure racinienne où l’on ressent cette « tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la tragédie ». Le langage de Magnard est celui d’un défenseur ardent de musique pure soucieux de clarté et de structure : coupe symphonique de l’ouverture, forme concertante pour le duo achevant le I; douce harmonie du canon à l’octave pour toutes les effusions amoureuses ; final de sonate pour le retour de Titus au III… Admirateur des grands dramaturges pour le théâtre, Magnard resserre, épure, allège dans le sens d’un « débat de conscience », entre la grandeur d’âme et la vaillance admirable de Bérénice et la lâcheté de Titus… Le compositeur a voulu exprimer le regret d’un empereur mort très jeune à 40 ans, celui d’avoir abandonné et trahi celle qui l’aimait pourtant d’un amour absolu. En sacrifiant le don de la vie le plus précieux, Titus fût-il bien conseillé et sincère dans sa félonie amoureuse, méritait le châtiment suprême. L’opéra de Magnard entend surtout, et si tendrement, ressusciter le visage de l’amoureuse d’autant plus adorable qu’elle est ici affrontée à l’esprit du calcul d’un amant trop politique. Pour confesser Bérénice, Magnard invente le personnage de sa suivante et nourrice, Lia. Musicalement, le musicien veille à diffuser depuis la fosse un parfum «  d’harmonie douloureuse, de tendresse sacrifiée ».

De Wagner à Virgile : composer Bérénice

Pour rendre sa figure plus éclatante encore, Maganrd imagine son héroïne jeune et conquérante, âgé d’une vingtaine d’années, en rien cette quinqa déjà flétrie qui cependant a régné un temps sur le cœur de son impérial cadet. Il fusionne aussi deux légendes : la reine de Judée et une autre Bérénice, celle-ci égyptienne, laquelle lui offre la grandeur poétique de son tableau final : pour hâter le retour de son aimé, l’amoureuse enivrée coupe sa chevelure et l’offre en sacrifice à Vénus Aphrodite. Un acte d’une beauté idéale qui rétablissant l’union de l’esthétique et de la tragédie ressuscite l’esprit de Virgile. Comme le souhaitait Magnard.

Titus de Mozart. Discographie

La Clemenza di Tito,
bibliographie & discographie

mozart1790Bibliographie

Plutôt, contre Titus
Rémy Stricker, opéras de Mozart., résolument voire farouchement hostile à une partition décorative qui ne révèle pas le Mozart de la Flûte. Le lecteur lira avec intérêt les lettres et l’analyse du travail sur Idoménée.

Plutôt, pour Titus
Jean et Brigitte Massin, Mozart. Fayard, 1970 puis 1990 ; et,

J.V. Hocquart, Mozart, l’amour, la mort. Seguier-Archimbaud 1987.

Programme de l’opéra national de Paris, production saison 1998/1999

Notice de Nikolaus Harnoncourt accompagnant son enregistrement CD de Titus (Teldec, Zurich mars 1993)

Livret du Titus dont un texte remarquablement argumenté et annoté par René Jacobs, accompagnant l’enregistrement du chef flamand qui vient de paraître chez Harmonia mundi.

Discographie :
Nos 5 versions de référence

Istvan Kertesz, 1967
La plus ancienne version discographique continue de convaincre grâce à sa conception dramatique d’une rare énergie. Pour l’éternité, le Sesto de Berganza place la barre très haute. Point faible : le continuo accompagnant les recitatifs simples: délaissé au profit des seuls airs avec orchestre (2 cds Decca).

John Eliot Gardiner, 1990
Enregistré sur le vif au Queen elizabeth Hall de Londres en 1990, le Titus du chef britannique affirme une très sûre assise poétique, parfois distanciée, qui rigidifie le cadre et souvent atténue le tragique des caractères. Conforme au visuel de couverture (un décor pompéien), la peinture des passions humaines respecte presque trop à la lettre l’esprit du seria, quitte à contredire le coup de fouet que lui réserve un Mozart sur-occupé mais impliqué, soucieux d’en faire « un véritable opéra ». C’est à peine si malgré la noblesse du style, on croit que Vitellia (Julia Varady) éprouve cette métamorphose capitale dans son grand air : « Non più di fiori ». Bien peu d’effroi et de culpabilité. Trop lisse bien que dans la fosse parfaitement animée, (comme les chœurs du Monteverdi Choir et le Titus de Anthony Rolfe Johnson), la lecture même « en live » a du mal à soutenir la comparaison avec l’expressionnisme nourri d’audaces et d’âpreté de Nikolaus Harnoncourt (Teldec 1993). 2 cds 431-806 2 Archiv produktion.

