CRITIQUE CD. MĂ©lanie BrĂ©gant : ACCORGUEON : Mendelssohn, Franck, BoĂ«llmann, Escaich⊠( 1 cd Klarthe records) – MĂ©lanie BrĂ©gant dĂ©montre ici combien le clavier portatif nâa rien Ă envier au colossal orgue pour lesquelles les piĂšces sĂ©lectionnĂ©es ont Ă©tĂ© conçues originellement. DâemblĂ©e, la transcription pour lâorgue Ă bretelles nâentame en rien leur expressivitĂ©, leur gravitas, leur justesse comme leur pouvoir dâĂ©vocation : la distribution / rĂ©partition entre les voix et les mains, les options de registrations opĂšrent une adaptation depuis lâarchitecture originelle qui est in fine enrichissement et non appauvrissement.
Dâabord les 3 premiers morceaux dâune presque Ă©gale durĂ©e autour de 8 mn forme comme un triptyque « bachien »; deux romantiques faisant rĂ©vĂ©rence au dieu Jean-SĂ©bastien, leur art dĂ©coulant de la source baroqueâŠ
LâaccordĂ©oniste dĂ©voile chez Mendelssohn une ampleur habitĂ©e, dâune Ă©loquence sereine, lumineuse, confiante ; la variation est dâune souplesse vivace aux phrasĂ©s admirablement maĂźtrisĂ©s sur lâensemble du spectre sonore, soit 7 octaves (!).
Chez Franck, sâaffirme un mĂȘme calme olympien dont la profondeur voire la gravitĂ© (les fabuleux graves de lâaccordĂ©on de concert, ou « basses pĂ©dales » sollicitĂ©es Ă la main gauche) montre combien le liĂ©geois français a su recueillir et transcender lâart contrapuntique de Bach LâaccordĂ©on par sa richesse harmonique et lâart des nuances de lâinterprĂšte Ă©gale le spectre expressif du piano – comme on dit piano cathĂ©drale et piano orgue, lâaccordĂ©on rivalise avec les claviers les plus impressionnants et spectaculaires (la fugue prĂ©cise, sobre, droite comme hallucinĂ©e, suspendueâŠ).
Source inĂ©puisable, la passacaille de JS Bach semble surgir des trĂ©fonds mystĂ©rieux puis flotter entre solennitĂ© et gravitĂ©, en une traversĂ©e nocturne explorant les profondeurs dâun autre-monde.
La Suite « Gothique » de BoĂ«llmann (lui-mĂȘme organiste, fervent admirateur de Franck) Ă©tend les mĂȘmes rĂ©sonances graves, dâune longueur de son impĂ©riale (PrĂ©lude initial) ; le Menuet enjouĂ©, lĂ©ger, badine ; la priĂšre Ă Marie caresse, rassĂ©rĂšne par sa douceur qui rayonne ; avant que la toccata nâhypnotise par sa coupe prĂ©cise, ses syncopes agiles qui flottent, aĂ©riennesâŠ
Le jeu de MĂ©lanie BrĂ©gant force lâadmiration car Ă la sensibilitĂ© de lâinterprĂšte sâajoute aussi lâintelligence des choix opĂ©rĂ©s pour rĂ©ussir la transcription de lâorgue Ă lâaccordĂ©on soit des 2 mains et des 2 pieds de lâorganiste aux seules mains de lâaccordĂ©oniste (!) : finesse et subtilitĂ© dans lâindĂ©pendance distincte des voix simultanĂ©es (la Variation chez Franck), comme la nĂ©gociation avec les cĂ©sures du souffle quâimpose le seul soufflet⊠LâĂ©preuve en ce sens la plus emblĂ©matique a concernĂ© les 5 versets du Victimae Paschali de Thierry Escaich (1991) pour lesquels MĂ©lanie BrĂ©gant a fait Ćuvre de transcriptrice inspirĂ©e et pilotĂ©e par le compositeur organiste : lâaccordĂ©oniste ayant trouvĂ© lâaval de lâauteur rĂ©ussit la superposition des « univers antagonistes » comme Ă©lectrisĂ©s de lâintĂ©rieur par la riche texture harmonique et la volubilitĂ© de la trame rythmique. De quoi faire surgir et donner vie aux figures thĂ©matiques, vivaces et processionnelles telles des toccatas improvisĂ©es qui sâembrasent⊠Superbe programme : original et superbement rĂ©alisĂ©.
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Mélanie Brégant, accorguéon, accordéon de concert
FĂ©lix MENDELSSOHN (1809-1847) – Sonate en rĂ© mineur op. 65 n°6 (1er mouvement, Choral et variations)
CĂ©sar FRANCK (1822-1890) – PrĂ©lude, fugue et variations en si mineur op. 18
Jean-Sebastian BACH (1685-1750) – Passacaille en do mineur BWV 582
Johann PACHELBEL (1653-1706) – Chaconne en fa mineur P 42
LĂ©on BOELLMANN (1862-1897) – Suite Gothique op. 25
Thierry ESCAICH (1965) – Cinq versets sur le Victimae Paschali (1991)
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https://www.klarthe.com/index.php/fr/enregistrements/accorgueon-detail