Nikolaus Harnoncourt, 1993
Cette version a ses inconditionnels comme ses détracteurs invétérés. Comme pour son Idomeneo, coulé dans l’acier le plus dur, Harnoncourt jamais à court d’une invention ou d’un risque, chauffe ses solistes mais avec un sens de la passion et aussi de la tendresse, inouï. Les héros de la fable romaine souffrent, palpitent, désespèrent et pardonnent. Intrigues et manipulations mais aussi  grandeur de la Rome rêvée par un Mozart crépusculaire. Avec les lectures complémentaires de Jacobs et de Mackerras, celle-ci forme le trio des versions récentes, incontournables.
Avec Philip Langridge (Titus), Lucia Popp (Vitellia), Ruth Ziesak (Servilia), Ann Murray (Sesto), Dolores Ziegler (Annio), Laszlo Polgar (Publio), Chœur et orchestre de l’Opéra de Zurich, direction musicale : Nikolaus Harnoncourt. 2 cds Teldec 4509-90857-2.

René Jacobs, 2006
Scrupuleux à restituer l’esprit cornélien du drame, le chef flamand entend dépoussiérer la langue métastasienne selon le souffle palpitant que lui a prodigué le dernier Mozart. Incandescence articulée des voix, Titus humain et tendre, Vitellia éruptive, Sesto anthologique, direction imaginative, fruitée, nerveuse, voici la première des deux versions incontournables publiées en 2006.
Distribution : Mark Padmore (Tito), Alexandrina Pendatchanska (Vitellia), Bernarda Fink (Sesto),  Marie-Claude Chappuis (Annio), Sunhae Im (Servilia), Sergio Foresti (Publio), RIAS Kammerchor, Freiburger Barockorchester. (2 cds Harmonia mundi). Lire notre critique.

Sir Charles Mackerras, 2006
Distanciée, avec une patine classicisante qui souligne l’esprit d’un opéra à l’antique, la lecture d’un grand mozartien, s’impose tout autant que celle de René Jacobs d’un incomparable relief palpitant. Ici, la cohérence du plateau vocal, la jubilation oxygénée du Scottish chamber orchestra (tous les pupitres démonterent une évidente joie, un éclat solaire), la direction exceptionnellement nuancée, détaillée de Mackerras, offre une version indiscutable. Valeur sûre : le Sesto de Magdalena Kozena, les chœurs véhéments et autoritaires. Lire notre critique.

Mozart: le chant de la clarinette dans Titus

La clarinette, instrument majeur

titus_artLa clarinette chante en les transcendant les prières des deux caractères les plus passionnés de l’œuvre : Sesto et Vitellia. L’instrument accompagne Sesto dans « Parto », (clarinette en si bémol, Acte I, Air N°9) et l’imposant  rondo de Vitellia : « Non più di fiori » (cor de basset ou clarinette accordé en fa, Acte II, Air N°23). Il est frappant de suivre avec quelle ingéniosité Mozart exploite l’instrument. Chez Sesto, la voix de l’instrument exprime la Vitellia rêvée par le jeune homme. Il s’agit d’une vision idéale de Vitellia telle qu’il aimerait la chérir et non la servir avec souffrance ; dans l’air de Vitellia, le cor de basset exprime la métamorphose à l’œuvre dans l’âme de la princesse. Les volutes du cheminement intérieur qui la mènent, de ce qu’elle était vers ce qu’elle devient. Vipère froide et haineuse, calculatrice et manipulatrice, Vitellia ressent comme une révélation des sentiments que nous ne lui connaissions pas mais que ses larmes observées déjà avant l’air de Servilia laissaient espérer : compassion, remord, solitude, terreur, renoncement enfin.

Mozart favorise certainement l’instrument grâce à son amitié avec le clarinettiste Anton Stadler pour lequel il composera en octobre 1791, le mois qui suit la création de Titus, le concerto pour clarinette K 622. D’ailleurs les témoignages de l’époque indiquent clairement que le clarinettiste au moment des représentations de Titus, fut autant acclamé que les chanteurs.
Comme nous l’avons dit, non seulement Mozart ne fut jamais contraint dans la composition de la Clémence et même selon toute vraisemblance il cherchait depuis longtemps à aborder le sujet pour l’avoir proposé avec remaniements à Mazzola dès 1789. Voilà qui redessine les perspectives vis-à-vis d’un ouvrage qu’on tient pour « étrange », faisant tâche dans la pure et funèbre conclusion constellée de chefs-d’œuvre et qui mène au désenchantement poétique de Cosi, à l’éblouissante féérie initiatique de la Flûte, à l’apothéose glorieuse du Requiem. Désormais, il faudra compter avec Titus, qu’on le veuille ou non, et reconsidérer la valeur de ce dernier opéra seria, en l’intégrant dans le catalogue des œuvres majeures de Mozart.

Illustration : l’arc de Titus. Rome, Forums impériaux.

Mozart: Titus, opéra politique ou humaniste ?

D’un sujet politique, Mozart élabore un opéra humaniste

Plus que Titus qui en est le prétexte officiel, Vitellia est la véritable héroïne de la partition : c’est par elle que s’accomplit le miracle de la métamorphose.

Au début de l’opéra, être vil et maudit, corrompu par l’esprit de la vengeance (vis-à-vis de Titus qui a pris le pouvoir en renversant son père l’Empereur Vitellius), par celui de la cruauté la plus sadique (vis-à-vis de Sesto qui l’aime mais pour lequel elle n’éprouve aucun sentiment), elle ressent enfin compassion, culpabilité et renoncement. Son air  « non piu di fiori », sommet dramatique de l’opéra, avec cor de basset, dévoile en un ample « rondo » cet accomplissement inespéré.
En définitive, elle se montre digne de cet amour total que lui voue Sesto, jeune adolescent qui est le favori de Titus et qui découvre dans l’opéra le gouffre amoureux sous l’emprise d’une femme-monstre.  Mozart se montre l’égal de Métastase, l’auteur du livret orginal et sérieusement réduit dans l’opéra de 1791. Le compositeur toujours exigent quant à la qualité de ses textes se révèle surtout un continuateur idéal connaisseur sensible et fin du théâtre de Racine et de Corneille dont son Titus est inspiré. Il a d’ailleurs eu l’occasion d’aborder des sujets Français depuis son Idoménée, qui reprend le thème traité par le musicien Campra, d’après un livret de Danchet. N’omettons pas non plus, son choix de mettre en musique l’un des ouvrages les plus séditieux de son temps, les Noces de Figaro de Beaumarchais.

Autant d’approfondissement  de la psychologie, plus explicite dans le raffinement de la musique que dans le texte, montre le génie de Mozart à concevoir un ouvrage supérieur qui n’est en rien une œuvre de circonstance. Pourtant le contexte politique et les intentions du Souverain se seraient volontiers accommodés d’une simple reprise du livret in extenso de Métastase, comme l’avait réalisé avant Mozart la colonie des compositeurs en vue : Caldara (1738), Gluck (1752), Jommelli (1753), entre autres.
L’intention de Mozart on l’a vu était toute autre et sous des apparences  de parfait exécutant, accomplit une réforme en profondeur du seria. La succession systématique des arias da capo en est l’offrande la plus sacrifiée sur cet autel moderniste. Mozart préféra nous l’avons dit favoriser les ensembles.

fragonard_voeu(1)L’artiste épouse les idéaux les plus modernes et retrouve même l’insolence de Figaro. Dix jours avant la création de l ‘œuvre, le 27 août 1791, Leopold II signe avec le Roi de Prusse, la « déclaration de Pillnitz » qui est un engagement d’intervention militaire immédiate en cas d’action inspirée par l’esprit de la Révolution et par le jacobinisme ambiant. Dans ce contexte où les souverains de l’Europe désirent renforcer leur autorité et donner une image positive de la monarchie, l’opera seria Titus apporte une illustration plus qu’opportune. La preuve éloquente de la dignité du prince, magnanime et clément. Une sorte de manifeste a contrario de la Révolution, qui atteste de la grandeur et des vertus du pouvoir monarchique.  Toute la poésie de Métastase sert cet idéal politique.
Or Mozart donne sa propre vision de la grandeur politique. La romanité sublime de son opéra, en particulier le final des deux actes (l’incendie du Capitole au I ; l’arrivée de l’Empereur après le rondo de Vitellia au II), ne laisse en vérité aucun doute sur la fragilité des êtres, qu’il soit prince ou simple individu. Il a fait éclater le carcan d’un art de servitude, seulement attaché à la propagande monarchique. C’est pourquoi sa dramaturgie transcende le seul cadre politique. Son propos est plus universel, il est humaniste. En chaque personnage, il voit son double : son frère, en proie aux doutes, terrifié par la mort, soumis aux lois de la Vérité pour laquelle tout homme libre est celui qui pardonne, et finalement renonce. Il fait des hommes, les proies d’un jeu d’équilibre précaire où la folie menace toujours la raison. Rien avant lui n’avait été dit avec autant de clarté : il peint l’homme et la femme tels qu’en eux-mêmes : immatures, impulsifs, contradictoires, solitaires. Tout ce que leurs rôles héroïques, leur stature, leur rang empêcheraient de voir. Le paradoxe et la grandeur de l’opéra seria tiennent à cela, avec ce que Mozart apporte de génie : des êtres qui se désireraient divins et sages mais qui ne sont que faibles et pulsionnels.

leopold_IICe qui nous paraît éloquent à l’écoute et l’analyse de l’œuvre c’est tout en servant la même inspiration moderne qu’Idoménée, à l’inverse de ce dernier opus seria, plutôt foisonnant et libre, Titus incarne un aspect nouveau de la sensibilité du dernier Mozart : concision, mesure, surtout économie des moyens qui dans leur dosage et leur enchaînement confinent à l’épure. Titus accomplirait justement ce en quoi Idoménée était quelque peu maladroit voire déséquilibré. Hier, la surenchère d’un génie précoce et inventif. A présent, la pleine maturité d’une œuvre aussi suggestive que méditée. Mozart brosse à la manière de Fragonard (le vœu à l’amour), par des touches rapides d’une profondeur virtuose, qui ne sont jamais superficielles tant elles sont justes dans leur forme : plusieurs airs portent à un très haut degré cette éloquence de la forme rapide et serrée : torna di Tito ou surtout S’altro che lagrime (Servilia) dont on continue de regretter, tradition de la critique musicale oblige, l’aspect « inabouti », à peine développé, ébauché, « maladroit ».

Illustrations  :

Portrait de Leopold II.
Jean-Honoré Fragonard, le voeu à l’amour (Paris, Musée du Louvre)

Mozart: Titus, une modernité faite seria

Titus, un seria résolument moderne

Ajouter à sa carrière la mention « compositeur d’opera seria », accrédite le prestige de ceux qui n’ont traité que le genre buffa. Or rien ne comptait plus à Mozart que la défense de son statut de compositeur.
Avec l’essor des Napolitains, le seria est devenu un tunnel d’airs de solistes où la performance vocalistique des chanteurs, castrats et sopranos adulés, comptent davantage que l’unité et la vraisemblance poétique du livret. Zeno puis Métastase ont bien souhaité réformer le genre en accentuant la dignité morale de la trame, en organisant et hiérarchisant les rôles ainsi que la structure et la répartition des airs. Tout cela n’aura fait qu’accentuer la rigidité d’une forme contrainte.
Et le chevalier Gluck impose de même grâce au soutien de Marie-Antoinette, sur les planches parisiennes, plusieurs chefs d’œuvre lyriques qui, de 1774 à 1779, ont savamment dépoussiéré le genre, en abolissant surtout pour reprendre les mots de Wagner, « la fantaisie du chanteur ». Pourtant le cadre dramatique que le compositeur Gluck élabore tient davantage de la fresque que de la suave esquisse peinte : ses personnages sont bien raides et il semble que seul lui importe la dignité morale des situations spectaculaires. La cohérence ou la vraisemblance psychologique des individus passe au second plan.

empereurPour un dramaturge aussi visionnaire et moderne que Mozart, lequel a déjà tenté une nouvelle conception du seria avec Idoménée, dix ans avant Titus (1781), la forme n’a rien de très stimulant tant la tradition à laquelle il s’attaque n’apporte que contraintes et conventions à sa liberté créatrice. Inclassable, Titus l’est assurément au sein d’un corpus apparemment plus cohérent et que forment les œuvres auxquelles il travaille en cette année 1791, la dernière de sa vie et que le hasard ou la contingence de l’histoire auront rendu des plus actives.
D’ailleurs, c’est la force réformatrice du compositeur, explicite en maints endroits de ses œuvres, où il collabore étroitement à l’élaboration des livrets, de façon croissante, qui atteste de son apport majeur dans l’histoire stricto sensu de l’opera seria. Le travail pour Idoménée est idéalement renseigné, grâce aux lettres que Mozart échange avec son père. Continuité de la tension dramatique, invention de nouveaux personnages, intégration d’un chœur omniprésent, tableaux orchestraux qui tirent bénéfice de son expérience précoce de symphoniste… tout cela a été longuement analysé.

Mozart: Titus, l’opéra du futur ?

Un nouvel opéra

« Ridotta a vera opera », (il m’en a fait un véritable opéra) : les mots de Mozart sont clairs. En reconnaissant la qualité du livret que lui livre Mazzola, le compositeur est pleinement satisfait d’un texte qui lui permet de développer l’exacte dramaturgie musicale qu’il souhaitait. La partition est donc bien le fruit d’une pensée aboutie, la réalisation d’une attente. Dans Titus, Mozart trouve la manifestation achevée de son projet musical.

leopold_IIL’idée de réinventer un drame musical n’est pas récente. Mozart n’a cessé en vérité d’échafauder sa propre conception de la musique dramatique. Une vision neuve et moderne qui a inauguré opéra après opéra, une expérimentation progressive et dont on ne parle que rarement. Toujours éprouver et renouveller l’interaction poème, chant, action et musique afin d’expliciter au mieux le sens esthétique du drame en musique.
Depuis L’enlèvement au Sérail  (1782), il s’ingénie à concevoir un drame moderne en langue germanique ; dans les ouvrages de la trilogie, soit les opéras écrits ensuite avec Da Ponte (Les Noces de Figaro : « opera buffa » créé à  Vienne le 1er mai 1786 ;  Don Giovanni, « dramma giocoso » ou « opera buffa », créé à Prague le 29 octobre 1787 ;   puis Cosi fan tutte « opera buffa » créé à Vienne, le 26 janvier 1790), le compositeur affine son projet dramaturgique qui se moque de la séparation propre au XVIIIème, des genres comiques et sérieux. Opera buffa d’un côté, opera seria de l’autre. Qu’importe le registre lié au sujet retenu. Seul compte la vérité des sentiments exprimés, la révélation du cœur des individus qui sous l’œil compatissant et fraternel de leur démiurge, évoluent, changent, se modèlent à mesure de leur confrontation et des rencontres permises par le livret. Comique, bouffon, sérieux, héroïque, tragique se mêlent car la vie elle-même est plurielle. Rien de son point de vue de choquant au fait que Don Giovanni que nous tenons pour une œuvre sombre, libertaire, au préromantisme visionnaire et absolument moderne, ne soit selon les inscriptions de l’époque, un « opera buffa » ou un « dramma giocoso ».
Il faut être un génie de la musique et un dramaturge né pour concevoir que tout s’interpénètre, que rien ne peut être figé. Au culte d’un genre musical qui dans sa structure parfaitement codée et statique répond à la pyramide sociale et politique du régime monarchique, Mozart envisage un autre regard. Il y dessine la place de l’être rétabli dans sa propre histoire. Il produit de nouveau type de héros, et bien avant Wagner, envisage cet homme libre, assumant les choix d’une destinée individuelle. Le salut lui est promis s’il est capable de s’abolir de la chaîne des passions et de renaître s’il sait aimer puis renoncer. Pour exprimer cette vision fulgurante des cœurs à l’épreuve de leurs destinées, Mozart affine cet art en droite ligne de Monteverdi où le mot s’allie à la note avec une fluidité retrouvée pour exprimer ce chant de l’âme.
La mise en musique du texte (au préalable rigoureusement validé car Mozart participe à la qualité dramaturgique et poétique des livrets), est davantage qu’un accompagnement : elle éclaire différemment le sens, connote parfois à l’inverse des paroles : l’orchestre prend tout autant la parole que les chanteurs et souvent a contrario du texte, signifie autre chose que l’action littérale.
En recomposant les éléments structurels et référentiels de l’opéra, Mozart, le plus humaniste des dramaturges, prône un ordre nouveau où l’homme libéré assumerait son identité contradictoire. Même s’il fait imploser les cadres et les conventions jusque-là respectés, – que deviendront la comtesse, Suzanne et Figaro après Les Noces ? Le comte Almaviva ne répètera-t-il pas ses intrigues hypocrites et mensongères ? Et les femmes dévoilées dans Cosi, auront-elles compris la leçon cynique de l’opéra ? Au final, l’homme comme la femme sont confrontés à leur ambiguïté. Leurs doutes et leurs fragilités profondes les renvoient à leur ambivalence naturelle … Voilà qui fait de Mozart un connaisseur perspicace de l’identité humaine. Un propos désabusé mais jamais désespéré. Il sait rester aimable : le chant de la musique, tout aussi prolixe que l’œuvre des voix, réenchante ce qui n’aurait pu être qu’une terrible scène du désenchantement humain. Dans cette vision, les derniers opéras dessinent une ligne cohérente : cynisme et vérité sont convoqués dans Les Noces, Don Giovanni et Cosi ; pour l’ultime trilogie, la clémence fraternelle et l’invitation au pardon éternel s’affirment dans La Flûte, La Clemenza et le Requiem.

Mozart: Playdoyer pour Titus

Rétablir La Clémence de Titus de Moart

introduction

« La Clemenza di Tito », opéra sous-évalué, méprisé, écarté du catalogue « noble » de Mozart ? Certes oui ! A tort ou à raison, critiques et musicologues ont aimé minorer la partition de 1791. Dans les faits, le dernier « seria » de Mozart fut brossé en à peine trois semaines par un compositeur pris entre la conception simultanée de « la Flûte Enchantée » menée avec la complicité de l’homme de théâtre Schikaneder, et celle du « Requiem » pour le comte Walsegg, en hommage à sa défunte épouse.

titus250« Titus », commande du nouvel Empereur Leopold II, est au contraire une œuvre poétique, dramatique et musicale pleinement accomplie qui, tout en concentrant les dernières conceptions esthétiques du musicien, ouvre sur l’avenir du drame musical. Sa dramaturgie est tout autant maîtrisée que celle des opéras ultimes (« Les Noces », « Don Giovanni »,  « Cosi fan tutte ») et renouvelle en définitive plus loin que ne le fit Gluck sur la scène parisienne, la tradition lyrique officielle de la « grande machine ». Il s’agirait même de reconsidérer la place de ce « chef-d’œuvre » jusque-là écarté, en le situant au cœur d’une ultime trilogie, où il paraîtrait désormais, aux côtés de « La Flûte » et du « Requiem ».

Voici un « plaidoyer pour Titus » qui est une invitation à reconsidérer l’ouvrage de Mozart, d’autant plus opportune qu’en 2006, année Mozart par excellence, deux nouvelles versions discographiques, aussi différentes que complémentaires, viennent de paraître.

Reconsidérer « la Clémenza di Tito »

Œuvre inclassable, vilipendée, écartée du corpus noble des opéras de la maturité, La clémence de Titus est incomprise. L’ouvrage est pourtant loin d’être faible. Il contient même le meilleur de Mozart et demeure le plus sous-évalué de ses derniers opéras.
Bénéficiant des trouvailles et de la maturité poétique de trois opéras de la trilogie écrite avec Da Ponte et qui sont portés au pinacle de la création lyrique, (Les Noces de Figaro, Don Giovanni puis Cosi fan tutte) ; contemporain de La Flûte Enchantée et du Requiem, Titus est infiniment plus qu’une commande bâclée, écrite sans pensée ni cohérence. Il est de notre point de vue, un ouvrage à reconsidérer, la pierre angulaire d’un nouveau corpus à réévaluer et comme les trois opéras que Mozart conçoit avec son librettiste Lorenzo da Ponte, l’élément d’une autre trilogie, composée avec La Flûte et le Requiem. La couleur particulière de l’orchestre dont nous parlerons plus loin, l’économie de l’invention, les valeurs des sujets traités, en rapport avec l’idéal maçonnique, lequel correspond à la pleine maturité de l’inspiration poétique, sont les dénominateurs communs de ce corpus de la fin.
En acceptant d’écrire un nouvel opéra né d’une commande impériale, Mozart revivifie un genre conventionnel, l’opera seria. Il s’inscrit dans ce sens dans le projet régénérateur de Gluck qui avait souhaité dans les années 1770, dépoussiérer lui aussi une forme asphyxiée par les contraintes que la tradition avait peu à peu imposé : succession des arias da capo de solistes coupant systématiquement la continuité de l’action, rareté des ensembles comme duos, trios, quintettes réservés plutôt à l’opera buffa, élévation digne et moralisatrice du sujet où les héros vertueux sont in fine récompensés, reconnus, célébrés…
Si l’on peut parler à propos de Gluck, dans ses deux Iphigénies, dans Alceste puis dans Orphée de renouvellement de la grande machine lyrique française, Mozart opère avec son œil critique et son sens inné de la dramaturgie, une recomposition sociale et psychologique du drame musical. Humanisation chez Gluck à force de dépouillement parfois compassée par excès de grandeur, vérité des êtres et chant des âmes en devenir chez un Mozart, plus proche du cœur, qui prolonge dans Titus, sa conception et sa philosophie d’un drame moderne, musical et textuel.
Autant Gluck demeure malgré ses tentatives, d’une raideur glacée propre au marbre antique, autant Mozart attendrit son propos, se place du côté du sentiment et de la compassion. Autant dire qu’il exporte dans le cadre tendu du seria, une vision humaine nouvelle qui donne davantage de vérité à ses personnages.

Illustration : L’empereur Joseph II et son jeune frère, le futur Leopold II (debout à gauche), commanditaire en 1791, de la Clemenza di Tito.

sommaire du dossier La Clémence de Titus

Un nouvel opéra
Titus, un seria résolument moderne
Contraintes et défis du seria
Quels indices pour une nouvelle estimation de Titus?
D’un sujet politique, Mozart élabore un opéra humaniste
Enchaînements de génie
La clarinette, instrument majeur
La Clemenza di Tito,
bibliographie & discographie

Mozart, la Clemenza di Tito

Mozart: nouvelle estimation de Titus

OPERA. Mozart: pour une nouvelle estimation de Titus

Titus se révèle une opportunité exceptionnelle pour redorer son blason dans l’arêne Viennoise où règne l’indiscutable quoique infiniment moins génial Salieri.
Mozart aurait reçu commande le 15 août pour une représentation officielle fixée au 6 septembre 1791, soit un peu moins de trois semaines pour satisfaire les vœux impériaux. Il aurait ainsi passé tout l’été 1791 à composer chacun des airs y compris dans la calèche le menant de Vienne à Prague où pour alléger son labeur, il demande à son élève Sussmaÿr d’écrire les recitativos non accompagnés.

Quels indices pour une nouvelle estimation de Titus?

joseph_en_piedsOr, il faudrait peut-être réviser cette urgence de l’écriture : la correspondance cite dès 1789, l’idée d’un canevas musical sur le thème de la Clemenza di Tito qui est alors un livret de Métastase parmi les plus  traités par les compositeurs.  Déjà à cette date soit deux années avant la création de Titus, Mozart propose au librettiste Caterino Mazzola de réviser le livret de Métastase, afin d’en faire un « vrai opéra » : réduction du texte, de trois actes en deux. Moins de mots, plus de situations fortes.  Avec la fulgurance que son génie a appris sur le canevas du buffa où les ensembles (duos/trios/quatuors et quintettes) sont habituels, Mozart a une idée précise du drame moderne. Il n’a cessé de réaliser cette ambition. Ne pourrions-nous pas reconnaître dans Titus, plutôt qu’une ébauche irrégulière et maladroite, l’accomplissement du génie mozartien dans le sens de la synthèse, de l’épure, de la mesure suggestive ?

Il savait parfaitement que le seria l’empêchait justement de développer ce en quoi il excelle : l’ambiguïté des formes, comiques et tragiques, amoureuses et héroïques. Qu’importe, il relève le défi et dans un contexte qui ne peut être que tragique et noble, son génie jamais en manque d’un renouvellement de l’invention, invente de nouveaux types. La princesse Vitellia emprunte le chemin tracé par Donna Elvira et Donna Anna (personnages de son Don Giovanni) en les synthétisant ; et Sesto incarne le plus humain des jeunes amants manipulés, trahis, humiliés, pris entre le désir de satisfaire son aimée, et le risque de trahir son bien le plus précieux, l’amitié de l’Empereur Titus. Masques de la scène héroïque devenus êtres de chair, palpitant par ses conflits et ses contradictions mêmes. Quant à Titus, Mozart qui écrit le rôle pour un ténor, se souvient d’Idoménée et de Don Ottavio, il conçoit un individu seul, isolé, accablé par la dignité impériale et dont le devoir du rang contraint la sensibilité de l’homme. En utilisant la forme de l’aria da capo, habituel pour les dieux et demi-dieux de l’opéra seria depuis ses débuts, et le réservant pour Titus, Mozart insiste davantage sur le carcan qui étreint l’individu.
Titus se présente en vérité idéalement pour affiner encore sa conception poétique du drame musical.
Une telle conception humaniste des personnages n’était pas sans quelques risques pour le compositeur. Elle contient l’essence même de sa dramaturgie la plus aboutie. Ni décoratif ni superficiel, le Titus de Mozart explore la veine sanguine, passionnelle de la trilogie et met l’accent sur l’évolution sensible des caractères. Aucun personnage grâce à son écriture ne s’enlise au type, codifié et statique ; la scène représente au contraire une galerie d’individualités soumises à transformation… nous dirions presque initiation allusive dont la musique indique une autre voie, parallèle au texte. Prenons par exemple, les options de l’instrumentation : frère de la Flûte et du Requiem, Titus utilise cette colonne maçonnique, habituellement usitée dans le service des loges franc-maçonnes, où retentissent les timbres des bois et des cuivres les plus sombres et les plus nobles selon les instruments et les interprètes présents : cors de basset, bassons, hautbois et trompettes. Ne manque que le trombone. On peut même affirmer que résonne à l’unisson de cette coloration instrumentale spécifique, une nouvelle trilogie à redécouvrir : les trois ouvrages de la fin, faisant contrepoint à la trilogie des opéras dapontiens : Titus, la Flûte enchantée et le Requiem. On sait que l’idéal franc-maçon met l’accent sur le pardon et la fraternité. Valeurs idéalement illustrées dans Titus.

Illustration :
Nous avons choisi pour illustrer notre dossier Titus, plusieurs fragments représentant la campagne romaine, choisis dans quelque tableaux de Nicolas Poussin, et aussi la figure de l’Empereur telle que Mozart pouvait l’approcher de son vivant. Ici, portrait en pieds de l’
Empereur Joseph II.

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